Droit de la responsabilité civile
Première partie : le droit commun de la responsabilité délictuelle.
Chapitre premier : Introduction à la responsabilité délictuelle.
I) La définition de la responsabilité délictuelle.
Selon la définition positive, la responsabilité civile c’est l’obligation pour le responsable d’un dommage causé à une victime de le réparer. Institution permettant originellement de prendre en charge ce qui résultait d’un acte anormal, récemment le juge accepta de l’étendre aux conséquences d’un acte normal, point de vue discutable : un préjudice de la sorte n’étant au total qu’une conséquence normale de la vie en société. Il existe plusieurs autres responsabilités qui s’en différencient en plusieurs points :
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La responsabilité pénale : bien que le but principal soit de punir comportements anti-sociaux, il ne faut pas oublier sa fonction d’apaisement des conflits, les deux sont proches, à la fonction indemnitaire de la RC s’ajoute nécessairement une régulation des comportements. Enfin, un même comportement peut donner lieu à une RC et une RP.
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La responsabilité administrative : depuis l’arrêt CE 1873 Blanco lorsque l’état est responsable d’un dommage c’est le CE qui en principe est compétent, cela ayant des tempéraments légaux (loi contentieux automobile à la Ccass en 1957).
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La responsabilité contractuelle : couplée à celle délictuelle, ce sont toutes deux des responsabilités d’origine prétoriennes difficile à distinguer (la première tire son origine des insuffisances de la seconde). Or, depuis l’arrêt Ccass 21 janvier 1980, l’on ne peut se prévaloir de la seconde si la première existe. De ce fait, il est nécessaire de trancher pour chaque litige alors que bien souvent, les deux sont éligibles. A propos de la question de l’obligation de sécurité, l’arrêt Ccass 1911 Compagnie générale transatlantique l’avait d’abord classé dans l’ordre contractuel pour des raisons opportunes (si délictuelle, les victimes n’auraient pas toutes été indemnisées). Elle y revient dessus par les arrêt Ccass 1989 Valverde et Ccass 1998 Texier en la classant dans la délictuelle pour couvrir également les passagers fraudeurs des transports. La responsabilité n’est pas liée à la faute.
II) L’évolution historique de la responsabilité délictuelle.
A) Les origines : Rome à l’aube du Code civil.
Rome ne travaillait pas selon un système de responsabilité, il ne faisait qu’admettre que des personnes soient responsables des dommages causés. Sous les Royaume barbare, l’on fonctionne selon la vengeance privée de la loi du Talion. Rendre le mal par le mal c’est la manière à la fois de manifester la responsabilité civile et pénale. Le Roi, pour apaiser les relations sociales, propose qu’une compensation financière comprenant indemnisation aux victime et amende payée à l’état. Apparait plus clairement les prémices du droit de la responsabilité civile et pénale. Au XVIIe siècle, Domat donne un principe général qui justifie que la réparation doit suivre la commission d’une faute. Celui-ci inspirera le futur article 1240.
B) Le Code civil.
Tronchet, Bigot de Préameneu, Portalis et Maleville reprennent les écrits de Domat et édictent un droit commun de la responsabilité tournant autour de l’article 1240 lequel dispose que « tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». La rupture avec le droit romain est établi, un système est mis en place. Celui-ci permet à la fois de réparer et d’inciter à ne pas commettre, de peur des dommages-intérêts. Au total, la responsabilité civile a 3 fonctions : préventive, punitive et indemnitaire. A l’origine, l’idée est surtout de punir le fauteur, ayant en tête la terreur, l’on a à l’époque Napoléonienne une forte volonté de réguler les comportements sociaux.
C) Le XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle.
Avec l’industrialisation, arrivent des problèmes que les juristes de la France agricole de 1804 n’avaient pas pu prévoir (comment prouver la responsabilité de l’employeur à la suite de l’explosion d’une machine). La charge probatoire reposant sur les victimes, cela donne lieu à de nombreuses injustices, l’arrêt Ccass 1896 Teffaine révolutionne le domaine en affirmant que si un dommage est causé par une chose, le propriétaire en est responsable. L’arrêt Ccass 1930 Jeand’heur admet qu’on puisse être tenu responsable d’un dommage dont la faute ne nous revient pas. En l’espèce il force les conducteurs impliqués dans un accident touchant plusieurs véhicule de réparer les dommages qu’ils auraient causés, quand bien même ils n’auraient pas provoqués l’accident.
D) La seconde moitié du XXe siècle et la multiplication des faits spéciaux.
Jusqu’aux années 1970, le législateur se désintéresse de la responsabilité. Cependant, devant faire face à de nouveaux problèmes, (attentats, nucléaire, sida), il fut obligé de s’y remettre. Celui-ci cependant n’y répondit que par des lois catégorielles et de circonstance.
III) Les fonctions de la responsabilité délictuelle.
A) La mission de régulation.
But principal de la responsabilité civile en 1804, l’idée est d’empêcher qu’un dommage soit causé en faisant peser sur le responsable la charge de lourds dommages-intérêts à payer.
B) La mission d’indemnisation.
Aujourd'hui fonction naturelle de la responsabilité, la doctrine se divise sur le fait de savoir s’il ne faut retirer à la responsabilité civile sa fonction régulatrice ou non.
C) La mission d’empêcher.
Celle-ci admet deux facettes : autant empêcher que des actes illicites soient commis qu’éviter que des actes, n’étant pas une faute, mais qui pourraient avoir des conséquences (sans qu’on en soit sur). Préventive, l’on attend pas le dommage mais agit avant. De ce fait, beaucoup considèrent que l’inclure dans la responsabilité civile serait une mauvaise idée.
IV) Les fondements de la responsabilité délictuelle.
A) La faute.
Guide du législateur de 1804, la théorie du risque veut qu’on ne peut imposer de payer la charge du préjudice à un autre que s’il l’a causé (1240 et 1241). Aujourd'hui, l’existence de la responsabilité sans faute fit reculer ceux qui considéraient que sans elle, pas de responsabilité.
B) Le risque.
Défendue notamment par Saleilles et Josserand, elle veut qu’une personne ne soit pas uniquement responsable des dommages qu’ils cause mais aussi des risques qu’il prend ou fait prendre pour, ou non, en tirer avantage. Ainsi, la théorie du fait des choses voulant qu’on soit responsable des choses que l’on met en circulation à l’origine d’un dommage. La théorie du risque considère que si l’on doit profiter des gains conséquents d’une activité, il faut également en subir les risques générés. C’est l’idée centrale du droit des accidents de travail. Bien que générales, ces théories ne peuvent tout encadrer. La responsabilité des parents d’enfants mineurs responsables des dommages causés par ces derniers a été posée par l’arrêt Ccass 1997 Bertrand, dont Denis Mazeaud dit qu’elle n’est pas tant une responsabilité sans faute qu’un choix résultant du calcul réalisé par le juge lorsqu’il préfère faire peser la faute sur les parents, assurés, que sur l’enfant.
Chapitre second : le principe de la responsabilité civile.
I) La réparation du préjudice.
A) Identifier le préjudice.
1) Les catégories de préjudice.
a) Les différents chefs de préjudice.
i) La classification traditionnelle du dommage (siège de l’atteinte) matériel, moral et corporel.
Traditionnellement l’on distingue trois types de dommages :
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Le dommage matériel : celui causé à un bien de la victime.
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Le dommage moral : porte sur les sentiments ou l’honneur de la victime.
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Le dommage corporel ou physiologique : atteinte à l’intégrité physique de la personne, peut avoir des conséquences matérielles et morales ce qui fait de lui une catégorie à part.
ii) La distinction du préjudice (conséquence de l’atteinte) patrimonial et extra-patrimonial.
*) Le préjudice patrimonial
Toute atteinte aux intérêts économiques d’une personne. Peut venir tant d’une perte éprouvée que d’un gain manqué.
Préjudice patrimonial consécutif à une atteinte aux biens.
Le fait de détruire un bien a pour conséquence une perte de la valeur vénal, un trouve de la jouissance voire une perte de profit, tous indemnisables. Il est également possible d’y intégrer les atteintes aux biens incorporels (clientèle, maque, etc.).
Préjudice patrimonial consécutif à une atteinte à la personne.
L’idée est de prendre en compte les souffrances physico-morales mais aussi les frais médicaux et dépenses engagées liées à l’état de la victime ou encore le fait de ne plus pouvoir travailler (manque à gagner).
Le préjudice économique « pur ».
Celui qui n’est aucun des précédents, ce sont des hypothèses comme la perte d’un emploi sans cause réelle et sérieuse qui ne cause aucune perte si ce n’est économique.
**) Les préjudices extra-patrimoniaux.
Admis par la Ccass en 1833, l’idée n’est pas de compenser les conséquences de l’atteinte mais de permettre à la victime d’avoir une satisfaction en remplacement de l’atteinte à ses sentiments (préjudice moral).
Préjudices extra-patrimoniaux susceptibles d’être induits par un dommage corporel
Prix de la douleur, préjudice esthétique, prix d’agrément, ici l’on répare un préjudice corporel et l’on indemnise pour aider à se reconstruire.
Préjudices moraux « purs »
Préjudices ne venant pas d’une atteinte directe à la personne, l’on en admet plusieurs sortes :
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Le préjudice d’affection : l’arrêt Ccass 1962 Lunus est le premier à admettre que les dommages subis par une personne peuvent avoir des répercussions sur d’autres (ricochets) lesquelles sont indemnisables.
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Les préjudices résultants d’une atteinte aux droits de la personnalité : lorsqu’il est fait atteinte à un droit reconnu, l’on fait appel à la responsabilité civile pour l’indemniser. S’il faut traditionnellement démontrer l’existence d’un préjudice, comme c’est le cas pour l’atteinte à l’honneur, l’arrêt Ccass 1996 Caroline de Monaco posa le principe selon lequel concernant la vie privée, seule la preuve d’une atteinte était wxnécessaire. L’on constate qu’à mesure que les droits individuels prennent de l’ampleur, les juges s’affranchissent de plus en plus de cette exigence de prouver le préjudice.
b) Les différentes victimes de préjudices.
i) La victime immédiate et la victime par ricochet.
Généralement, l’on dit que le fait générateur atteinte une première personne (victime immédiate) avant de ricocher sur elle pour en toucher une seconde (victime par ricochet).
*) Les spécificités du préjudice par ricochet.
Si la nature du préjudice n’importe pas (patrimoniale ou extra-patrimoniale), seule une liste restreinte de victime est admise. Ainsi le sont ceux liés par parenté, alliance ou concubinage (en cas de décès). Dans ces cas, l’on présume de la qualité de victime par ricochet. Ceux qui ne le sont pas peuvent s’en faire reconnaitre, à leur charge de démontrer l’intensité du lien d’affection.
**) Les rapports entre le préjudice immédiat et le préjudice réfléchi
La victime par ricochet étant indemnisée distinctement de celle immédiate, l’on peut penser que les deux préjudice sont a priori différents. Cependant, en droit positif, lorsqu’on cherche à compenser un préjudice réfléchi, l’on étudie le fait générateur de celui immédiat, notamment parce que si la victime par ricochet est fautive, son indemnisation va se faire limiter.
ii) Les victimes conscientes et les victimes inconscientes.
Est-il nécessaire que la victime ait la capacité de se représenter le dommage qu’elle a subi ? Considérant un dommage esthétique, suffit il de constater l’existence de ce préjudice, ou faut-il recueillir nécessairement le ressentie de la victime sur sa condition. Dans le second cas, une personne inconsciente ne pouvant souffrir de son état, l’on se pose des question.
*) Les thèses en présence.
Deux thèses de son opposées :
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Thèse subjective : il n’y a pas de préjudice si la victime est incapable de se le représenter. Elle dénonce l’inutilité de la compensation dont la victime inconsciente ne peut jouir et n’ira de ce fait qu’aux héritiers (déjà indemnisés en tant que victime par ricochet) une fois celle-ci morte. Cependant, non seulement une personne inconsciente est sujet de droits dont il faut protéger les intérêts mais aussi la médecine ne sait toujours par dire si elles ne ressentent réellement rien.
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Thèse objective : il suffit de constater le préjudice pour qu’il soit inxo facto réparable.
b) La solution adoptée en droit positif.
La Ccass au départ partagée (la 2e chambre civile pour subjective, celle criminelle pour objective), trancha finalement en 1995 au profit de la thèse objective.
2) Les caractères du préjudice réparables.
a) Le caractère certain.
i) Le dommage actuel.
C’est un dommage déjà accompli et parce qu’il est accompli il est certain, le fait d’en souffrir règle ce caractère et l’actualité du dommage renforce sa certitude.
ii) La distinction du dommage futur et du dommage éventuel.
Le dommage futur ne s’est pas encore produit mais est certain (on a un accident dont on sait qu’il produit tel blessure sur le long terme), on admet alors la réparation si on a aucun moyen de le traiter préventivement. Depuis 1932, la Ccass à l’inverse refuse de réparer les « préjudices éventuels », ceux dont on ne sait s’ils vont arriver. Dans le cas où ils surviennent finalement, on les indemnise, ceux-là étant devenus actuels. Un moyen de contourner cette jurisprudence est l’indemnisation du risque du dommage (le propriétaire d’une maison construite au bord d’une falaise ébranlée par des travaux miniers est indemnisable, même chose pour les inondations) cependant la Ccass n’admet cette possibilité que selon des conditions très strictes.
iii) La perte d’une chance.
*) Notion
C’est la disparition par le fait du défendeur d’une éventualité favorable qui devait se produire dans un avenir proche et qui n’a pas pu être tenté. En 1966, une femme n’ayant pu passer la première partie de son bac demande indemnisation d’avoir du à renoncer à son avenir de pharmacienne. La Ccass répondit que se prévaloir d’une carrière hypothétique ne rentrait pas dans le cadre d’une perte de chance. En effet, la probabilité disparue doit faire directement la différence sur les chances qui, critère essentiel, doivent se jouer à très court termes (critère temporel). L’indemnité quant à elle ne peut s’évaluer à la valeur espéré, il subsistait nécessairement des probabilité indépendantes de l’accident qui faisaient qu’on ne pouvait pas réussir.
**) Applications.
Chance de réussir un concours, chance perdue de réussir une carrière, chance perdue de mener à bien une procédure judiciaire, chance perdue de survivre, de guérir, d’obtenir un médicament. On a une situation de probabilité.
b) Le caractère personnel
i) La consécration du préjudice collectif.
Dans un arrêt du XIXe siècle, la Cour de cassation reconnait un préjudice moral à la profession des pharmaciens, première consécration de l’existence d’un préjudice collectif. L’intérêt collectif, comme général, ne se réduit pas à la somme des intérêts individuel, il les transcende, c’est au total l’intérêt d’une collectivité d’individus qui ont un intérêt commun. En France, ceux qui peuvent agir son les syndicats, si la protection des intérêts est dans leurs compétences, et les associations, si le législateur leur permet de le faire (associations de consommateur, de défense de l’environnement, etc.). Ce sont des sortes de substituts du ministère public.
ii) La question du préjudice écologique pur.
En portant atteinte à l’environnement on atteint personne personnellement mais tout le monde en même temps. Au départ, la RC considérait que sans atteinte directe aux personnes ou aux biens l’on ne pouvait agir, or, des textes communautaires ont provoqué une évolution. Depuis 2016 les articles 1246 à 1252 en traite et l’article 1246 défini le préjudice écologique pur comme l’atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des bénéfices ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement. Les associations peuvent désormais obtenir des pollueurs l’indemnisation des préjudices causés aux personnes, l’indemnisation de ce que couta la dépollution, etc.
c) Le caractère légitime.
i) L’exigence abandonnée d’un lien de droit entre la victime directe et celle par ricochet.
Au départ, en 1863, l’on admis la réparation du préjudice causé au proche sans restriction : concubine et enfant naturel y compris. En 1937 les choses changent et ne peuvent se prétendre victime par ricochet que ceux qui ont un lien de droit avec la directe (mariage, enfants reconnus). En 1959, la chambre criminelle abandonne le lien de droit mais pas la chambre civile. L’arrêt Ccass 1970 Dangereux vient unifier les positions en acceptant d’indemniser la concubine (abandon définitif lien de droit). Aujourd'hui, la formule de la légitimité existe toujours pour refuser certaines indemnisations, cependant, elle a perdu son sens ancien.
ii) Les applications actuelles de l’exigence d’un intérêt légitime juridiquement protégé.
La jurisprudence refusant de stigmatiser les victimes de dommages s’étant mis dans une situation illicite (fraudeur du métro ayant un accident), elle admet que certains dommages existent sans pouvoir être réparables par le système juridique. Ainsi le. Ainsi le proxénète demandant réparation pour manque à gagner suite à l’accident que sa prostituée a subi ou le travailleur illégal à la suite d’un accident de travail. L’arrêt Ccass 2000 Perruche est particulièrement important en la matière. Dans l’arrêt Ccass 25 juin 1991, une femme dont l’avortement avait échoué et l’enfant était né viable s’était vu refuser indemnisation en ce que la naissance en elle même ne pouvait constituer un préjudice légitimement réparable, quand bien même le dommage soit. Dans l’affaire Perruche, un médecin avait échoué à diagnostiqué un cas de rubéole atteignant le fétus d’une mère s’étant exprimé pour l’avortement en cas de maladie intra-utérine. L’enfant était alors né handicapé. L’on se demanda si la naissance en elle même était un préjudice (pouvant donc emporter indemnisation). Le juge répondit par la négative et ajouta qu’il n’y avait pas de lien de causalité entre les actions du médecins et la contaminations de l’enfant par le virus, et donc de son anormalité. Un médecin provoquant l’anormalité peut être condamné, ce n’est pas le cas en l’espèce. La faute du médecin n’est alors que d’avoir conduit à la naissance (s’il avait correctement agi, l’enfant aurait été avorté). Si on ne peut indemniser la naissance, on peut néanmoins indemniser la naissance handicapée. Cela ne serait pas dire qu’il aurait mieux valu qu’il ne vive pas ? Dans une loi de 2002, le législateur conclu « nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance ».
B) La réparation du préjudice.
Selon J. Carbonnier, la réparation c’est « faire en sorte que le dommage n’ait été qu’un rêve ».
1) Le titulaire de la créance de réparation.
En principe c’est à la victime (ou à son tuteur si incapable) d’agir, il existe des situations qui invitent à la réflexion.
a) En cas de décès de la victime : la transmissibilité de la créance de réparation.
Si elle décède au cours de l’accident qui aurait pu générer l’action en RC, l’on considère qu’elle n’a jamais été titulaire de l’action, seules par ricochet le pourront. Si elle décède entre le dommage et le moment où le juge traite l’affaire, les héritiers prennent la place du decu jus et deviennent créanciers et débiteurs à la place de celui-ci. L’action est transmissible. Auparavant l’on considérait qu’un préjudice moral ne le pouvait mais depuis un arrêt de 1976, la Ccass a considéré que la transmissibilité de la créance à l’héritier se faisait sans restriction.
b) En cas de survie de la victime.
i) Peut-on « céder » sa créance de réparation à un tiers.
Si la cession de créance est théoriquement possible en droit français, la jurisprudence n’a pour l’instant pas encore tranché la question.
ii) Peut-on exercer l’action à la place de la victime capable ?
En principe non, seulement, l’action oblique de l’article 1341-1 du Code civil permettant au créancier de la victime d’agir en cas d’immobilisme de celle-ci pose des question. Bien que la jurisprudence n’ai pas tranché, l’on peut conclure que si on a un dommage patrimonial c’est possible mais pas s’il est extra-patrimonial.
iii) Peut-on saisir la créance de réparation.
Du fait du droit de gage général (2284), les créanciers de la victime peuvent théoriquement aller récupérer sa réparation. Elle se fait par voie d’exécution qui sont surtout les saisie, procédure par laquelle des biens sont remis à la justice ou à l’autorité administrative dans l’intérêt du créancier.
2) La détermination de la créance de réparation.
a) La règle : le principe de réparation intégrale.
Celui-ci implique qu’on répare tout le préjudice mais uniquement le préjudice. C’est apprécié par le juge.
b) Les modalités : réparation en nature et réparation par équivalent.
i) La réparation en nature.
On a la remise en l’état, des mesures de publicité (diffamation), la remise d’une chose équivalente, etc. Ces modalités classiques sont à côté des mesures de cessation des activités illicites et celles propres à faire cesser l’atteinte à un droit subjectif. On les considère comme des mesures de réparation en nature mais en réalité elles n’en sont pas vraiment.
ii) La réparation par équivalent.
*) Le rôle du juge dans l’évaluation de la réparation.
Son appréciation souveraine se fait in concreto, il détermine l’existence et l’étendu du préjudice.
**) La date d’évaluation de la réparation.
Le temps entre le dommage et le rendu de la décision pouvant être long, l’on considère qu’en cas de variation monétaire, l’on prend la valeur au moment du jugement.
***) L’évolution du dommage postérieurement au jugement.
En cas d’amélioration, rien n’est possible, cependant si aggravation du dommage il y a, la révision est possible.
****) Les modalités de la réparation pécuniaire.
Ici, le juge choisi entre l’allocation d’un capital ou le versement d’une rente, la seconde étant moins utilisée car pouvant poser problème.
3) L’existence temporelle de la créance de réparation.
a) Naissance de la créance de réparation.
Sujet peu clair, l’on a conclu en mettant bout à bout des jurisprudence qu’elle nait lors de l’accident mais devient définitive au moment du jugement.
b) Extinction de la créance de réparation.
Avant, l’article 2219 ancien du Cciv portait à 10 ans la prescription. Depuis 2008, l’article 2224 pose le délai de 5 ans partant du moment où le titulaire du droit a connu ou aurait du connaitre les faits permettant d’exercer l’action (dommage et fait générateur).
II) Les faits générateurs.
A) Les faits générateurs de responsabilité directes.
1) Le fait personnel (répond de notre comportement).
a) La notion de faute civile.
i) Le principe d’unité des fautes civiles
Reconnu principe constitutionnel par le Conseil constitutionnel en 1982, toute faute appelle à réparation. Le législateur voulant y déroger, doit avoir un motif légitime pour le faire. Il faut cependant la prouver (charge de la preuve libre incombant à la victime) d’autant que le système juridique repose sur une responsabilité du fait personnel prouvé et non présumé (même s’il existe des exceptions jurisprudentielles). Ce n’est qu’une fois que la faute est prouvée que l’on cherche à savoir si elle peut être contestée (circonstance de nature à nier la faute). Les texte ne définissant pas clairement la notion de faute, les juges durent statuer sur les bases des articles 1240 (n’a pas forcément voulu les conséquences mais a adopté un comportement : délit civil) et 1241 (n’a fauté que par négligence ou imprudence : quasi-délit). L’article 1383 pose le principe d’unité des fautes civiles : qu’importe qu’elles soient graves ou légères, la sanction est la même, réparation du dommage causé. En 1804, cela était justifié en disant qu’une faute légère emportait le plus souvent des conséquences légères. Ce n’est plus le cas aujourd'hui, mais le principe a subsisté.
ii) L’élément légal.
*) La violation d’une disposition expresse.
Si un fait contrevient à un élément légal, la qualification de faute est incontestable.
**) Le manquement à un devoir général.
Contrairement au droit pénal, en droit civil, une faute peut être caractérisée même lorsqu’on manque à un « devoir général ». Plusieurs doctrinaires se sont affrontés pour le définir. Certains le considèrent comme « acte contraire au droit », mais qu’est-ce qu’alors que le droit ? D’autres proposèrent que la faute soit définie comme la lésion d’un droit alors même que c’est ainsi que se défini le préjudice, d’autres on dit une atteinte à une confiance légitime. Planiol est venu conclure le débat en affirmant qu’un manquement à un devoir général c’est la violation d’une obligation préexistante, non inscrite dans un texte, charge à la jurisprudence de définir, casuistiquement, ce qu’aurait fait le « bon père de famille » et, désormais la « personne raisonnable ». La faute est contraire au standard (fait objectivement incorrect). Ça laisse grande liberté au juge.
***) L’abus dans l’exercice d’un droit.
La position du problème
Le fait d’user d’un de ses droit ou liberté peut-il devenir source de responsabilité pour quelqu’un ?
Les théories juridiques relatives à l’abus de droit
Soit les droits subjectifs sont strictement égoïstes et on ne peut en abuser, soit on accepte qu’ils aient en plus une fonction sociale, l’on admet qu’ils ont été également attribué dans l’intérêt de la communauté. Au XIXe et XXe siècle, deux juristes s’affrontent à ce sujet. Planiol affirme que lorsqu’on avait de l’abus, le droit exercé disparaissait, un même acte pouvant à la fois être exercice d’un droit et faute en même temps. Josserand, quand à lui dit qu’il n’y a rien de contradictoire la dedans et que, bien que les droits sont attribués pour toujours, ils ne sont pas uniquement des prérogatives égoïstes mais emportent également une fonction sociale qui, si transgressé, les transforme en abus. Ça devient un abus lorsqu’on en use d’une manière différente que ce pour quoi ils ont été attribué. Les droits, d’après lui, ont une fonction.
La solution de la jurisprudence
Le juge a distingué entre deux types de droits, ceux discrétionnaires, dont l’exercice ne peut mener à un quelconque abus, et ceux qui ne le sont pas. Ainsi, dans l’arrêt Ccass 1915 Clément Baillard, il classe le droit de propriété dans la seconde catégorie. A l’inverse, le droit à la vie et la liberté de conscience en sont.
iii) L’élément matériel
*) La faute de commission.
D’après l’article 1240 lequel dispose que « toute fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » suppose naturellement un acte positif.
**) La faute d’omission
La liberté individuelle impliquant celle de ne pas agir, il semble attentatoire de reprocher à quelqu’un de ne pas agir. Cependant, la jurisprudence distingue deux cas précis.
L’abstention dans l’action
Depuis l’arrêt Ccass 1951 Branly (pris sur les article 1240 et 1241), le fait de ne pas agir dans le cadre d’une activité plus générale peut être constitutif d’une faute : ne pas freiner en conduisant ou, comme en l’espèce, ne pas créditer un auteur dans un article de recherche.
L’abstention pure et simple
Le fait de ne rien faire peut-il être en lui-même constitutif d’une faute (Loisel : « qui peut et n’empêche pêche ») ? La Cour de cassation trancha en affirmant que cela l’était en présence d’une obligation légale, réglementaire ou lorsqu’il serait d’usage d’agir (comme le ferait une personne raisonnable).
iv) L’élément moral ?
*) Définition de l’élément moral.
Bien que dans les articles 1240 et 1241 il ne soit pas fait explicitement état du discernement, la finalité normative implique que pour se voir imputer une faute, il faut être capable de mesure les conséquences de ses actes. Un être sans conscience ne pouvant voir sa conscience engagée et ne pouvant, de ce fait, rien réparer.
**) La disparition de l’élément moral
La responsabilité des personnes morales.
Alors que l’article 1240 parle de « tout fait quelconque de l’homme », depuis le XIXe siècle, on a accepté que les personnes morales, bien que dénuées de conscience, puissent être tenus responsables de leur actes, notamment parce que les organes qui la composent en ont.
Les êtres sans conscience
Être conscient c’est non seulement être capable de prévoir les conséquences de ses actes que pouvoir en juger la valeur (bon ou mauvais). Un sans conscience ne pouvant être responsable, que faire lorsqu’une victime demande dédommagement et qu’on ne pourrait lui présenter de coupable ?
1° Les déments.
A l’origine frappée d’une incapacité civile, la jurisprudence avait tempéré cette règle en affirmant que bien qu’incapable légalement, une personne consciente au moment des faits pouvait voir sa responsabilité engagée, tout comme une personne inconsciente, du fait de sa propre responsabilité (un homme ivre). En 1968 le législateur intervint pour affirmer, au titre de l’article 414-13 que « celui qui a causé un dommage à autrui alors qu’il était sous l’empire d’un trouble mental n’en est pas moins obligé à réparation ». Deux choses sont dit :
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Un majeur atteint d’un trouble mental doit réparation d’un dommage commis sous ce trouble.
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Ce majeur n’a pas commis de faute (ne dit pas « est obligé », sans ce texte exceptionnel il ne pourrait avoir de droit à la réparation puisque d’après Carbonnier affirme que la faute nécessite un élément moral).
La jurisprudence a admis ce texte différemment de ce comment il a été écrit, cela en évinçant l’élément moral de la caractérisation de la faute. Dès 1968 et l’analyse de la jurisprudence l’on voit reculer l’exigence de cet élément moral.
2° Les infans
Peut-on reprocher sa faute à un enfant en bas âge n’ayant pas encore acquis le discernement (différemment de ceux l’ayant perdu). Au départ, la jurisprudence portait grand intérêt à l’élément moral, cherchant à caractériser subjectivement la faute. Cependant, à partir des arrêts Ccass 1984 Derguini et Ccass 1984 Lemaire, elle abandonna sa position pour une faute objective, ne supposant plus de vérifier la capacité de l’auteur à discerner ses actes. A partir de cette date, elle considère que pour reconnaitre la faute, il ne suffit que de démontrer que son comportement était anormal. S’il est certain qu’un adulte ayant perdu le discernement puisse-t-être comparé à un autre adulte « normal », par rapport à quel standard faut-il comparer les infans ? En 1996, une CA compara le comportement d’une petite fille de 4 ans à celui qu’on pourrait avoir à son âge. L’arrêt Ccass 28 février 1996 revint dessus et affirma qu’il fallait le faire uniquement par rapport à celui du bon père de famille, alors même que lorsqu’on étudie les actes des adultes, on le fait selon ses capacités professionnelles (étudiant responsable). Chez l’infans, on adapte pas, on le compare à un standard abstrait dont il est très loin de ce qui fait l’essence de celui-ci (situation à critiquer). En effet, si on le compare à un autre infans, sans discernement, il ne peut être tenu responsable de rien. La jurisprudence de la CA aurait annulé les arrêts de 1984. Cependant, cet arrêt n’a pas pour objectif que de garantir que des victimes non protégées soient indemnisées mais uniquement pour dire que les enfants, se causant des dommages à eux-mêmes, ne méritent qu’un droit à indemnisation limité.
Focus : la responsabilité du fait personnel est-elle encore une responsabilité pour faute
Devenue sans faute, elle n’a plus de fonction normative. Reprocher à ceux non doués de conscience des choses est bien la preuve qu’on ne cherche plus à réguler les comportements, uniquement à réparer. En effet, aujourd'hui, on ne demande de rechercher le discernement, uniquement lorsqu’on sait qu’il existe. On a retiré toute son utilité à la recherche, sans doute pour des considérations indemnitaires. Voire comment traite la proposition de loi ce problème.
***) Variété de l’élément moral : les degrés de gravité de la faute.
En vertu de l’unité de faute, toutes, qu’importe leur nature et leur gravité emportent réparation. Cependant, certaines peuvent entrainer des conséquences supplémentaires. Peut-on alors constituer une hiérarchie ? Il n’y en a pas d’officielle mais l’on peut en distinguer plusieurs.
Négligence, imprudence et faute simple
Faute non-intentionnelle, l’auteur n’était pas animé par la volonté de nuire (hypothèse parfois du quasi-délit). Le juge réalise son appréciation in abstracto en se référant au standard de comportement d’une personne raisonnable ou, si l’affaire s’y prête plus, à un standard introduisant des éléments propres à l’individu et à sa qualité professionnelles (le chirurgien raisonnable).
Faute non-intentionnelle et faute intentionnelle.
1° Définition
Animé d’une intention de nuire et de produire un dommage, si intentionnelle, la faute est grave. Qu’elle le soit ou non, la faute doit être réparée, cela pose simplement un enjeu par rapport à l’assurance.
2° Conséquences
D’après l’article L113-1 du Code des assurances, « les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l’assuré sont à la charge de l’assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. Toutefois, l’assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d’une faute intentionnelle ou dolosive de l’assuré ». Le problème étant qu’en cas de faute intentionnelle, la victime peut ne pas se faire indemniser du fait de l’incapacité à payer du fautif. La situation lui est très défavorable.
Faute inexcusable
Présent dans certains codes spéciaux, il s’agit de la faute d’avoir conscience du danger mais de ne pas le prendre en compte ou encore d’avoir un comportement tellement absurde qu’il est impossible à excuser.
b) La négation de la faute civile.
i) Les circonstances extérieures
*) Ordre ou permission de la loi.
Parfois, la loi peut forcer d’adopter un comportement que l’on pourrait considérer fautif. Ainsi le médecin doit rompre le secret médical pour déclarer les cas de syphilis. Ce justificatif légal empêche la reconnaissance de la faute civile. Le juge choisi souverainement quel norme préférer en fonction de l’intérêt général.
**) L’état de nécessité.
C’est l’hypothèse où l’on cause un dommage pour en éviter un autre plus grave. L’état d’une personne qui ne peut sauvegarder ses intérêts légitimes ou ceux de quelqu’un d’autre qu’en commettant une faute. Ainsi l’automobiliste qui s’encastre dans une devanture de magasin pour éviter un enfant. La victime
ii) L’attitude de la victime
*) La légitime défense
Empruntée au droit pénal, l’auteur n’est pas fautif si circonstance ne pouvait agir autrement qu’en se défendant :
-
Attaque injuste
-
Réponse proportionnée à l’attaque.
**) Le consentement de la victime.
Quand on se trouve face à une victime qui a consenti. Est-ce que le consentement de la victime au dommage est de nature à remettre en cause la faute de l’auteur ? Oui, le consentement peut constituer un fait justificatif au sujet des biens. Mais est-ce qu’on peut mener le même raisonnement en présence d’une atteinte au corps ? Ici la jurisprudence ne voit pas un fait justificatif qui fait disparaitre la faute. On y voit deux fautes : de l’auteur et de la victime ce qui conduit à une exonération partielle. On fait mal en sachant qu’on fait mal.
2) Le fait des choses
a) L’émergence d’un principe général.
i) Les cas spéciaux de responsabilité du fait des choses des articles 1243 et 1244.
Le Code civil, répondant aux nécessité de la société agraire de 1804, n’admettait que deux hypothèse de la responsabilité du fait des choses : celle des animaux et celle des bâtiments en ruine. L’arrivée du XIXe siècle amène son lot de nouveaux dommages, en particulier ceux causés par les machines et les transports. Ignorant la pénurie, le législateur est finalement intervenu au cas par cas. Le domaine résulte donc surtout de la jurisprudence.
*) La responsabilité du fait des animaux (1243).
« Le propriétaire d’un animal, ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage, est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fut sous sa garde, soit qu’il fut égaré ou échappé ».
La personne responsable
Le texte offre une alternative aux victimes entre deux personnes. En principe, c’est le propriétaire qui est responsable. Cependant, lorsque celui-ci ne peut être identifié, l’on peut rechercher celui qui se servait effectivement de l’animal. L’arrêt Ccass 1941 Franck définissant la garde comme celle matérielle, regroupant donc les trois pouvoir de garde (pouvoir d’usage, pouvoir de direction, pouvoir de contrôle)
Les animaux
« La où la loi ne distingue pas, il n’a pas lieu de distinguer », celle-ci ne faisant la différence entre les choses animées et inanimées, les espèces, les animaux dangereux ou non, on ne distingue pas. S’est posé la question des animaux domestiques ou sauvages, la conséquence du second étant que sans propriétaire désigné, les victimes ne peuvent se retourner contre personne pour obtenir indemnisation.
**) La responsabilité du fait de la ruine des bâtiments (1244).
« Le propriétaire d’un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu’elle est arrivée par une suite du défaut d’entretien ou par le vice de sa construction ».
😊) La personne responsable
Ici, c’est la garde légale qui joue, seul le propriétaire est responsable, pas le locataire.
😊) L’état du bâtiment
La ruine du bâtiment
La jurisprudence a circonscrit la notion de bâtiment en toute construction en matériaux durables élevée par la main de l’homme et fixé au sol. Ça exclu grottes, construction provisoires, palissades, etc. mais inclus murs, escaliers, clôtures, ponts, balcons, granges, etc. La ruine, finalement, c’est l’idée que le dommage vient d’un dégradation partielle ou totale de tout ou partie d’un bâtiment provenant d’un défaut d’entretien (effondrement d’une voiture, d’un plancher, de la chute d’une clôture, d’un balcon).
Le défaut d’entretien ou le vice de construction
Ce double critère nécessite pour la victime d’identifier l’origine de la ruine pour engager la responsabilité. L’origine doit être imputable. Pour protéger les victimes, la jurisprudence a étendu le défaut d’entretien à la notion de vétusté (vieillissement). Liste au départ exhaustive, la révolution industrielle força la jurisprudence à s’étendre.
L’abandon du caractère limitatif des textes du Code civil.
S’inspirant de l’article 1242 al 1er lequel dispose notamment que « on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais aussi celui du fait des personnes que l’on doit répondre ou des choses que l’on a sur sa garde », le juge publie l’arrêt Ccass 1896 Teffaine à partir duquel il invente un principe général de responsabilité du faite des choses. En l’espèce, il rend responsable le propriétaire d’un camion dont le défaut de construction de la chaudière provoqua son explosion de la mort de l’ouvrier tué. Le juge écarte la thèse de la faute, celle-ci imputant au constructeur originel. Or, ce qu’elle veut faire reconnaitre, c’est la responsabilité du propriétaire. Au total, le juge se désintéresse du responsable de la faute mais affirme au contraire que le propriétaire est dans tous les cas responsable des dommages causés par son bien. Cet arrêt a trois conséquences :
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L’article 1242 d’annonce devient normatif, on en tire désormais une règle de droit.
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On peut être responsable sans faute, la faute n’explique plus le mécanisme de responsabilité.
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La liste du Code civil en matière de responsabilité du fait des choses n’est pas limitative, il y’a des responsabilités pour des choses qui ne sont ni des animaux, ni des bâtiments en ruine.
Pris à la fin du XIXe siècle, l’arrêt Teffaine est à l’origine de la loi de 1898 sur les accidents de travail, source de la sécurité sociale en devenir. Les doctrinaires commentant largement l’arrêt, plusieurs questions nouvelles en découlent.
ii) La nature de la responsabilité du fait des choses.
Un dommage est arrivée du fait d’une chose, on se demande si le gardien peut démontrer qu’il n’a pas fauté pour se voir exonérer de responsabilité. L’arrêt Teffaine répond que la présomption de responsabilité « ne peut être détruite que par la preuve d’un cas fortuit ou de force majeur d’une cause étrangère qui ne lui soit pas imputable ; qu’il ne suffit pas de prouver qu’il n’a commis aucune faute ». L’absence de faute n’est donc pas une cause d’exonération, la faut est donc indifférente, la responsabilité est donc sans faute (la Ccass parle de présomption de responsabilité, d’autres objectives, d’autres de plein droit).
Trois conséquences :
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Responsabilité sans faute
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Consécration de 1244
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La faute n’est plus une cause d’exonération, elle est indifférente de la responsabilité.
C’est le départ de la responsabilité fondé sur le risque, on voit les débuts de l’idée que la faute n’est pas le seul facteur créateur de responsabilité. A quelle condition donc cette responsabilité est engagée : l’on doit aller chercher le fait générateur (fait de la chose) et le gardien. Quel fait de la chose est susceptible d’engager la responsabilité et quel est le garde de la chose faisant. L’arrêt Ccass 1930 Jand’heur affirme que la responsabilité du fait des choses n’est pas fondée sur la faute. Au début du XXe siècle, le contentieux des accidents de la circulation (avec action de la main de l’homme donc) va prendre une telle importance qu’en 1985 le législateur interviendra pour prendre une loi spéciale réduisant le champs naturel de l’article 1244 al 1er (responsabilité partagée entre tous ceux concernés).
iii) Le fait de la chose.
*) La chose
Elles sont soit animées, soit inanimée. Ayant un texte pour les premiers (animaux), ils ne rentrent pas dans le cadre de l’article 1242. L’article est au total d’application très générale puisque s’appliquant à toutes les choses ne bénéficiant pas de texte spécial. Pour arriver à cette généralité, la Ccass du répondre à plusieurs questions. S’applique-t-il aux immeubles alors que l’article 1244 existe ? En 1928 la Ccass répond que oui en disant que le texte précité ne traite que des bâtiments causant un dommage du fait d’un vice de construction ou d’une ruine. A propos de la faute des immeubles, l’alinéa 2e de l’article 1242, arrivé plus tard, refuse d’engager la responsabilité du gardien de l’immeuble ayant pris feu, à moins que celui-ci, ou les personnes dont il a la garde, ont commis une faute. Cet aliéna ayant été pris à la suite du jeu d’influence lancé par les assureurs à la suite de l’incendie de la gare de Bordeaux, ceux-là ne voulant pas être tenus responsables des dégâts matériels. Dans une autre idée, on s’est demandé si on pouvait avoir une responsabilité du fait de la chose pour des fumées ou des ondes, la Ccass répondit que oui. La substance de la chose n’est pas une source de distinction. Certains ont proposé de distinguer selon que la chose est actionnée par la main de l’homme ou non, l’arrêt Jeand’heur répondit que non. Enfin, l’on proposa de distinguer selon les choses dangereuses. La ccass répondit que si une chose a causé un dommage c’est qu’au final elle peut être dangereuse. La dangerosité d’une catégorie de choses étant souvent l’origine de l’édiction de régimes spéciaux. La Ccass considérant que c’était au total de la responsabilité du législateur que d’intervenir. Dernière question, est-ce que le corps est une chose ? Ça s’est posé dans les cas de collision entre personnes. La Ccass répondit que le corps ne pouvait être une chose mais, par exception, lorsque le corps et la chose ne font qu’un (ski et corps, cycle et corps) et que la chose nous applique son énergie kinétique, la responsabilité du fait des choses est éligible.
**) Le fait de la chose.
Le juge défini le fait de la chose comme le rôle actif (rôle causal), la chose doit avoir été l’instrument du dommage. Il n’y a donc pas responsabilité du fait des choses si elles n’ont qu’un rôle passif. Le rôle passif c’est la chose est dans une position, comportement, fonctionnement normal. Le rôle actif c’est anormal. La jurisprudence a défini le rôle passif, de laquelle on en déduit le rôle actif. En 1941, par l’arrêt Franck le juge édicte une présomption simple de rôle actif lorsqu’il y’a contact entre le siège du dommage et la chose. En présomption simple, la supposé responsable n’a qu’à démontrer que le comportement de sa chose ne s’est pas éloignée de son rôle passif. Il y a eu une évolution, elle est revenu sur sa jurisprudence pour dire qu’il y avait une présomption de rôle actif irréfragable si la chose était en mouvement et entrait en contact avec le siège du dommage.
Affaire des bris de glace : responsabilité pour le propriétaire de la vitre contre laquelle le passant se cogne (les bouts de verre sont en mouvement lorsqu’ils tombent).
Affaire du plot : revient sur bris de glace, en sortant d’un magasin d’une grande surface une mamie se cogne contre un poteau, tombe et se fait mal. Y a-t-il rôle actif présumé ? La CA répond que non, la Ccass revient dessus en disant qu’il y a présomption de rôle actif dès qu’il y a contact. La responsabilité du propriétaire est donc sans faute. Pour autant, l’indemnité est là pour prendre en charge les conséquences de ce qui n’est pas normal, on se demande en quoi est-ce anomal qu’un poteau soit là ? Le dommage provient de notre comportement. La ccass affirme donc que même lorsque tout se passe normalement, il peut y avoir un dommage.
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Aujourd’hui, il n’y a plus de jurisprudence d’exonération. Il n’en demeure pas moins que les 20 dernières années ont été le siège d’une évolution jurisprudentielle perplexe. A partir de 1998 et jusqu’en 2003, la Ccass a rendu des décisions particulièrement délicates à comprendre. On est à une date où si il y a une présomption de rôle actif, elle est irréfragable, à partir de 1998 on a une série de décisions.
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Les 2 jurisprudences les plus choquantes datent de 2001 et 2003. On a un parking de supermarché avec un passage piéton, celui-ci était en blanc et le poteau en rouge, quelqu’un prend le poteau, on a la question de la R du supermarché du fait de sa chose (le poteau), y a-t-il présomption de rôle actif irréfragable, la Ccass dit que le poteau a eu un rôle actif, et je ne peux pas démontrer le rôle passif car la présomption est irréfragable, la difficulté : la présomption de rôle actif en cas de simple contact 1941, pourquoi pas mais c’est une époque où la présomption était simple. Dire en 2003 qu’il y a une présomption de rôle actif, que la chose a été l’instrument du dommage et que cette présomption est irréfragable cela veut dire que si demain quelqu’un se blesse en se jetant sur notre voiture alors qu’on est en cours on est quand même responsable. Ces jurisprudences entre 1998 et 2003 sont critiquées, il ne faut pas que les gens aient des comportements aberrants, la responsabilité suppose quand même qu’il y ait eu quelque chose d’anormal.
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Depuis 2003, la jurisprudence est revenu à plus d’orthodoxie, en 2004 elle est revenue sur sa jurisprudence sur les bris de glaces, en 2010 et 2012 elle est revenue sur l’idée que le seul contact entre le siège du dommage et la chose pouvait être à l’origine d’une présomption irréfragable de rôle actif, l’affaire de 2012 c’était dans un jardin, on a une plante qu’on aide à pousser avec un tuteur, une fille se fait empalée sur le tuteur. La Ccass dit que le tuteur était dans une position normale, le dommage est causé par le comportement de la fille.
iv) La garde
*) La définition du gardien
😊) Les pouvoirs de la garde
Soit on va chercher la garde juridique (propriété), soit celle matérielle (pouvoir de fait sur la chose). L’arrêt Ccass 1941 Franck tranche pour la seconde, revenant sur une jurisprudence de 1936 prise en sens contraire. Ce choix est fait pour forcer les gens d’assumer les conséquences de leurs actes. La jurisprudence tranchait pour la théorie du risque, en 1941 il met en exergue le critère de la faute. Dans l’arrêt Franck, la Ccass définit la garde comme :
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L’usage, fait de maitriser une chose (on s’en sert)
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Le contrôle, fait d’être en position d’éviter que cette chose fonctionne anormalement
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La direction, fait de décider de la finalité de son emploi.
😊😊 ) La conscience du gardien
Lorsque défini, ces pouvoirs posent des questions. Toute personne est elle en mesure d’avoir un contrôle total d’une chose ? Les êtres sans discernements sont ils en position de décider de la finalité de l’emploi d’une chose ? D’emblée on considère qu’une personne morale peut être gardienne (elles peuvent bien commettre des fautes). Mais les personnes n’ayant encore ou plus de conscience, peuvent-ils être tenus responsables. Deux arrêts en traitent :
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L’arrêt Ccass 1964 Trichard : un conducteur entre en crise d’épilepsie, peut-on dire qu’il a encore le contrôle et la direction ? La Ccass répond que oui, et peut donc être considéré comme gardien (il y a un enjeu indemnitaire).
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L’arrêt Ccass 1984 Gabillet : un enfant de 3 ans éborgne un camarade avec un bâton, le juge répond qu’il est responsable et peut être gardien.
**) Le choix du gardien.
😊) La présomption liée à la propriété de la chose.
En principe, la garde n’est pas cumulative mais alternative. On ne peut être gardien à plusieurs d’une chose que s’ils partagent les mêmes pouvoirs. Or, lorsque deux personnes sont susceptibles d’être gardien d’une chose, il faudrait que les victimes démontrent qui est le gardien. Le juge mis en place une présomption disant que le propriétaire est présumé gardien. C’est une présomption simple, pour s’en défaire il doit démontrer le transfert, ou la perte de la garde sur la tête d’une autre personne. Celui qui se bat ce n’est plus la victime mais le propriétaire. Il doit prouver qu’il (1) n’a plus la garde et (2) démontrer qu’une autre personne les a. Soit le transfert est voulu et l’échec de l’identification du gardien conclu à la responsabilité du propriétaire. Soit il a été dépossédé de la chose et doit prouver qu’il l’a plus et que c’est quelqu’un d’autre qui a la garde. S’il échoue il sera aussi présumé gardien.
😊😊) La pluralité de gardiens.
La garde collective
On ne peut pas être le gardien et la victime, l’un des gardes se blessant ne pourra demander indemnisation de son préjudice. La garde collective joue surtout dans l’hypothèse des jeux de balle, tous les joueurs seront considérés gardiens du ballon. Cependant, si l’on constate qu’une personne a un pouvoir prédominant sur les autres, il est seul gardien (le skippeur garde le bateau). Dans l’arrêt Ccass 1998, des enfants jouent aux cowboys et indiens, un tire une flèche qui arrive dans l’œil d’un autre. Si tous sont gardiens, celui qui la reçoit ne peut se faire indemniser. Le juge déclare que seuls sont gardiens ceux qui sont du même groupe (assaillants vs assiégés). C’est bien souvent une question d’opportunité qui délimite la garde collective. L’arrêt Ccass 2002, des enfants jouent au baseball et un est éborgné par la balle. La Ccass ne se demande pas qui a la garde de la balle mais qui a la garde de la raquette, imprimant son énergie cinétique à la balle, arrivant dans l’œil de la victime.
La garde de la structure et la garde du comportement.
C’est une hypothèse qui est arrivé avec un arrêt du 5 janvier 1956 l’arrêt oxygène liquide. On a ici une chose qui est dotée d’un dynamisme propre. On peut être le gardien de la bouteille mais ce qui se passe à l’intérieur de la bouteille n’est pas de notre ressort. On a donc proposé un fractionnement de la garde : un gardien du comportement donc qui a l’usage et un gardien de la structure donc qui a construit la chose et qui en a la garde de la structure et du comportement. Quand il transmet a un transporteur alors il perd la garde du comportent mais en a toujours la garde de la structure. C’est au départ une proposition doctrinale qui a eu un écho dans l’affaire oxygène liquide. La Ccass dans cette affaire adhère à la thèse défendue, elle l’admet en disant que la société n’a pas perdu la garde de la chose puisqu’elle garde la structure et en même temps elle en perd une partie car le gardien du comportement est le transporteur.
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A l’occasion de ce transport, la bouteille explose, l’explosion est liée au transport ou à la fabrication ? Si c’est un défaut de manutention du transport, c’est un défaut de la chose. Le défaut de fabrication : la défaillance trouve son origine dans le métal alors le fabricant est déclaré gardien. Quand on a une chose dotée d’un mécanisme propre on doit identifier qui a la garde du comportement et qui a la garde structurelle.
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Cette distinction est aujourd’hui largement délaissée par la jurisprudence. Cette solution est en recul car elle pose deux soucis :
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Une difficulté de preuve, la victime de la bouteille de gaz doit déterminer si c’est un problème de structure ou de comportement, on est en train de mettre la charge de la preuve sur elle, si elle arrive pas à démontrer elle ne sera pas indemnisée.
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Son champ d’application, c’est valable pour les choses dotées d’un dynamisme propre, si je compare une bouteille d’eau plate et une autre d’eau gazeuse, ici on a un dynamisme propre que dans l’eau gazeuse on peut donc aller chercher la distinction entre structure et comportement. Donc la société est la seule à avoir le pouvoir contrôler.
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On a 2 faits générateurs de R directe : notre fait personnel ou le fait dont on a la garde est susceptible d’engager la R. Il y a des situations où l’on risque de voir notre R engagée de façon indirecte.
B) Les faits générateurs de responsabilités indirectes.
Préliminaires : comprendre le mécanisme de la responsabilité du fait d’autrui.
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Ici on a 3 personnes, l’idée est que je ne me suis pas fait mal seul ou par une chose à moi, on est pas deux donc pas de dommage causé par une autre personne, on est 3 : on a la victime, le gardé qui est autrui et le gardien qui est responsable du fait du gardé donc du fait d’autrui. On a pas de principe général du fait d’autrui. C’est un mécanisme d’exception. Il ne faut pas dire que c’est une fausse responsabilité du fait d’autrui, par exemple si on garde un enfant que l’on ne surveille pas bien et qui cause un dommage à quelqu’un on peut être attaqué car on n’a pas surveillé l’enfant, ce n’est pas un mécanisme de responsabilité du fait d’autrui ici c’est nous le responsable donc R du fait personnel.
On a une victime, un autrui le gardé et le responsable d’autrui donc le gardien. Le gardé cause le dommage soit par une faute soit par l’utilisation d’une chose. La R du fait d’autrui c’est que la victime ne décide pas d’agir contre autrui mais contre celui qui garde autrui donc on a 3 rapports juridiques possibles :
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Autrui et la victime : on cherche ici le fait générateur.
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Gardien et gardé : on cherche la raison d’être de la R du fait d’autrui. Donc pourquoi on cherche celui qui est gardien de celui qui a causé le dommage, en général c’est lié à une autorité.
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Victime et gardien : l’action en responsabilité.
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Il faut dans ce schéma toujours identifier et préciser le rapport juridique que l’on étudie :
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Le rapport victime/ gardé : on détermine l’existence ou non d’un fait générateur.
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Le rapport gardé/gardien : on détermine la raison d’être de ce mécanisme spécifique.
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Le rapport victime/gardien : on détermine l’action en R du fait d’autrui.
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La construction juridique de la R du fait d’autrui peut avoir différents modèles, une fois qu’on a les trois personnes on a plusieurs modèle et l’enjeu se fait sur :
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Le fait que la victime puisse agir contre le gardien et le gardé ou alors seulement contre le gardien.
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Et lorsque le responsable a payé peut il lui avoir un recours contre le gardé ?
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Les deux modèles viennent de la réponse à ces deux questions :
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Le 1er : la R pour autrui, c’est le cas ou on dit que le gardien est responsable pour autrui donc avec autrui, à côté de lui donc on offre à la victime deux responsables, la victime peut agir contre les 2, pour se protéger on la laisse face à deux personnes et non une seule en estimant que l’indemnisation sinon ne sera pas folle. Dans ce cas le gardien est responsable avec autrui. On peut agir contre autrui, contre le gardien et les deux. Mais le gardien peut aussi agir contre autrui pour partager la responsabilité. C’est le schéma parental.
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Le 2ème : c’est la R par autrui, on ne peut agir que contre le responsable d’autrui, le gardé a une forme d’irresponsabilité, il est protégé de l’action de la victime et du gardien. On est responsable à la place d’autrui ici. On a un autre responsable mais pas deux responsables donc certaines personnes n’assumeront jamais leur comportement fautif. C’est le cas de la responsabilité du patron pour son salarié.
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On a aussi des cas de substitution de responsabilité, on a le cas des instituteurs avec leurs élèves, on a un responsable substitué qui est l’Etat, on a une victime, un gardien : l’instituteur, un gardé : l’élève, et l’Etat qui protège le gardien donc l’instituteur.
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Enfin, on connait des mutations contemporaines, dans l’article 1384 alinéa 2 et suivant dans leur version de 1804 on a une liste limitative de cas spéciaux, des textes vieux qui ont évolué grâce à la jurisprudence. La Ccass va donc inventer à coté de cette liste de cas, d’autres cas particuliers. On a de la technique, des textes vieux et une création jurisprudentielle.
Chapitre 1 : Les cas spéciaux de responsabilité du fait d’autrui.
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On a 3 modèles : les instituteurs, les parents et les commettants. La liste des cas spéciaux de R du fait d’autrui est à l’article 1384 al 4, actuel article 1242 du Code civil. Ce qu’il faut comprendre c’est que parler de R spéciale du fait d’autrui c’est désigner une catégorie de personnes responsables d’une autre catégorie, il faut trouver une justification. Quelque part, même si certains cas seront moins spéciaux que d’autres, il ne peut pas exister un principe général de R du fait d’autrui car dans notre système chacun est son propre maître. Le principe est qu’on est R pour soimême et être R pour autrui c’est un mécanisme exceptionnel.
I) La responsabilité pour autrui : le cas des parents.
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La Ccass en changeant la nature à forcément changé les conditions. Dans un système juridique les règles doivent être cohérentes les unes avec les autres, si on change de fondement on n’a forcément plus les mêmes conditions. Ces conditions sont influencées au gré des affaires arrivant de la Ccass. On est sur une une R réglementée en vertu de l’article 1242.
A) La nature de la responsabilité des pères et mères.
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C’est se poser la question de si on est dans une R pour faute ou sans faute des parents. Sont ils responsables parce que eux ont commis une faute ou indépendamment du fait qu’ils ont ou pas commis une faute.
1) Abandon de la présomption de faute de surveillance et d’éducation.
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On a deux temps : le premier où on était dans le régime du Code civil abandonnée en 1997, à cette époque on considérait que les parents étaient responsable du dommage causée par leur enfant parce que s’il le faisait alors c’était parce qu’ils avaient commis une faute d’éducation ou surveillance qui était présumée. Les parents devaient donc démontrer qu’ils n’avaient commis aucun faute. Donc au départ on considérait que le dommage de l’enfant venait d’une faute d’éducation ou surveillance des parents.
2) La reconnaissance d’une responsabilité sans faute.
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Dès les années 1980 il était compliqué de s’exonérer, de démontrer qu’ils étaient des parents parfaits. Le moment où les principes volent en éclat c’est en 1997 que la Ccass reconnait que sur l’article 1242 pour nous ce n’est plus une R fondée sur une présomption de faute, c’est l’arrêt BERTRAND du 19 février 1997. Dans cette affaire on a une collision entre un vélo d’un enfant et une moto d’un adulte, l’adulte est blessé est demande réparation au père. La Ccass va dire que l’arrêt d’appel a exactement précisé que la faute ici est indifférente, la R serait de plein droit, sans faute. En pratique ça faisait une vingtaine d’années que les parents avaient du mal à s’exonérer d’une absence de faute. Donc avant 1997 on peut démontrer que l’on a pas commis de faute, avec l’arrêt on a une R de plein droit, sans faute des parents, les seules exonérations possibles sont la force majeure et la faute de la victime.
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On a donc une R sans faute mais dans ce cas pourquoi est on R pour l’enfant ? Si ce n’est pas lié au fait d’une faute c’est autre chose, on a donc eu une bataille doctrinale. On entre ici dans le périmètre de la R pour risque, le risque c’est l’enfant donc on fait un enfant on crée un risque pour la société. En réalité ici cette théorie ne fonctionne pas. Mais si la Ccass a fait ce revirement c’est pour autre chose que l’on trouve dans son rapport annuel. Et dans le rapport de 1997 il y a un article sur cette jurisprudence, le RP dit que 99% des parents ont une assurance chef de famille et donc c’est eux qui sont assurés et qui ont la capacité de savoir que leur enfant peut commettre un dommage. Et donc les parents sont les mieux placés pour faire jouer leur assurance.
B) Les conditions de la responsabilité des père et mère.
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Ces conditions se rassemblent autour de 2 éléments elles sont d’abord relatives aux parents puis à l’enfant, il y en a 4. On a l’autorité parentale et la cohabitation pour les parents. Et le fait de l’enfant et la minorité pour l’enfant.
1) Les conditions relatives aux parents.
Ces deux conditions mises ensemble c’est l’idée qu’on veut que les parents aient une autorité effective sur l’enfant pour être tous les deux responsables de l’enfant. Ce sont des conditions cumulatives.
a) L’autorité parentale.
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Elle reste d’une loi du 4 mars 2011 avant c’était ce que l’on appelait le droit de garde. On attache la R à l’exercice de l’autorité parentale, mais on peut être deux ou seul à l’exercer. En principe on est deux mais dans certaines situations d’exceptions comme parent décédé alors c’est différent. Si on a deux parents qui assument l’autorité parentale ils vont être tenu solidairement donc la victime de l’enfant est légitime à demander réparation à l’un ou l’autre des parents. Si on a un seul parent R de l’autorité parentale alors c’est le seul à pouvoir être responsable et la victime n’a qu’un seul débiteur.
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Les mineurs peuvent être soumis à l’AP mais certains sont sous tutelle et n’ont donc pas de réelle AP mais on a des substituts d’AP prévus par la loi, se sont des équivalents, mais le tuteur est il responsable du dommage causé dans les mêmes termes que les parents ? On a envie de dire oui car il est un substitut mais on a jamais voulu avoir d’interprétation extensive de l’article 1242 et les tuteurs se retrouvent donc seulement dans la jurisprudence, les conditions d’indemnisation ne seront pas les mêmes selon les cas.
b) La cohabitation.
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Ici encore dans un système qui reposait sur la R des parents du fait d’une faute de surveillance/ éducation, cela implique qu’il faut l’avoir sous son toit. Mais de ce fait, si on a pas physiquement l’enfant en soit on a pas la charge de le surveiller et d’en être responsable, on l’a prise comme une condition matérielle. Donc le responsable était celui à porté de l’enfant et qui pouvait le surveiller et l’éduquer. Mais en 1997, quand on change l’idée d’un dommage fondée d’une faute d’éducation ou surveillance alors on a plus de nécessité de vivre avec l’enfant, de ce fait cette approche allait être en décalage avec le nouveau fondement de la R. On a donc un arrêt SAMDA de 1997 qui va modifier l’appréciation de la Ccass sur la condition de la cohabitation, elle ne sera plus matérielle mais juridique, a ce moment elle va dire d’un enfant de divorcés sous la garde de la mère, qui fait un dommage au moment ou le père lui rend visite, donc soit on estime que c’est le père soit la mère qui est R. La Ccass va dire que le fait qu’il soit chez son père ne fait pas cesser la cohabitation du mineur qui vit chez ses parents qui en ont le droit de garde. On a une résidence habituelle qui fait la R, donc celui chez qui il réside habituellement est R. Le fait de juridiciser à l’extreme fait qu’aujourd’hui on se demande si ça sert à quelque chose sachant qu’aujourd’hui en principe on a la résidence alternée et un mouvement doctrinal préconise de se débarrasser de la condition de cohabitation et que seule l’autorité parentale devrait être utilisée.
2) Les conditions relatives à l’enfant.
a) La minorité de l’enfant.
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C’est le fait d’avoir moins de 18 ans, à partir de 18 ans ou si émancipation avant, on devient responsable pour soi même. Pour les enfants qui ont un handicap, ils passent de l’autorité des parents à la tutelle.
b) Le fait de l’enfant.
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Quel fait de l’enfant est de nature à engager la R de ses parents ? On a deux façons de le voir, avant et maintenant.
i) Les père et mère responsables avec l’enfant.
Les parents sont R avec l’enfant donc s’il a commis une faute ou s’il est gardien d’une chose avec laquelle il a causé un dommage. Au départ c’était l’enfant commettant une faute qui faisait qu’il était R donc ses parents aussi. Puis il y a eu aussi la R du fait de la chose. Dans les années 1960 dans le cadre de la R des parents est apparu une question, si l’enfant n’a pas de discernement alors il n’est pas R, mais dans ce cas les parents non plus puisque les parents sont R que si l’enfant l’est. Donc on avait décidé que finalement on engageait la R des parents quand même.
ii) Les père et mère responsables au-delà de l’enfant.
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En 1984 on a eu un arrêt sur la R parentale, c’est l’arrêt FULLENWHART, c’est un arrêt de rejet que l’on doit lire comme un arrêt de cassation, on a une raison de droit contrôler par la Ccass qu’elle substitue au raisonnement de la CA, donc la CA a le bon résultat mais par un mauvais raisonnement. Ici c’est la décision de la CA et la solution de la Ccass qui sont interessantes, cet arrêt a fait parler de lui, un garçon de 7 ans envoie une flèche et éborgne son camarade, on assigne le père basé sur l’ancien article 1384 al 4. Il reproche d’avoir été R sans que l’on ait décidé que le fils était doué de discernement. Donc déjà le père avait du retard sur la loi. Et la Ccass a dit que pour que soit présumé la R des parents d’un mineur habitant avec eux il suffit que le mineur ait commis une faute qui soit la cause directe du dommage invoqué par la victime. On s’est demandé si la Ccass n’allait pas trop loin ici disant que le fait de l’enfant causant un dommage engagerait la R de ses parents. Cette vision avait été critiquée à l’époque. On a ensuite eu l’arrêt Levert en 2001 montrant que le fait de l’enfant pouvait engagée la R des parents même sans faute s’il y a eu un dommage. Ici, la seule chose qui engage la R est le fait que ce soit l’enfant qui ait commis. La Ccass a encore récidivé la dessus avec 2 arrêts de l’AP en 2002.
II) La responsabilité pour autrui : le cas des commettants.
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C’est une RC dont on trouve le siège à l’article 1242 al 5. Le commettant est la personne représentée est au nom duquel on va agir. C’est aller chercher la R de celui qui a l’autorité sur celui qui a causé un dommage. On est pas toujours dans le cas de l’employeur et le salarié, il y en a d’autres. Cette R du commettant permet à la personne d’obtenir une indemnisation quand elle est victime d’un fait d’une personne sous l’autorité de quelqu’un. On a des conditions à cette responsabilité et on verra sa nature donc si elle est pour faute ou sans faute.
A) Les conditions de la responsabilité des commettants.
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Les conditions sont cumulatives, il faut un lien de préposition donc caractériser le rapport d’autorité, il faut un fait générateur qui est la faute du préposé et il faut que le préposé ne se soit pas rendu coupable d’un abus de fonction lorsqu’il a commis le dommage donc l’abus de fonction c’est permettre au commettant de se dégager de la R.
1) Le lien de préposition.
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Le Code civil prévoit une faute du commettant du fait de son préposé donc on voit qu’il faut un lien de préposition qui n’est pas définit par la loi mais par la jurisprudece.
a) La définition du lien.
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La jurisprudence définit ce lien c’est le droit en vertu d’un contrat ou non de donner au préposé des ordres ou des instructions sur la manière de remplir les fonctions auxquelles il est employé a titre temporaire ou permanent avec ou sans rémunération. On voit donc qu’il faut une autorité du commettant et une subordination du préposé donc le commettant a un pouvoir de contrôle et de direction sur son préposé et il détermine lui même les moyens qu’il donne au préposé pour exercer sa fonction.
Une question qui peut se poser c’est les situations où le proposé a des qualifications que le commettant n’a pas par exemple le directeur d’un hôpital est souvent un administratif qui n’a pas les compétences techniques de ses employés les médecins. On a toujours pu reconnaitre un lien de préposition, ce n’est pas une cause d’exonération.
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Ce lien peut naitre d’un contrat de travail donc un acte juridique ou des sources en dehors de celui ci.
b) Le lien en présence d’un contrat de travail.
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C’est fréquent, en pratique c’est l’hypothèse privilégiée, ici le lien de dépendance est incontestable et il est juridique. Il doit exister au moment ou le dommage est causé.
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On a deux questions qui se posent :
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L’indépendance intellectuel du préposé ? Même s’il est indépendant intellectuellement il est sous organisation du commettant.
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Et le cas du prêt de manoeuvre ou la pré-préposition, donc les sociétés d’intérim ici on hésite entre la société d’intérim ou la société a qui on a été prête pour choisir le commettant. On peut avoir des ordres des deux personnes donc il faut savoir qui va être le commettant, en principe on reste le salarié de son employeur puisque le lien nait du contrat de travail mais on a un prêt de main d’oeuvre a un tiers et donc un transfert d’autorité. Dans cette situation il faut être rigoureux, d’abord quand une entreprise fait appel a une autre on a un contrat dans lequel une clause peut prévoir qui sera responsable de la faute du préposé, si c’est pas le cas on estime que la société d’intérim est le commettant naturel mais on va pouvoir voir qu’il y a eu un transfert d’autorité avec l’accident et donc on serait un commettant transitionnelle. C’est une question qui intéresse les juges du fond, ils chercheront qui a l’autorité effective et qui a l’autorité principale.
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c) Le lien en dehors d’un contrat de travail.
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Ce sont des hypothèses plus marginal mais c’est le constat qu’une personne donne des ordres à une autre, on a pas obligatoirement de lien de droit, on peut avoir une simple situation de fait. On a pu par exemple travailler à coté d’un parent ou d’un conjoint, on a un lien de fait qui n’empêche pas le lien de subordination, on a toujours un chef d’entreprise et le lien de préposition vient d’un fait juridique. La Ccass admet cette préposition souple, occasionnelle, elle le fait parce que ça favorise l’indemnisation et ça protège celui qui est venu aider mais on vérifie qu’il y a bien une autorité sur la personne.
2) La faute du préposé.
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Il faut que le préposé soit à l’origine du dommage qui est reproché et pour lequel on engage la R du commettant. Faut il une faute ou un fait non fautif ? Il faut une faute donc un acte objectivement illicite, le préposé ne peut pas d’un simple fait causal avoir fait un dommage, du moins pour l’instant. En ce qui concerne le fait de la chose, le préposé peut il être gardien d’une chose qui a causé le dommage ? C’est non, on ne met pas bout a bout la R du fait des choses et la R des commettants, la Ccass considère qu’on ne peut pas être préposé et gardien donc si le préposé utilise une chose c’est toujours le commettant qui est gardien. On voulait qu’il y ait une cohérence, un préposé qui cause un dommage avec une chose le but est que la victime puisse être indemnisé donc on a décidé que ce serait le commettant le gardien dans tous les cas donc il sera R, de plus si le préposé se fait un dommage avec l’objet il peut aussi aller chercher la R du commettant.
3) L’absence d’abus de fonction
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Il faut tracer la frontière de savoir si a personne agit comme préposé ou s’il agit en tant que lui même. S’il a fait à l’occasion de son activité professionnelle alors il n’y a pas de débat le commettant est R, s’il a fait au milieu de la nuit la non plus pas de débat le commettant n’est pas R.
Mais on a des hypothèses à la marge où l’on se demande si on est dans la R des commettants ou non d’ou la notion d’abus de fonction. Cette notion d’abus de fonction vient de l’expression « le préposé dans les fonctions dans lesquelles il est employé ».
a) L’évolution de la jurisprudence.
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On a un arrêt de l’AP du 19 mai 1988 qui a fixé l’idée, mais avant celui-ci on a eu beaucoup d’évolution de la jurisprudence. Elle a dit que le commettant ne s’exonère de sa responsabilité que s’il agit hors des fonctions auxquelles il était employé, s’il agit sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions. On a une définition stricte qui limite la possibilité de s’exonérer, ce sont 3 conditions cumulatives.
b) Les conditions de l’abus de fonction.
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La première est l’acte du préposé en dehors de ses fonctions, c’est une condition autonome c’est a dire que si l’on prouve les deux autres elle n’est pas forcément démontré, il faut la démontré en elle-même. C’est une condition objective on doit examiner si la faute du préposé se rattache à l’exécution de sa mission ordinaire par des circonstances de temps, de lieux ou de moyens. Si ça se fait sur le temps de travail alors ça suffit a dire que c’est dans les fonctions. Donc on fixe le cadre objectif dans lequel le fait dommageable est arrivé. Peu importe l’intention du préposé, on a une condition objective. La jurisprudence est très sévère sur cette condition pour exonérer le préposé.
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La deuxième est l’absence d’autorisation donc celle du préposé par le commettant, si le commettant donne son autorisation alors il ne peut plus refuser d’assumer la responsabilité du préposé.
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Enfin la troisième est lorsque le préposé a agit à des fins étrangères à ses attributions, on a une condition subjective on sonde l’intention du préposé, pourquoi il a agit ? Il faut ici qu’il ait agit à des fins personnels et non dans l’intérêt du commettant. Le but n’était pas d’aider le commettant.
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On a une définition stricte et le commettant sera souvent responsable dans les situations intermédiaires du fait de son préposé. Les conditions sont cumulatives.
B) La nature de la responsabilité des commettants.
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Avant l’arrêt du 25 février 2000 COSTEDOAT, le préposé était le débiteur principal de l’indemnisation et la R du commettant n’était qu’une simple garantie de solvabilité au profit de la victime. Il était responsable à coté du préposé, on avait donc un R pour autrui. Ce schéma est altéré par le Code des assurances à son article L121-12 alinéa 1 et 3, on paralyse le recours subrogatoire du commettant et on protège le préposé. On a un arrêt ROCHAS de la Ccass com du 12 octobre 1993. Dans cet arrêt, la CC a l’air de nous dire que la mise en jeu de la R du préposé suppose une faute civile personnelle donc qu’il outrepasse les limites de sa mission.
1) Revirement de jurisprudence.
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Cet arrêt annonce l’arrêt COSTEDOAT, ici le salarié d’une société va avec un hélicoptère pendre des herbicides sur un terrain et à cause du vent ce traitement se répand sur d’autres, donc le propriétaire de l’autre terrain pouvait agir contre le commettant et le préposé ici, mais il a voulu agir contre le pilote de l’hélicoptère, parce que la société est en liquidation judiciaire donc le préposé serait le seul susceptible de donner une indemnisation, donc il veut engager sa R. La Ccass opère un revirement de jurisprudence. On dit que le préposé qui agit dans le cadre sa mission, s’il commet une faute il n’est pas responsable donc le préposé est protégé par une immunité. On enlève ici un responsable. Mais quelque chose ne va pas ici selon G. Viney qui critique le droit antérieur à cet arrêt car finalement on fait supporter au préposé toutes les conséquences de la mauvaise organisation de l’entreprise, donc cet arrêt était très attendu.
2) Responsabilité du commettant, responsabilité fondée sur le risque.
- Le commentant assume pour ses salariés car celui qui supporte le profit supporte aussi le risque. On ne peut plus agir contre le préposé et le commettant ne peut pas non plus se retourner contre le préposé. La R des commettants du fait de leur préposé peut se rattacher à la théorie du risque. Le mécanisme de l’entreprise c’est vouloir espérer des profits en prenant des risques. Le risque que nos salariés causent des dommages à un tiers. On a des règles du Code civil qui ont une valeur constitutionnelle et ici elle l’est, le préposé est protégé par une immunité.
3) Les limites.
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Le préposé a quand même commis une faute, et elle peut être grave. Donc s’est ouvert un débat sur les préposés lorsqu’ils commettent des fautes pénales, peut-on admettre qu’une faute pénale soit doublée d’une faute civile ? On a la réponse dans l’arrêt COUSIN du 14 décembre 2001, on a un comptable salarié d’une entreprise qui est condamnée pour faux et usages de faux, et escroquerie il avait permis à sa société d’obtenir frauduleusement des subventions pour obtenir des contrats. Pouvait on admettre une immunité civile du préposé alors qu’il a été condamné pour 3 fautes pénales. La CCass en Assemblée Plénière, a décidé que si le préposé avait commis une faute pénale intentionnelle il redevenait responsable et il engageait sa R à l’égard du tiers. Quelle est la vraie limite à l’immunité ? La faute pénale, la faute intentionnelle ou les deux ? La Ccass tranché dans deux arrêts de 2007 et 2008 en disant que c’était la faute intentionnelle qui engageait la responsabilité. On a donc une multitude de situations avec des solutions différentes.
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A l’issu de la jurisprudence COSTEDOAT une catégorie particulière de salarié a perturbé la jurisprudence : les médecins dans les cliniques. La Ccass a hésité à appliquer l’immunité civile du préposé à certains salariés, dans une clinique le médecin ne doit pas avoir l’immunité, pareil pour les sages-femmes.
III) La substitution de responsabilité : le cas des instituteurs.
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Hypothèse intéressante du point de vue historique car ça montre comment la faute est un fondement qui a évolué. Ces substituions des R, le R substitué à l’instituteur est l’Etat. Sur ce modèle que fonctionne la R des magistrats. On substitue la R des membres du public par la R de l’Etat.
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Il existait une présomption de R qui visait les instituteurs dans le Code civil, tous les enseignants étaient concernés, l’idée est que si un élève commet un dommage, c'est que quelqu’un ne l’a pas surveiller correctement. Donc une faute de surveillance de l’instituteur. On a un système de présomption de faute, on avait pas à démontrer la faute de l’instituteur que le dommage ait été causé à un tiers ou à un autre élève. Si l’instituteur démontrait qu’il n’avait pas commis de faute d’imprudence, il pouvait se dégager de sa 3.
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On a 2 raisons en 1899 puis en 1937 qui ont amené le législateur a changé sa solution :
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L’instituteur ne choisissait pas leurs élèves. On le voit avec l’affaire Le Gland qui avait mis devant l’opinion publique la rigueur de cette R qui pesait sur les instituteurs.
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En 1899 on a une loi du 20 janvier, le législateur a décidé de dire que quand l’instituteur était tenu R au titre d’une présomption de faute, c’était en fait l’Etat qui allait être substitué à cet instituteur. Mais ça concerne que l’enseignement public. - Ça a eu pour conséquence, que la présomption restait, on a eu encore 2 évolutions :
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Le 5 avril 1937, le législateur fait disparaître la présomption de faute, on a une avancé parce qu’à partir du moment où on évince la présomption de faute, cela signifie qu’il convenait pour la victime de prouver la faute de l’instituteur pour engager la R de l’Etat. On a un mouvement de recul de l’indemnisation car la victime doit prouver la faute du gardien.
En réalité, on a mis en place un mécanisme, on compare le comportement de l’instituteur à celui d’un autre, est-ce que le comportement de l’instituteur était normal.
La substitution n’est pas sans limite. Elle couvre les membres de l’enseignement public, elle ne couvre pas les enseignants de l’enseignement supérieur. L’Etat a une action récursoire contre l’instituteur, une fois que la victime a été indemnisée par l’Etat en ayant prouvé la faute de l’instituteur, elle ne peut pas agir contre l’instituteur, cette action n’est engagée que quand c’est une faute grave de l’instituteur, on a un choix de protection de la fonction publique.
Chapitre 2 : Le cas général de responsabilité du fait d’autrui.
En réalité ces cas de R du fait d’autrui sont décrits mais ne suffisent plus à appréhender la situation de notre société et donc à coté de ceux-ci on va avoir quelque chose avec l’article 1242 qui n’est pas limitatif. Ce que la jurisprudence a inventé c’est des nouveaux cas spéciaux larges.
I) La genèse.
L’histoire est la même que celle de la naissance du principe général, on part d’un texte qui fait office de transition en disant qu’on est responsable du dommage causé par le fait des personnes dont on doit répondre et le juge s’en saisit pour moderniser.
A) L’abandon du caractère limitatif de l’article 1242 du Code civil.
D’abord il va abandonner le caractère limitatif de l’article 1242 et accepter de voir des R du fait d’autrui dans des hypothèses non prévues. Le point de départ est que la Ccass reconnait qu’il y a un principe général du fait des choses mais elle le refuse pour le fait d’autrui, on a pourtant des auteurs qui prône la symétrie. Les juges du fond admettent des R hors des cas du code civil, et se font systématiquement censurés par la Ccass. Elle cède sous la pression dans un arrêt d’assemblée plénière BLIECK du 29 mars 1991, cet arrêt révèle les difficultés auxquelles on était confrontées. On a un enfant qui a un handicap mental et qui a mis le feu dans un centre, les propriétaires cherchent réparation, la CA fait application de 1384 alinéa 1er et dit que le centre éducatif est R, puis on a un arrêt de rejet de principe de la Ccass puisque l’association avait la garde de son enfant, c’est à bon droit qu’elle était tenu de répondre de celui-ci. Cet arrêt vient de l’émergence d’un besoin social pour les personnes potentiellement dangereuses et notamment les mineurs délinquants ou bien les personnes ayant des troubles mentaux. Vu la façon dont la société les traitait, on a humanisé la société et créé un risque social donc la Ccass admet qu’en dehors des commettants, instituteurs etc il existe d’autre R du fait d’autrui possible. Il n’y a pas que la Ccass à qui cette question s’est posée, le droit administratif a développé sa propre responsabilité et le CE a admis qu’il y avait un régime notamment avec l’arrêt TOUSELIER en 1956 avec un régime de R sans faute spéciale de l’Etat. C’est l’équivalent de l’arrêt BLIECK. La suite est encore plus audacieux que Teffaine, car la on généralisait juste des cas spéciaux en créant un principe général, ici on a pas de principe général mais des cas spéciaux nouveaux.
B) La reconnaissance de responsabilités sur le fondement de l’article 1242 alinéa 1er du Code civil.
Certains auteurs sont allés trop vite en parlant de principe général mais la Ccass n’a pas créé de principe général de R du fait d’autrui, car il n’est pas concevable. Mais, la liste n’est pas exhaustive, elle a en revanche admis 2 nouvelles hypothèses, des cas hors du champ des cas spéciaux en s’appuyant sur l’article 1242 alinéa 1er du Code civil.
1) L’absence de principe général de responsabilité du fait d’autrui.
On a deux arrêts fondateurs, l’arrêt BLIECK de 1991 et les arrêts des associations sportives en 1995.
En 1991 avec l’arrêt BLIECK les critères de R du fait d’autrui ne sont pas exhaustifs, pour les autres cas on a juste cette formule : l’association était R car elle avait la charge de contrôler le mode de vie de l’enfant. C’est le premier grand cas.
En 1995, on a des arrêts sur la R d’associations sportive en matière de dommage, on a un match de rugby, un joueur est blessé on cherche la R de l’association, on décide qu’elle est toujours responsable car elle a pour mission d’organiser, de diriger et de contrôler l’activité de ses membres lors des compétitions, la Ccass dit que l’association est responsable.
On a donc deux series d’arrêts fondateurs qui créent deux cas spéciaux, on a deux nouveaux critères de R pour ces arrêts.
2) Apparition de deux nouveaux cas de responsabilité du fait d’autrui.
a) La responsabilité de ceux qui organisent et contrôlent un mode de vie.
- On part de l’arrêt de 1991 BLIECK, c’est le premier cas, l’hypothèse initiale.
on constate dans la jurisprudence quand on cherche qui est autrui que c’est toujours un gardé qui suppose une surveillance particulière comme les mineurs sous tutelles, les mineurs en difficultés, les majeurs protégés, c’est assez logique de se concentrer sur eux puisque les autres sont sous leur propre garde et donc responsable d’eux-même.
Ensuite, on constate que sous l’égide de ce premier cas alors on admet la R de personnes morales mais aussi physiques (les tuteurs), on met donc les tuteurs sous l’égide de l’article 1242 alinéa 1er, on a une certaine charge pour les tuteurs et il faut donc trouver un équilibre la dedans et informer de prendre une assurance. Les gardiens peuvent donc être physique ou morales.
Enfin, il faut voir le pouvoir attribuer sur autrui justifiant la charge de la R, la jurisprudence a dit qu’il fallait un pouvoir permanent donc à temps complet, si la personne dont on a la charge est sous la garde d’un autre a un moment le tuteur reste responsable. On est donc toujours R. A cote on organise le mode de vie parce qu’on a un pouvoir il peut être de fait donc juridique ou bien un pouvoir qui est judiciaire. Lorsque l’on parle de pouvoir de fait alors c’est quand les parents lâchent l’affaire alors ce sont les grands-parents qui gère, elle ne sera pas R. On a aussi par un contrat, donc l’idée d’un pouvoir juridique par exemple le pensionnat, ici on est R mais pas seulement parce qu’il est juridique, c’est une règle de droit qui nous donne la mission. Enfin, le juge donne le pouvoir d’organiser le mode de vie donc c’est un pouvoir judiciaire et on est toujours R ici. Donc, pour un pouvoir de fait ce n’est jamais possible, mais pour les situations juridique et surtout judiciaire alors on a une R, en réalité c’est parce qu’il ne faut pas de trop grand cumul des autorités et donc des R.
Ce pouvoir peut il se partager ? Ici on a une seule personne, pour la jurisprudence des personnes ne peuvent pas conjointement organiser et contrôler le mode de vie d’un tiers donc la Ccass pose le principe de non cumul des gardiens. Ici on a un parallèle avec la R du fait des choses, la garde du MODE DE VIE ne peut pas se faire par deux gardiens, on peut seulement passer d’un gardien à l’autre. Cela résulte de deux arrêts : du 7 octobre 2004 chambre civile, et de la chambre criminelle le 18 mars 2004, on a des mineurs gérés dans des foyers d’accueil et on cherchait à imaginer une R du tuteur et des parents en même temps ou du tuteur et du département etc. La Ccass considère à chaque fois qu’il ne peut y avoir qu’un seul gardien du mode de vie. Ici on peut comparer ce cas aux parents.
b) La responsabilité de ceux qui organisent et contrôlent une activité.
On a une autre hypothèse, lorsque l’on confie la personne sur laquelle on a un pouvoir de surveillance à une autre personne dans le cadre d’une activité particulière. C’est le cas des associations sportives de 1995. On peut avoir un gardien du mode de vie et un gardien de l’activité et la on aurait une répartition de la charge de la réparation donc on aurait un cumul si on est dans les deux cas différents. Ce sont donc les personnes morales qui ont la charge d’organiser et de contrôler l’activité de leur membre. Au fil des arrêts on a déterminé des critères, on a eu un débat au départ sur le fait que ce soit que les associations sportives et sur le fait que ce ne soit que les activités dangereuses, ça a été clôturé par un arrêt du 12 décembre 2002 qui retient la R d’une association de majorette, est ce un sport ? Est ce dangereux ? Non ce n’est pas limité aux activités sportives et dangereuses, le fait que le dommage se réalise révèle la dangerosité. Donc on ne cantonne pas cette R.
Il faut cependant préciser le fait de savoir si l’on est R que du fait de leur membres ou d’autres comme les spectateurs et savoir si ça ne se passe que pendant les compétitions ou aussi en entrainement. La Ccass exigeait au départ que ça se passe pendant les compétitions puis a admis en dehors avec un arrêt du 21 octobre 2004 parce que l’entraînement précédait la compétition et il relevait de la préparation de cette compétition. Cependant, elle considère que ça doit toujours être un membre de l’association. Donc autrui = membre de l’association, le gardien est la personne morale. Mais qu’en est il du pouvoir ? On a un pouvoir juridique puisqu’il y a un contrat entre le gardé et le gardien et on s’est demandé si un simple lien matériel pourrait fonctionner, mais la jurisprudence n’a pas vraiment répondu. Donc aujourd’hui le modele sur lequel se construit ce cas ne ressemble pas du tout à l’autre cas, ni à la R des parents mais il peut avoir des traits communs avec la R des commettants du fait de leur préposé. Le responsable d’une activité non professionnelle est R de ses membres. Peut on avoir un cumul de R ? Oui, on a la R des parents ou tuteur et à coté le gardien qu’est l’association. Donc on a des R tenu in solidum qui partageront la charge de la réparation. Cependant pas de cumul de gardien d’une activité. Cela concerne mineur et majeur.
La jurisprudence LEVERT va t’elle contaminer ces deux cas ? Donc a t’on des cas où l’idée que les R construites sur l’article 1242 pourrait être engagées si le fait du gardé n’est pas une faute mais un fait causal ? Elle n’a pas de raison de contaminer les deux cas, il faut une faute du préposé pour engager la R du commettant donc pour le cas 2, les associations sportives ne pourront pas etre plus responsables qu’un commettant. Mais dans le 1er cas on pouvait se demander si le modele des parents étant le même que celui des tuteurs etc. La question s’est posée dans un arrêt du 20 novembre 2003 et un arrêt du 13 janvier 2005 dans les deux cas ce sont des arrêts sur les associations mais la Ccass ne dissocie pas ce qu’elle dit et elle réfute l’application de l’arrêt LEVERT. Il faut une faute du gardé ici dans le cas de la tutelle. On a donc construit quelque chose d’original.
II) La nature du cas général de responsabilité du fait d’autrui.
Le point de départ du raisonnement est de dire le but de ces R est d’améliorer le sort des victimes, l’amélioration de ces sorts passe par une reconnaissance de la R sans faute. Il faut admettre que pour admettre la situation des victimes il faut une présomption qui amène une R de plein droit ou une R sans faute. L’arrêt BLIECK ne tranche pas la nature, on peut extrapoler, l’association qui est en charge est R au sens de l’article 1242 alinéa 1er, alors c’est quoi le sens de 1242 en 1991, c’est une R sans faute depuis Jand’heur.
On le saura en réalité au travers de l’arrêt de la chambre criminelle du 26 mars 1997 notre dame des flots, la Ccass nous dit que les personnes tenues de répondre du fait d’autrui en vertu de l’article 1384 alinéa 1er (1242) ne peuvent s’exonérer qu’en démontrant qu’elles n’ont commis aucune faute.La Ccass donne sa réponse avant car elle donne la réponse dans un arrêt de 1994 : c’est un obiter dictum, la Ccass nous dit que la R de l’état substitué à l’instituteur n’est pas une R de plein droit au sens de l’article 1242. Avant le 19 février 1997, la R des parents est fondée sur la faute, et il serait aberrant qu’un tuteur soit R au titre d’une R sans faute quand pour les parents on dit encore que c’est une R pour faute, on aurait un problème de cohérence interne du système de R du fait d’autrui.
Beaucoup de justifications permettent d’adhérer à la solution notre dame des flots :
Elle est conforme à l’objectif d’indemnisation des victimes.
Si la R du fait des choses est fondée sur l’article 1242 sans faute, il est logique que le même texte soit R sans faute.
On a une cohérence des régimes.
On veut faire aussi bien que le CE qui a créé R pour risque.
III) Les faits générateurs multiples.
Ici c’est l’hypothèse fréquente où un dommage survient et on a pas le fait d’une personne ou d’une chose dont quelqu’un a la garde mais plusieurs faits générateurs. On a 4 exemples :
Un ballon de rugby a plusieurs gardien et blesse un spectateur donc un fait générateur et plusieurs responsables au titre de la garde. On a des responsables en vertu du même texte.
Un passant se fait bousculer par un autre et se fait donc renverser par un vélo on a donc 2 responsables. On a deux responsabilité pas sur le même article.
Un mineur blesse volontairement un autre mineur à l’occasion d’une rencontre sportive organisée par une association on a donc une victime et plusieurs responsables, le mineur les parents et l’association. On 3 responsabilités différentes.
Trois personnes se battent et une est blessée par les deux autres, les 2 autres sont responsables. Les 2 sont responsables en vertu du même texte.
Comment dans ces cas donc un créancier et plusieurs débiteurs comment on fait ? On a un distinction entre l’obligation à la dette et la contribution à la dette. Sachant que ces étapes sont concomitantes quand on a un seul débiteur et créancier alors que la on a deux étapes :
L’obligation a la dette c’est voir ce qu’il se passe entre la victime et les responsable contre qui elle peut agir et que peut elle leur demander. Donc ici rapport entre créancier et débiteurs.
Une fois indemnisé on a la contribution a la dette, et entre les différents débiteurs comment on répartit ? Ici on cherche la répartition entre les débiteurs.
A) L’obligation à la dette : l’obligation in solidum.
L’hypothèse est qu’on a une victime et plusieurs responsables. Contre qui peut-elle agir et que peut-elle demander comme réparation ? Ici le principe est l’article 1309 du Code civil qui nous dit que l’obligation qui lie plusieurs débiteurs se divise de plein droit entre eux, donc en principe l’obligation est dite divisible. Alors le créancier doit réclamer à chacun sa part on doit agir contre chaque responsable pour avoir sa part. Chaque débiteur n’est donc tenu qu’à hauteur de sa part de la dette.
On a une exception au principe dans le Code civil c’est l’obligation solidaire, c’est une modalité qui permet au créancier de demander à n’importe quel débiteur de donner la dette et de les laisser ensuite se débrouiller entre eux. L’exception est à l’article 1313 on peut avoir une solidarité qui conduit à réclamer la totalité de la dette à n’importe lequel des débiteurs et cette créance est soumise a laquelle ? On dit qu’il n’y a pas de solidarité sans texte selon l’article 1310, ici on a une réparation soumise à la solidarité car on a un texte qui dit « solidairement » dans la responsabilité parentale donc on peut tout demander soit à l’un soit à l’autre. Mais c’est le seul endroit où cela est dit. Si on veut être rationnel puisque la solidarité ne se présume par elle ne peut pas être conventionnel puisqu’il n’y a pas de contrat en responsabilité, et la loi ne dit rien donc une victime devrait mener X actions en fonction du nombre de responsable. Aussi si parmi les responsables l’un est insolvable alors la victime n’aura que la créance des deux autres donc elle est lésée. On devrait donc en soit dire qu’en dehors du cas des parents la dette est divisible.
Mais donc dans ce domaine ce ne serait pas bon, donc la jurisprudence a oublié ce qu’est l’article 1310, et a inventé une exception qui est donc jurisprudentielle elle a inventé l’obligation in solidum, c’est à dire une obligation au tout. Donc ici on a l’effet principal de la solidarité mais pas les effets secondaires donc la victime peut agir contre un seul des débiteurs, et c’est apparu dans le cadre de la responsabilité à plusieurs. Dans ce système la victime a deux avantages : une seule action et les responsables entre eux supportent leur insolvabilité et ce n’est pas la victime qui le supporte.
Une fois cette étape faite la victime est indemnisée. S’ouvre maintenant le deuxième temps et les recours ente co-auteurs.
B) La contribution à la dette : les recours entre co-auteurs.
Ils peuvent avoir plusieurs fondements personnels ou subrogatoire. J’ai payé la part de tout le monde donc je fais un recours personnel. Soit j’ai subrogé dans les droits de al victime donc j’agis comme si j’étais la victime pour être payé. Mais la question reste de savoir comment répartir la part de la réparation. Ici on en a un qui a tout payé et qui se fait rembourser mais comment déterminer la part ? On pourrait diviser égalitairement mais les responsables ne sont pas tous tenus au titre d’une même responsabilité certains ont une R pour faute et d’autres sans faute. La R a toujours une fonction normative et ici on a une victime indemnisée donc la répartition va voir resurgir la fonction normative. Donc on doit voir si on a des co-obligés fautifs ou non. En jurisprudence cette fonction ressort et la jurisprudence est plus sévère à l’égard de ceux qui ont commis une faute et ceux qui n’en ont pas commis.
- On a 3 situations :
2 personnes ont commis une faute alors on a un partage partiel en proportion de la gravité respective des fautes. Donc on a l’idée des fautes graves et pas graves donc celui qui a fait le plus grave payera le plus, les juges du fond apprécie souverainement et puisque la victime a déjà réparé les juges font comme ils veulent.
On a 2 R sans faute : alors ici on a un partage partiel par parts viriles, on ne peut pas avoir de gradation ici entre le plus fautif ou le moins fautif, la formule par « parts viriles » veut dire par tête donc on divise par 2, 3 ou 4.
On a une personne qui a fait une R pour faute et l’autre une R sans faute ici on a un recours pour le tout contre le fautif. Le fautif doit assumer donc s’il est solvable l’autre R sans faute aura ici un recours sans partage.
Titre 3 : Le rapport causal.
Le doyen Carbonnier dit qu’il y a 2 constantes et celle ci est la deuxième : quel que soit le préjudice il faut toujours un préjudice et un lien de causalité, à côté de cela le fait générateur répond à des conditions particulières selon que l’on est sur l’article 1384, 1385 ou 1386. Il ne suffit pas qu’un dommage survienne pour que l’indemnisation soit due, il faut que ce dommage ait été causée par un fait générateur de responsabilité identifiée. Il faut un lien de cause à effet, c’est ce qui fait la différence entre le mécanisme d’indemnité et certains mécanismes d’indemnisation comme celui de la sécurité sociale. C’est donc un élément essentiel.
Si on regarde bien les articles 1240 et suivants du Code civil, on voit dans 1240 l’expression « qui cause », dans 1241 l’expression « qui l’a causé », dans 1242 « que l’on cause », dans 1243 « que l’animal a causé », dans 1244 « causé par sa ruine ». Sans avoir les textes qui nous systématisent une notion, dès lors qu’on a un mécanisme de responsabilité, au travers du texte, on voit affleurer cette notion de causalité.
La preuve de ce lien incombe normalement à la victime cela veut dire deux choses : d’un coté positif c’est qu’il faut ce lien de causalité entre le fait générateur et le dommage, ce qui conditionnera la réparation, comment fait-on pour apprécier l’existence de ce lien de causalité ? Mais, il y a aussi une approche négative, on va pouvoir démontrer que la cause qu’on a identifié, que le fait générateur qu’on a identifié n’est pas la véritable cause du dommage. On va imaginer les mécanismes qui permettent de nier l’existence de la causalité.
On a donc 2 chapitres ici : l’existence du rapport causal, la causalité et la négation de ce rapport qui est l’exonération.
Chapitre 1 : L’existence du rapport causal : la causalité.
Les textes du Code civil ne donne pas de définition du lien de causalité, mais encore plus que pour la faute ou le dommage on a une notion plus compliqué à définir. Mais longtemps aussi ce terme n’était pas définit dans le vocabulaire juridique du doyen Cornu. On va essayer d’approcher ce lien, c’est un lien de cause à effet entre l’activité d’une personne dont la responsabilité est recherchée et le dommage subi par la victime.
En droit positif c’est une notion complexe et incertaine et la jurisprudence fait preuve de pragmatisme, on a l’impression d’entrer dans une analysé presque scientifique de qu’est ce qui a causé quoi, en réalité tout événement est la conséquence d’une suite d’événement. Comment appréhende on aujourd’hui cela notamment en jurisprudence, on l’appréhende d’abord par les caractères de la causalité. Et par des théories de la jurisprudence.
I) Les caractères du rapport de causalité.
On nous dit qu’il faut que le lien de causalité soit certain et direct. L’idée de ces caractères est d’aller chercher des causes suffisamment liées au dommage pour chercher la R. C’est à cette fin que le juge va vérifier d’abord qu’on est en présence d’un rapport de causalité certain puis vérifier qu’on est en présence d’un rapport de causalité direct.
A) Le rapport de causalité certain.
Ici on recherche l’événement qui s’il ne s’était pas réalisé aurait empêché la survenance du dommage. A l’inverse, si un rapport de causalité est incertain, c’est parce qu’en réalité on arrive pas à démontrer qu’un fait générateur est la cause du dommage. Si on essaye d’approfondir ça veut dire que les juges ne vont pas se contenter de coïncidence ou de concomitance entre le fait générateur et le dommage.
De la même façon, on peut avoir un dommage qui survient à un endroit et un fait générateur qui a lieu au même endroit, et pour autant, cette coïncidence spatial ne fait pas du fait générateur la cause du dommage. L’exigence de certitude c’est dire qu’on va plus loin que cette concomitance ou coïncidence. On a un exemple dans un arrêt de 1985 une petite fille a volé dans un magasin, elle s’est faite attrapée, le commerçant a souhaité lui donner une leçon en l’obligeant à la faire rentrer chez elle sans chaussure. La petite en rentrant s’est jetée par la fenêtre, ce qui a conduit à des blessures, et une infirmité. Tout se résume ici à un problème de certitude de causalité, ici personne ne contestait le fait que le commerçant a commis une faute la question qui se pose est de savoir si la faute du commerçant a causé le dommage corporel ? Et remplie il l’exigence de certitude ? La CA a retenu pour partie seulement la R du commerçant, elle a estimé qu’il y avait une faute et qu’elle avait contribué au dommage, mais que ce n’était pas la seule raison l’environnement de la petite fille a aussi contribué à la réalisation du dommage. La Ccass dans cet arrêt a considéré que la CA en se déterminant par un tel motif d’où il ne résultait pas que la faute du commerçant avait concouru de façon certaine à la production du dommage dont il était demandé réparation, n’avait pas donné de base légale à sa décision, la Ccass va donc censurer la décision des juges du fond et va dire que le lien de causalité n’est pas une cause certaine de réalisation du dommage nécessaire à l’engagement de la responsabilité.
- On a donc ensuite 2 hypothèses spéciales liées à ce caractère certain qui posent problème :
1ère hypothèse : quand on a un dommage causé en groupe, un groupe de personne va être à l’origine du dommage. Il est certain que le dommage ait été causé par un des membres du groupe déterminé mais il faut au sein de ce groupe se demander quelle personne a précisément causé le dommage. Si on arrive à identifier la personne qui a causé le dommage, cette personne sera seule responsable. De la même façon si on prouve qu’on a pas causé le dommage, on ne pourra pas engager notre responsabilité. Hypothèse qu’on trouve dans les accidents de chasse, quand il y a des tirs simultanés, pour savoir qui est le tireur qui a effectivement blessé une personne, en toute logique, on devrait dire qu’à partir du moment où on ne peut pas dans le groupe identifier qui est à l’origine du dommage, aucun des participants ne devrait être déclaré responsable. Toutefois, cette solution aboutit à une irresponsabilité générale. Cette irresponsabilité est apparue infondée face à la jurisprudence, on se retrouve avec une victime qui subit un préjudice qu’on va sacrifier faute de pouvoir savoir laquelle ou lesquels d’entre nous est responsable du dommage. C’est la raison pour laquelle la jurisprudence a cherché à retenir des R collectives par des moyens indirectes. Parmi ces moyens indirectes, il y a la théorie de la garde collective, mais aussi la causalité pour identifier une ou des personnes qui assumeront ensemble le préjudice subi par la victime. La causalité n’est pas le seul moyen d’assurer l’indemnisation c’est est un moyen parmi d’autres pour identifier dans un groupe qui est à l’origine du dommage.
2ème hypothèse : la prédisposition de la victime à souffrir du dommage qu’elle invoque. On est tous différents, on a ou non un passif médical, on est plus ou moins prédisposé à souffrir de certains dommages.
Exemples :
On a un accident avec une faute, une agression et la victime a un dommage, elle se met à courir après le R, elle meurt d’une crise cardiaque car elle avait une prédisposition identifiée ou non.
On crève l’oeil de quelqu’un, sauf qu’elle était borgne donc elle devient aveugle.
Enfin, on a une personne très fragile qui a du mal a se remettre d’un deuil, et la plonge en dépression.
Il faut se poser en matière de causalité l’incidence de ces prédispositions, doit on les prendre en compte dans l’indemnisation ? Dans ces hypothèses, le lien de causalité existe et il est même certain, sans le fait générateur le dommage ne serait pas survenu. La jurisprudence pour parfois indemniser la victime de son dommage réel compte tenu de ses dispositions est obligée de mettre en pointillée la fameuse certitude du lien de causalité. Cela veut dire qu’en la matière on a un système prétorien qui permet d’adapter une modulation de la réparation.
Soit on est dans une situation où nous on dit que les prédispositions de la victime ne s’étaient pas extériorisées avant l’accident, donc avant l’accident on ne savait pas qu’il y avait des prédispositions. Dans ces hypothèses où les prédispositions ne se sont pas révélées avant, on n’en tient pas compte, la réparation est intégrale. Mais en ne tenant pas compte on élude l’une des causes du dommage.
Soit les prédispositions étaient déjà extériorisées avant l’accident. Dans ce cas-là, la jurisprudence dit que lien de causalité et la R ne prendront en charge que le nouveau préjudice, on va tenir compte des prédispositions extériorisées pour réduire l’indemnisation. Cependant, on nuance et la jurisprudence considère qu’on négligera les prédispositions si l’accident a radicalement transformé la nature de l’invalidité. Pour celui qui avait déjà perdu la vue d’un œil, on le répare entièrement car il perd totalement la vue, ce n’est pas comme si on ne perdait qu’un oeil.
B) Le rapport de causalité direct
Il faut que le dommage soit la suite immédiate et direct du fait générateur que l’on invoque. Le lien de causalité directe veut que la jurisprudence fasse un tri entre les causes qui ont contribué à la réalisation du dommage et de marquer des lignes de démarcation dans la cascade possible des préjudices et des causes de préjudice. C’est pour apprécier ce caractère direct et certain que la Ccass et la jurisprudence ont recours à des théories.
II) L’appréciation du rapport de causalité.
Le mot « cause » présente une certaine ambiguïté. Quand on parle de la cause du contrat on parlait du but, parfois on dit cause finale. Ici on parle de la cause efficiente donc l’événement qui est à l’origine du dommage. Tout évènement, tout fait a nécessairement plusieurs causes, le problème qui se pose est de déterminer parmi tous les antécédents la cause qui sera retenue en droit comme étant la source du préjudice justifiant l’engagement de responsabilité. La causalité juridique n’est pas donc pas complètement scientifique ou physique, elle fait l’objet d’un choix pour le juge. Ici le juge retient les causes qu’il estime être celles justifiant le dommage et la réparation du préjudice.
A) Les systèmes proposés.
- Il y a 7 théories qui ont été proposées. En jurisprudence, le choix se résume à 2 théories : l’équivalence des conditions et la causalité adéquate. Un système ça veut dire une façon de réfléchir pour faire ce fameux tri. Il y a d’autres systèmes comme la causa Proxima « la dernière cause est la bonne cause » or ce n’est pas toujours vrai. Les théories retenues sont les deux suivantes.
1) L’équivalence des conditions.
Ici, à conditions qu’elles soient certaines et en lien directe avec le dommage alors toutes les causes relatives au dommage sont équivalentes peu importe leur importance. Le juge va retenir tous les faits qui ont contribué de manière certaine à la réalisation dommage, tous les faits qui y ont concourus sont à prendre en considération. Si le comportement de la personne dont on recherche la responsabilité est l’une des causes ayant produit le dommage, on en déduit que le lien de causalité existe.
2) La causalité adéquate.
Elle est plus complexe. Ici on prend toutes les causes et on fait une sélection pour aller chercher celles qui sont les vraies causes du dommage et celles qui ne sont que l’occasion du dommage. L’idée est de dire que tous les évènements qui ont contribué à la réalisation du dommage n’ont pas eu un rôle identique, certains sont l’occasion du dommage d’autres sont véritablement la cause du dommage. Dans la causalité adéquate, il y a des causes prépondérantes et des causes secondaires. On ne retient au titre de la causalité juridique que la causalité prépondérante.
Exemple : Je traverse sur un passage clouté à un feu rouge, un vélo me renverse, la cause du dommage est certaine et directe. Ou, je finis mon cours 15 minutes en retard, je sors et me fait renverser par un vélo, quelles sont les causes qui ont concourus à la réalisation du dommage, qu’on prenne l’équivalence des conditions ou la causalité on va retenir 2 causes : la personne a mal regardé avant de traverser et elle est sortie en retard.
Dans l’équivalence des conditions, on va dire qu’on a 2 causes équivalentes, ce qui signifierait qu’on nous autoriserait à agir contre le gardien du vélo éventuellement contre le cycliste pour faute, et contre soi-même car notre fait est une des causes qui a produit le dommage.
Dans un système de causalité adéquate, on va dire certes il a fallu ces 2 évènements pour arriver à la réalisation du dommage, mais il y en a un qui est l’occasion (le fait de finir son cours en retard) et l’autre qui est prépondérant (le fait de ne pas regarder). La causalité adéquate permet d’exclure toute causalité entre mon fait et votre dommage et de n’en retenir qu’une seule entre le fait du cycliste et le dommage. C’est une forme de pronostique rétrospectif, on regarde l’histoire une fois qu’elle a eu lieu et on regarde les causes que l’on retient, les causes prépondérantes et les causes secondaires.
B) Le choix entre les systèmes.
La causalité est dans la dépendance du fait générateur, c’est une idée directrice qui laisse place à beaucoup d’exceptions, on va toujours trouver des contre-exemples. Il existe une tendance : si parmi les causes possibles il y a une faute, la Ccass a tendance à favoriser l’équivalence des conditions parce que si parmi les causes du dommage il y a une faute, la théorie de l’équivalence des conditions permet de ramasser plus large au titre des causes du dommage et donc éventuellement d’inclure dans ses causes une faute et de permettre réparation. Quelque part c’est dire que le droit civil a une fonction punitive, si la cause a une faute, on va bien utiliser la cause pour punir l’auteur de la faute.
En revanche, quand on est en présence de R objective donc sans faute, le lien de causalité est apprécié plus strictement, les juges ont plutôt tendance à retenir la causalité adéquate. La Ccass refuse de s’enfermer dans un système prédéfini, le juge doit pouvoir se rattacher à l’un ou l’autre des systèmes voire à aucun et se retrancher derrière le pouvoir souverain d’appréciation. Cela se traduit parfois par des décisions qui sont très difficiles à articuler.
Chapitre 2 : La négation du rapport causal : l’exonération.
Il y a 2 façons d’utiliser le mot exonération en droit. L’exonération a un sens large, c’est tous les moyens pour une personne de démontrer qu’elle n’est pas responsable, démontre que pas de fait générateur, pas de faute, ou pas de lien de causalité. Le sens strict de l’exonération qu’on envisage aujourd’hui est la négation du rapport causal. En toute rigueur, on ne devrait pas parler d’exonération pour absence de faute. L’absence de faute n’est pas en soi une cause d’exonération, l’absence de faute permet de savoir si on est dans un système de responsabilité pour faute ou sans faute. Soit je suis dans un système de responsabilité pour faute et la preuve de l’absence de faute est qu’il n’y a pas de fait générateur, soit je suis dans un système de responsabilité sans faute, et on se moque du fait que j’ai causé une faute ou non, c’est indifférent.
On va traiter des causes générales d’exonération liées à la rupture du lien de causalité entre le fait générateur et le dommage cad les hypothèses où on va démontrer que la cause du dommage est ailleurs. On parle parfois pour désigner cette exonération de la cause étrangère. Dire qu’il y a une cause étrangère c’est dire qu’il y a une cause étrangère au dommage que celle que notre mécanisme a commencée par désigner. Cette cause étrangère c’est donc le terme générique qui va désigner des évènements ou des faits qui sont intervenus dans la réalisation du dommage et qui permettent à une personne qui a été prédéterminée responsable de s’exonérer, donc d’écarter sa R.
Selon que l’on définit de façon stricte ou large, on va favoriser plutôt les responsables ou plutôt les victimes. Si je définie de façon stricte la cause d’exonération est favorable aux victimes, si je la définie de façon large c’est favorable aux auteurs.
Les 3 causes étrangères possibles :
Le cas fortuit ou fait de la nature.
Le fait du tiers.
Le fait de la victime.
Ces causes pourront amener une indemnisation totale ou partielle si elles participent au dommage. La majeure partie du temps pour que un de ses 3 évènements puissent être retenu il faut que cet évènement soit tellement important dans la survenance du dommage qu’il en soit la cause exclusive. On a alors mis en place un système de caractère de la force majeure donc démontrer que l’évènement est extérieur, irrésistible et imprévisible. On va se poser à chaque fois la question savoir si cet événement extérieur remplit les conditions de la force majeure. Dans certains cas, ça permettra à celui qui a été déterminé en amont responsable de s’exonérer. Il faut se méfier car l’exonération peut être partielle ou totale, le plus souvent elle n’est totale qu’à la condition de remplir les caractères de force majeure. L’exonération est tout particulièrement importante dans les systèmes de responsabilité sans faute, car dans ces systèmes souvent la causalité est présumée.
I) Les conditions de la force majeure.
Classiquement, il y a 3 conditions cumulative :
L’imprévisibilité : au début ça devait être absolument imprévisible. C’était très favorable aux victimes. La jurisprudence est revenue sur ce système dur de l’absolument imprévisible elle est passée au normalement imprévisible. Un évènement sera imprévisible si il est contraire à la normalité. Normalement, ça n’aurait pas dû arriver.
L’irrésistibilité : c’est le caractère insurmontable de l’événement, l’impossibilité d’éviter le dommage
L’extériorité : c’est dire que la perturbation a une origine externe. Que le problème ne vient pas d’un vice interne de la chose dans la R du fait des choses.
On se demande si imprévisibilité et irascibilité ne serait pas un seul et unique caractère. On constate en jurisprudence que l’addition de ces 3 caractères est que même la tornade n’est pas un cas de force majeure, car la tornade n’est pas complètement imprévisible avec la météo. On constate que le caractère le plus important dans l’appréciation de la force majeure par la jurisprudence est le caractère irrésistible. Les juges du fond font une appréciation in abstracto. S’intéresser à cette variété c’est les identifier et se demander si elles sont admises.
II) La variété des causes étrangères et de leur admission.
A) Le cas fortuit.
C’est le fait de la nature, c’est l’ouragan. Il est totalement exonération s’il rempli toutes les conditions de la force majeure sinon il n’exonère pas du tout. Cependant, on a eu un arrêt le 19 juin 1951 sur le naufrage d’un paquebot La Mauricière, on cherche les causes, il y a un cyclone qui n’est peut-être pas la seule cause du dommage. La Ccass va admettre une forme de partage entre les causes : le charbon était défectueux et le cyclone. Pour attribuer la responsabilité : avant, si les conditions de la force majeure étaient remplies pas de R, et si elles n’étaient pas remplies c’était le responsable du charbon. La Ccass va accepter une répartition en disant le charbon c’est un cinquième et le cyclone c’est quatre cinquième. Elle va permettre au fournisseur de charbon de s’exonérer à 4/5 de sa responsabilité. Elle va admettre l’exonération partielle. La Ccass n’a jamais repris cette solution. Si on démontre un cas fortuit et qu’il a pas tout à fait les conditions de la force majeure, on va admettre une exonération partielle.
B) Le fait du tiers.
C’est dire ici qu’à l’origine du dommage on a le fait d’un tiers. Le responsable supposée donc le gardien de la chose pourra s’exonérer si le fait d’un tiers fautif ou non rempli le caractère de la force majeure alors il aura une exonération totale mais si on a une intervention d’un tiers mais qu’il ne rempli pas les conditions de la force majeure alors on exonère pas du tout. On a pu avoir des affaires de partage mais ça n’a pas été repris.
C) La faute de la victime.
La question de savoir si la faute de la victime qui a concouru au dommage est une cause d’exonération dépend du fondement sur lequel cette personne R est tenue. On a 2 hypothèses : soit la victime et le R ont commis une faute alors on a le système faute contre faute, soit la victime a commis une faute face à un R tenu dans un système de R sans faute.
1) 1382 (faute contre faute).
Le point de départ est un arrêt de 1972, un conducteur alcoolisé qui allait trop vite va s’écraser contre un arbre causant un dommage à 2 personnes qu’il transportait à titre bénévole. Ces 2 personnes qui étaient montées en connaissance de cause de la condition du conducteur vont agir contre lui pour réparation de leur préjudice. La Ccass dis que dès lors que plusieurs fautes ont concourus à la réalisation d’un dommage résultant d’une infraction, la R de chacun doit être engagée. Quand on est en train de chercher la faute de la victime cette faute n’a pas besoin de retenir les conditions de la force majeure pour permettre une exonération partielle, elle adhère au mécanisme de dire que la victime est responsable mais pour elle-même.
- Remarques sur cette solution de 1972 :
L’exonération partielle est commandée par 2 considérations : la victime ne pourra pas obtenir de réparation totale pour responsabiliser les victimes mais le défendeur ne doit pas échapper à toute charge et à sa R. On sanctionne victime et auteur.
Les juges du fond se charge du partage des R : soit on dit que ces 2 fautes sont soumises à l’équivalence des conditions 50%/50%. Si on applique le régime de la causalité adéquate, on regarde au sein des causes celle qui a le plus conduit au dommage, c’est le fait d’être monté ou que la personne soit alcoolisé : la cause adéquate est le fait de conduire en état d’ébriété ça cause des exonérations inférieures à 25%. Dans ce cas, la victime a été responsable au quart.
2) 1384 al 1 (responsabilité objective du fait des choses contre faute).
Quelles solutions retenir quand on a un fait de la victime qui n’est pas une faute, un simple fait générateur ? Le fait de la victime non fautif peut-il de la même façon permettre une exonération partielle ? - On a une saga jurisprudentielle en 5 étapes.
On a d’abord l’arrêt Jand’heur en 1930. On a une solution qui dit que si on a une faute de la victime qu’elle remplisse ou non les caractères de la force majeure elle est exonératoire on le voit en 1931.
Cette solution est apparue vite comme néfaste, on a un arrêt du 8 février 1938, un automobiliste tue un piéton qui traverse en dehors du passage clouté donc faute de la victime, ici la Ccass dit que la faute de la victime exonère partiellement et totalement que si elle remplit les conditions de la force majeure.
Ensuite le 17 décembre 1963, la jurisprudence progresse et prend une conception laxiste, elle dit que le fait même non fautif de la victime peut exonérer totalement le responsable. On incite le législateur à intervenir.
Puis on a un GRAND arrêt de 1982 DESMARES, un conducteur fauche 2 piétons, la Ccass met en place la politique du tout ou rien soit la faute de la victime rempli la force majeure donc exonération totale soit elle ne le fait pas et aucune exonération.
Enfin, dans des arrêts de 6 avril 1987 et 4 mars 1992 soit on a une faute de la victime qui remplit les conditions de la force majeure et donc exonération totale sinon on a une faute de la victime qui ne remplit pas les conditions de la force majeure et on a une exonération partielle. On revient à la situation de 1938.
Partie 2 : Le droit spécial de la responsabilité délictuelle.
Ils sont très nombreux et peuvent concerner des domaines très particuliers : on va s’intéresser aux accidents de la circulations et aux produits défectueux car ce sont des cas où le contentieux est abondant. Ces deux régimes ont une particularité : celui des accidents de la circulation fait que l’on est gêné de parler de responsabilité. Pour les produits défectueux c’est parce que c’est un régime qui nous vient de l’UE et qu’on a mis du temps à transposer et qu’on a mal transposé. L’UE avait inventé ce régime mais notre jurisprudence avait évolué et on devait transposer ce régime mais qu était moins favorable aux victimes en comparaison avec notre régime donc le législateur a fait en sorte de ne pas baisser le niveau d’indemnisation et donc il s’est fait réprimer. Aussi, il est important de connaitre ce régime car c’est un régime qui décloisonne les champs de R il appréhende de la même façon la victime liée par un contrat et celle non liée par un contrat.
Chapitre 1 : Accident de la circulation.
I) L’adoption de la loi du 5 juillet 1985.
C’est à propos des accidents de la circulation que s’est développé l’essentiel de la jurisprudence relative à l’article 1384 alinéa 1er du Code civil (actuel article 1242 al1 du Code civil). Avec la généralisation de l’assurance automobile, devenue obligatoire en 1959, s’est sérieusement posée la question de savoir si l’adoption d’un système d’indemnisation plus simple, plus automatique, ne serait pas préférable. L’arrêt Desmares (chapitre sur l’exonération) fut pour la Ccass le moyen de « provoquer » le législateur aux fins de lui faire adopter un texte.
Plusieurs projets furent prévus en ce sens. La loi fut finalement adoptée le 5 juillet 1985 surnommée « loi Badinter », son intitulé exact et complet est « loi tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation ».
La première conséquence qui est la sienne est d’exclure du domaine de mise en œuvre de l’article 1384 al1 les dommages consécutifs à des accidents de la circulation dans lesquels sont impliqués des véhicules terrestres à moteur. C’est la naissance d’un régime spécial.
Au-delà, la loi est une loi de compromis : D’abord, elle a privilégié l’objectif d’indemnisation des victimes (v. intitulé de la loi), en simplifiant les conditions pour qu’une indemnisation soit obtenue.
C’est ce que l’on comprend par l’analyse des conditions de l’indemnisation (§1).
Ensuite, dans ce régime sera tenu d’indemniser le conducteur ou le gardien du véhicule auteur de l’accident (§2).
Enfin, elle a néanmoins voulu faire une part à la faute de la victime. C’est ce que révèle l’analyse des hypothèses d’exonération (§3)
A) Les conditions de l’indemnisation.
L’article 1er de la loi de 1985 dispose que « Les dispositions du présent chapitre s'appliquent, même lorsqu'elles sont transportées en vertu d’un contrat, aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres ». Il faut donc pour que la loi soit applicable :
Un accident de la circulation.
Un véhicule terrestre à moteur.
Une implication du véhicule terrestre à moteur dans l’accident.
Ce sont ces conditions qui doivent être comprises même si nous verrons qu’elles ne suffisent pas à déclencher le droit à indemnisation il en manque une : l’implication.
1) Un accident de la circulation.
Cette condition se décompose en deux :
Un accident : l’accident est entendu comme un évènement fortuit et imprévisible. Dès lors, une question : la faute intentionnelle de l’auteur du dommage exclut-elle l’application de la loi ? L’accident intentionnel ne sera pas garantie. La réponse est venue rapidement, dès lors qu’il y a intention de blesser par exemple le piéton, la loi de 1985 ne s’applique pas, on appelle cela le véhicule utilisé comme une arme.
De la circulation : La loi sera applicable à condition que l’accident puisse être rattaché à la circulation des véhicules. La notion de circulation est largement entendue par la jurisprudence. Peu importe où se trouve le véhicule, (voie publique ou privée), peu importe qu’il soit en mouvement ou stationnement on le voit dans un arrêt de la Ccass, Chambre civile 2 du 17 novembre 2005. Il faut prendre en compte un critère fonctionnel : dès lors que le dommage est lié à la fonction de déplacement du véhicule, la loi est applicable, s’il est étranger à cette fonction, la loi est écartée. On le voit dans un arrêt de la Ccass Chambre civ 2 du 8 mars 2001, une femme a blessé quelqu’un en ouvrant le haut vent de son véhicule, on a écarté l’application de la loi de 1985 parce que l’on utilisait pas le véhicule dans sa fonction de déplacement. Donc ce qui se passe ici c’est qu’on a une R du fait des choses donc 1242 alinéa 1er.
2) Un véhicule terrestre à moteur.
C’est l’article 1er in fine qui permet de comprendre les extensions et les exclusions : « ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres ». La notion de « chemin de fer » ne peut pas réellement s’appliquer puisque ce ne sont pas les véhicules qui sont dessus. Si les solutions peuvent paraitre évidentes, elles n’en n’ont pas moins suscité des interrogations. On a la question des voix propres avec un arrêt de la Ccass Chambre civ 2 du 6 mai 1987 relative aux tramways. On a d’autres arrêts pour les passages à niveau ici la loi de 1985 ne s’appliquera pas puisque l’on est sur la voie de chemin de fer. La doctrine plaide qu’il faudrait l’appliquer même si le conducteur est en soit fautif. Donc soit on a des voies partagés et cela s’appliquer ou alors c’est une voie privée qui permet le passage auquel cas on applique pas.
Une question reste à se poser : qu’est ce qu’un VTM ?
On a un arrêt sur les tondeuses à gazon auto-portée dans un arrêt de la Ccass Chambre civ 2 du 24 juin 2004, l’enfant tombe, est ce VTM ou non ? Y’avait il une obligation d’assurance ? Ici la Ccass a déduit que c’est bien un VTM et donc sous l’empire de la loi de 1985.
Ensuite, on a une femme qui chute sur un trottoir alors qu’un ouvrier fait des travaux avec un engin de damage sans roue, VTM ou non ? Non selon la Ccass. Donc pas de roue alors pas de VTM ?
Encore, on a un arrêt sur une femme qui emmène son enfant à la fête foraine, elle l’emmène aux auto-tamponneuse et va être tamponné. Est ce un VTM ? La Ccass a retenu que c’était un véhicule miniature assimilable a un joue et donc n’était pas un VTM. Ccass Chambre civ 2 du 4 mars 1998.
Enfin, une presse à paille attelé à un tracteur, VTM ou non ? La presse à paille est selon la Ccass un matériel immobile et non autonome, l’accident aurait quand même pu arriver, donc ce n’est pas un VTM. Ccass Chambre civ 2 du 3 juillet 1991.
Pour terminer : la trottinette ou le vélo électrique ? VTM ou non ?
Pour le vélo électrique alors ce n’est pas un VTM on l’assimile au vélo sans moteur car ici le moteur n’est pas la pour faire avancer mais pour aider.
Pour la trottinette : on tire la solution d’un décret qui date du 23 octobre 2019 relatif à la réglementation des engins de déplacement personnel. Aujourd’hui on appelle ça des nouveaux véhicule électrique individuel et on a considéré que c’était comme des VTM donc ils sont sous l’empire de la loi de 1985. Ça s’applique aussi à l’overboard.
3) L’implication du véhicule dans l’accident.
La notion d’implication est centrale. On ne voulait pas écrire causalité d’où l’utilisation de ce mot « implication ». Seront débiteurs d’indemnisation les conducteurs ou gardiens d’un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation. Par l’implication, on sait qui doit payer, qui est le débiteur d’indemnisation. Il faut bien comprendre que la question n’est pas celle de l’implication du véhicule dans le dommage mais dans l’accident. Il ne s’agit donc pas de savoir si le véhicule A a causé un dommage à X mais uniquement de constater que le véhicule A a participé à un accident, a été impliqué dans celui-ci, et qu’après cet accident, X souffrait d’un préjudice.
Un mot nouveau : la terminologie utilisée par le législateur est « nouvelle ». Point de « dommage causé », « de véhicule causant un dommage » « de véhicule participant à la production du dommage ». Dès lors la question posée par ce terme était de comprendre s’il entretenait des liens ou pas avec ce que l’on appelle en droit commun de la responsabilité la causalité. La question qui s’est alors posée est celle de l’intensité du rattachement que suppose la notion d’implication.
Soit l’implication est un rapport de nécessité : il faut que le véhicule ait été nécessaire à la production du dommage. Une telle solution se rapproche de l’équivalence des conditions.
Soit l’implication est rapport d’éventualité : il suffit que le véhicule ait pu jouer un rôle dans la survenance du dommage. On pourrait alors parler de causalité hypothétique, on aurait une notion nouvelle que J. Flour a développé. La jurisprudence a fait prévaloir cette seconde interprétation ce qui éloigne l’implication de la notion de causalité.
Des distinctions : cette première question comprise, il reste à mesurer comment s’apprécie l’implication dans deux situations différentes : en présence d’un contact et en l’absence d’un contact. Dans son dernier état la jurisprudence posait deux solutions bien distinctes :
Implication et contact : Il y a là un signe fort d’une rupture avec la causalité telle que comprise dans le cadre de la responsabilité du fait des chose. Sous l’empire de la loi de 1985, « est nécessairement impliqué dans l’accident, au sens de ce texte, tout véhicule terrestre à moteur qui a été heurté, qu’il soit à l’arrêt ou en mouvement ». Tout véhicule qu’il heurte (mouvement et contact) ou qu’il soit heurté (forme passive utilisée par la Ccass) est impliqué dans l’accident. La distinction selon que le véhicule est ou non en mouvement est inopérante. Tout contact signifie implication. On met en cause le plus de véhicule possible pour mettre en cause le plus de débiteur possibles et donc donner une possibilité d’indemnisationL La Ccass expose très clairement les effets du contact grâce à l’emploi de l’adverbe « nécessairement » : elle met en place un système qui instaure une présomption irréfragable. Dès lors qu’il y a contact, il y a implication. On a un arrêt de la Ccass Chambre civ 2 du 25 janvier 1995.
Implication et absence de contact : On a deux arrêts, le premier est une collision dans le couloir centrale d’une route, se percute un camion et une voiture qui effectuait tous les deux un dépassement et on se demandait si le véhicule qui est entrain d’être doublé mais qui n’a pas été touché est lui aussi impliqué dans l’accident ?
Ici la Ccass considère que si on double on a pas la possibilité de se rabattre et quand la collision se produit on ne peut pas se rabattre et donc que le véhicule qu’on double est impliqué dans l’accident. Dans le deuxième arrêt deux véhicules se croisent et se heurtent légèrement (rétroviseur qui prend avec une vitre), une des deux voitures décide de partir et l’autre le suit pour le rattraper et faire un constat, il ne l’a pas encore rattrapé que celui devant va trop vite perd le contrôle en négociant un virage, quitte la route se prend un talus et meurt dans l’accident. La question est de savoir si le véhicule qui poursuivait a finalement été témoin du fait qu’elle allait trop vite et s’il est donc impliqué dans sa mort ? La CA dit que c’est un dommage indirect que le véhicule derrière n’était pas implique et la Ccass répond qu’il était impliqué. On a donc une véritable causalité hypothétique car ce n’est pas parce qu’elle était suivi qu’elle allait vite, il n’y a aucune certitude sur quoi que ce soit mais le véhicule a peut être pu avoir une incidence dans l’accident. On cherche donc ici tous les faits possibles. L’implication n’exige pas le contact, il suffit que le véhicule soit intervenu à quelque titre que ce soit dans la réalisation du dommage. En l’absence de contact qui rattache le véhicule à l’accident, c’est à la victime de prouver l’implication. La jurisprudence confirme que l’implication est comprise de très accueillante manière.
L’implication du véhicule dans l’accident, si elle signifie l’applicabilité de la loi de 1985, ne signifie pas nécessairement que le conducteur sera responsable : encore faut-il que le dommage puisse être rattaché à l’accident. C’est une nouvelle question celle de l’imputabilité du dommage à l’accident. X est victime d’un accident de la circulation : il souffre d’un bleu au front. Le lendemain, une bouteille d’air liquide explose alors qu’X aide à la décharger : X passe six mois à l’hôpital. Naturellement, seul le premier dommage doit être réparé par le conducteur du véhicule terrestre à moteur impliqué dans le premier accident. Il ne s’agit d’indemniser que les victimes d’un accident de la circulation : il faut donc que le dommage ait été causé par cet accident. L’implication a remplacé la causalité quant au rapport entre le véhicule et l’accident. Mais la causalité reprend ses droits quand il s’agit d’apprécier le lien entre le dommage et l’accident.
4) L’imputabilité du dommage à l’accident.
Cette exigence n’apparait pas formellement dans l’article 1er de la loi, et pourtant on mesure sa nécessité. La difficulté réside dans le fait que ce retour de la causalité, cette imputabilité du dommage à l’accident, ne doit pas conduire à compliquer excessivement la tâche probatoire de la victime : sinon, la loi ne favoriserait pas l’indemnisation des victimes, fonction qui lui est donnée par son intitulé.
A cet effet a été instituée une présomption dans l’arrêt de la Ccass du 19 février 1997. Il y a présomption d’imputabilité du dommage à l’accident dans toutes les hypothèses où les dommages se manifestent dans un temps voisin de l’accident et qu’ils en constituent une suite prévisible. Il ne s’agit toutefois que d’une présomption simple que le conducteur ou le gardien peut renverser en établissant que le dommage n’est pas dû à l’accident. On a un arrêt de la Ccass Chambre civ 2 du 13 novembre 1991. Limite : si le dommage n’apparaît que dans un temps éloigné de l’accident ou ne constitue pas une suite prévisible, aucune présomption n’existe, c’est à la victime de prouver que le dommage trouve sa cause dans l’accident.
Et quand tout se complique : un gros accident ou des petits accidents. On a vu que la question qui se pose n’est pas celle de l’imputabilité du dommage au véhicule mais à l’accident. Ce qui semble très simple se complique considérablement en présence d’un accident « complexe », c’est-à-dire de collisions en chaine, successives et un peu étalées dans le temps. En fait, toute la question se résume à celle de la possibilité de sectionner un « accident complexe » en plusieurs accidents ou pas.
Fractionnement : Si on admet que l’accident total peut être scindé en plusieurs sous-accidents, ayant chacun causé ou pas un dommage, on ne viole pas le texte de la loi, qui ne définit pas l’accident. Mais l’esprit de la loi était de rendre le contentieux moins complexe. Or si on permet aux parties de prouver qu’après le 3ème choc, la victime du 1er choc était morte et donc qu’on ne peut pas imputer au 3ème choc le dommage, on entre dans des débats interminables et complexes.
Globalisation : Si on refuse de scinder l’accident total en sous-accident, alors la question est beaucoup plus simple le dommage survenu à n’importe quel moment (donc choc) est imputable à l’accident total. L’intérêt de cette globalisation est pour les victimes de voir tous les conducteurs ou gardiens des véhicules impliqués dans ce « gros » accident être des débiteurs de l’indemnisation qui sera donc très facilitée.
Après des hésitations, voici la réponse dans un arrêt de la Ccass Chambre civ 2 du 11 juillet 2002 : aujourd’hui la réponse c’est la globalisation, tous les véhicules impliqués et tous leur conducteur se retrouve dans un gros et unique accident. Pour une question d’indemnité plus il y a de conducteurs impliqués plus il y a de débiteurs potentiels.
B) Le conducteur ou gardien auteur de l’accident.
L’indemnisation est due lorsque les conditions posées à l’article 1er de la loi sont réunies. Les articles suivants de la loi envisagent alors les questions d’exonération. Sur l’identité du débiteur la loi ne procède en fait que par allusions dans les textes. Leur lecture, et plus précisément celle des articles 2 et 3, renseigne sur l’identité du débiteur de l’indemnité (ou de l’assureur à mobiliser).
L’article 3 alinéa 3 dispose que : « Toutefois, dans les cas visés aux deux alinéas précédents, la victime n'est pas indemnisée par l'auteur de l'accident des dommages résultant des atteintes à sa personne lorsqu'elle a volontairement recherché le dommage qu'elle a subi », l’expression reste vague. L’article 2 dispose que : « Les victimes, y compris les conducteurs, ne peuvent se voir opposer la force majeure ou le fait d'un tiers par le conducteur ou le gardien d'un véhicule mentionné à l'article 1er. ». - Le conducteur est celui qui a la maîtrise de fait du véhicule. Hypothèse originale pour comprendre. Si le conducteur est « celui qui accomplit les gestes nécessaires à la conduite d’un véhicule terrestre à moteur ou qui tout au moins en conserve la maîtrise », alors un moniteur d’auto-école même s’il n’est pas au volant reste conducteur, l’élève ne l’est pas. C’est lui qui est le sachant et qui a la double pédale.
Le gardien est celui de la définition identique à celle retenue dans le cadre du droit commun de l’article 1242 alinéa 1er. En principe le conducteur est le gardien sauf cas particulier. Par exemple le préposé ne peut être gardien mais peut être conducteur. Et le propriétaire ? Comme en droit commun il est présumé gardien.
Rappelons en outre les termes de l’obligation d’assurance. L’article L211-1 du Code des assurances dispose que « Toute personne physique ou toute personne morale autre que l'Etat, dont la responsabilité civile peut être engagée en raison de dommages subis par des tiers résultant d'atteintes aux personnes ou aux biens dans la réalisation desquels un véhicule est impliqué, doit, pour faire circuler celui-ci, être couverte par une assurance garantissant cette responsabilité, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Pour l'application du présent article, on entend par "véhicule" tout véhicule terrestre à moteur, c'est-à-dire tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui peut être actionné par une force mécanique sans être lié à une voie ferrée, ainsi que toute remorque, même non attelée. Les contrats d'assurance couvrant la responsabilité mentionnée au premier alinéa du présent article doivent également couvrir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite, même non autorisée, du véhicule, à l'exception des professionnels de la réparation, de la vente et du contrôle de l'automobile, ainsi que la responsabilité civile des passagers du véhicule objet de l'assurance. Toutefois, en cas de vol d'un véhicule, ces contrats ne couvrent pas la réparation des dommages subis par les auteurs, coauteurs ou complices du vol. L'assureur est subrogé dans les droits que possède le créancier de l'indemnité contre la personne responsable de l'accident lorsque la garde ou la conduite du véhicule a été obtenue contre le gré du propriétaire. Ces contrats doivent être souscrits auprès d'une entreprise d'assurance agréée pour pratiquer les opérations d'assurance contre les accidents résultant de l'emploi de véhicules automobiles. Les membres de la famille du conducteur ou de l'assuré, ainsi que les élèves d'un établissement d'enseignement de la conduite des véhicules terrestres à moteur agréé, en cours de formation ou d'examen, sont considérés comme des tiers au sens du premier alinéa du présent article ». C’est sur le conducteur que repose les obligations d’assurance.
C) Les hypothèses d’exonération.
1) Force majeure, fait du tiers et loi de 1985.
L’article 2 de la loi du 5 juillet 1985 dispose : « Les victimes, y compris les conducteurs, ne peuvent se voir opposer la force majeure ou le fait d'un tiers par le conducteur ou le gardien d'un véhicule mentionné à l'article 1er », on a évincé totalement une notion traditionnelle de la R donc un événement qui remplit les conditions de la force majeure. Donc même si on démontre un événement de la force majeure on ne peut pas s’exonérer. Le principe : le souci majeur de mieux assurer l’indemnisation a conduit à remettre en cause l’automaticité de l’exonération totale en présence d’un cas de force majeure. C’est dire que cette notion centrale du droit commun n’a pas droit de cité en la matière.
Une limite toutefois avec l'article 5 alinéa 3 : « Lorsque le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur n'en est pas le propriétaire, la faute de ce conducteur peut être opposée au propriétaire pour l'indemnisation des dommages causés à son véhicule. Le propriétaire dispose d'un recours contre le conducteur », cela ne concerne que le cas fortuit ou le fait du tiers.
2) Faute de la victime et loi de 1985.
Ensuite, la loi procède à diverses distinctions :
Distinction selon que le dommage à réparer est un dommage aux biens ou à la personne.
Distinction selon la personne de la victime conducteur ou non conducteur.
a) Dommages résultant des atteintes aux biens.
Les choses sont assez simple. L’article 2 de la loi du 5 juillet 1985 dispose : « La faute, commise par la victime a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages aux biens qu'elle a subis. Toutefois, les fournitures et appareils délivrés sur prescription médicale donnent lieu à indemnisation selon les règles applicables à la réparation des atteintes à la personne. Lorsque le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur n'en est pas le propriétaire, la faute de ce conducteur peut être opposée au propriétaire pour l'indemnisation des dommages causés à son véhicule. Le propriétaire dispose d'un recours contre le conducteur ». La faute de la victime peut limiter ou exclure le droit à indemnisation.
Finalement la loi de 1985 ne déroge pas aux solutions classiques en la matière. La faute de la victime, quelle que soit la victime conducteur ou non, et sans que la faute ait à avoir certains caractères particuliers, a pour effet de limiter ou d’exclure le droit à réparation. Le choix entre une exonération partielle ou totale relève en la matière du pouvoir souverain des juges du fond et ce sans recours aux caractères de la force majeure (article 2 de la loi).
b) Dommages résultant des atteintes à la personne.
En revanche, l’indemnisation des dommages résultant d’atteintes aux personnes fait l’objet de règles très spécifiques, tendant, au moins concernant les victimes non-conducteurs, à restreindre les possibilités d’exonération par la preuve de la faute de la victime. On remarque donc que le législateur a opéré un jugement de valeur très clair : toute faute de la victime peut venir limiter son droit à indemnisation pour les dommages aux biens, seules les fautes très caractérisées peuvent, concernant les victimes non-conducteurs, venir exclure (car est mis en œuvre un système « du tout ou rien ») le droit à indemnisation des dommages aux personnes.
C’est dans ce cadre qu’il convient de distinguer l’indemnisation des dommages à la personne de la victime non conducteur et l’indemnisation des dommages à la personne de la victime conducteur. L’esprit de la loi est une bienveillance à l’égard des non-conducteurs et une volonté de responsabilisation des conducteurs.
i) Dommages résultant des atteintes à la personne et victime non conducteur.
L’article 3 de la loi du 5 juillet 1985 dispose : « Les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l’accident. Les victimes désignées à l'alinéa précédent, lorsqu'elles sont âgées de moins de seize ans ou de plus de soixante-dix ans, ou lorsque, quel que soit leur âge, elles sont titulaires, au moment de l'accident, d'un titre leur reconnaissant un taux d'incapacité permanente ou d'invalidité au moins égal à 80%, sont, dans tous les cas, indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subis. Toutefois, dans les cas visés aux deux alinéas précédents, la victime n'est pas indemnisée par l'auteur de l'accident des dommages résultant des atteintes à sa personne lorsqu'elle a volontairement recherché le dommage qu'elle a subi ».
Qui sont les non conducteurs ? Ce sont les piétons, cyclistes, trottinettes, rollers, passagers des véhicules. Le principe : Les victimes non-conducteurs ne peuvent pas se voir opposer leur propre faute. Dès lors la prise en considération de la faute de la victime sera une exception, exception méritant une interprétation stricte.
Pour les exceptions, il convient de distinguer selon les victimes :
Les victimes non conducteurs âgées de plus de 16 ans et de moins de 70 ans et sans incapacité permanente ou invalidité de plus de 80% peuvent se voir opposer et leur faute inexcusable si elle été la cause exclusive de l’accident et leur faute intentionnelle.
Les autres (âgées de moins de 16 et de plus de 70 ans, ou avec une incapacité permanente ou invalidité de plus de 80%), que l’on surnomme les victimes spécialement protégées, ne peuvent se voir opposer que leur faute intentionnelle.
La faute inexcusable à condition qu’elle soit la cause exclusive de l’accident : La faute inexcusable de la victime non conducteur a été définie dans une série d’arrêts de Cass. 2ème civ du 20 juillet 1987 : seule est inexcusable au sens de ce texte la faute volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait du avoir conscience. La jurisprudence est par la suite venue appliquer une telle notion et il ressort de l’analyse de la jurisprudence que seules « les hypothèses dans lesquelles la victime a adoptée une attitude de témérité active en faisant un effort afin de braver un danger évident sont de nature à caractériser une faute inexcusable » selon l’expression de G. Viney.
L’exceptionnelle gravité constitue alors la dimension objective de la notion, on le voit dans l’arrêt de la Ccass du 16 décembre 2004, quand le caractère volontaire et la conscience du danger en constituent ensemble la dimension subjective. A ce sujet un arrêt important de la Ccass Chambre civ 2 du 2 mars 2017, La victime qui rapporte la preuve de son état de confusion mentale ou d’une absence de discernement au moment de l’accident peut alors démontrer l’absence de caractère volontaire et donc l’absence de faute inexcusable.
La faute intentionnelle : la faute intentionnelle qui peut être opposée à tous consiste en la recherche volontaire du dommage. Les juges du fond apprécient souverainement le comportement quasi-suicidaire de la victime traduisant une recherche volontaire du dommage.
ii) Dommages résultant des atteintes à la personne et victime conducteur
L’article 4 de la loi du 5 juillet 1985 dispose : « La faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis ». La faute, sans autre précision : une faute quelconque du conducteur peut lui être opposée pour réduire ou exclure son droit à indemnisation. C’est-à-dire qu’en réalité pour eux dommages résultant d’une atteinte aux biens ou à la personne la solution est la même.
Pour atteinte aux biens sur le fondement de l’article 4 (texte utilisée par la jurisprudence) mais l’article 5 ne dit rien d’autres.
Pour atteinte à la personne sur le fondement de l’article 4.
Les juges du fond ont tout pouvoir pour moduler la sanction de la faute, d’une limitation très faible de l’indemnisation à son exclusion totale. On peut non seulement opposer au conducteur sa faute
si elle est la cause de l’accident mais aussi si elle est la cause de son dommage, bien qu’elle ne soit pas la cause de l’accident : ex. absence de port de ceinture de sécurité.
Un problème : de quand à quand sommes nous conducteurs ? Peut-on au cours d’un accident perdre la qualité de conducteur ? La question se pose dès lors qu’un choc conduit à ce qu’une personne conducteur soit éjectée de son véhicule. L’enjeu est énorme : l’application d’un régime d’exonération pour faute de la victime bien différent selon le statut. Reste-t-elle conducteur ? Redevient-elle un non conducteur ? Peut-elle changer de statut en cours d’accident ? La Ccass va inviter à faire de la physique élémentaire. Tant que le conducteur est soumis à l’énergie cinétique du véhicule il est toujours conducteur, donc tant qu’on vole et qu’on tombe on est conducteur, quand on s’est écrasé on ne l’est plus.
Quid de l’avenir ?
Personne ne se met d’accord sur l’indemnisation des victimes conducteurs. Si on admet un niveau d’indemnisation équivalent pour les victimes conducteurs ou non alors on augmente la charge de l’indemnisation donc la charge des assureurs qui devront augmenter le niveau des primes sur les accidents et ils n’ont pas envie.
Chapitre 2 : Responsabilité du fait des produits défectueux.
La directive du 25 juillet 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux a été transposée en droit interne par la loi du 19 mai 1998, après que la France ait été condamnée en manquement en 1993 et avant qu’une seconde procédure n’aboutisse à des sanctions pécuniaires. Ce retard s’explique par la divergence d’intérêts entre les professionnels qui souhaitaient pouvoir s’exonérer de leur responsabilité en invoquant le fait que l’état des connaissances scientifiques et techniques ne leur permettait pas de prévoir le défaut (risque de développement) et les associations de consommateur qui défendaient une indemnisation facilitée des victimes. La loi française a introduit une responsabilité de plein droit du fait des produits défectueux dans le Code civil aux articles 1386-1 et suivants. Ce régime est particulièrement intéressant car il transcende la distinction entre responsabilité contractuelle et responsabilité délictuelle en imposant aux producteurs une obligation de garantir les victimes des dommages causés par leur produit qu’elles soient contractantes (par l’achat du produit) ou tiers.
En raison du retard pris pour transposer la directive, la jurisprudence avait crée une obligation de sécurité de résultat à la charge des fabricants qui devaient livrer un produit exempt de tout défaut de nature à causer un danger pour les personnes ou les biens, c’est-à-dire un produit qui offre la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre dans un arrêt du 28 avril 1998. Cet arrêt avait été rendu au visa des articles 1147 et 1384 alinéa 1er du Code civil qui instauraient l’obligation de sécurité tant au profit de parties contractantes que des tiers. La Ccass « transposait » ainsi la directive quelques mois avant le parlement. Depuis, quand il n’est pas possible d’appliquer directement les articles 1386-1 et suivants du Code civil la Ccass n’hésite pas à adopter des solutions tout à fait identiques mais sur le fondement des dispositions du Code civil sur la responsabilité contractuelle et délictuelle à la lumière de la directive. Par ailleurs, il avait été instauré, discrètement, dès 1981, une obligation de sécurité des produits au profit des consommateurs. Cette obligation figure toujours au sein du Code de la consommation et prévoit que « les produits et les services doivent, dans des conditions normales d’utilisation ou dans d’autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes » c’est l’article L221-1 du Cconso. Cette disposition n’a fait l’objet que de quelques décisions du fond, on a un arrêt de la CA de Douai de 1999 et ne semble guère utilisée.
En revanche, les dispositions adoptées en 1998 sont utilisées à propos de produits de santé. Celles- ci ont donné lieu à une condamnation de la France pour mauvaise transposition de la directive dans 3 arrêts du 25 avril 2002. En outre, la CJCE a condamné tout régime de responsabilité aboutissant à des résultats différents de celui instauré par la directive.
Afin de réparer le manquement constaté par la CJCE, le législateur français a modifié le régime de responsabilité du fait des produits défectueux par une loi du 10 décembre 2004. Ce texte n’est pas apparu comme suffisant aux autorités communautaires. La Commission a introduit une nouvelle action le 14 avril 2004 car la France ne respectait pas exactement les termes des arrêts de 2002 sur la question de la responsabilité éventuelle du fournisseur. Afin de cantonner cette responsabilité, une nouvelle modification de la responsabilité du fait des produits défectueux a été opérée par l’article 2 de la loi du 5 avril 2006. C’est ce régime modifié qui semble maintenant conforme aux yeux de la CJCE et de la Commission d’examiner en observant le champ d’application de la loi, les conditions de mise en œuvre de la responsabilité et les causes d’exonération. Les victimes n’ont désormais plus le choix qu’entre le régime de la responsabilité des produits défectueux, tel que prévu par la directive et une responsabilité pour faute.
I) Champ d’application de la responsabilité du fait des produits défectueux.
Il est affirmé à l’article 1245 du Code civil que « le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu’il soit ou non lié par un contrat avec la victime ». En outre, les articles 1386-5 et 1386-11 précisent que la responsabilité du producteur est mise en cause à la condition que le produit ait été mis en circulation. On doit donc préciser vers quel responsable la victime peut diriger son action et pour quel produit mis en circulation. En outre, la Ccass a indiqué selon quelles modalités le droit des produits défectueux s’applique dans le temps.
A) Protagonistes de l’action et dommages couverts.
C’est une responsabilité à la charge des producteurs qui a été instaurée. Il restait à préciser cette notion. Ensuite, il convient de déterminer les bénéficiaires d’une telle action et les dommages couverts.
1) Responsables.
L’article 1386-6 du Code civil définit le producteur comme le fabricant à titre professionnel d’un produit fini, le producteur d’une matière première ou encore le fabricant d’une partie composante. Il est ajouté à l’alinéa deux du texte que celui qui appose son nom, sa marque ou un autre signe distinctif sur le produit est assimilé au producteur, de même que l’importateur. En revanche, aux termes de l’alinéa 3 de l’article 1245-5, les constructeurs (architectes, maîtres d’œuvre, entrepreneurs de construction) ne sont pas assimilés à des producteurs.
Afin de faciliter l’action de la victime, la loi de 1998 avait prévu à l’article 1386-7 du Code civil (1245-6 nouveau) que le vendeur, le loueur ou tout autre fournisseur professionnel, à l’exception du crédit-bailleur, sont responsables dans les mêmes conditions que le producteur. L’alinéa 2 précisait ensuite que ces fournisseurs disposaient d’un recours contre le fabricant à exercer dans l’année de la citation en justice. C’est ainsi qu’un boucher a été condamné pour vente de viande contaminée dans une décision de la CA de Toulouse du 22 février 2000 et un vendeur de pneus pour fourniture de pneus qui ont éclaté dans un arrêt de la CA de Toulouse du 7 novembre 2000. Ces dispositions étaient conformes à la tradition française qui veut que la victime d’un bien défectueux puisse s’adresser indifféremment au fabricant ou à l’un des revendeurs. Néanmoins, la CJCE a condamné cette disposition comme étant non conforme à l’article 3§3 de la directive. Dans un arrêt Skov Aeg de la CJCE du 10 janv. 2006, la CJCE a réaffirmé cette conception très restrictive du producteur. Dans cette espèce, il s’agissait de victimes de salmonellose par consommation d’œufs vendus par un supermarché. Il s’agissait de déterminer si le droit national qui permet l’action contre le seul fournisseur (le supermarché) est conforme à la directive. La CJCE indique que la directive a pour vocation de déterminer « parmi les professionnels ayant participé aux processus de fabrication et de commercialisation, celui qui devra assumer la responsabilité » du fait des produits défectueux (Arrêt Skov Aeg). Elle ajoute que « la directive doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une règle nationale selon laquelle le fournisseur répond sans restriction de la responsabilité du producteur au titre de la directive » (Arrêt Skov Aeg). Il n’est donc pas possible de faire supporter au fournisseur tel qu’un supermarché ou un revendeur quelconque la responsabilité du producteur défini de façon restrictive comme un fabricant de produit fini ou un producteur de matière première dès lors que ce dernier est connu. La victime ne peut agir contre le fournisseur qu’à la condition que le producteur demeure inconnu. Afin de tenir compte de ces décisions, l’article 1386-7 du Code civil alinéa 1er a été modifié une première fois par la loi de 2004. Aux termes de ce texte, la victime ne peut agir contre le vendeur ou le loueur que si le producteur demeure inconnu. Il appartenait donc à la victime de rechercher d’abord, à titre principal, la responsabilité du producteur, puis, seulement si ce dernier demeure « inconnu » d’actionner le vendeur. Nonobstant cette modification, la Commission a estimé que la France ne transposait toujours pas convenablement la directive. Pour cantonner la responsabilité du fournisseur, la loi adoptée en 2006 a modifié de nouveau l’alinéa 1er de l’article 1386-7 qui dispose désormais : « si le producteur ne peut être identifié, le vendeur, le loueur, à l'exception du crédit-bailleur ou du loueur assimilable au crédit-bailleur, ou tout autre fournisseur professionnel, est responsable du défaut de sécurité du produit, dans les mêmes conditions que le producteur, à moins qu'il ne désigne son propre fournisseur ou le producteur, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande de la victime lui a été notifiée ». Cette disposition est très semblable à l’article 3§3 de la directive du 25 juillet 1985. On peut simplement souligner que le législateur français a transformé le « délai raisonnable » indiqué à cet article par un délai de trois mois. En revanche, la transposition littérale de la directive sur le fond est défavorable aux victimes d’un produit défectueux. En effet, le fournisseur, c'est-à-dire un distributeur tel qu’un supermarché par exemple, ne pourra plus voir sa responsabilité recherchée directement. Il faudra d’abord démontrer que le producteur demeure inconnu. Ensuite le fournisseur disposera d’un délai de trois mois pour désigner son propre fournisseur ou le producteur. On observera que l’on augmente ainsi les chances que le responsable soit ressortissant d’un autre État membre que celui de la victime ce qui ne facilitera pas la réparation de cette dernière.
Enfin, le texte ne dit rien de l’insolvabilité du producteur désigné. Il faudrait alors pouvoir agir contre le fournisseur pour ne pas laisser la victime sans réparation. Cette jurisprudence très défavorable aux victimes et contraire au droit français antérieur ne lève pas toutes les difficultés. On ne sait pas ce qui sera décidé si le fournisseur est connu mais étranger, sans établissement en France, et qu’il est coûteux et aléatoire pour la victime de procéder à son assignation. Il semblerait alors logique de pouvoir actionner l’importateur ou le vendeur. À défaut la victime des produits défectueux risque de ne pouvoir utiliser efficacement la procédure prévue aux articles 1245 et suivants du Code civil que contre les fabricants français. On aboutirait ainsi à une discrimination en défaveur de ces derniers que les législateurs français et communautaires voulaient précisément éviter.
Dans le même esprit, la question du producteur identifié mais insolvable reste pour le moment sans réponse. S’il était décidé, dans une jurisprudence ultérieure, que le producteur, au sens restrictif de fabricant, même insolvable est le seul responsable il sera alors nécessaire pour la victime d’agir contre le fournisseur sur le fondement d’une responsabilité sans faute.
La CJCE est venue préciser les possibilités pour la victime d’agir contre un autre que le fabricant direct du produit. Tout d’abord elle indique que l’article 11 de la directive « doit être interprété en ce sens qu'il ne s'oppose pas à ce que la juridiction nationale considère que, dans la procédure judiciaire engagée, dans le délai qu'il fixe, à l'encontre de la filiale à 100 % du « producteur », au sens de l'article 3§1 de la directive, ledit producteur puisse être substitué à cette filiale si cette juridiction constate que la mise en circulation du produit concerné a été déterminée en fait par ce producteur. En outre, la cour ajoute que « l'article 3, paragraphe 3, de la directive 85/374 doit être interprété en ce sens que, lorsque la victime d'un produit prétendument défectueux n'a raisonnablement pas pu identifier le producteur dudit produit avant d'exercer ses droits à l'encontre du fournisseur de ce dernier, ledit fournisseur doit être considéré comme un «producteur», aux fins, notamment, de l'application de l'article 11 de ladite directive, s'il n'a pas communiqué à la victime, de sa propre initiative et de manière diligente, l'identité du producteur ou de son propre fournisseur, ce qu'il appartient à la juridiction nationale de vérifier au vu des circonstances de l'espèce ». Ainsi, quand l’action a été intentée contre une filiale à 100 % du fabricant et que la mise en circulation a été décidée par le fabricant, une juridiction nationale pourrait considérer que ce dernier est tenu pour responsable nonobstant le défaut d’assignation dans les dix ans. On pourrait extrapoler cette solution à une filiale détenue majoritairement et pour laquelle la maison mère a pris la décision de la mise en circulation. Plus intéressant encore, l’impossibilité pour la victime d’identifier le véritable fabricant qui ne serait pas dénoncé par le fournisseur (vendeur directe, grossiste, importateur, celui qui appose sa marque articles 1245-5 et 1245-6 Cciv) obligerait ce dernier à prendre en charge le dommage. Il est donc essentiel pour les fournisseurs intermédiaires de toujours rapidement identifier les fabricants des produits qu’ils revendent afin de renseigner la victime qui intente une action et pour les victimes d’assigner le plus largement possible tous les maillons de la chaîne qu’ils peuvent identifier.
Enfin, il a été précisé, à propos de l’utilisation de matériel médical par le médecin, que la responsabilité d’un prestataire de services qui utilise le produit peut être engagée sur un autre fondement que la directive de 1985. Un professionnel de santé en France peut donc voir sa responsabilité engagée sans faute lorsqu’il utilise un produit de santé ou un matériel médical défectueux (la responsabilité des professionnels de santé est engagée pour faute conformément à l’article 1142-1 CSP, hors le cas de responsabilité pour l’utilisation d’un produit de santé, précise ce texte). Plus largement, cet arrêt pose le principe que la responsabilité de l’utilisateur d’un produit défectueux ne rentre pas dans le champ d’application de la directive de 1985. Sur le fondement de cette décision, le CE a décidé que le service public hospitalier est responsable, même en l'absence de faute de sa part, des conséquences dommageables pour les usagers, de la défaillance des produits et appareils de santé qu'il utilise. En revanche, la Ccass a adopté une position inverse, en estimant que la victime d’un produit défectueux utilisé par un professionnel de santé doit fonder son action sur les articles 1386-1 (1245 nouv) et suivants du Code civil, dès lors que se trouvent remplies les conditions de mise en œuvre de ces textes.
2) Victimes.
La procédure a pour objet de permettre à toute victime contractante ou non d’être indemnisée. Par ailleurs, il est indifférent que la victime soit un consommateur ou un professionnel. On pourrait parfaitement imaginer qu’un peintre victime d’un solvant puisse être indemnisé sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux. Toutefois, une distinction entre professionnels et non professionnel a été réintroduite quant à la nature du dommage réparable.
3) Dommages.
À l’article 1386-2 du Code civil, il est prévu que toute atteinte est réparée : celle portée à l’intégrité corporelle et celle portée à un bien. Il est précisé par le texte que le produit défectueux lui-même ne saurait être couvert par ces dispositions. Le remplacement du produit défectueux relève de la garantie des vices cachés. Le particulier comme le professionnel bénéficient donc d’une indemnisation sans restriction de leur dommage corporel. Toutefois, l’article 1386-15 alinéa 2 du Code civil précise que les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité sont possibles entre professionnels pour les dommages aux biens. La loi de 2004 est venue modifier cet article 1386-2 du Code civil, en reprenant une disposition de la directive non transposée par la France. Pour l’atteinte aux biens, la directive prévoit une franchise de 500 €. Le décret de 2005, reprend ce montant de 500 €. La Ccass a censuré un arrêt d’appel pour ne pas avoir respecté cette franchise de 500 €.
La transposition de la directive aux articles 1386-2 alinéa 1er laisse à penser que seuls les dommages corporels sont visés par ce régime de responsabilité. Toutefois, l’article 1386-15 évoque les clauses de non responsabilité pour les valider entre professionnels dès lors que seuls les dommages aux biens professionnels sont concernés. Il fallait donc décider si entre professionnels il est possible d’invoquer la responsabilité du fait des produits défectueux pour des dommages causés à des machines. La Ccass a soumis la question à la CJCE. Assez curieusement la CJCE a admis qu’un droit national permette d’indemniser exclusivement le dommage causé à une chose entre professionnels, la Ccass a donc autorisé l’application des dispositions sur la responsabilité du fait des produits défectueux quand seuls les biens sont en cause.
B) Produits mis en circulation.
a) Les produits.
Les catégories de produits concernées par ces dispositions sont assez variées. L’article 1386-3 du Code civil, en indiquant qu’est un « produit tout bien meuble, même s’il est incorporé dans un immeuble, y compris les produits du sol, de l’élevage, de la chasse et de la pêche » et que « l’électricité est considérée comme un produit », vise à soumettre tous les produits manufacturés et tous ceux issus de l’agriculture au nouveau régime de responsabilité. De même que les matériaux incorporés dans un bâtiment et, plus curieusement, l’électricité sont inclus dans le champ d’application. La seule nomenclature de ces produits ne suffit pas à définir le champ d’application. Il faut en outre que le produit ait été mis en circulation.
b) La notion de mise en circulation.
Il résulte des articles 1245-4 et 1245-10 du Code civil que la responsabilité du producteur ne peut être engagée que si le produit a été mis en circulation postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi de 1998. L’article 1245-4 précise que la mise en circulation est réalisée lorsque le producteur s’en est dessaisi volontairement et qu’un « produit ne fait l’objet que d’une seule mise en circulation ». La lecture de ces textes permettait d’estimer, en l’absence de précisions sur ce point dans la directive, que la mise en circulation signifie la mise en vente par le fabricant du produit, son introduction délibérée par le producteur dans un circuit de distribution. La date cruciale est celle à laquelle le produit est introduit sur le marché pour la première fois, il importe peu qu’il fasse l’objet ensuite de cessions successives.
Or, la Ccass dans un arrêt relatif au Vaccin contre l’hépatite B, a relevé que la sécurité du produit s’apprécie « au moment où il (le producteur) l’a mis en circulation pour être vendu ou distribué ». Il s’évince de cette formule que la sortie des chaînes de production du produit et la volonté du producteur de le commercialiser constituent la mise en circulation. Par un arrêt Declan O’Byrne de 2006, la CJCE, saisie par voie de question préjudicielle, adopte la même position et l’affirme de manière plus nette encore. En effet, dans cette affaire, il était nécessaire de déterminer le point de départ du délai de prescription de dix ans pour juger si l’action de la victime avait été introduite dans les temps. Il fallait donc préciser la notion de mise en circulation. L’hésitation était permise car le produit de santé à l’origine du dommage a fait l’objet de transmissions successives du producteur à sa filiale anglaise puis à l’hôpital britannique. La CJCE a indiqué « qu’un produit est mis en circulation lorsqu’il est sorti du processus de fabrication mis en œuvre par le producteur et qu’il est entré dans le processus de commercialisation (...) ». Dans cette espèce, soumise à la CJCE, il faut comprendre que la sortie des usines françaises du produit de santé constitue la mise en circulation du produit. Cette analyse est confortée par la Ccass qui décide que « la date de mise en circulation du produit qui a causé le dommage s’entend, dans le cas de produits fabriqués en série, de la date de commercialisation du lot dont il faisait partie ».
3) Application dans le temps du régime de la responsabilité du fait des produits défectueux.
Il avait été décidé qu’un produit mis en circulation avant la promulgation de la loi de 1998 était soumis au régime « des articles 1382 ou 1147 du Code civil interprétés à la lumière de la directive du 25 juillet 1985 ». Cette solution a été acquise dès 1998. Toutefois cette décision avait été rendue peu de temps avant l’adoption de la loi de 1998 transposant la directive. Il restait à déterminer le droit applicable pour des produits mis en circulation entre 1985 et 1998. Un arrêt du 24 janvier 2006 sur l’hormone de croissance vient éclairer ce point. En l’espèce, le produit avait été mis en circulation en février 1985 selon le constat de la CA. La Ccass en a déduit qu’il n’y avait pas lieu à interprétation du droit national à la lumière de la directive « conformément à l’article 17 de la directive du 25 juillet 1985 et dès lors qu’il s’agissait d’un délai de prescription ». Une telle affirmation suscite une triple interprétation. Il s’en évince d’abord, qu’en l’espèce, la directive n’ayant pas été adoptée à la date de mise en circulation de l’hormone administrée, il n’était pas possible d’appliquer une responsabilité du fait des produits défectueux inspirée de la directive. Ensuite, la mention de l’article 17 de la directive implique que celle-ci ne peut pas s’appliquer aux produits mis en circulation avant l’entrée en vigueur de ce texte.
Les États membres disposaient de trois ans afin de procéder à la transposition de la directive. Il faudrait alors comprendre, que la Ccass réserverait l’application du droit national de la responsabilité du fait des produits défectueux interprété à la lumière de la directive aux produits mis en circulation à compter de 1988. C’est-à-dire à l’expiration du délai de trois ans qui s’est écoulé après la notification aux États membres de l’obligation de transposer la directive. En effet, la carence d’un État dans la transposition d’une directive ouvre la possibilité aux juges nationaux de procéder à l’interprétation de leur droit à la lumière de la directive dans les litiges opposant des particuliers. Il demeure alors la question de l’application du délai de prescription.
Dans l’arrêt du 24 janvier 2006 sur l’hormone de croissance, la Ccass insiste sur le constat que le droit national n’avait pas à s’interpréter à la lumière de la directive conformément à son article 17 « et dès lors qu’il s’agissait d’un délai de prescription ». Nous comprenons cette incise comme créant un cas particulier pour les délais de prescription. Quand bien même le droit national serait à interpréter à la lumière de la directive pour un produit mis en circulation entre 1988 et 1998, les délais de prescription indiqués dans la directive ne s’appliqueraient pas. Ainsi, ni le délai de prescription de dix ans à compter de la mise en circulation prévu par l’article 11 de la directive, ni le délai d’action de trois ans à compter de la survenance du dommage ne s’appliqueraient aux litiges nés de la mise en circulation d’un produit défectueux avant le 21 mai 1998. Pour ces derniers, afin d’éviter toute hésitation source d’insécurité juridique dans une matière relevant pour partie de l’ordre public, ce sont les délais prévus par le droit français qui s’appliqueraient. Le délai de droit commun est désormais de cinq ans, depuis la loi de 2008, porté à dix ans en présence d’un préjudice corporel.
B) Mise en œuvre de la responsabilité du fait des produits défectueux.
L’article 1245-8 du Code civil précise que « le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ». Il s’agit donc de prouver les trois éléments constitutifs traditionnels de la responsabilité civile. Pour ce qui est du dommage, il a été indiqué que le dommage corporel est indemnisé intégralement quelle que soit la victime et que le dommage aux biens n’est réparé qu’au-delà d’une franchise. Il reste à préciser, le défaut du produit, le lien de causalité et les délais d’action.
1) Défaut du produit.
« Un produit est défectueux au sens du présent titre lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre » selon l’alinéa 1er de l’article 1245-3 du Code civil. Il convient donc in abstracto de déterminer, selon la nature du produit, la sécurité que l’on peut en attendre. Les expertises techniques pourront établir ce défaut et le juge peut parfaitement recourir aux présomptions. Ainsi, l’éclatement d’un pneu qui vient d’être posé ou l’explosion de la vitre d’un insert montrent que, sauf élément extérieur dont la preuve incombe au producteur, le produit n’offre pas une sécurité normale. Afin de déterminer ce degré de sécurité les modalités de diffusion du produit doivent fournir des critères d’appréciation : la notice et les éventuelles mises en garde permettront d’établir le niveau de sécurité attendu. En outre, l’alinéa 3 de l’article 1386-4 précise que la mise en circulation d’un produit plus perfectionné ne rend pas pour autant le précédent défectueux. Il est vrai que l’innovation technologique ne rend pas dangereux un produit commercialisé précédemment. Par ailleurs, le respect par le producteur « des règles de l’art », de « normes existantes » ou le fait qu’il ait obtenu une autorisation administrative (par ex pour la mise sur le marché d’un médicament) n’empêchent pas qu’il soit reconnu l’existence d’un défaut du produit. Ce défaut doit avoir été à l’origine du dommage.
Il a été souligné à propos des produits de santé l’importance de la présentation. Il s’agissait d’un médicament pour lequel les mentions de la notice ont été jugées déterminantes. Une des principales conséquences de cet arrêt de 2005 consiste en l’accroissement de l’importance de la notice d’information jointe au produit de santé. Dès lors que l’effet secondaire potentiel mentionné dans la notice ne remet pas largement en cause un rapport favorable bénéfice/risque pour les patients, le produit de santé ne saurait être considéré comme défectueux. Le caractère défectueux du produit pourra ainsi dépendre du fait que le laboratoire aura mentionné précisément le risque ou non. Cette solution est largement confortée par les arrêts de 2006, vaccin de l’hépatite B et Servier.
Dans le premier (vaccin contre l’hépatite B), la Ccass rappelle que le caractère défectueux du produit s’apprécie au regard « notamment, de sa présentation ». Elle relève, en outre, dans la présentation de la motivation de la CA que cette dernière mentionnait bien que l’autorisation de mise sur le marché du vaccin « énumérait cette affection (maladie de Guillain-Barré) au titre des effets indésirables de ce produit, en mentionnant « très rarement, des neuropathies périphériques » ». Ces précisions permettent à la Ccass de censurer la CA qui a retenu le caractère défectueux du produit. Il faut déduire de cette censure que la mention du risque de « neuropathie périphérique » dans la notice empêchait de constituer le produit comme étant défectueux. Il appartient donc aux producteurs en général et aux laboratoires pharmaceutiques en particulier d’être fort précis sur la présentation du produit et la notice qui les accompagne.
Dans l’arrêt Servier le même raisonnement est mis en œuvre. En effet, en réponse au deuxième moyen invoqué par les Laboratoires Servier, la Ccass relève que l’annexe II de l’autorisation de mise sur le marché (AMM), qui constitue la notice mise à la disposition du public ne comportait, « à la date de la prescription », aucune référence à l’existence d’un risque d’affection du type « HTAPP » qui avait affecté la victime. Il était simplement mentionné un risque d’hypertension artérielle dans l’annexe I de cette autorisation, destinée aux professionnels de santé. L’information était donc doublement insuffisante. Le patient n’était pas mis en garde dans la notice et le praticien était simplement averti d’un risque d’hypertension et non d’« HTAPP ». On déduit, a contrario de cet arrêt, que la présence d’une mise en garde dans la notice destinée au public aurait permis d’éviter la qualification du médicament en produit défectueux. Toutefois, il faut ajouter que cette qualification n’est écartée que si le produit ne présente pas trop de risques par rapports aux bénéfices retirés par les patients.
La même solution a été adoptée à propos du défaut d’information sur les dangers du béton qui peut provoquer des brûlures. Mieux encore, dans l’affaire délicate des vaccins contre l’hépatite B, il a été jugé que l’absence d’information dans la notice du vaccin sur le risque de sclérose en plaques alors que le « Vidal » mentionnait cet effet secondaire rendait le produit défectueux.
2) Lien de causalité.
On oppose habituellement l’équivalence des conditions à la causalité adéquate. Dans la théorie de l’équivalence des conditions, toutes les conditions nécessaires à la réalisation du dommage sont des causes du dommage. Tous les éléments qui ont concouru au dommage constituent la cause du dommage. En revanche, la mise en œuvre de la théorie de la causalité adéquate oblige à rechercher la cause principale du dommage. Il convient alors de rechercher la cause la plus probable de déclenchement du dommage et ne retenir que celle là. Il semble que la Ccass n’ait pas véritablement choisi entre les deux systèmes tout en montrant une faveur à l’équivalence des conditions dès lors que cette méthode permet de faciliter la preuve du lien de causalité pour une victime d’un préjudice corporel. En effet, la Ccass a décidé qu’en présence de plusieurs causes à l’origine du dommage, elles ont toutes été les conditions nécessaires du dommage. Néanmoins, cela ne signifie pas la disparition de la causalité adéquate.
En matière d’infection par le virus du SIDA, la causalité adéquate a pu être utilement invoquée pour retenir la cause la plus probable de contamination et en écarter d’autres. Dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts de 2006, la longue motivation de l’arrêt Servier précise nettement que la méthode des présomptions est mise en œuvre pour établir le lien de causalité. En revanche, il est plus difficile de décider si la théorie de l’équivalence des conditions ou celle de la causalité adéquate est mise en œuvre. La Ccass indique en effet que les experts ont relevé que le médicament « était une cause directe et partielle dans la mesure où il y avait une prédisposition de la patiente comme pour tout malade présentant une affection très rare, et
une cause adéquate, en l’absence de tout autre motif de nature à l’expliquer ». La prise du médicament n’est pas la cause exclusive du dommage, les prédispositions de la patiente expliquant également la survenance de l’HTAPP. Il faut donc concilier l’expression de « cause partielle » employée par la Haute juridiction avec celle de « cause adéquate ». Il nous semble que la Ccass privilégie dans cet arrêt la causalité adéquate dans la mesure où elle insiste sur l’idée que la prise du médicament a été déterminante. La méthode avait déjà été employée afin de bien insister sur ce qui avait été la cause essentielle du dommage subi par la victime. Néanmoins, une telle solution ne remet pas en cause la solution antérieure selon laquelle la présence d’une pluralité de causes du dommage « n’est pas de nature à faire obstacle à l’indemnisation de l’entier dommage par l’auteur initial par application du principe de l’équivalence des causes ». Tout au plus, il se confirme que la Cour de cassation, en présence d’une pluralité de causes, ne se prive pas de recourir à la théorie de la causalité adéquate.
Il existe une difficulté majeure à établir le lien de causalité dans un contexte d’incertitude scientifique. La question a été particulièrement topique en matière de vaccin contre l’hépatite B. La Ccass avait refusé à trois reprises, que soit établi le caractère défectueux des vaccins en affirmant que le lien de causalité entre l’injection et la maladie n’était pas prouvé ou en retenant que le défaut du produit n’était pas établi. Toutefois, en matière de maladie professionnelle, la Ccass ont retenu le lien entre la vaccination obligatoire contre l’Hépatite B pratiquée à l’égard de personnels soignants et sclérose en plaques. La distorsion observée entre la solution appliquée en matière d’accident du travail et celle retenue pour la vaccination facultative était certes justifiable en droit strict, en raison de la différence de régime applicable, mais n’était guère tenable dans un souci de politique jurisprudentielle cohérente.
La Ccass a été de nouveau saisie pour que soit reconnu le lien de causalité entre le déclenchement de la sclérose en plaques et l’administration du vaccin et que ce produit soit considéré comme défectueux. Cinq arrêts ont été rendus le 22 mai 2008 sur le fondement du droit français interprété à la lumière de la directive de 1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux. Dans ces arrêts, il a été affirmé que la preuve par présomptions est possible afin que les juges du fond se forgent une conviction sur le caractère défectueux du vaccin et le lien de causalité entre l’injection et la maladie, ce qui constituait un revirement sur la décision de 2003, sans toutefois retenir, dans cette série d’arrêts, ni le caractère défectueux d’un vaccin, ni un lien de causalité. Ce premier pas rouvrait néanmoins les possibilités d’établir ces deux points devant les juges du fond. Cette démarche a connu son aboutissement dans un arrêt du 9 juillet 2009.
Dans l’arrêt de 2009 sur la vaccination contre l’hépatite B, la Ccass a adopté exactement les mêmes critères que le CE en relevant bien la proximité temporelle entre le vaccin et la déclaration de la maladie et en écartant tout autre cause possible de déclenchement de cette affection. Ce dernier critère repose entièrement sur la mise en œuvre de la théorie de la causalité adéquate qui suppose de rechercher la cause principale du dommage, c’est-à-dire la cause la plus probable de déclenchement du dommage. Toutefois, l’appréciation de ces présomptions étant laissées aux juges du fond, il peut être jugé que nonobstant la proximité temporelle entre l’injection et la déclaration de la maladie, le lien de causalité n’est pas établi. Afin de limiter les distorsions qui sont apparues entre les différentes cours d’appel sur l’existence ou non d’un lien de causalité, la Ccass a censuré un arrêt dans lequel le motif général d’absence de preuve scientifique du lien était utilisé. La Ccass impose aux juges du fond de tirer les conséquences des circonstances de fait apparues dans chaque espèce et notamment le déclenchement rapide de la maladie après la vaccination. L’affaire est revenue devant la Ccass, qui a posé une question préjudicielle à la CJUE pour savoir si la directive de 1985 permet d’utiliser les présomptions comme mode de preuve du lien de causalité.
La CJCE a décidé qu’il était possible d’établir le lien de causalité entre le défaut et le dommage par présomptions mais qu’il n’était pas possible d’établir un lien automatique quand certains indices factuels sont établis. Cette décision n’a pas apporté la sécurité juridique attendue car la Ccass est revenue ensuite à la situation antérieure à son arrêt de 2012. Il suffit que les juges du fond considèrent que nonobstant la présence des indices, la preuve n’est rapportée ni du lien de causalité ni du défaut car les études scientifiques ne permettent pas de valider ces indices, les victimes demeurent donc soumises aux aléas des positions des cours d’appel selon qu’elles se laissent convaincre par la présence des indices temporels ou bien considèrent ces indices insuffisants en raison du manque de certitude scientifique.
3) Délais d’action.
L’action de la victime est enfermée dans un double délai. Le premier est constitutif d’un délai de garantie. Le producteur ne doit sa garantie que pendant les dix années qui suivent la première mise en circulation du produit. Il appartient donc à la victime d’introduire son action avant l’expiration de ce délai de dix ans. La CJCE est venue préciser dans d’affaire Declan O’Byrne que l'article 11 de la directive du Conseil de 1985, qui instaure le délai de prescription de dix ans « doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'une réglementation nationale autorisant la substitution d'une partie défenderesse à une autre en cours de procédure judiciaire soit appliquée de manière à permettre d'attraire, après l'expiration du délai qu'il fixe, un « producteur », au sens de l'article 3 de cette directive, comme partie défenderesse à une procédure judiciaire intentée dans ce délai contre une autre personne que lui ». Cela signifie que l’assignation en justice d’un autre fournisseur que le véritable fabricant n’interrompt pas le délai de prescription à l’encontre de ce dernier, ce qui est une position sévère car il n’est pas toujours aisé de déterminer ce véritable fabricant du produit.
Toutefois, comme nous l’avons déjà indiqué la Ccass communautaire ouvre d’autres perspectives. Tout d’abord quand l’action a été intentée contre une filiale à 100 % du fabricant et que la mise en circulation a été décidée par le fabricant, une juridiction nationale pourrait considérer que ce dernier est tenu pour responsable nonobstant le défaut d’assignation dans les dix ans. En outre, plus intéressant encore, l’impossibilité pour la victime d’identifier le véritable fabricant qui ne serait pas dénoncé par le fournisseur (vendeur directe, grossiste, importateur, celui qui appose sa marque, article 1386-6 et 1386-7 Cciv) obligerait ce dernier à prendre en charge le dommage. De surcroît, la victime s’expose à une prescription de son action si elle n’agit pas dans les trois ans à compter de la découverte du dommage, du défaut et de l’identité du producteur. On retrouve ici le bref délai d’action de la garantie des vices cachés dans la vente mais prévu sur une durée assez raisonnable. Ce délai de trois ans étant un délai de prescription, il sera interrompu par l’introduction d’une action en justice.
Le délai de prescription de trois ans de l’article 1245-16 et de dix ans de l’article 1245-15 du Code civil ne s’appliquent pas aux produits mis en circulation avant l’entrée en vigueur de la loi de 1998 transposant la directive. Les délais de procédure respectés et les éléments de la responsabilité réunis par la victime, le producteur dispose de nombreuses possibilités de s’exonérer de sa responsabilité.
4) Causes d’exonération.
L’article 1245-10 du Code civil précise que la responsabilité des producteurs est une responsabilité de plein droit. Le producteur ne peut donc pas s’exonérer en démontrant son absence de faute. Il ne peut qu’établir la faute de la victime ou la force majeure, causes usuelles d’exonération. La loi prévoit, en outre, des causes propres au régime de la responsabilité du fait des produits défectueux. On examinera d’abord les causes usuelles d’exonération, puis, les exonérations propres au régime de responsabilité du fait des produits défectueux.
a) Causes usuelles d’exonération.
Parmi les causes usuelles on trouve l’exonération prévue par le responsable lui-même grâce à une stipulation contractuelle. Toutefois, la loi indique que le producteur ne peut pas stipuler une clause contractuelle qui limiterait ou supprimerait sa responsabilité. Une telle clause est réputée non écrite. Il lui est toutefois possible de prévoir ces clauses lorsque le contrat est conclu entre professionnels. Entre professionnels, la limitation ou l’exonération de responsabilité ne peut porter que sur les dommages aux biens, à la condition que ces derniers ne soient pas utilisés par la victime principalement pour son usage et sa consommation privée.
La faute de la victime ou d’une personne dont elle doit répondre (par ex enfant, préposé) est susceptible de limiter la responsabilité du producteur. En revanche, le fait d’un tiers qui a concouru à la réalisation du dommage ne permet pas une exonération partielle. Cette solution est assez logique car le fait du tiers qui concourt au dommage constitue ce tiers coauteur du dommage. En droit commun, au titre de l’obligation in solidum, il est naturel que la victime soit indemnisée intégralement par un des auteurs du dommage. Il est donc tout à fait conforme au droit commun que la victime puisse réclamer l’intégralité de sa réparation au producteur quand bien même un tiers a contribué à la production du dommage. - Il reste que les textes ne prévoient pas de disposition particulière relative à la force majeure. L’absence de texte implique que cette cause d’exonération totale trouve à s’appliquer. Il faut évidemment que l’événement présente les caractéristiques d’extériorité, d’imprévisibilité et d’irrésistibilité. Il faut surtout que la force majeure constitue la cause exclusive du dommage. Ainsi, faut-il que la faute de la victime ou le fait du tiers soient imprévisibles, irrésistibles et constituent la seule explication du dommage subi par la victime. Dès lors que le défaut a concouru fût-ce à un degré minime au dommage, la force majeure ne saurait alors être retenue pour exclure la responsabilité du producteur. En dehors des causes d’exonération issues du droit commun, des causes d’exonération propres au régime de responsabilité du fait des produits défectueux ont été prévues.
b) Causes d’exonération propres au régime de responsabilité du fait des produits défectueux.
La loi, à l’article 1245-10 du Code civil, reprend à titre d’exonération ce qui constitue en réalité une absence des conditions d’application de la responsabilité du fait des produits défectueux. Il faut ajouter deux véritables causes d’exonération : le risque de développement et la conformité à des normes impératives. L’obligation de suivi qui atténuait ces causes d’exonération a disparu à la faveur de la loi de 2004.
i) Absence des conditions d’application de la responsabilité du fait des produits défectueux.
L’article 1245-10 prévoit cinq causes d’exonération. Les trois premières reprennent en réalité les conditions d’existence de la responsabilité du fait des produits défectueux. En effet, le producteur peut démontrer pour « s’exonérer » : 1° qu’il n’avait pas mis le produit en circulation, 2° que le défaut n’était pas présent lors de sa mise en circulation du produit, 3° « que le produit n’a pas été destiné à la vente ou à toute autre forme de distribution ». Le producteur peut donc démontrer que les conditions de sa responsabilité ne sont pas réunies en prouvant l’absence de mise en circulation (1° et 3°) ou encore que le défaut ne lui est pas imputable. Il pourrait ainsi démontrer qu’un prototype non destiné à la commercialisation a été diffusé à son insu. Il pourrait également montrer, avec difficulté, que le produit, lors de sa mise en circulation, n’était affecté d’aucun défaut. Il pourra plus facilement réaliser une telle démonstration lorsqu’il n’a été producteur que d’une partie composante et que celui qui a incorporé le produit est à l’origine du défaut. Ces causes d’exonération ne présentent pas de particularité majeure, en revanche, l’exonération pour risque de développement a suscité une vive controverse.
ii) Risque de développement.
« Le producteur est responsable de plein droit à moins qu’il ne prouve : (...) 4° que l’état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n’a pas permis de déceler l’existence du défaut ». Cette notion de risque de développement a été introduite par le législateur français après de longues hésitations, la directive ouvrant une option aux États membres. La raison invoquée a été de ne pas pénaliser les producteurs français par rapport à leurs concurrents européens. La notion ainsi introduite par l’article 1386-11 4° du Code civil a été critiquée comme réduisant la protection des victimes par comparaison avec la jurisprudence antérieure développée sur le fondement de l’obligation de sécurité. Il reste à préciser ce qu’il faut entendre par l’état des connaissances scientifiques et techniques.
La CJCE a précisé, à propos de l’interprétation de la notion de risque de développement introduite à l’article 4 de la directive sur la responsabilité du fait des produits défectueux, que « l’état des connaissances scientifiques et techniques est celui au niveau mondial le plus avancé au moment où le produit en cause a été mis en circulation ». En outre, toujours selon la CJCE « le producteur est présumé informer », ce qui suppose que ces connaissances aient été « accessibles au moment de la mise en circulation du produit ». Ainsi les connaissances scientifiques s’apprécient-elles au niveau mondial et la perception que peut en avoir le producteur est sans incidence. Il suffit que l’information ait été disponible au moment de la mise en circulation du produit. On ne peut qu’approuver une telle position si l’on ne veut pas voir les fabricants ou distributeurs opposer systématiquement leur ignorance des causes scientifiques ou techniques du défaut.
Par ailleurs, cette exonération pour risque de développement est impossible à invoquer lorsque le dommage a « été causé par un élément du corps humain ou par les produits issus de celui-ci ». En effet, l’article 1386-12 du Code civil exclut qu’un fabricant d’un produit de santé puisse s’exonérer pour risque de développement dès lors qu’il a eu recours à une substance issue du corps humain. Il n’était pas pensable après le scandale du sang contaminé de laisser imaginer que la responsabilité du fait des produits défectueux permettrait de s’exonérer de la réparation d’un dommage équivalent à celui subi par les personnes ayant contracté le virus du SIDA après une transfusion sanguine.
Dans un arrêt relatif au médicament « Isoméride » la Ccass a refusé d’appliquer l’exonération pour risque de développement a un produit mis en circulation avant l’entrée en vigueur de la loi de 1998. En effet, si la Ccass a bien créé un régime unifié de responsabilité du fait des produits défectueux dès lors qu’ils ont été mis en circulation après 1988.
La possibilité d’invoquer le risque de développement était sous-jacente dans l’arrêt de 2006 sur le vaccin contre l’hépatite B. L’avocat général a rappelé, dans son avis sur cette affaire, que, devant les juges du second degré, l’exonération pour risque de développement avait été invoquée sans succès. En effet, la CA de Versailles a estimé que l’article 1386-11, 4° du Code civil qui prévoit l’exonération pour risque de développement n’est pas applicable à l’espèce. Or, le pourvoi n’a pas été formé sur ce point, il ne nous est donc pas donné de connaître la position de la Ccass. Cependant, il ne faut pas occulter la possibilité pour un laboratoire d’invoquer l’absence de connaissances scientifiques et techniques sur le risque au moment de la mise en circulation. Ce défaut d’information sur le danger s’apprécie objectivement en tenant compte du niveau le plus avancé des connaissances, indépendamment du secteur concerné.
Cette position exigeante de la CJUE signifie que les laboratoires ne peuvent pas se contenter d’invoquer exclusivement des études dans le secteur de la santé. Si, par exemple, les dangers pour l’environnement d’un produit ou d’un procédé sont avérés grâce à des études dans un tout autre domaine (industrie, nouvelles technologies...), les laboratoires sont supposés connaître cette information. En revanche, l’absence complète au niveau mondial d’études ou de publication sur les effets nocifs d’un produit au moment où le produit est mis en circulation permet d’invoquer une exonération pour risque de développement si ce dernier a créé un dommage. C’est ainsi qu’un auteur, tout en approuvant les juges du fond qui retiennent l’existence du lien de causalité entre la vaccination contre l’hépatite et les affections ultérieures, souligne que le laboratoire pourrait s’exonérer pour risque de développement.
Toutefois, il estime que l’exonération pour risque de développement ne saurait s’appliquer pour des produits mis en circulation avant l’entrée en vigueur de la loi. Or, la lecture des arrêts du 24 janvier invite à adopter une autre position. Certes, l’exonération pour risque de développement peut être soulevée pour les produits mis en circulation après l’entrée en vigueur de la loi de 1998. De surcroît, à la lumière de l’arrêt sur l’hormone de croissance, nous estimons que pour les produits mis en circulation à compter du 30 juillet 1988, l’exonération pour risque de développement peut également être invoquée au titre de l’article 7, et de la directive du 25 juillet 1985 qui la prévoit. En effet, pour cette période de dix ans entre 1988 et 1998, le droit commun applicable aux produits défectueux doit être interprété à la lumière des dispositions de la directive, dite « d’interprétation stricte ».
Cette exonération a été rejeté dans l’affaire du Mediator car le laboratoire pharmaceutique connaissait les risques depuis 1997 et ne pouvait donc pas invoquer cette exonération pour des dommages causés par la mise en circulation de ce produit postérieurement à cette date avec un retrait d’autorisation en Suisse dès 1998. L’avant-projet de loi de réforme de la responsabilité civile de 2017 rouvre le débat sur l’insertion de l’exonération pour risque de développement en droit français car ce n’est qu’une option dans la directive.
iii) Conformité à des normes impératives.
Fait du Prince : Le producteur est responsable de plein doit à moins qu’il ne prouve que « le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles impératives d’ordre législatif ou réglementaire ». Le commandement de l’autorité peut permettre au producteur de s’exonérer de sa responsabilité. Si les textes obligeaient expressément à recourir à un procédé qui s’est avéré ensuite être nocif, le producteur sera alors exonéré de responsabilité.
5) Pour les victimes un choix limité des régimes de responsabilité.
Lors de la difficile transposition de la directive sur la responsabilité du fait des produits défectueux, afin de mieux faire admettre l’exonération pour risque de développement, le législateur français a inscrit à l’article 1245-17 du Code civil que la victime continue de disposer des autres actions fondées sur le droit de la responsabilité contractuelle ou extra-contractuelle ou au titre d’un régime spécial de responsabilité. Cette disposition était conforme à l’article 13 de la directive qui prévoit expressément que le texte communautaire ne porte pas atteinte aux droits de la victime au titre d’un autre régime de responsabilité. Ces dispositions signifiaient sans l’ombre d’un doute que la victime d’un produit défectueux peut préférer se fonder sur une obligation contractuelle de sécurité, sur la garantie des vices cachés ou encore sur la faute délictuelle ou la responsabilité du fait des choses. Néanmoins, cette liberté offerte aux victimes a été fermée par la CJCEqui, par une interprétation pour le moins audacieuse de l’article 13 de la directive, a supprimé la faculté de choix laissée par ce texte.
Aux termes des arrêts de 2002, l’article 13 de la directive s’il laisse la possibilité aux victimes de choisir leur régime de responsabilité, ce choix ne doit pas permettre de bénéficier de droits plus étendus que ceux conférés par la directive. C’était une manière assez habile d’introduire l’exonération pour risque de développement dans toute responsabilité dès lors que le défaut d’un produit a causé un dommage. Devant la CJCE, dans l’affaire Skov Aeg, cette position était de nouveau critiquée par le gouvernement danois. La CJCE a néanmoins réaffirmé sa position antérieure tout en la précisant. Elle limite nettement, dans l’arrêt Skov AEg, l’emprise de la directive sur la seule responsabilité sans faute. En effet, la Cour indique que la règle nationale ne peut pas être plus large que la directive dès lors qu’une responsabilité sans faute du fait des produits défectueux est mise en œuvre. En revanche, cette directive ne s’oppose pas « à une règle nationale selon laquelle le fournisseur est tenu de répondre sans restriction de la responsabilité pour faute du producteur ».
Ainsi, la victime dispose-t-elle désormais du « choix » entre le régime restrictif de la responsabilité du fait des produits défectueux ou du régime de la responsabilité pour faute. Or, les restrictions aux droits de la victime que représentent la responsabilité quasi exclusive du producteur, l’exonération pour risque de développement et le jeu défavorable des délais de prescription peuvent inciter cette dernière à agir en responsabilité pour faute. Il est vrai qu’en matière de responsabilité médicale, la victime conserve la possibilité d’agir directement sans faute contre le praticien utilisateur du produit défectueux qui lui a causé un dommage. En effet, la CJCE a estimé que la responsabilité de l’utilisateur d’un produit défectueux ne rentre pas dans le champ d’application de la directive de 1985.
Hormis ce cas de responsabilité médicale, les restrictions aux droits de la victime que représentent la responsabilité quasi exclusive du producteur, l’exonération pour risque de développement et le jeu défavorable des délais de prescription peuvent inciter cette dernière à agir en responsabilité pour faute. La Ccass a néanmoins précisé que la faute doit être distincte du défaut de sécurité du produit.
Partie 3 : Les quasi-contrats.
Le quasi-contrat ne relève pas de la RC au sens stricte mais ça voudrait dire qu’on laisserait de coté certains éléments si on ne le traitait pas. Le QC c’est l’obligation de compenser l’avantage injustement reçu d’autrui. Il est bien évident que la loi n'interdit pas de s’enrichir, or, tout enrichissement, mis à part les gains de productivité, est peu ou prou reçu d'autrui, quand il ne lui est pas pris. Mais la loi ne voit pas du même œil tous les enrichissements. Les uns paraissent sinon justes, du moins justifiés, les autres appellent une compensation.
Ne retenant que ces derniers, il faut encore distinguer. La plupart des enrichissements injustes procèdent d'un comportement : coupable de l'enrichi, par exemple, d'un vol, d'une escroquerie, d'un abus de confiance, ou même d'une faute civile qui ne serait pas sanctionnée pénalement ; dans toutes ces hypothèses, il ne s'agit pas de compenser un avantage mais de réparer un préjudice : c'est un problème de responsabilité. Les autres enrichissements injustes relèvent traditionnellement du domaine du quasi-contrat.
Avant la réforme de 2016 : sous l'intitulé « Des engagements qui se forment sans convention », le Code civil traitait « Des quasi-contrats » aux articles 1371 à 1381. Les quasi-contrats étaient donc dans le Code civil au nombre de deux : la gestion d'affaires et le paiement de l'indu. L'un et l'autre ont pour objet d'assurer la compensation d'avantages reçus d'autrui à la fois sans justification suffisante et sans faute de l'enrichi. Parce que les situations ainsi réglées s'apparentent, bien que d'assez loin, à des situations contractuelles, on a conservé l'habitude de langage du droit romain, lequel disait que l'obligation naît « quasi ex contractu », comme s'il y avait un contrat, d'où le terme de quasi-contrat, aujourd'hui fort ambigu, pour désigner ces hypothèses qui relève du fait juridique.
À côté de ces quasi-contrats on rencontre dans le Code civil divers textes épars qui tendent à rétablir un équilibre rompu entre deux patrimoines, à partir de ces textes la jurisprudence a posé un principe général de réparation de l'enrichissement sans cause (action de in rem verso). Les quasi-contrats d'origine jurisprudentielle se sont encore enrichis d'une nouvelle catégorie, en début du 21ème siècle : la création d’illusion ou fausse promesse.
Aujourd’hui la réforme opérée par l’ordonnance de 2016 et la loi de ratification de 2018 a réformé la matière qui aujourd’hui a pour siège les articles 1300 à 1303-4 du Code civil.
La nouvelle définition : article 1300 : « Les quasi-contrats sont des faits purement volontaires dont il résulte un engagement de celui qui en profite sans y avoir droit, et parfois un engagement de leur auteur envers autrui. Les quasi-contrats régis par le présent sous-titre sont la gestion d'affaire, le paiement de l'indu et l'enrichissement injustifié ». Ce texte qui aujourd’hui défini les quasi-contrats est à mettre en perspective avec l’ancien article 1371 : « Les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de l’homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des deux parties ».
Pourquoi une nouvelle définition ? Car l’ancienne était trop restrictive.
Quelle est son utilité ? On définit cette notion juridique pour pouvoir appliquer un régime juridique.
Chapitre 1er : La gestion d’affaire.
Dans le langage courant le gérant d'affaires est celui à qui une personne confie la direction ou la surveillance de certaines affaires, par un contrat de mandat. Or, en droit, la gestion d'affaires est le fait pour une personne le gérant d'accomplir un ou plusieurs actes dans l'intérêt d'une autre personne le géré ou maître de l'affaire sans y avoir été invitée.
La gestion d'affaires se distingue donc du mandat en ce qu'elle est spontanée, et non pas consécutive à un contrat. En d’autres termes, la gestion d'affaires n'est pas un contrat, bien au contraire, c'est un ensemble de règles légales qui dictent des solutions pour le cas où, en dehors de tout contrat exprès ou tacite, une personne s'est occupée des affaires d’autrui.
Les règles qui la gouvernent sont dominées par deux idées :
D'une part, si la gestion a été utile et bien menée, il est naturel que le géré tienne compte au gérant de l'enrichissement réalisé.
D'autre part, il ne convient pas d'encourager des immixtions inutiles ou déplacées dans les affaires d'autrui.
En pratique, il n'y aura lieu de recourir aux règles de la gestion d'affaires qu'en cas de conflit entre un gérant qui prétend se faire indemniser et un géré qui, désapprouvant à tort ou à raison l'action menée par le gérant, refuse de ratifier la gestion. En effet, si celui dont l'affaire a été gérée ratifiait la gestion en cours ou terminée, l'opération se trouverait rétroactivement transformée en mandat, et donc en contrat, et devrait être réglée par application des règles du mandat.
Les conditions de la gestion d’affaire : elles se déduisent aujourd’hui de l’article 1301 qui dispose : « Celui qui, sans y être tenu, gère sciemment et utilement l'affaire d'autrui, à l'insu ou sans opposition du maître de cette affaire, est soumis, dans l'accomplissement des actes juridiques et matériels de sa gestion, à toutes les obligations d'un mandataire » :
« sans y être tenu (…) l'accomplissement des actes juridiques et matériels de sa gestion » : La gestion ne doit être faite ni en vertu d'un contrat entre le gérant et le géré, ni en présence d’une obligation légale d’agir. Cette gestion peut viser indifféremment des actes juridiques ou matériels. C’est-à-dire ? Quels liens faites-vous entre cette distinction et celle opposant les actes juridiques et les faits juridiques ? Cherchez des exemples. Exemple d’acte juridique ? Exemple d’acte matériel ?
« utilement » : Parce qu’il ne convient pas d'encourager des immixtions inutiles ou déplacées dans les affaires d'autrui, l’édiction de cette condition est fondamentale. L’utilité s’apprécie : au regard de l’importance de l’acte, au moment de l’acte (et non après au regard des résultats).
« sciemment (…) l'affaire d’autrui » : Le gérant doit avoir eu l'intention de gérer l'affaire d'autrui et non pas la sienne propre, car il serait alors mal venu à réclamer une indemnisation. Mais le désintéressement total n'est pas une condition nécessaire.
« à l'insu ou sans opposition du maître de cette affaire » : Ici le texte vise classiquement deux situations : Celle de l’ignorance du maître de l’affaire, celle du silence et de l’absence d’opposition du maitre de l’affaire. La jurisprudence a néanmoins posé une limite à l’efficacité de l’opposition : quand elle est illégitime.
Les effets de la gestion d’affaire : Comment se règle la gestion d'affaires ? Les solutions apparaissent aux articles 1301-1 et suivants.
Tout d'abord, le fait de s'occuper des affaires d'autrui sans y être convié entraîne diverses obligations à la charge du gérant :
Obligation de mener à son terme la gestion commencée : 1301-1
Obligation de consacrer à la gestion tous les soins d'une personne raisonnable : 1301-1
Obligation de rendre compte comme un mandataire : 1301-2
En contrepartie, si la gestion a été bien menée, le géré doit :
A l'égard des tiers : remplir les engagements contractés dans son intérêt : 1301-2
A l'égard du gérant : rembourser les dépenses faites et indemniser les dommage subis : 1302-2
Toutefois, ces obligations du géré sont subordonnées :
Soit à la ratification de la gestion, ce qui la transforme en mandat : 1301-3
Soit à l'utilité de la gestion : 1301-4
Chapitre 2 : Le paiement de l’indu.
Quelques éléments de vocabulaire :
Indu : Payer l'indu, les mots parlent d'eux-mêmes, c'est payer ce qui n'était pas dû.
Répéter (répétition) : Répéter cela signifie ici restituer (restitution).
Accipiens : celui qui a reçu le paiement (accepté).
Solvens : celui qui a versé le paiement (payé).
Comprendre le problème : Du paiement indu résulte un enrichissement de celui qui a reçu le paiement ; or, ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition, c'est-à-dire à restitution au profit de celui qui s'est acquitté. L'obligation de compenser l'avantage injustement reçu d'autrui apparaît plus clairement dans cette hypothèse que dans la gestion d’affaire. Elle est sanction née par l'action en répétition de l'indu, que le Code civil réglemente aux articles 1302 et suivants du Code civil. En pratique le paiement de l'indu est souvent le fait d'une administration, de la sécurité sociale ou d'une banque, les erreurs doivent être assez fréquentes si on en juge par l'importance du contentieux.
1ère situation (indu OBJECTIF) : Un non débiteur paye à un non créancier. Le paiement a lieu mais : le solvens n’est pas débiteur ET l’accipiens n’est pas créancier. Article 1302 : « Tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution ». Cette hypothèse suppose un caractère indu du versement : ici cela veut dire que le versement n’a pas de raison d’être juridiquement. Il faut un défaut de titre de l’accipiens. Il faut que le solvens ne soit pas fondé à conserver ce qu’il a reçu. Ex : article 1302 alinéa 2 : « La restitution n'est pas admise à l'égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées ». Cette hypothèse ne suppose pas une erreur du solvens avec une limite : article 1302-3 alinéa 2 : « Elle (la restitution) peut être réduite si le paiement procède d'une faute ».
2ème situation (indu SUBJECTIF hypothèse 1) : un vrai débiteur paye à un non créancier. Le paiement a lieu mais : l’accipiens n’est pas créancier. C’est l’article 1302-1 : « Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu » Qui paye mal paye deux fois selon l’article 1342-2 du Code civil.
3ème situation (indu SUBJECTIF hypothèse 2) : un non débiteur paye à un vrai créancier. Le paiement a lieu mais : le solvens n’est pas débiteur. C’est l’article 1302-2 : « Celui qui par erreur ou sous la contrainte a acquitté la dette d'autrui peut agir en restitution contre le créancier. Néanmoins ce droit cesse dans le cas où le créancier, par suite du paiement, a détruit son titre ou abandonné les sûretés qui garantissaient sa créance. La restitution peut aussi être demandée à celui dont la dette a été acquittée par erreur. » Ici il y a un mécanisme de paiement de la dette d’autrui.
Deux remarques :
Il y a donc paiement d’une dette qui existait au bon créancier.
Le paiement n’est pas fait par la bonne personne (le vrai débiteur) mais ce qui peut dans certaines hypothèses s’expliquer: cadre familial ou intérêt indirect en matière commerciale. Chapitre 3 : L’enrichissement injustifié.
Il arrive qu'un même fait se traduise par l'appauvrissement d'une personne et l'enrichissement corrélatif d'une autre.
Que faut-il décider lorsque ce transfert de valeur d'un patrimoine à un autre ne constitue ni un cas de responsabilité civile, ni un quasi-contrat ? Faut-il néanmoins ordonner que celui qui s'est enrichi sans justification devra indemniser l'appauvri ? Il n'existait en droit français, j’jusqu’en 2016 aucun texte général sur ce point. On y trouvait cependant quelques applications particulières. Les règles sur la gestion d'affaires et le paiement de l'indu en étaient de bons exemples. Mais il y en avait (et il existe encore) d’autres.
Le propriétaire du sol, bénéficie par voie d'accession des constructions ou plantations qui y auraient été faites par un tiers de bonne foi, doit dédommager ce dernier. De même, dans les rapports entre époux, celui qui a avancé des frais pour l'autre en recevra « récompense » lors de la dissolution du régime matrimonial.
En présence de ces textes qui réparent un déséquilibre survenu entre deux patrimoines, on s'est demandé s'il ne convenait pas de généraliser ces solutions. C'est en ce sens que la jurisprudence s'est prononcée dès 1892. C’est cette construction jurisprudentielle qui a fait son apparition dans le Code civil à l’occasion de la réforme de 2016.
Les conditions de l’enrichissement injustifié :
Un appauvrissement et un enrichissement corrélatif : selon l’article 1303 : « ...celui qui bénéficie d'un enrichissement ...doit, à celui qui s'en trouve appauvri ». L'enrichissement doit s'entendre : soit d'un gain positif, soit d'une dépense évitée, soit même d'un avantage moral s'il est appréciable en argent. Quant à l'appauvrissement, il peut s'agir : soit d'une perte, soit d'un service rendu et non rémunéré. Il faut qu'il y ait un enrichissement et un appauvrissement corrélatif, cela implique qu’entre les deux il y ait un lien de causalité. Cela veut dire que l’enrichissement peut être direct un enrichissement et un appauvrissement corrélatif sans intervention d’un patrimoine intermédiaire, c’est l’évidence. L’enrichissement peut aussi être indirect, la situation a fait alors intervenir une 3ème personne et donc un patrimoine intermédiaire.
Une absence de justification (sans cause) : selon l’article 1303 : « ...celui qui bénéficie d'un enrichissement injustifié ... ». Traditionnellement la jurisprudence exigeait comme condition de l'action que tant l'enrichissement que l'appauvrissement soient sans cause, c'est-à-dire sans justification juridique. L’expression actuelle d’enrichissement injustifiée ne signifie pas autre chose. Pour comprendre la mise en œuvre il faut lire et appliquer deux textes.
Pour l’absence de justification de l’enrichissement on a l’article 1303-1 : « L'enrichissement est injustifié lorsqu'il ne procède ni de l'accomplissement d'une obligation par l'appauvri ni …. ». La formule aurait peut-être mérité d’être plus claire. Cela signifie que l’enrichissement sera justifié s’il trouve sa raison d’être par exemple dans : un contrat, une règle légale, une décision de justice.
Pour l’absence de justification de l’appauvrissement : selon l’article 1303-1 « L'enrichissement est injustifié lorsqu'il ne procède ni (...) ni de l’intention libérale (de l’appauvri) ». Donc l’acte libérale soutenu par une intention libérale justifie l’appauvrissement. C’est au demeurent l’objet de la donation que d’appauvrir le donateur et d’enrichir le donataire. Selon l’article 1303-2 alinéa 1er : « Il n'y a pas lieu à indemnisation
si l'appauvrissement procède d'un acte accompli par l'appauvri en vue d'un profit personnel ».
Une absence d’action principale (le principe de subsidiarité) : selon l’article 1303-3 : L'appauvri n'a pas d'action sur ce fondement lorsqu'une autre action lui est ouverte ou se heurte à un obstacle de droit, tel que la prescription. Ainsi, le domaine de l'action de in rem verso est limité aux hypothèses dans lesquelles aucune autre possibilité d'agir n'est ou n'a été ouverte.
Les effets de l’enrichissement injustifié : À supposer que l'action soit recevable et bien fondée, l'enrichi sera condamné à indemniser l’appauvri. Quant à son montant, l'indemnisation est enfermée dans une double limite :
Ce montant ne peut pas être plus élevé que l'enrichissement car alors c'est l'enrichi qui s’appauvrirait.
Il ne peut pas non plus être plus élevé que l'appauvrissement pour éviter que l'appauvri soudain ne s’enrichisse.