Droit fiscal
INTRODUCTION
Il existe deux choses consubstantielles à notre société i.e. qui font partie de son organisation que sont la religion et la fiscalité. Les travaux d’historiens et d’anthropologues ont montré que des formes de fiscalité se sont développées dès la Préhistoire. En l’absence de monnaie, les êtres humains, organisés en tribus, se rendent compte de la nécessité de faire un sacrifice commun (par exemple, se priver d’une partie de ses revenus, du produit de la chasse) en vue d’honorer les dieux (attirer leurs bonnes grâces). Incapables de vivre seuls, les hommes s’organisent en société à la tête de laquelle existe toujours un chef. Les chefs de tribu ont réussi à se faire entretenir par leur tribu et dès ce moment, il y a eu une évolution de la relation de l’homme avec le tribut. Le chef de tribu étant entré dans l’équation, la fiscalité a pris une dimension humaine. Désormais, il ne s’agit plus d’un sacrifice d’hommes à l’égard des dieux mais d’hommes à l’égard d’un autre homme. Cela est devenu un élément essentiel aux sociétés primitives.
Les choses se sont élaborées à partir du moment où les humains se sont sédentarisés il y a 7000 ans, précisément avec la découverte de l’agriculture. Ils ont organisé des structures avec des embryons d’institutions sur place. Les premières formes d’État-cité sont organisées autour d’un chef ou d’une institution. Dès ce moment, l’impôt dans le sens moderne du terme est apparu. En effet, un chef doit être rémunéré pour pouvoir entretenir ses serviteurs (son administration). Dès qu’il y a un État, il y a une armée. Or, il faut payer cette armée. Cela peut impliquer de construire des infrastructures militaires (murailles, forteresses) et des infrastructures civiles (routes, voies de communication). C’est à ce moment-là qu’apparait la monnaie, pour pallier les limites du prélèvement fiscal en nature.
L’impôt est devenu un phénomène mondial à partir du moment où les États prédominent la terre au XVIe et XVIIe siècle. Certains anthropologues considèrent qu’un État se caractérise par la présence d’une administration fiscale. Si l’État a le monopole de la violence légitime, selon Max Weber, encore faut-il qu’il ait la capacité de l’imposer par des structures civiles et administratives. La création de l’impôt a été favorisée par la découverte de l’agriculture en particulier de la céréale. Les céréales sont facilement contrôlables, prélevables et transportables. Les premiers impôts sont apparus en Mésopotamie et en Chine et n’ont eu de cesse de se perfectionner.
Notre système fiscal n’est pas abouti car il est continuellement perfectible. Il y a plus de 100 ans, l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés n’étaient pas envisageables. Mais avec le développement du numérique, la fiscalité est en train de se transformer dans les formes de prélèvement ou dans la notion de territorialité. La fiscalité n’est aboutie qu’en fonction de l’objectif qu’on lui a fixé : remplir les caisses publiques. Si on change d’objectif (protéger la planète, limiter la croissance démographique), la fiscalité se transformera. La fiscalité résulte nécessairement de la loi. La norme juridique qui instaure la fiscalité est un outil qui correspond à un ensemble idéologique qui représente ce que la société devrait être à nos yeux.
§1. La relation entre le droit fiscal, le droit et la justice
L’objectif du droit n’est pas le bonheur, l’enrichissement ni le progrès des individus. En effet, la norme juridique se borne à mettre en œuvre un ensemble idéologique. Le but initial du droit n’est que d’établir une mesure de partage des biens ou des obligations. Il vise à partager les biens extérieurs en fonction de l’idéologie fixée de sorte que chacun ait la part qui lui revient par la mise en œuvre de la norme juridique.
Le droit est le fait de réaliser ou de permettre de réaliser la chose juste. Initialement, la chose juste est envisagée non pas dans le sens vertueux mais dans le sens de ce qui est dû. La justice apparait comme le moyen de faire en sorte que chacun ait la chose qui lui revienne en vertu de la norme juridique. Michel Villey, philosophe du droit, disait que lorsqu’un individu paie régulièrement son impôt sur le revenu, lorsqu’il prend ni plus ni moins que la part qui lui revient aux contributions publiques (participe à hauteur de ce qu’il doit), il réalise ce qui est juste au sens de ce qui est dû. L’impôt est une façon de réaliser la justice. Payer l’impôt n’est pas participer à une justice commutative (fondée sur une égalité arithmétique) mais c’est participer à une justice distributive. La justice distributive (égalité géométrique) au sens moderne renvoie à l’idée selon laquelle l’impôt est un mécanisme fiscal utilisé pour permettre une redistribution des richesses qui se détermine par rapport à un point de référence appelé étalon. Les étalons varient en fonction de la société que l’on veut construire. Aujourd’hui, l’étalon est le revenu, le bénéfice, le prix d’achat… soit un élément qui reflète la capacité financière. L’étalon permet de personnaliser l’impôt par rapport à la situation du contribuable en appliquant les critères posés.
§2. La relation entre le droit fiscal et les finances publiques
Il existe un lien très fort entre le droit fiscal et les finances publiques. En effet, dans les deux cas, on étudie les finances de l’État mais sous un angle différent. Le droit fiscal renvoie à l’ensemble normatif mis en œuvre pour faire rentrer l’impôt et remplir les caisses publiques. Il existe également deux liens entre le droit fiscal et les lois de finances. Le premier lien est que la loi de finances de l’année autorise la perception des ressources de l’État, principalement l’impôt. Le second lien est que l’autorisation de lever l’impôt donnée par la loi de finances vaut obligation de perception pour l’exécutif. Si on laisse une marge de manœuvre à celui qui doit prélever l’impôt, on autorise la discrimination. En outre, chaque année, la loi de finances contient des dispositions fiscales actualisant certains taux, des tranches d’imposition sur le revenu. Néanmoins, en matière fiscale, le seul monopole de la LF est l’autorisation de lever l’impôt. Le régime juridique de l’impôt peut être modifié par une autre loi. En effet, toutes les dispositions fiscales ne sont pas codifiées ni ne figurent le CGI. Elles se retrouvent également dans le Code général des collectivités territoriales, le Code de la Sécurité sociale ou encore le Code de l’urbanisme.
En 2011, sous Sarkozy, on a voulu, sans succès, modifier la Constitution pour donner aux LF le monopole en matière fiscale. L’idée était louable mais n’était pas réaliste. En effet, la LF de l’année deviendrait encore plus longue. De plus, la législation fiscale est très instable. Recourir aux LF pour toute modification du régime juridique de l’impôt aurait pour conséquence de multiplier les lois de finances rectificatives. En 2021, on a changé la dernière loi de finances rectificatives en loi de fin de gestion et on a interdit d’y mettre des dispositions fiscales. Dans notre monde actuel complexe, le législateur subit les évolutions rapides, le réseau des conventions fiscales et des traités internationaux qui ont un impact sur la société. La principale difficulté du droit fiscal reste l’instabilité de la matière.
§3. Le consentement à l’impôt
Si nous payons l’impôt, c’est parce que les représentants de la nation y consentent chaque année à l’article 1er de la loi de finances. Pour arriver à cette solution, il a fallu 700 à 800 ans de combat pour savoir qui doit autoriser la levée de l’impôt. Depuis l’an mil, on s’est demandé si le souverain pouvait créer un impôt unilatéralement ou s’il fallait que le peuple y consente lui-même ou par le biais de ses représentants. Dans l’histoire occidentale, les principales révolutions tournaient autour de l’imposition. Par exemple, la Magna Carta de 1215 affirme que le roi doit avoir le consentement de ses barons pour lever l’impôt.
Pendant le règne de Charles Ier d’Angleterre, la question principale, outre la querelle religieuse, était celle du pouvoir fiscal. Cette querelle a donné lieu à deux textes majeurs que sont la Petition of Rights (1628) et Bill of Rights (1689). Le Bill of Rights contient des principes en matière fiscale. Toutes les recettes doivent être autorisées annuellement par le parlement. De plus, le roi ne peut entretenir l’armée sans l’autorisation du parlement. L’idée de budget et le consentement à l’impôt posée depuis 1689 est restée inchangée jusqu’à nos jours en Angleterre. Autre exemple, la guerre d’indépendance américaine a éclaté en grande partie pour des motifs fiscaux (Boston Tea Tax). Dans les compétences des assemblées de chaque colonie, il y avait la fiscalité. Enfin, lors de la Révolution de 1789, les États généraux étaient initialement convoqués pour la faillite financière du Royaume après le soutien accordé aux États-Unis. La volonté était de construire un consentement à l’impôt. L’un des premiers actes des États Généraux transformés en Assemblée Nationale est le décret du 17 juin 1789 qui établit le principe du consentement à l’impôt. Dans la DDHC figurent 3 articles qui ont trait à la fiscalité (articles 13, 14 et 15) et qui ont une valeur constitutionnelle. L’art. 13 établit le principe de l’égalité devant l’impôt selon lequel les citoyens paient l’impôt à raison de leurs facultés contributives. L’art.14 prévoit que le législateur doit donner son consentement à l’impôt ainsi qu’à tous les éléments de son régime juridique (quotité, assiette, modalités de recouvrement). En matière fiscale, l’exécutif a le moins de marge de manœuvre possible. L’art. 15 permet aux citoyens de contrôler l’usage de l’impôt. Depuis 1789, dans chaque texte constitutionnel (à l’exception des lois constitutionnelles de 1875), le principe du consentement à l’impôt, de manière plus ou moins forte, sera toujours réaffirmé. Le monopole fiscal du législateur est actuellement réaffirmé aux arts.14 DDHC et 34 de la Constitution.
Le 3 avril 1814, le Sénat conservateur adopte l’acte de déchéance (acte d’accusation) de Napoléon Ier. Le décret énonce que « il a déchiré le pacte qui l'unissait au peuple français, notamment en levant des impôts, en établissant des taxes autrement qu'en vertu de la loi, contre la teneur expresse du serment qu'il avait prêté à son avènement au trône…».
L’art.34 de la Constitution dispose que « la loi fixe les règles concernant […] l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ». Le consentement à l’impôt, pierre angulaire de notre système, est un principe constitutionnel. Depuis 1971, les articles 13, 14 et 15 DDHC et l’art.34 de la Constitution sont des normes de référence en matière fiscale. Mais dans sa décision du 27 décembre 1973, le CC s’est référé au préambule de 1958, pas directement à la DDHC. Depuis la décision du 30 décembre 1981, le CC se réfère directement à l’art.14 DDHC. Toutefois, la violation de ce principe peut être invoquée par les parlementaires dans le cadre du contrôle a priori. Mais dans le cadre d’une QPC (contrôle a posteriori), les requérants ne peuvent se prévaloir du principe de consentement à l’impôt. Devant le juge constitutionnel, ce principe de consentement à l’impôt ne s’analyse pas en un droit ou une liberté constitutionnellement garanti mais simplement comme une simple question de compétence et de procédure législative (QPC, 18 juin 2010, SNC Kimberly Clark). Néanmoins, devant le juge de l’impôt, la question du consentement peut être soulevée. Dans une décision de 1995, le CC vise directement le principe constitutionnel du consentement à l’impôt.
Il faut distinguer consentement À l’impôt et consentement DE l’impôt. Le consentement à l’impôt correspond à l’acceptation légale tandis que le consentement de l’impôt correspond à l’acceptation sociologique de l’impôt. En effet, ce n’est pas parce que le parlement a consenti à l’impôt que la masse de ceux qui paient l’impôt y consent sociologiquement, d’où la fraude fiscale (éluder l’impôt légalement ou illégalement).
§4. La légalité fiscale et l’égalité fiscale
A. La légalité fiscale
La légalité fiscale désigne le monopole fiscal du parlement consacrée par l’art.14 DDHC et 34 de la Constitution du 4 octobre 1958. Ce principe de la légalité fiscale a été consacré par toutes nos constitutions depuis 1791 à l’exception des lois constitutionnelles de 1875. Il est revenu au juge, sous la IIIe République, d’affirmer la légalité fiscale. Le commissaire du gouvernement Jean Romieu dans ses conclusions sur l’arrêt CE 14 mai 1906, Babin pour défendre le principe de la légalité fiscale, indique qu’il appartient au CE de dégager les matières « qui relèvent de la loi par tradition constitutionnelle républicaine ». Dans cette décision, le CE considère que la question fiscale relève du domaine de la loi. Dans un arrêt ultérieur, le CE a réemployé la même logique de tradition républicaine (CE, 21 novembre 1958, Syndicat national des transporteurs aériens)
Le monopole fiscal signifie que le législateur va fixer les règles normatives en matière fiscale. D’abord, le Parlement a le monopole pour la création d’un impôt. A contrario, le gouvernement et les CT ne peuvent pas créer d’impôt. Cela permet d’instaurer une unité fiscale dans l’ensemble du territoire. Ensuite, le Parlement peut seul supprimer un impôt. Le législateur a mis en place des mécanismes pour empêcher les CT de voter des taux à 0%. Enfin, seul le législateur peut fixer le régime juridique de l’impôt i.e. son assiette (ce sur quoi l’impôt va être assis, va porter), le taux (ou laisser le soin à une CT en encadrant ce pouvoir par les règles plancher et plafond, empêcher une libre évolution des taux), les modalités de recouvrement de l’impôt (comment l’administration peut venir réclamer l’impôt). CE, 18 décembre 2012, SARL Majestic Champagne : le CE rappelle que lorsque le législateur crée et définit le régime d’une imposition, il en définit tous les aspects du régime juridique, non seulement le taux, l’assiette et les modalités de recouvrement mais également les règles qui encadrent le contentieux avec les garanties accordées aux contribuables et les sanctions applicables aux contribuables. À défaut, il méconnait sa propre compétence (incompétence négative).
Les exceptions à ce monopole, assez rares, sont les pouvoirs exceptionnels de l’art.16, les ordonnances de l’art.38 et les ordonnances de l’art.47 de la Constitution. Pour l’instant, ces mécanismes n’ont jamais été mis en œuvre. En cas de circonstances exceptionnelles, le juge administratif admet qu’un impôt puisse être créé en dehors de l’intervention du parlement (CE, 1944, Lecoq).
En outre, le législateur n’est pas obligé de tout fixer. En effet, il peut décider d’accorder des marges de manœuvre. Par exemple, en matière de taux, il peut décider qu’un taux sera librement déterminé par le bénéficiaire de l’impôt (CT ou EP) en l’enfermant dans une fourchette. Il peut fixer un plafond, sans fixer le plancher. Il peut fixer un tarif, par exemple la taxe de séjour. De la même façon, il peut donner au bénéficiaire de l’impôt la capacité d’aménager l’assiette de l’impôt. Par exemple, la taxe d’habitation sur les résidences principales, la CT pouvait accorder un abattement de 15% par enfant à charge. Enfin, rien n’interdit au législateur de laisser à l’exécutif le soin de fixer des éléments du régime de l’imposition notamment par décret en CE.
B. L’égalité fiscale
Son principe de base trouve son siège à l’art.13 DDHC aux termes duquel « pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable ; elle doit être également répartie entre les citoyens, en raison de leurs facultés. ». Cet article envisage l’impôt pour l’entretien de la force publique et pour les dépenses d’administration. En 1789, l’impôt devait financer la sécurité (armée, police), ainsi qu’une administration civile réduite a minima (justice, diplomatique…). L’impôt visait à financer l’appareil étatique. Ensuite, l’imposition doit être également répartie entre tous les citoyens. En 1789, cela signifie que ni la naissance (noblesse) ni les fonctions occupées (clergé) ne sont une excuse suffisante pour échapper au régime de l’impôt. Enfin, les citoyens contribuent en raison de leurs facultés, leur capacité contributive (capacité à payer les impôts). Mais, en 1789, envisageait-on d’employer la proportionnalité (application à tous du même taux, par exemple la TVA) ou la progressivité (plus la masse imposable, plus l’assiette augmente, plus le taux d’imposition augmente, par exemple l’impôt sur le revenu) pour arriver à cette égalité en fonction des capacités ?
Ces trois aspects ont évolué. Aujourd’hui, l’impôt permet de financer les actions publiques de l’État, plus uniquement l’État en lui-même. Par exemple, l’impôt peut financer des politiques publiques (taxation élevée du tabac pour en dissuader la consommation), des dépenses d’investissement et d’interventionnisme. L’impôt est également un outil de redistribution sociale des richesses, de rééquilibrage de la balance.
Ce principe de non-discrimination n’a pas évolué. Il n’y a plus de discrimination en fonction de la situation sociale. De cette égalité entre les citoyens, la JP a tiré un principe d’égalité devant les charges publiques (CC, 30 décembre 1981, DC). Le CC décide de l’existence d’un principe constitutionnel de répartition de l’impôt selon la faculté contributive. Il en résulte que chacun devra prendre part aux charges publiques en fonction de sa faculté contributive. Ainsi, une personne qui fraude ne prend pas part aux charges publiques et mécaniquement augmente la contribution des autres. CC, 30 juillet 2010, QPC : le CC dégage un objectif à valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale. Cela permet au législateur d’adopter des mécanismes contraignants à l’égard du contribuable dans l’objectif de lutter contre la fraude fiscale sur le fondement du principe d’égalité devant l’impôt.
Enfin, la répartition en raison des facultés contributives se fait aujourd’hui en utilisant à la fois des impôts proportionnels et des impôts progressifs. Par exemple, la TVA, impôt proportionnel, a pour assiette le prix du bien de consommation courante. Il serait difficile voire impraticable de mettre en œuvre un impôt progressif par exemple sur l’essence, le pain, etc.
§5. Les sources du droit fiscal
Comme dans toutes les matières juridiques, le bloc de constitutionnalité est une source principale. Il existe également des sources supranationales, notamment européennes et des conventions internationales. Ces sources priment le droit interne à l’exception des normes constitutionnelles. Le droit de l’UE est une source du droit fiscal puisque, du fait du TFUE, il existe une harmonisation fiscale en matière de TVA et autres impôts indirects. En effet, les législations nationales sont similaires dans leurs grands principes. Il existe également des règles de lutte contre la fraude fiscale qui résultent de transposition de directives européennes. L’UE pousse aussi à une certaine harmonisation en matière d’imposition directe, même si cette harmonisation n’est pas prévue explicitement par le TFUE (lecture extensive de l’art.115 TFUE) et vise principalement la fiscalité des entreprises, des placements ou des fusions-acquisitions.
L’harmonisation fiscale s’est développée grâce aux libertés prévues par le TFUE (liberté de circulation, liberté d’installation, etc.). Il existe des traités spécifiques à la matière fiscale (conventions fiscales) qui peuvent être bilatéraux et multilatéraux et qui sont des sources du droit fiscal. La doctrine administrative, produit de l’administration, est également une source particulière du droit fiscal (BOFIP, bulletin officiel des Finances Publiques)
La législation fiscale est complexe et dense aussi bien pour les contribuables que pour les agents de l’administration fiscale car de nombreux impôts sont personnalisés et très détaillés. Pour assurer une égalité entre les contribuables, il faut que la même législation soit appliquée mais aussi comprise de façon unitaire. Pour cela, la direction de la législation fiscale à Bercy rédige des instructions diffusées à tous les agents de l’administration fiscale pour expliquer les dispositions fiscales. En principe, cette doctrine administrative n’est pas une source de droit fiscal. Elle n’a pas de caractère normatif en ce qu’elle se borne à expliquer la norme sans modifier l’ordonnancement juridique. Pourtant, on se demande toujours si la doctrine administrative n’est pas une source de droit. Si la doctrine administrative est parfaite et respecte son rôle, elle n’est pas une source de doit. Le problème apparait lorsque la doctrine administrative se met à ajouter des éléments par rapport à la norme juridique expliquée, lorsqu’en rentrant dans le détail, elle se met à ajouter des critères, des conditions et des étapes qui n’apparaissent pas dans la loi ou le règlement commenté qui peuvent se révéler contraires à la norme supérieure. À ce titre, elle peut prendre un caractère réglementaire. Si la doctrine administrative est contra legem, l’agent de l’administration fiscale l’appliquera quand même. Concrètement, cette non-norme peut avoir des conséquences juridiques pour le contribuable. Celui-ci pourra néanmoins contester sa légalité devant le juge administratif par la voie de l’exception d’illégalité ou par la voie du REP dans le délai 2 mois après la mise en ligne de la publication au BOFIP (CE, 13 mars 2020).
L’art.L80 A du Livre des procédures fiscales dispose que « lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente ». Il en résulte qu’un contribuable qui se fie à l’interprétation de la norme donnée par l’administration fiscale et qui s’appuie sur le contenu de la doctrine administrative au moment il bâtit son montage fiscal doit bénéficier de la sécurité juridique. En effet, il doit pouvoir se fier durablement à ce que l’administration a écrit, fût-il illégal. Dès lors, l’administration ne peut reprocher à un contribuable d’avoir suivi ses propres instructions interprétatives. Si en principe, elle n’est pas une norme juridique, la doctrine administrative peut néanmoins permettre d’écarter l’application de la loi elle-même.
L’administration ne peut se prévaloir du changement de sa propre doctrine administrative pour justifier un redressement fiscal ou un rehaussement d’imposition. Le contribuable qui a appliqué la doctrine administrative sera protégée contre tout changement de cette doctrine. Plusieurs conditions doivent être remplies.
D’abord, le contribuable doit s’appuyer sur une prise de position formelle de l’administration et non sur sa propre interprétation. Ensuite, le texte invoqué par le contribuable doit se rattacher à des règles de fond, d’imposition. Le CE est venu poser une condition supplémentaire au bénéfice de la sécurité juridique en distinguant les contribuables (le contribuable normal et celui qui adopte une attitude en opposition avec le but de la loi fiscale). En effet, certains contribuables s’appuient sur la doctrine administrative pour faire des montages ayant pour seul but d’éluder l’impôt. Le choix du contribuable n’était pas justifié par une activité, la recherche de performance mais uniquement dans un but de diminuer voire d’éluder l’impôt. Ce fait est constitutif d’un abus de droit. En effet il détourne la loi fiscale de son objectif et de son esprit en s’appuyant sur une interprétation pour payer moins d’impôt. Dans ce cas, le bénéfice de la protection de l’art.180 A LPF lui sera refusé (CE, 28 octobre 2020, Charbit). Cette disposition est-elle contraire à la Constitution ? Le CE a refusé de transmettre une QPC relative à cet article (CE, 29 novembre 2010).
PARTIE I : L’ORGANISATION DU SYSTÈME FISCAL FRANÇAIS
Lorsque le législateur crée l’impôt, il doit s’encastrer dans un ensemble. Le système fiscal est assez récent et date d’une centaine d’années environ. Il faut étudier la compétence législative en matière fiscale puis les principales impositions françaises.
TITRE I : LA COMPÉTENCE LÉGISLATIVE EN MATIÈRE FISCALE
Dans la Constitution de 1958, le terme d’impôt n’apparait jamais. À l’art.34 de la Constitution qui établit le monopole fiscal du législateur, on trouve plutôt l’expression « impositions de toute nature ». La notion apparait pour la première fois dans la Constitution de 1958 par hasard. À l’été 1958, dans un pré-projet, l’art.31, al.12 de la Constitution disposait que « les ressources et les charges de l’État ainsi que les charges parafiscales sont votées et autorisées par le Parlement ». On s’est rendu compte que ce texte était trop général. Puis vers le 25 août 1958, le texte a évolué et précise désormais que « sont fixées par la loi les règles relatives aux impôts, droits et taxes de toute nature ». Gilbert Devaux considère que l’emploi des termes de taxe et impôt pose un problème car la différence entre les deux n’était pas nette. La définition de la notion présente un double intérêt. Elle permet de déterminer, d’une part, la compétence normative et, d’autre part, la compétence juridictionnelle. En effet, les juges administratifs vont utiliser l’expression « imposition de toute nature » en raisonnant par rapport à son contenu dans la mesure où la Constitution ne la définit pas. En l’absence d’indices, il est revenu au juge constitutionnel et administratif de définir la notion d’imposition de toute nature. À un moment où la jurisprudence était bien assise en la matière, on a découvert ce qu’auraient pu être les impositions de toute nature après que les travaux du comité constitutionnel ont été publiés en 1990. Gilbert Devaux définit les impositions comme « les obligations de payer une somme d’argent qui ne résultent ni d’une obligation contractuelle, ni d’un contrat, ni du Code civil, ni du Code de commerce ni du Code pénal ». Cette définition semble correspondre à la définition d’un prélèvement obligatoire.
CHAPITRE I : LA NOTION D’IMPOSITION DE TOUTE NATURE
Il faut opérer une distinction entre l’imposition de toute nature et le prélèvement obligatoire. Le prélèvement obligatoire est une notion économique sans définition juridique. L’OCDE définit le prélèvement obligatoire comme « une somme affectée à des administrations publiques de manière obligatoire sans contrepartie directe et immédiate ». En 2021, selon Eurostat, le taux de prélèvement obligatoire s’élève à 47% du PIB tandis que l’Insee donne un taux de 44,3 % PIB. Concrètement, 44,3% de la richesse produite en France ont été absorbés par les prélèvements obligatoires. Le record en France atteint 47% du PIB. À titre de comparaison, on peut citer le cas de l’Allemagne (42,4%), du Danemark (48,8%) étant entendu que la moyenne est de 44% dans l’UE et de 42,2% dans la zone euro. La France serait le 2nd mondial à avoir le taux de prélèvement obligatoire le plus élevé. Le taux de prélèvement obligatoire élevé est la conséquence d’un choix de société. En France, l’usager a accès à un service public semi-gratuit. Par exemple, aux États-Unis, le taux est moins élevé et par conséquent les services publics sont moins gratuits.
Le prélèvement obligatoire correspond-il vraiment à la notion d’imposition de toute nature aujourd’hui ? Deux pistes pour répondre à la question. La première piste est une piste anecdotique et textuelle. Jusqu’en 2005, on avait un conseil des impôts, organisme rattaché à la Cour des comptes qui était chargé d’étudier l’évolution des impôts et de faire des propositions d’amélioration. Il a été remplacé par un conseil des prélèvements obligatoires. Le conseil des impôts était chargé d’apprécier l’évolution de l’ensemble des impôts tandis que le conseil des prélèvements obligatoires est chargé d’apprécier l’évolution et l’impact économique, social et budgétaire de l’ensemble des prélèvements obligatoires. Le prélèvement obligatoire va donc au-delà des impôts.
La deuxième piste est jurisprudentielle selon laquelle il existe une différence entre prélèvement obligatoire et imposition de toute nature. Plusieurs décisions permettent d’illustrer cette piste.
CC, 20 janvier 1961 60-11 DC : le CC connait d’une question relative aux cotisations sociales. Il constate que les cotisations sociales sont affectées au financement de la sécurité sociale, qu’elles ont un caractère obligatoire mais qu’elles ne constituent pas pour autant des impositions de toute nature.
CE, 13 mai 1938, Caisse primaire « Aide et protection »: Le CE reconnait que des personnes morales de droit privé peuvent être investies d’une mission de service public. Ces organismes peuvent être financés par des sommes versées par les assurés sociaux.
CE, 5 février 1954, Association L Hamidia /TC, 6 juillet 1957 : le CE et le TC considèrent que les cotisations sociales sont présentées comme donnant lieu à des dettes de droit privé entre les assurés et les organismes d’assurance sociale. Le fait d’être légalement obligé de s’affilier à un système d’affiliation de sécurité ne change rien à la nature privée de la relation juridique entre le cotisant et l’organisme d’assurance. Ce faisant, le juge administratif et le tribunal des conflits ont renié le caractère fiscal des cotisations sociales. L’obligatoriété de la cotisation sociale ne lui confère pas pour autant une nature fiscale.
Le juge constitutionnel s’inscrit dans la même veine à travers plusieurs décisions. CC, 20 décembre 1960 : le CC considère que « le pouvoir de fixer le taux d’une cotisation sociale ne saurait être regardé […] comme inclus dans le domaine réservé au législateur ». Cela veut dire que les cotisations sociales n’entrent pas dans le champ de l’art.34 de la Constitution mais relèvent du pouvoir réglementaire de sorte qu’elles ne peuvent constituer des impositions de toute nature.
CC, 13 août 1993 93-325 DC : le CC considère que la cotisation sociale est une somme versée soit par les employeurs (cotisations patronales), soit par les salariés (cotisations salariales), au régime obligatoire de sécurité sociale et que ces sommes « ouvrent vocation à des droits aux prestations et avantages servis par ces régimes ». Or, le prélèvement obligatoire n’emporte pas contrepartie directe et immédiate. La perception des avantages est simplement éventuelle car une personne peut cotiser toute sa vie et mourir le dernier jour de son activité professionnelle sans pouvoir bénéficier de sa retraite. Le cotisant social n’a qu’une éventualité de couverture sociale.
CC, 13 décembre 2012 : le CC considère que les cotisations sociales ne relèvent pas de la catégorie des impositions de toute nature au sens de l’art.34 de la Constitution, ce dont il résulte que le législateur peut renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de fixer le taux des cotisations sociales. Ce faisant, le législateur ne commet pas d’incompétence négative.
Économiquement, les cotisations sociales sont des prélèvements obligatoires sans contrepartie directe et immédiate. Juridiquement, elles ne sont pas des impositions de toute nature. Dès lors, les prélèvements obligatoires et les cotisations sociales ne sont pas des impositions de toute nature. Les impôts (sans contrepartie), les cotisations sociales (contrepartie éventuelle) et les taxes sont des prélèvements obligatoires. Or, les impôts et les taxes sont des impositions de toute nature.
La notion économique de prélèvement obligatoire est-elle synonyme de la notion juridique d’imposition de toute nature ? La réponse est négative. Les impositions de toute nature sont des prélèvements obligatoires mais tous les prélèvements obligatoires ne sont pas des impositions de toute nature. Les impositions de toute nature ne sont qu’une composante des prélèvements obligatoires. En effet, un prélèvement obligatoire (impôt) peut relever des impositions de toute nature alors qu’un autre (cotisation sociale) n’en relève pas. Les cotisations sociales relèvent du droit social tandis que les impositions de toute nature relèvent du droit fiscal.
CEDH, 9 décembre 1994, Schouten and Meldrum : la CEDH considère qu’en matière fiscale, la relation entre l’État et le contribuable est essentiellement de droit public tandis qu’en matière de cotisation sociale, la relation entre le cotisant et l’organisme d’assurance est de droit privé.
CEDH, 12 juillet 2001, Ferradzzini : la Cour estime que « la matière fiscale ressort du noyau dur des prérogatives de la puissance publique et le caractère public du rapport entre le contribuable et la collectivité reste prédominant ».
SECTION I : Les impôts
La législation française a un nombre considérable de cotisations sociales et de prélèvements obligatoires de nature fiscale. Néanmoins, il ne faut jamais faire confiance au législateur lorsqu’il donne un nom à un prélèvement. En effet, un prélèvement qualifié de taxe n’est pas nécessairement une taxe. Par exemple, la taxe d’habitation, la taxe sur la valeur ajoutée ne sont pas juridiquement des taxes mais des impôts. Pour déterminer la nature juridique exacte du prélèvement, il faut en analyser les caractéristiques juridiques.
Il n’existe aucune définition constitutionnelle, législative ou jurisprudentielle de l’impôt. Selon la définition doctrinale analytique attribuée à Gaston Jèze et à Georges Vedel, l’impôt est « un prélèvement pécuniaire, de caractère obligatoire, effectué en vertu de prérogatives de puissance publique, à titre définitif, sans contrepartie déterminée, en vue d’assurer le financement des charges publiques ».
§1. L’impôt comme prélèvement pécuniaire
Aujourd’hui, l’impôt est perçu en monnaie et ne se paie plus en nature. Jusqu’à une loi de 1973, il était possible de payer certains impôts locaux en effectuant des travaux d’entretien des routes et des bas-côtés pour le compte de la commune pendant 3 jours. Aujourd’hui, il existe des possibilités de payer en nature les droits de succession, les droits de mutation à titre gratuit entre vifs (dons interfamiliaux) et l’impôt sur la fortune immobilière par le mécanisme de la dation en paiement. Ces 3 impôts peuvent également être payés en immeubles situés dans la zone d’intervention de protection du littoral (rivages lacustres). Le but est de protéger le patrimoine culturel et éviter qu’un immeuble qui présente un intérêt historique ne soit pas vendu à un étranger. La dation en paiement est conçue pour protéger le patrimoine artistique et culturel national par la reprise d’objets historiques rares (livres, tables…) de la part des contribuables. En 2021, au titre de la dation en paiement, il est possible de payer en nature ses impôts par remise de bandes dessinées (art.1716 bis CGT). De plus, il est possible de payer les droits de mutation en matière successorale en remettant à l’État des titres de sa propre dette s’il est prévu par une disposition législative spécifique (art.1715 CGT). L’État y a recours lorsqu’il ne parvient pas à éponger certaines vieilles dettes qu’il a contractées à des taux très élevés (dettes qui lui coutent chères). Il ne s’agit plus d’une dation en paiement mais d’une procédure d’échange. Hormis ces impôts, tous les autres impôts doivent se payer en numéraire ou par prélèvement sur compte bancaire.
§2. L’impôt comme prélèvement obligatoire
L’impôt est un prélèvement unilatéral sans que celui qui doit payer ait un quelconque choix. Nul ne peut échapper à l’impôt. Il s’agit d’une obligation légale. Le contribuable ne donne pas son consentement à la détermination de l’impôt. La seule limite est que l’obligation fiscale ne peut être établie que par la loi. Pour s’opposer à un impôt, le contribuable peut établir qu’il est contraire à la loi. Cela est une conséquence de l’art.14 DDHC et de l’art.34 Constitution. Faut-il mettre en place un référendum en matière fiscale ? Cela semble peu probable.
§3. L’impôt comme prélèvement effectué en vertu de prérogatives de puissance publique
L’impôt est par définition l’expression même du droit public. L’impôt du début à sa fin repose sur des prérogatives exorbitantes du droit commun (civil). Certaines procédures suivies en matière fiscale sont exorbitantes dans la mesure où elles débordent du cadre du droit civil et même du cadre administratif. Il est toujours construit et établi selon des procédures contraignantes.
D’abord, le contribuable paie l’impôt car il reçoit une décision unilatérale prise par l’administration sans besoin du juge pour obliger le contribuable à payer l’impôt. L’administration se délivre à elle-même un titre exécutoire pour se faire payer une créance dans un délai qu’elle fixe. Par exemple, l’avis d’imposition.
Ensuite, notre système fiscal repose, pour les principaux impôts, sur un système de déclaration. En dehors des déclarations notariées, lorsque le contribuable remplit lui-même la déclaration, il existe toujours un risque qu’il veuille tricher ou qu’il se trompe sur une partie de ses recettes. L’administration fiscale fait confiance au contribuable mais cette confiance n’exclut pas le contrôle. Elle peut s’adresser à lui pour demander des pièces complémentaires. Ce contrôle s’inscrit dans des procédures de prérogatives de puissance publique. L’administration fiscale dispose d’un droit de communication à l’égard du contribuable pour lui exiger des informations ou pièces complémentaires ou justificatives et à l’égard de tout tiers obligé de lui répondre à peine d’amende. Elle peut procéder à des contrôles fiscaux et à des visites fiscales. Le but est d’établir l’exactitude des déclarations effectuées par le contribuable.
Enfin, si le contribuable ne paie pas l’impôt, l’administration peut recourir à des mesures d’exécution forcée (saisie mobilière ou immobilière) sans avoir besoin d’une décision de justice. La saisie administrative à tiers détenteur est une procédure qui consiste à saisir des sommes appartenant au contribuable dans les mains de tiers (banque ou employeurs). En dehors de la perquisition fiscale, la présence d’un juge n’est pas obligatoire. Il existe des millions d’actes de saisie administrative à tiers détenteurs par an.
§4. L’impôt comme prélèvement définitif
Le paiement de l’impôt par le contribuable à l’administration fiscale est acquis à titre définitif. Néanmoins, l’impôt est remboursé pour trop-perçu uniquement lorsque le contribuable établit, à l’occasion d’un recours, avoir été prélevé à tort à raison d’une erreur de l’administration fiscale ou lorsqu’il a payé trop d’impôt en fonction de sa situation fiscale. L’impôt se distingue de l’emprunt forcé qui consistait à obliger un contribuable à consentir des emprunts obligatoires à l’État. L’emprunt forcé, qui a existé durant presque toutes les révolutions et les crises économiques, a été mis en œuvre pour la dernière fois en 1983.
L’emprunt forcé a vocation à être remboursé tandis que l’impôt est perçu à titre définitif.
§5. L’impôt comme prélèvement sans contrepartie
Juridiquement, le paiement de l’impôt par le contribuable n’ouvre droit à aucune contrepartie à son bénéfice. Il n’existe pas de services publics gratuits, ils sont financés par les impôts. Mais le financement des services publics par l’impôt n’ouvre pas droit pour le contribuable à une contrepartie. Il n’existe pas un lien entre le fait de payer l’impôt et le fait d’avoir accès à un service public gratuit dans la mesure où des non-contribuables peuvent également avoir accès à un tel service. Par exemple, un touriste étranger qui se fait dépouiller en France peut avoir accès gratuitement au service public de la justice en déposant une plainte au commissariat sans se voir opposer sa situation de non-contribuable. En fin de compte, celui qui ne paie pas l’impôt peut avoir les mêmes droits d’accès au service public gratuit que celui qui paie les impôts.
CE, 13 novembre 1987, Syndicat national des transporteurs aériens : le CE considère qu’il n’existe aucun lien entre le paiement de l’impôt et l’accès à des prestations. Le contribuable ne peut se prévaloir d’une absence d’accès à un service public pour refuser de s’acquitter de l’impôt.
§6. L’impôt comme moyen de financement des charges publiques
Jusqu’à la première guerre mondiale, l’impôt servait effectivement à assurer le financement des charges publiques (services publics). Mais les choses ont évolué puisque les impôts ne servent plus uniquement à cela. L’impôt peut poursuivre d’autres objectifs. Si l’objectif fixé par l’impôt est atteint, il ne sera plus perçu. L’impôt peut être utilisé pour orienter, influencer le comportement des contribuables. Pour lutter contre le tabagisme, l’alcoolisme ou la consommation de boissons sucrées, contre la pollution (pollueurs payeurs), on utilise l’arme fiscale par le jeu d’une fiscalité lourde. On parle de fiscalité comportementale car elle n’a pas pour but de renflouer les caisses de l’État pour financer les charges publiques. L’impôt perçu à ce titre peut être utilisé pour financer d’autres charges publiques. Par exemple, l’impôt comportemental sur l’environnement ne servira pas nécessairement à financer l’action de l’État dans le domaine environnemental. L’impôt permet de réaliser une distribution sociale. Les prélèvements qui remplissent ces conditions sont des impôts.
Les accises et les TVA sont des impôts à la consommation. L’assiette de la TVA est la valeur (prix) du produit (impôt ad valorem) tandis que l’assiette de l’accise est la quantité (nombre). Par exemple, le paquet de cigarettes est sujet à la TVA et à l’accise. La TVA n’est pas une taxe mais un impôt car le contribuable n’a pas de contrepartie. En l’absence de définition, il faut analyser les caractéristiques du prélèvement pour déterminer sa nature juridique.
Il peut exister une divergence d’interprétation entre les juges au sujet de certains prélèvements obligatoires. La CSG (contribution sociale générale) et la CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale) constituent-elles des impôts ou des cotisations sociales ? Le juge français considère que ce sont des impôts. La CSG et la CRDS sont acquittées sur les revenus du travail ou du placement financier. S’agissant des transfrontaliers qui sont des personnes vivant en France et travaillant dans un État frontalier, la réglementation européenne (règlement du 29 avril 2004) prévoit qu’une personne qui travaille dans un État de l’UE est soumise à la législation sociale de l’État dans lequel il travaille et doit cotiser au régime social de cet État. Ce règlement s’applique à l’UE et à la Suisse. En 1990, la CSG est créée et en 1996 la CRDS. En 1990, le CC a vu en la CSG une imposition de toute nature au sens de l’art.34 de la Constitution, plus précisément un impôt. En 1993, le CC considère que la CSG est un impôt. En 1996, le CE qualifie la CSG d’impôt de même que la Cour de cassation en 1998.
Cependant, des transfrontaliers qui paient la CSG et la CRDS en contestent le paiement sur le fondement du règlement de 2004. Mais la France reconnait que les transfrontaliers doivent continuer à cotiser dans l’État dans lequel ils travaillent dans la mesure où ces CSG et la CRDS sont des impôts et non des cotisations sociales.
CJCE 15 février 2000, Commission c. France : le juge européen donne tort au gouvernement français au motif que la CSG et la CRDS présentent « un lien direct et suffisant avec les lois qui régissent les branches de sécurité sociale ». La CJCE considère que ces prélèvements financent le système de sécurité sociale et les regarde comme entrant dans l’interdiction d’une double imposition. La directive de 1971 et celle de 2004 emploient le terme de cotisation sans le définir. La CJCE considère que la notion de cotisation en droit de l’UE est une notion autonome qui n’a pas à se préoccuper de la qualification donnée par les ordres juridiques nationaux.
Cependant, à la réception de cette décision de la CJCE, le CC dans une décision du 19 décembre 2000 considère que la CSG est une imposition de toute nature (jurisprudence constante). En avril 2001, la Cour de cassation qualifie la CSG comme une cotisation de sécurité sociale. En octobre 2001, la Cour de cassation vient préciser que « la CSG a la nature d’une cotisation sociale et non d’une imposition » (jurisprudence constante). Les CAA seront également saisies de la question. CAA Nancy, 9 novembre 2000 : la CSG a le « caractère d’imposition ».
Mais la décision de la CJCE a été mal comprise car la qualification qu’elle donne de la CSG et de la CRDS n’est pas celle du droit français. CE, 7 janvier 2004, Mme Martin : « ces prélèvements ont le caractère d’imposition de toute nature et non celui de cotisation de sécurité sociale, au sens des dispositions constitutionnelles et législatives nationales ». Le CE sous-entend que lorsqu’il faut analyser la question au regard du droit européen, on ne peut pas se préoccuper des dispositions du droit interne. En 2012, la Cour de cassation, d’abord réticente, finit par s’aligner derrière la position du CE. À partir de ce moment-là, il est finalement admis que les transfrontaliers n’ont pas à acquitter la CSG et la CRDS.
Qu’en est-il d’une personne qui habite en France mais travaille à l’étranger et touche des revenus de ses capitaux ? La France a considéré que ces revenus pouvaient être frappés par la CSG et la CRDS. CJUE, 26 février 2015, De Ruyter : saisie à titre préjudiciel, la CJUE considère que l’unicité de la législation sociale ne vaut pas à l’égard des revenus du travail seulement mais à l’égard de tout revenu. La personne acquitte la CSG et la CRDS au lieu où elle accomplit son travail. Les décisions de 2000 et 2015 ont été prises pour des cas dans le cadre territorial de l’EEE et de la Suisse. Que se passe-t-il lorsqu’une personne, quelle que soit sa nationalité, vit, travaille et cotise dans un État hors UE ou EEE et Suisse et a des revenus de source française ? Deux décisions apportent une solution contestée par la doctrine.
CJUE, 18 avril 2018, C417 : une personne de nationalité française vit, travaille, cotise au système social en Chine mais perçoit des revenus de source française. En effet, elle a vendu un bien immobilier en dégageant une plus-value. L’administration fiscale française lui demande de payer la CSG et la CRDS. Pour la Cour de justice, l’unicité de la législation sociale n’a pas une portée extraterritoriale (seulement à l’UE et à la Suisse, pas à la Chine).
CE, 31 mars 2021, Mme Jaffe : une personne de nationalité américaine vit et travaille en France. Elle a dégagé une plus-value en vendant un bien en France et l’administration fiscale lui exige le paiement de la CSG et de la CRDS. Le CE reprend le raisonnement de la CJUE en affirmant que les États-Unis ne sont pas parties à la réglementation européenne et que la personne ne peut pas opposer l’unicité de la législation sociale européenne.
SECTION II : La taxe
La TVA, la taxe foncière, la taxe d’habitation ne sont pas de réelles taxes mais des impôts. Distinguer l’impôt et la taxe parait uniquement théorique car le juge se refuse à employer le mot taxe et lui préfère le terme impôt ou imposition de toute nature. Comme l’impôt, la taxe est un prélèvement obligatoire. Une taxe est toujours exigée en contrepartie de l’utilisation d’un service public administratif. Un SPIC sera essentiellement financé par une redevance.
§1. Une contrepartie éventuelle
La taxe est payée par la personne qui peut profiter d’un service public administratif à savoir un usager potentiel. Cette contrepartie pour l’usager du service public est simplement potentielle car il n’y aura pas forcément accès. Par exemple, la taxe d’enlèvements des ordures ménagères est payée par toutes les personnes qui y ont potentiellement accès. Autre exemple, la contribution à l’audiovisuel public était considérée comme une taxe acquittée par tous les possesseurs de télévision même s’ils ne regardent jamais les chaînes publiques.
§2. Une absence d’équivalence financière
Le montant de la taxe repose sur le principe selon lequel il n’existe pas d’équivalence entre le montant de la taxe et ce qui est offert à l’usager. Le montant de la taxe n’a pas à être en lien direct avec le service qui est offert. Par exemple, l’assiette de la taxe des ordures ménagères est la valeur locative du bien utilisé et non la quantité des ordures produites par l’usager.
CE, 8 avril 1949, Société des salaisons de Gascogne : le CE juge que le taux de la taxe n’a pas à être nécessairement fixé « de telle manière que son taux soit en rapport avec les dépenses occasionnées à la communauté bénéficiaire ». En général, les taxes sont inférieures au coût du service.
CE, 16 mai 1941, Toublanc : le CE considère qu’un prélèvement dont le produit excède très largement les dépenses du service ne peut être regardé que comme une taxe. Il n’existe pas un lien entre le montant de la taxe et le coût du service offert à l’usager. Dans le cadre des ordures ménagères, on distingue l’usager particulier et l’usager professionnel.
CE, 31 mars 2014, Auchan France/24 octobre 2018, Groupe Casino : il ressort de ces arrêts que la taxe d’enlèvement des ordures ménagères a pour objet de couvrir les dépenses d’enlèvements des ordures ménagères. Le produit de la taxe et, par voie de conséquence, son taux ne doivent pas être manifestement disproportionnés par rapport au montant de ces dépenses.
CE, 29 novembre 2021, Darty : le CE s’éloigne de sa solution de 2018 et considère que la taxe d’enlèvement des ordures ménagères peut aussi permettre de financer le service d’enlèvement des ordures non-ménagères même s’il existe une redevance spéciale d’enlèvement des ordures non-ménagères.
Il existe 3 possibilités pour financer l’enlèvement des ordures ménagères. En premier lieu, la commune ne demande rien à l’usager auquel cas l’enlèvement est financé par le budget et les impôts. Dans ce cas, elle a l’obligation de demander une redevance spéciale d’enlèvement des ordures ménagères. En deuxième lieu, la commune demande une taxe d’enlèvement des ordures ménagères. Dans ce cas, la commune ou l’intercommunalité peut demander une redevance spéciale pour enlèvement des ordures non-ménagères. En troisième lieu, la commune perçoit une redevance d’enlèvement des ordures ménagères qui ne peut se cumuler avec la taxe. Cela exclut l’instauration d’une redevance spéciale d’enlèvements des ordures ménagères car elle peut également servir à financer le service des ordures non-ménagères.
SECTION III : Les impositions quasi-fiscales
L’expression d’imposition quasi-fiscale est purement doctrinale et est due à Paul Amselek. Ce sont des prélèvements ou contributions publiques ayant la nature financière d’imposition et non celle de rémunération de service public, pas plus que de sanctions ou de pénalités pécuniaires. Il ne s’agit pas, par ailleurs, de cotisations sociales ou de cotisations professionnelles obligatoires mais bien de prélèvements publics obligatoires au profit de personnes publiques. Ces impositions ne sont pas juridiquement soumises au régime d’ensemble de la fiscalité. Par exemple, le prélèvement sur la Française des jeux, sur les casinos en matière d’urbanisme. CC, 1982 : le CC les qualifie de taxes fiscales.
CE, 1973, Sociétés des papeteries de Gascogne : ces sont des ressources d’une nature spécifique soumises à un régime juridique « mixte ». Malgré leur caractère financier d’imposition, on leur décrit également un caractère juridique d’imposition car la compétence n’est pas exclusivement entre les mains du législateur mais aussi entre les mains de l’exécutif. Autrement dit, la compétence est partagée entre le réglementaire et le législatif. La nature hybride de ces impositions a des conséquences sur la compétence du juge en cas de contentieux.
SECTION IV : Les redevances
On distingue deux régimes de redevances que sont la redevance pour service rendu et la redevance pour l’occupation du domaine public. D’un point de vue financier, ces redevances se sont rapprochées.
§1. La rémunération pour service rendu
L’art.5 de l’ordonnance de 1959 dispose que « la rémunération des services rendus par l’État ne peut être établie que si elle est instituée par décret en CE ». L’art.4 de la LOLF dispose que « la rémunération de services rendus par l’État peut être établie et perçue sur la base d’un décret en CE ». Depuis 2001, le législateur peut créer une redevance.
CE, 21 novembre 1958, Syndicat national des transports aériens puis reprise par le CC, 6 octobre 1976, Droit de port et de navigation : en 1958, le CE considère que si un prélèvement est analysé en une redevance, il ne peut relever du monopole législatif prévu à l’art.34 de la Constitution. Il définit la redevance comme une somme versée par l’usager d’un SP ou d’un ouvrage public qui entraine une contrepartie directe et immédiate. Pour accéder au service public, l’usager doit payer la redevance mais pourra refuser de la payer s’il n’a pas l’intention d’y accéder. Les redevances ne sont pas des prélèvements obligatoires. Ainsi, le montant de la redevance doit correspondre au montant du service offert à l’usager.
Par voie de conséquence, une redevance ne peut pas être instituée en vue de la création ou avant la mise en fonctionnement d’un service public (CE, 3 octobre 1986, François-Poncet). Mais le CE admet qu’une redevance puisse permettre de financer la modernisation d’infrastructures existantes car la contrepartie réside dans l’amélioration du service rendu (CE, 10 février 1996, Fouquet). Le CE pose que la redevance perçue auprès d’un usager doit permettre de financer les dépenses du service y compris les éventuels déficits qui résultent d’impayés et les intérêts d’emprunts contractés pour améliorer ou entretenir le service public (CE, 30 juillet 2003, Compagnie générale des eaux). La contrepartie du service public fait l’objet d’une vision extensive.
CC, 14 avril 2005, Loi sur les aéroports : la loi contenait des dispositions financières et son art.9 disposait que « le montant des redevances tient compte de la rémunération des capitaux investis. Il peut tenir compte des dépenses y compris futures liées à la construction d’infrastructures ou d'installations nouvelles avant leur mise en service ». Le CC affirme qu’on peut compenser différentes redevances dès lors qu’elles rémunèrent des prestations « qui concourent à la fourniture du même service global ».
Le CC fait tomber à la fois le critère immédiat et le critère direct. En effet, il considère qu’un usager du service public peut financer des dépenses futures. En outre, les redevances peuvent se compenser au sein d’un service public global dans la mesure où les excédents doivent servir à compenser les déficits d’un autre service public isolément considéré. Ce faisant, le caractère direct de la contrepartie disparait. Si la redevance repose essentiellement sur la contrepartie, son tarif doit néanmoins correspondre plus ou moins au coût du service. Logiquement, chacun doit payer le même montant de redevance en vertu principe de l’égalité devant le service public. Mais il peut exister des tarifs modulés dans 3 cas, lorsque la loi le prévoit ; lorsqu’il existe des différences de situation appréciables entre les usagers (localisation, composition du foyer fiscal ou encore le revenu imposable) ; lorsqu’il y a une nécessité d’intérêt général en rapport avec les conditions d’exploitation du service (prix de l’eau plus cher pour remplir la piscine). Hormis ces cas, le montant de la redevance sera le même pour tous les usagers du service public.
Le montant de la redevance est fixé sur la base de la décision de 1958 lue à la lumière des conclusions du commissaire du gouvernement. CE, 16 novembre 1962, Syndicat intercommunal d’électricité de la Nièvre : le CE juge que le montant de la redevance doit être équivalent au service offert à l’usager. Celui-ci ne doit payer ni plus ni moins. C’est le principe de l’équivalence financière. On regarde le coût du fonctionnement de l’année précédente qu’on divise par le nombre d’entrées payantes pour obtenir le prix moyen.
Cela étant, tout usager du SP n’est pas dans la même situation dans l’usage qu’il fait du SP. Pour certains usagers, le SP peut être le vecteur de leur activité économique car ils se servent de ses moyens et/ou locaux. CE, 16 juillet 2007, Syndicat national de défense de l’exercice libéral de la médecine à l’hôpital : le CE distingue deux catégories d’usagers du SP. L’un se sert du SP dans un but final (consommateur à titre personnel) et l’autre s’en sert dans un but économique (consommateur à titre professionnel). S’agissant de l’usager qui se sert du SP dans un but économique, le SP n’est pas seulement un élément de son activité mais le support même de son activité. Le CE admet la possibilité de déterminer le montant de la redevance non plus par rapport au coût du SP mais par rapport à l’avantage économique procuré par ledit service. Il en résulte que le montant de la redevance peut être fixé sur la base d’un chiffre d’affaires de l’usager.
CE, 7 octobre 2009, Société d’équipement de Tahiti et des îles : en l’espèce, des compagnies privées de restauration vendent leurs plateaux de repas à des compagnies aériennes. Pour ce faire, ces sociétés de droit privé se servent des infrastructures de l’aéroport (hangar, tarmac…). Le CE admet que la redevance de SP demandée à ces sociétés de droit privé soit calculée sur la base du CA réalisé par chacune des compagnies aériennes. Le CE admet même une redevance différenciée de sorte que la redevance repose sur un pourcentage différent en fonction de la compagnie aérienne considérée. Il s’agit fort bien d’une redevance car l’usager conserve son choix de recourir ou non au SP aéroportuaire.
§2. Les redevances pour l’occupation du domaine public
Il n’est pas possible d’avoir un usage privatif du domaine public. Pour ce faire, il faut obtenir une autorisation d’occupation du domaine public. Or, cette autorisation accordée par les communes est à titre onéreux moyennant le versement d’une redevance.
Depuis le début des années 2000, le CE sanctionne les redevances d’occupation du domaine public qui lui semblent trop élevées ou sous-évaluées. Le montant de cette redevance est fixé en vertu d’un principe
toute nature procurés au titulaire de l’autorisation ». Il y a un rapprochement dans les deux cas car ce sont les avantages qui sont rémunérés. En l’absence de règle générale, il appartient au propriétaire du domaine public de fixer lui-même le tarif. Ce tarif ne doit pas simplement compenser un inconvénient subi par la collectivité du fait de l’occupation du domaine public ou compenser des travaux effectués. Seuls les avantages de toute nature que procurent l’occupation du domaine public sont rémunérés. Le CE rappelle qu’une bonne manière de fixer cette redevance serait de se rapporter au chiffre d’affaires. La logique qui gouverne les deux redevances repose sur la performance i.e. à l’avantage économique dégagé par les usagers du SP.
En tout état de cause, ces redevances ne s’analysent pas en prélèvements obligatoires puisque l’usager conserve toujours sa liberté de recourir ou non au SP.
CONCLUSION : deux remarques méritent d’être faites. En premier lieu, il faut rappeler que le législateur a la compétence exclusive sur les impositions de toute nature. Ces impositions sont des prélèvements obligatoires qui n’incluent pas les cotisations sociales. D’un point de vue économique, le juge constitutionnel et le juge administratif ont perçu les impositions de toute nature comme des prélèvements obligatoires. Dans la décision de 1958, le CE considère que les redevances ne relèvent pas des impositions de toute nature (ITN). Pour la JP, les impositions de toute nature sont les impôts et les taxes. Le juge n’a jamais défini cette notion d’imposition de toute nature et reste assez flou sur la qualification juridique des prélèvements qui composent la catégorie d’impositions de toute nature. Cette catégorie est présentée comme résiduelle dans la mesure où le juge va analyser les caractéristiques juridiques d’un prélèvement et seulement s’il ne parvient pas à le rattacher à une catégorie précise, qu’il le qualifiera alors d’imposition de toute nature. Cette catégorie s’est construite par opposition. Souvent le juge n’essaie pas de transcender cette qualification d’imposition de toute nature. Il arrive que le juge qualifie un prélèvement d’impôt mais il se risque plus rarement sur la qualification de taxe.
En second lieu, la redevance intéresse les fiscalistes dans leur aspect contentieux. Ne pourrait-il pas y avoir par moment des tentatives volontaires ou involontaires de la part de l’exécutif de créer sous forme de redevance un prélèvement qui, à l’analyse, est une imposition de toute nature pour contourner les dispositions de l’art.34 de la Constitution ? Si l’exécutif crée un impôt par voie réglementaire, il viole la compétence exclusive du législateur en matière d’impositions de toute nature. Par exemple, le gouvernement a créé une redevance pour financer un mur anti-bruit à l’aéroport et l’a mise à la charge des compagnies aériennes. Les compagnies aériennes exercent un recours contre le décret litigieux au motif qu’elles paient une redevance sans contrepartie pour service rendu. Le CE considère que les bénéficiaires de cette construction sont les riverains et non les compagnies aériennes. Il s’agit d’une dépense d’intérêt général qui n’a pas à être financée par des usagers d’un SP inexistant en l’espèce mais par l’ensemble de la population, à savoir par l’impôt. Cette redevance ainsi créée ne remplissait pas les conditions de sa qualification et par suite était entachée d’illégalité.
Autre exemple, par décret le gouvernement autorise l’augmentation des péages pour prendre en compte les frais de gendarmerie. Le CE considère que la mission de la gendarmerie est toujours d’intérêt général (garantie de la sécurité des personnes et biens) peu importe que l’on se trouve sur une autoroute payante ou non. Dès lors, ces frais doivent être financés par la collectivité publique. Le décret qui autorise une telle augmentation est illégal.
Dernier exemple, le contrôle mené sur le train qui traverse la Manche pour éviter le passage de clandestins au R-U devait-il être financé par une redevance ou un impôt ? Le professeur Cabannes considère qu’il faut passer par l’impôt. L’État considérait que la mission n’était pas d’intérêt général mais visait à protéger l’intérêt des compagnies de transport. Mais le CE considère qu’il fallait instituer une redevance puisque les compagnies sont libres de recourir à des services publics ou des services privés de sécurité pour effectuer les contrôles. CE, chambres réunies, 28 novembre 2018 : « la réalisation de ces prestations de sûreté, qu'il est loisible aux entreprises ferroviaires de prendre directement en charge, est indispensable pour l'accès des trains de marchandises au tunnel sous la Manche ; que, dans ces conditions, la redevance litigieuse doit être regardée comme finançant des opérations qui ne relèvent pas de missions qui incombent par nature à l'Etat et comme trouvant sa contrepartie directe dans une prestation rendue au bénéfice propre des entreprises qui veulent faire circuler des trains de marchandise dans le tunnel sous la Manche ». Le CE fait primer l’intérêt de la compagnie ferroviaire sur l’intérêt général (protection des biens, des frontières).
CHAPITRE II : LES ÉLÉMENTS NÉCESSAIRES À L’ÉTABLISSEMENT DES IMPOSITIONS DE TOUTE NATURE
L’art.34 de la Constitution dispose que « la loi fixe les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ».
SECTION I : Les règles de l’assiette
§1. La détermination de la matière imposable
Maurice Duverger distingue l’option sociale, l’option technique, l’option économique auxquelles vient s’ajouter l’option juridique. En théorie, ce sont toutes les questions que le Parlement doit se poser lorsqu’il crée un impôt.
A. L’option sociale
Le législateur se pose la question de savoir s’il crée un impôt réel ou personnel. L’impôt réel est l’impôt qui porte sur la res (chose), qui frappe une chose sans tenir compte de la personne qui est imposée, sans considération de la situation de la personne imposée. À ce titre, l’impôt réel est un impôt aveugle. Par essence, cet impôt est injuste. Par exemple, la TVA, la TICPE sont des impôts réels. La chose frappée est l’assiette de l’impôt réel.
L’impôt personnel correspond à l’impôt qui frappe une chose en tenant compte de la situation personnelle de la personne qui va l’acquitter. C’est un impôt individualisé (mariage, concubinage, nombre d’enfants, handicap, etc.) car on personnalise l’application de la règle générale en fonction de la situation personnelle de l’individu. L’impôt personnel se veut le moins injuste possible au sens sociologique du terme. Cette personnalisation participe de la politique de redistribution à travers l’impôt. L’impôt sur le revenu des personnes physiques, les droits de succession, sont des exemples d’impôts personnels.
B. L’option technique
L’option technique invite à se poser la question de savoir s’il faut créer un impôt synthétique ou un impôt analytique. Un système d’impôt analytique favorise l’existence de plusieurs impôts portant sur des assiettes similaires. Par exemple, jusqu’en 1948, l’impôt sur les revenus était un impôt analytique. Derrière l’expression « impôt sur les revenus », se cachaient différents impôts fixés en fonction du revenu (travail et autres). Ce n’était que l’addition d’autres impôts.
L’impôt synthétique porte sur l’ensemble d’une assiette sans distinction. L’impôt sur le revenu frappe tous les revenus. Au titre de l’impôt synthétique, l’ensemble des revenus est frappé au même taux i.e. sans discrimination de taux en fonction de la nature des revenus.
L’impôt sur le revenu des personnes physiques est bien un impôt unique sur le revenu donc synthétique mais avec des règles communes et applicables à tous les revenus. Néanmoins, il mélange des éléments de l’impôt synthétique et de l’impôt analytique.
C. L’option économique
L’option économique invite à se poser la question de savoir ce que le législateur veut frapper (revenu, capital et/ou consommation). Le revenu, le capital et/consommation sont des assiettes. L’assiette est censée refléter la richesse ou la capacité contributive du contribuable à différents stades. On peut frapper d’un point de vue économique la même somme à différents stades à travers différentes impositions.
1) L’impôt sur le revenu
L’impôt sur le revenu frappe le revenu mais le législateur ne le définit pas. Le revenu est une notion bâtie sur la base du droit romain. Pour le droit romain, le revenu correspond à une somme d’argent provenant d’une source permanente et ce d’une manière périodique. C’est la définition de base pour les civilistes. Cette définition sous-entend trois choses. D’abord, le revenu a un caractère monétaire en ce sens qu’il s’agit d’une somme d’argent ou quelque chose convertible immédiatement en argent. Ensuite, le revenu provient d’une source fixe aussi bien d’un travail ou d’un capital. Enfin, le revenu a un caractère périodique. Même si un revenu n’est pas régulier, il peut revenir.
La définition civiliste du revenu est restrictive et ne convient pas au droit fiscal qui préfère retenir une définition de plus en plus accueillante. Le revenu n’a pas seulement un caractère monétaire ; il peut être en nature. De plus, les caractères de fixité et de périodicité ont disparu en droit fiscal. Sauf exceptions législatives (par exemple, les gains issus des jeux de hasard), tout ce qui rentre est imposable. Le juge considère que le poker n’est pas un jeu de hasard et par suite doit être imposé. En 2021, la CE utilise le critère de la périodicité pour dispenser d’impôt un revenu issu d’un jeu de hasard. Parfois, même ce qui ne rentre pas est imposable.
CE, 30 novembre 1973 : l’arrêt pose la théorie de l’enrichissement qui repose non pas sur une analyse juridique mais sur une analyse économique du revenu. En effet, un contribuable peut s’enrichir sans pour autant toucher de l’argent. Par exemple, un bien que possède le contribuable peut voir sa valeur augmenter entrainant son enrichissement. Cet enrichissement s’observe en comptabilité. À partir du moment où un bien augmente en comptabilité, on peut demander au contribuable de payer un impôt.
2) L’impôt sur le capital
Le capital correspond au revenu ou à une fortune qui a été consolidé, un élément monétaire qui présente une certaine stabilité. Il peut être financier, immobilier. Il existe des divergences en la matière. Le capital peut s’imposer du fait de sa possession (IFI ou avant la ISF), de sa vente (droits de mutation à titre onéreux), d’un don (argent, immobilier…), de sa transmission mortis causa (droits de succession).
3) L’impôt à la consommation ou sur la dépense
L’impôt sur la dépense est un impôt réel par essence injuste. Il est réel car il est imposé au moment d’une consommation sans possibilité de personnalisation. Ces impôts peuvent prendre différentes formes. Il peut être synthétique ou analytique.
Lorsque l’impôt à la consommation est analytique, il ne vient frapper que certains biens. Par exemple, il existait un impôt frappant le sel (gabelle) ou sur certains produits de luxes (caviar, champagne) ou sur des produits spécifiques (accises sur les tabacs, boissons alcoolisées, etc.). L’accise se cumule avec la TVA.
L’impôt synthétique à la consommation a mis du temps à émerger. Il en existe différents types. D’abord, l’impôt à la production qui vient frapper un acte de commerce au moment de la production du bien. L’idée est de frapper le bien à un seul moment de sorte que l’impôt soit prélevé à une étape du circuit de production. Pour être efficace, l’impôt sera prélevé lorsque le produit est vendu au consommateur final. C’est un impôt unique à un taux élevé. Or, tout acheteur n’est pas un consommateur final. Assez rapidement, on est passé à l’impôt cumulatif sur les transactions (l’impôt en cascade) qui reprend toutes les étapes du circuit de production de sorte qu’un impôt s’applique à chaque transaction. Il faut que l’impôt soit de faible taux. Néanmoins, cet impôt ne tient pas compte de la distinction entre le consommateur final ou le consommateur professionnel. D’où l’instauration de l’impôt sur la valeur ajoutée.
La TVA mélange les deux (analytique et synthétique) car elle est perçue à chaque étape du circuit de la production. À chaque étape, le taux est relativement important. Contrairement à l’impôt cumulatif sur les transactions, cet impôt ne pèse pas sur le prix mais sur la valeur ajoutée. L’intermédiaire économique perçoit la TVA pour le compte de l’État. L’agent économique ne supporte l’impôt que sur la valeur qu’il a dégagée. Ce mécanisme n’affecte nullement la situation du consommateur puisqu’il sera toujours tenu de payer la TVA. Ce système de déductibilité permet d’éviter de pousser les prix à la hausse.
D. L’option juridique
L’option juridique invite à se poser la question de savoir s’il faut mettre en place un impôt direct ou un impôt indirect. Un impôt direct est un impôt perçu directement par l’administration fiscale. Un impôt indirect est un impôt que l’administration fiscale vient chercher indirectement dans les mains du contribuable. Dans un impôt indirect, il y a deux acteurs. D’un côté, le consommateur et, de l’autre, l’assujetti, celui qui perçoit l’impôt au nom et pour le compte de l’État. Dans cette option juridique, la question essentielle en toile de fond est celle de savoir si l’on veut un impôt direct (personnalisable, juste et douloureux) ou un impôt indirect (simple à percevoir, rentable, indolore et injuste).
CONCLUSION : quel que soit le type d’impôt (revenu, capital, consommation), la matière imposée n’est pas la même. Ces impôts ont des faits générateurs différents. Le fait générateur d’impôt est l’évènement dont la survenance crée dans son principe l’obligation fiscale. Il traduit la naissance de la relation juridique entre le débiteur (contribuable ou assujetti) et le créancier (l’État, les CT, etc.). Le fait générateur varie d’un impôt à l’autre. Pour l’impôt sur les personnes physiques ou sur les sociétés, le fait générateur est respectivement le revenu ou le bénéfice. Pour la TVA, le fait générateur est la livraison du bien. Pour les droits d’enregistrement, le fait générateur est le moment où la propriété est transférée. Pour l’IFI, c’est le fait d’être propriétaire de l’immeuble au 1er janvier. Pour l’impôt sur la résidence secondaire, c’est le fait d’être propriétaire de la résidence au 1er janvier.
§2. L’évaluation de la matière imposable
Il existe différentes techniques pour évaluer la matière imposable que sont l’évaluation directe, l’évaluation indirecte et l’évaluation libre.
A. L’évaluation directe de la matière imposable
L’évaluation directe par déclaration contrôlée consiste à laisser une partie de l’initiative fiscale au contribuable. Il n’existe pas de lien entre imposition directe et évaluation directe. Concrètement, chaque année, en dépit du prélèvement à la source, c’est le contribuable qui déclare les éléments nécessaires à l’établissement de sa base d’imposition conformément à l’art.170 CGI aux termes duquel « en vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, toute personne imposable audit impôt est tenue de souscrire et de faire parvenir à l'administration une déclaration détaillée de ses revenus et bénéfices, de ses charges de famille et des autres éléments nécessaires au calcul de l'impôt sur le revenu, dont notamment ceux qui servent à la détermination du plafonnement des avantages fiscaux prévu à l'article 200-0 A, et du prélèvement prévu à l'article 204 A. »
L’évaluation directe présente un intérêt juridique et un intérêt sociologique en ce sens que le contribuable remplit l’acte initial qui le fait entrer dans le champ d’application des dispositions du CGI. Par sa déclaration, le déclarant enclenche le processus fiscal. De plus, le contribuable est le mieux placé pour savoir ce qu’il doit déclarer et les éléments qui permettront de personnaliser son impôt. Ce faisant, le contribuable facilite la tâche de l’administration, laquelle peut néanmoins exercer un contrôle sur la base des déclarations qu’il fournit.
B. L’évaluation indirecte de la matière imposable
L’évaluation indirecte de la matière imposable passe par deux techniques que sont l’évaluation forfaitaire (droit commun) et l’évaluation indiciaire (connotation sanctionnatrice). Les modes d’évaluation forfaitaire sont traditionnels dans notre système fiscal mais ont connu une simplification depuis quelques années. L’évaluation forfaitaire se rencontre dans 5 cas. Sauf le dernier, tous les systèmes ont été construits pour imposer les contribuables qui ont des revenus ne dépassant pas un certain plafond.
1) Les bénéfices non commerciaux
L’évaluation forfaitaire s’applique à titre principal aux personnes qui ne sont pas salariées et qui ont des revenus qui ne présentent pas une nature commerciale, industrielle et artisanale. Par exemple, les professions libérales et les titulaires de charges et d’offices. Pour ces professionnels qui ont un chiffre d’affaires inférieur à 72 600 € HT pour 2023, leur base d’évaluation est réalisée par un abattement forfaitaire de 34% sur leurs charges professionnelles déductibles de sorte qu’ils ne seront imposés que sur les 66% restants. Les 66% constituent donc la base imposable sur laquelle sera appliqué le taux de l’impôt. Ces charges professionnelles et la base imposable sont évaluées de manière forfaitaire. Si les charges professionnelles sont inférieures à 34%, le contribuable est dans une situation confortable qu’il peut conserver. Si les charges déductibles sont supérieures à 34%, le contribuable peut renoncer au forfait au moment de la déclaration en envoyant un courrier à l’administration afin d’être imposé de manière réelle (micro-bénéfices non commerciaux).
2) Les bénéfices industriels et commerciaux
Ce sont les revenus qui ne proviennent pas de salaires mais qui proviennent d’activités industrielles, artisanales et commerciales. Par exemple, les activités de commerce, de fourniture de logement, ou de prestation de service. Concrètement, les activités de commerce et de fourniture de logement dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 176 200 € relèvent du régime des micro-BIC (bénéfices industriels et commerciaux) et bénéfice d’un abattement de charges professionnelles déductibles à hauteur de 71%. La base imposable sera équivalente à 29% du chiffre d’affaires. Si l’évaluation forfaitaire ne convient pas au contribuable, il peut toujours y renoncer au profit d’un système déclaratif.
Les prestations de service dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 72 600 € HT bénéficie d’un abattement forfaitaire des charges professionnelles déductibles à hauteur de 50%. L’évaluation des charges déductibles se fait de manière forfaitaire et directe. On évalue les charges professionnelles déductibles à 50% du chiffre d’affaires. L’assiette de l’imposition est équivalente de 50%. Ce régime s’applique aux revenus tirés de la location d’un bien.
3) Les bénéfices agricoles
Les bénéfices agricoles sont les bénéfices tirés de l’exploitation agricole. L’administration fait la moyenne du chiffre d’affaires hors-taxes sur les trois dernières années qui doit être inférieur à 85 800 € avec un abattement sur la base imposable de 87 % de sorte que la base sera imposable à 13 % du chiffre d’affaires.
4) Les impôts locaux
Ce système concerne les impôts locaux (taxe sur la résidence secondaire, taxe foncière sur les propriétés bâties et non bâties) qui sont calculés sur la base d’une valeur locative cadastrale. La valeur locative cadastrale est un loyer théorique calculé par l’administration en fonction de la situation du bien, sa composition physique et de certains éléments qui lui sont propres. Elle constitue la base d’imposition. Ce système est très compliqué à mettre en œuvre pour l’administration qui doit sans cesse mettre les bases à jour pour coller au plus près de la réalité. Pour les particuliers, on prend des références posées en 1970.
5) L’assiette indiciaire
L’assiette indiciaire est évaluée à partir d’indices. Pendant tout le XIXe siècle, l’évaluation indiciaire de la capacité contributive était assez banale. L’impôt sur les portes et les fenêtres ou l’impôt sur les pianos étaient des exemples d’impôt indiciaire. Pour échapper à cet impôt, des particuliers avaient entrepris de murer leurs fenêtres. Ces impôts indiciaires ont disparu du système fiscal. Aujourd’hui, l’évaluation indiciaire joue un rôle de sanction car elle est mise en œuvre lorsque le contribuable n’exécute pas ses obligations fiscales. Par exemple, l’administration s’en sert lorsqu’elle se heurte à un contribuable qui n’envoie pas sa déclaration, ou à une discordance entre la déclaration du contribuable et son train de vie. L’art168 CGI prévoit qu’« en cas de disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et ses revenus, la base d'imposition à l'impôt sur le revenu est portée à une somme forfaitaire déterminée en appliquant à certains éléments de ce train de vie le barème ci-après, lorsque cette somme est supérieure ou égale à 47 863 € ; cette limite est relevée chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu ». L’article précise que « la disproportion marquée entre le train de vie d'un contribuable et ses revenus est établie lorsque la somme forfaitaire qui résulte de l'application du barème prévu au 1 excède d'au moins un tiers, pour l'année de l'imposition, le montant du revenu net global déclaré y compris les revenus exonérés ou taxés selon un taux proportionnel ou libérés de l'impôt par l'application d'un prélèvement ».
C. L’évaluation « libre » de la matière imposable
L’évaluation libre de la matière imposable renvoie à la notion d’imposition d’office qui recouvre deux régimes d’évaluation libre que sont d’une part, le régime d’évaluation d’office et, d’autre part, le régime de taxation d’office. Ces méthodes permettent d’évaluer la base imposable pour sanctionner le contribuable. Ces régimes ne visent pas les mêmes cas.
La procédure d’évaluation d’office ne concerne que le contribuable qui n’envoie pas sa déclaration de revenus ou, même lorsqu’il l’envoie, fait une opposition à contrôle fiscal. Cela concerne les bénéfices industriels et commerciaux, les bénéfices agricoles et certains bénéfices non commerciaux (art. L73 Livre des procédures fiscales). À ce titre, l’administration peut évaluer librement l’assiette imposable.
La procédure de taxation d’office concerne également les contribuables qui n’ont pas envoyé leurs déclarations de revenus dans les délais. Elle vise tous les revenus, les impôts sur les sociétés, etc. Le CGI n’impose pas de méthode mais l’administration doit justifier la méthode qu’elle a retenue en cas de litige devant le juge fiscal. En général, l’administration essaie de nouer un dialogue avec le contribuable.
SECTION II : Les règles de liquidation
Une fois que la base imposable est identifiée, il faut la quantifier. La liquidation correspond au taux qui sera appliqué à la matière imposable. Le tarif de l’impôt correspond à l’ensemble des règles permettant de déterminer l’impôt.
§1. Impôt de répartition ou impôt de quotité
L’impôt de répartition a disparu en France, il ne reste que l’impôt de quotité. L’impôt de quotité est un impôt dans lequel le législateur détermine par avance les taux applicables à une matière imposable. Le législateur fixe le taux de l’impôt et non pas le rendement. Le rendement sera évalué après. Dans ce cas, l’impôt de quotité peut rapporter plus ou moins selon les prévisions et constitue une source de sécurité juridique.
L’impôt de répartition a été mise en place à partir de la Révolution de 1789. Le législateur ne fixe pas le taux de l’impôt mais le montant que l’impôt doit rapporter. L’idée est de s’assurer des rentrées. Pour ce faire, la masse d’impôt sera répartie sur l’ensemble du territoire sur le critère de la population par département, par secteur puis par commune (au sein desquelles il existe des taux différents). Cela génère des inconvénients. D’une part, l’absence de personnalisation car, en tout état de cause, l’impôt ne tient pas compte des bonnes ou mauvaises situations du contribuable. D’autre part, l’impôt de répartition est contraire au principe d’égalité.
§2. La variabilité des taux : impôt proportionnel et/ou impôt progressif
Dans un impôt proportionnel, on applique le même taux pour l’ensemble des matières imposables. La TVA, la CSG, la CRDS etc. sont des impôts proportionnels. La TVA a un taux normal de 20% quel que soit le bien acquis. La CSG et la CRDS frappent le salaire à 0,5% peu importe le montant gagné. C’est une forme d’égalité car tout le monde est frappé du même taux.
Dans un impôt progressif, plus la quantité de la matière imposable est importante, plus le taux d’imposition augmente. Il y a deux sortes de progressivité que sont la progressivité par classe ou la progressivité par tranche. Dans les deux cas, on décompose le revenu. La progressivité par classe présente un inconvénient. En effet, le contribuable qui gagne un euro de plus peut changer de classe et se retrouver sous le coup d’un taux d’imposition beaucoup plus important. Selon que l’on retient la progressivité par tranche ou par classe, le taux reste le même. Même si on applique les mêmes taux, il y a une différence entre les montants que le contribuable devra payer à l’administration fiscale au titre de l’impôt par classe ou l’impôt par tranche. En France, on applique l’impôt par tranche.
L’art.197 CGI sur l’impôt sur le revenu dispose qu’ « en ce qui concerne les contribuables visés à l'article 4 B, il est fait application des règles suivantes pour le calcul de l'impôt sur le revenu :
1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 10 777 € le taux de : 11 % pour la fraction supérieure à 10 777 € et inférieure ou égale à 27 478 € ; 30 % pour la fraction supérieure à 27 478 € et inférieure ou égale à 78 570 € ; 41 % pour la fraction supérieure à 78 570 € et inférieure ou égale à 168 994 € ;45 % pour la fraction supérieure à 168 994 €.
Les tranches sont réajustées chaque année par les lois de finances. Un système fiscal peut être plus ou moins progressif. Par exemple, le Luxembourg a 19 tranches. Plus les tranches sont nombreuses, plus la progressivité est douce.
§3. Impôt uniforme ou impôt discriminant
L’impôt uniforme frappe la matière imposable d’un seul ou plusieurs taux sans prendre en considération la nature de la matière imposable. L’impôt discriminant applique différents taux en fonction de la matière imposable. Par exemple, les revenus qui proviennent des placements. La progressivité de l’impôt est la variation du taux en fonction de la matière imposable tandis que l’impôt discriminant est la variation du taux par rapport à la qualité de la matière imposée. Les impôts progressifs peuvent créer des discriminations. La TVA, impôt proportionnel, repose aussi sur une idée de discrimination car les biens et les prestations de service seront imposés de la même façon. Il existe de différents taux. L’évaluation forfaitaire constitue également une discrimination.
SECTION III : Les règles de recouvrement de l’imposition
Traditionnellement, on faisait la différence entre l’impôt quérable et l’impôt portable. Si l’impôt est portable, le débiteur de l’impôt devait se déplacer au domicile du créancier. C’est l’impôt portable qui existe aujourd’hui. Si l’impôt est quérable, le créancier devait se déplacer au domicile du débiteur. Cet impôt n’existe plus.
§1. Le paiement de l’impôt
Il faut distinguer le contribuable, l’assujetti et le redevable. Le contribuable est la personne qui juridiquement et économiquement a la charge du paiement de l’impôt. L’impôt est ponctionné sur ses revenus et ses bénéfices. Mais il peut arriver que des personnes qui doivent payer l’impôt à l’État aient l’obligation juridique de payer l’impôt sans en supporter la charge économique. Ces personnes qui ne paient pas l’impôt avec leurs revenus mais avec ceux des tiers sont des assujettis. Ce sont des intermédiaires qui perçoivent l’impôt au nom et pour le compte de l’État. Par exemple, en matière de TVA.
L’assujetti et le contribuable sont les redevables de l’impôt. Il peut arriver que l’assujetti ne paie pas l’impôt. Le législateur peut venir substituer au contribuable un redevable. Par exemple, en matière de taxe d’habitation, l’impôt peut être demandé à un conjoint ou un partenaire qui peut être substitué en cas de non-paiement par l’autre conjoint en application du mécanisme de la solidarité.
§2. Les modalités de paiement de l’impôt : en nature ou en argent
Le paiement en nature a disparu, sauf dations en paiement. Il peut y avoir des cas exceptionnels de paiement par compensation, par remise de titre de dettes publiques. En principe, l’impôt se paie par numéraire. Quelles sont les formes de paiement ? Comment payer l’impôt ?
Deux précisions méritent d’être faites. En premier lieu, le paiement de l’impôt par versement de numéraire (liquide) est devenu l’exception puisque jusqu’au 1er janvier 2014, il était possible de payer l’impôt et en particulier l’IR en liquide jusqu’à 3.000 €. Depuis, le paiement de l’impôt en liquide ne peut pas excéder 300 € par téléversement (manière électronique) donc versement ou prélèvement. En second lieu, un changement majeur est intervenu le 1er janvier 2019. En effet, un système de prélèvement à la source a été mis en place en matière d’IR sur les personnes physiques. Cela résulte de l’art. 204 B° du CGI aux termes duquel pour les traitements, salaires, pensions, rentes viagères à titre gratuit sera opéré un prélèvement à la source du revenu matériellement réalisé par le débiteur (l’employeur ou la caisse de retraite). Ces prélèvements opérés pour les salariés ou retraités mensuellement vont s’imputer sur l’IR des personnes physiques dû par le contribuable après l’écoulement de l’année civile.
Désormais, il y a une automatisation de l’impôt pour une grande partie des contribuables. L’IR est prélevé tous les mois puis on fait le bilan à la fin de l’année. Le prélèvement à la source n’est pas une invention qui date du 1er janvier 2019. On en connaissait l’idée et on le pratiquait depuis la CSG et la CRDS, qui au moins sur les salaires et revenus versés par des établissements de crédit (placements), ont été prélevées depuis le départ à la source. Des questions se posent, notamment sociologiques, pour savoir si l’automatisation est bien ou non.
Certains considèrent que l’automatisation simplifie la vie des contribuables et lutte en partie contre la fraude ou même l’erreur. D’autres sont contraires à l’automatisation en considérant que le contribuable a de moins en moins conscience de payer l’impôt. Il est important sociologiquement de faire un chèque, un virement, avoir l’acte matériel consistant en le paiement de l’impôt. Quand tout se fait automatiquement, on a de moins en moins conscience des choses.
§3. Les délais de paiement
Il s’agit d’une question compliquée. À qui payer l’impôt ? On change de système et traditionnellement le paiement et le prélèvement des impôts étaient partagés entre deux administrations étatiques que sont d’une part, la DGFIP (Direction générale des Finances publiques) et, d’autre part, la DGDDI (Direction générale des douanes et des droits indirects). Notre système était tel qu’il y avait un partage du recouvrement entre celles-ci mais les plus importants comme l’IR et l’IS, la majorité de la TVA... étaient entre les mains de la DGFIP.
Depuis 2019, s’opère une unification du recouvrement des impôts puisque les gouvernements successifs ont trouvé que cela était compliqué. La DGFIP prend petit à petit la compétence de recouvrement de l’impôt qui relevait de la DGDDI. Par exemple, depuis 2019, elle a récupéré la contribution sur les boissons non-alcoolisées, la TVA sur les produits pétroliers, la taxe générale sur les activités polluantes, la TVA sur les produits d’importation, grande partie des taxes portant sur les énergies. Entre 2023 et 2024, la DGFIP va continuer à récupérer la TICPE (Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) et les accises sur les tabacs et les alcools, mais aussi le recouvrement des sanctions douanières. La DGDDI n’aura que les droits de douane.
L’administration se voit opposer un délai de prescription. À partir du moment où elle réclame le paiement de l’impôt au contribuable ou à l’assujetti, elle a 4 ans pour obtenir le recouvrement de l’impôt (versement) conformément à l’art. L.274 Livre des Procédures fiscales. Néanmoins, pour la majorité cela ne sert à rien puisqu’ils payent rapidement car s’il y a un problème et qu’il n’y a pas paiement, ne se met pas en place un compteur. L’administration par des actes peut interrompre le délai de prescription, en particulier par des actes de poursuite ; ou le suspendre. Comment fonctionne ce mécanisme ? Pour recouvrer l’impôt, le réclamer, il y a deux mécanismes. D’une part, le mécanisme propre aux impôts directs perçus par rôle nominatif (sauf IS) et, d’autre part, le mécanisme propre aux impôts indirects perçus par paiement spontané. Mais, à la différence que certains impôts directs sont traités comme des impôts indirects.
A. Le mécanisme propre aux impôts directs perçus par rôle nominatif sauf impôt sur les sociétés
Le rôle nominatif consiste en une feuille de papier sur laquelle est écrit « avis d’imposition » que X reçoit. C’est donc un extrait du rôle collectif, document administratif collectif concernant l’ensemble des contribuables relevant du champ territorial du centre des impôts. Pour chacun, il y a les sommes qu’il a déclarées, éléments permettant de personnaliser l’impôt et le montant d’impôt à payer.
Le rôle collectif est un acte juridique particulier. En premier lieu, il s’agit d’un titre juridique parce que c’est le titre qui va permettre au comptable public, c’est-à-dire principalement de la DGFIP, de venir exiger l’impôt. Si le contribuable ne paie pas, c’est sur la base de ce rôle collectif que le comptable pourra poursuivre le recouvrement de l’impôt. À cette fin, le comptable pourra utiliser toutes les voies de droit ouvertes pour obtenir le paiement de l’impôt, y compris de manière forcée.
En second lieu, il s’agit d’un titre de recette émanant d’un ordonnateur. Ce titre de recette tire sa force juridique du fait qu’il est homologué. Le CGI prévoit qu’à titre principal, le préfet homologue le rôle nominatif. En effet, le préfet peut déléguer cette compétence au directeur départemental des impôts qui peut, à son tour, la déléguer à un agent de la direction départementale des finances publiques. L’homologation donne force juridique et ce faisant, ce titre de recette qui est aussi un titre juridique devient exécutoire. Lorsqu’il est homologué, il fait obligation au comptable public de recouvrer l’impôt. Si un comptable public ne met pas toutes les diligences en œuvre pour recouvrer l’impôt, il peut être responsable sur ses deniers personnels.
Quand doit-on payer l’impôt ? Sur le rôle nominatif il y a plusieurs dates. En premier lieu, la date peut figurer sur l’enveloppe. En réalité, elle n’a aucun intérêt sauf si un contribuable prouve qu’un courrier posté en 2018 ne lui est arrivé qu’en 2022 par exemple. En second lieu, sur l’avis d’imposition qui peut contenir deux dates. D’une part, la date de mise en recouvrement, correspondant à la date d’homologation du rôle collectif d’imposition. Elle est toujours antérieure à la date de réception de l’avis d’imposition (rôle nominatif) et de paiement. La date de mise en recouvrement est le point de départ de calcul du délai des recours parce qu’en matière d’impôts nationaux, le contribuable peut contester ce qui lui est réclamé jusqu’au 31 décembre de la deuxième année qui suit celle au cours de laquelle l’impôt a été mis en recouvrement. D’autre part, la date de paiement inscrite sur l’avis d’imposition à laquelle le contribuable doit payer au plus tard l’impôt.
B. Le mécanisme propre aux impôts indirects perçus par paiement spontané
Ce mécanisme concerne les impôts indirects et l’IS. Les personnes qui paient des impôts indirects sont les assujettis, c’est-à-dire des professionnels ayant des obligations comptables et fiscales. En particulier, ils ont l’obligation de recourir à un comptable dont une partie des obligations est d’une part, de savoir calculer l’impôt, et d’autre part, de connaitre les dates de paiement de l’impôt. Pour ces assujettis et ce type de contribuable, le paiement de l’impôt doit être spontané en ce sens qu’ils savent à quelle date ils doivent payer l’impôt suivant le chiffre d’affaires, de bénéfices, début d’exercice pour l’IS...
Ils doivent spontanément remplir une déclaration. Au moment où les comptables envoient la déclaration, ils procèdent au paiement de l’impôt. L’administration ne demande rien même si elle pourra contrôler si elle estime qu’il y a un problème. Il peut arriver qu’un contribuable devant procéder à ce paiement spontané n’y procède pas pour des raisons qui lui sont propres. L’administration va émettre un acte administratif, acte d’imposition lui aussi, appelé « avis de mise en recouvrement » (AMR), réclamant un montant d’impôt au contribuable ou à l’assujetti en fonction de ce qu’il avait déclaré l’année précédente notamment. L’AMR n’est pas un avis de poursuite ni une procédure de sanction, mais vise seulement à faire remplir ses obligations à la personne. Le paiement se fait à la date prévue par l’AMR sauf paiement spontané prévu par le CGI.
Normalement, les choses s’arrêtent là. Mais, il y a des cas exceptionnels de contribuable ou assujetti qui en matière d’impôts directs ou indirects refusent de payer. Il ne conteste pas l’impôt car sinon il y a un contentieux fiscal puisqu’il estime que l’administration s’est trompée. Il ne veut tout simplement pas payer. Dans ces cas, en dehors des voies normales (avis d’imposition ou paiement spontané et éventuellement AMR), il existe des voies de recouvrement forcées. L’administration se trouve face à un contribuable ou assujetti récalcitrant. Il va d’abord recevoir une « lettre de relance » puis une « mise en demeure de payer », dernière chance laissée au contribuable avant d’entamer les procédures lourdes. Dès que l’administration a émis un tel acte, elle peut enclencher toutes les procédures de recouvrement forcées qui lui sont offertes et prévues au Code des procédures civiles et d’exécution de droit commun dont la saisie sur compte, la saisie sur salaire, la saisie mobilière ou la saisie immobilière (environ 300 par an).
Ces voies d’exécution prévues par le CPCE sont strictement encadrées par des procédures, des délais, etc. Pour ne pas compliquer la tâche de l’administration, est prévu au Livre des procédures fiscales une procédure de saisie simplifiée réservée à l’administration appelée saisie administrative à tiers détenteur (SATD) ou avis à tiers détenteur (ATD). C’est une procédure ouverte à l’administration fiscale principalement pour les impôts lui permettant en remplissant un simple formulaire de procéder à des saisies sur compte et salaire (entre les mains d’un tiers) sans avoir recours à des huissiers, des procédures... Dans la grande majorité des cas, cette saisie suffit largement à l’administration et il y en a en moyenne 1 million et demi par an.
TITRE II : LES PRINCIPALES IMPOSITIONS FRANÇAISES
Les principales impositions françaises sont l’IR, l’IS, l’impôt sur la dépense et l’impôt sur le capital.
CHAPITRE I : L’IMPOSITION DES REVENUS
L’imposition des revenus recouvre aussi bien l’imposition des revenus des personnes physiques et que l’imposition des revenus des personnes morales.
SECTION I : L’impôt sur le revenu des personnes physiques
§1. Champ d’application
En 2023, d’après les évaluations de la loi de finances, l’IR s’élève à un peu plus de 87,3 milliards d’euros. En France, il y a 40 millions de foyers fiscaux pour l’IR (39,88 en 2021).
A. Les personnes imposables
Aux termes de l’art. 1 A° du CGI, « il est établi un impôt annuel unique sur le revenu des personnes physiques, désigné sous le nom d’impôt sur le revenu ». L’IR des personnes physiques concerne les personnes physiques, ce dont il résulte que les personnes morales ne paient pas l’IR des personnes physiques et ce, seulement depuis 1948. Avant cette date, il n’existait pas d’IS de sorte que les personnes morales payaient de l’IR. Il y a une complication à l’égard des sociétés puisqu’il existe deux types de sociétés.
D’une part, les sociétés de personnes réputées transparentes et caractérisées par le fait que les associés sont responsables sans limite de la dette sociale. À ce titre, les résultats de la société vont être imposables entre les mains des associés (bénéfices personnels). Les bénéfices seront imposés au titre de l’IR.
D’autre part, les sociétés de capitaux imposées en tant que telles à l’IS (SA, SARL) mais elles peuvent distribuer du bénéfice principalement sous forme de dividendes. Ces bénéfices distribués dans les mains des associés (participants) vont être imposés au titre de l’IR des personnes physiques. Avec des capitaux se crée un phénomène d’écran de sorte que l’IR n’entre en jeu que s’il y a distribution d’une partie du bénéfice.
En France, l’IR n’est pas établi par personnes mais par foyers fiscaux. Le foyer fiscal est composé des personnes qui vont apparaitre sur la même déclaration de revenus. Sur les presque 40 millions de foyers fiscaux, 18,4 millions n’étaient pas imposés (pas d’IR à payer) ; 17,6 millions imposés et 3,7 millions bénéficiant d’une restitution. Cela veut dire qu’ils n’étaient pas imposés et que l’État leur rendait de l’argent. En effet, l’IR repose sur un peu moins de la moitié des foyers fiscaux, et cela pose un problème sociologique. Avec ce dilemme, ceux qui paient l’IR estiment qu’ils paient pour les autres tandis que ceux qui ne paient pas d’IR estiment que ceux qui paient ne paient pas assez. Le système est au bord de la cassure avec cette redistribution puisqu’il n’est ni accepté par ceux qui paient, ni accepté par ceux qui ne paient pas. Cela pose un problème à l’égard du consentement à l’impôt.
Un foyer fiscal est, pour certains, « le ménage », approche traditionnelle consistant à relier le foyer fiscal à la notion de conjoint ou partenaire, donc de famille. L’immense majorité des foyers fiscaux correspondent à une famille (parents et enfants). Mais, un foyer fiscal ne correspond pas forcément à la famille. Par exemple, il peut exister un foyer fiscal composé de plusieurs personnes n’ayant aucun lien de parenté (X à charge du foyer fiscal qui n’est pas lié avec les autres membres de ce foyer). La seule condition est que X soit titulaire de la carte d’invalidité et vive sous le même toit que les autres membres du foyer.
De la même façon, le foyer fiscal ne correspond pas forcément à une famille (plusieurs personnes) mais peut être composé d’une seule personne. Par exemple, un divorcé, un célibataire ou un veuf... Il n’est pas nécessaire de vivre sous le même toit pour être dans un même foyer fiscal. Par exemple, les étudiants vivant loin de leurs parents sont toujours rattachés au foyer fiscal de leurs parents ou encore des conjoints ne vivant pas sous le même toit. Il peut y avoir plusieurs foyers fiscaux sous un même toit. Il n’est pas nécessaire, impératif d’être majeur pour avoir son foyer fiscal. Un mineur peut avoir son propre foyer fiscal. La notion de foyer fiscal est hybride, permettant d’amalgamer les revenus de personnes dont on considère qu’elles correspondent au même schéma.
Il peut y avoir des cas où des personnes mariées, partenaires n’appartiennent pas au même foyer fiscal, c’est-à-dire ont des foyers fiscaux séparés. Il y a les époux séparés de biens ne vivant pas sous le même toit. Chacun a son foyer fiscal. Ensuite, des époux peuvent être en instance de divorce ou séparation de corps et autorisés à vivre dans des résidences séparées. On ne leur demande pas de se réunir pour remplir une déclaration de revenus. Enfin, il peut y avoir un époux ou partenaire ayant abandonné le domicile conjugal, commun. Si cela a été constaté, il y a deux foyers fiscaux différents. Le fait d’avoir ou d’appartenir à un foyer fiscal emporte plusieurs conséquences.
D’abord, tous les revenus des membres du foyer fiscal vont être amalgamés. Ensuite, ce système a été créé comme un outil de soutien à la natalité issu de la 2e GM. En effet, on souhaitait favoriser les familles nombreuses par rapport à ceux qui ont peu ou pas d’enfants. Ainsi, chaque membre du foyer se voit attribuer un nombre de « parts ». Les parents appartenant au même foyer ont droit chacun à une part. Les deux premiers enfants ont droit à une part ou correspondent chacun à une demi-part. À partir du troisième enfant inclus, chacun représente une part. S’il y a une garde alternée, chaque parent doit être traité de manière équivalente : le premier enfant ne vaudra qu’une part de part, le deuxième conservera sa demi-part et le troisième... conserveront pour chacun leur part. Par conséquent, un foyer fiscal va correspondre à un nombre de parts. On prend le revenu imposable du foyer, par exemple, 25.000 €, on le divise par le quotient familial (10.000). Sur la base des 10.000, on calcule l’impôt correspondant à l’impôt pour une part. On applique le tarif progressif pour l’IR : 50 € à payer pour une part, qu’on multiplie par 2,5 (2 parents, 1 enfant) : 125. Enfin, ce système sert à tenir compte de la capacité contributive des contribuables appréciée au regard de leurs revenus mais aussi de la composition du foyer fiscal dans la mesure où on considère qu’à revenu égal, on n’a pas la même capacité contributive si l’on est 1, 2, 3 ou 6...
B. Les caractéristiques du revenu imposable
Il faut opérer une distinction entre le revenu qui correspond à ce que la personne perçoit et le revenu imposable qui ne correspond pas au revenu perçu. Plusieurs sortes de revenus doivent être distinguées.
1) Le revenu global brut
Le revenu global brut correspond à la somme de tous les revenus perçus par un foyer (total des revenus et bénéfices de l’ensemble des membres). Les revenus perçus par les personnes physiques peuvent se rattacher à différentes catégories car tous les revenus n’ont pas la même nature. Au sens économique, il y a les revenus du travail et les revenus du capital. Le CGI distingue 8 catégories que sont les traitements et salaires, les bénéfices industriels et commerciaux (BIC), les bénéfices non-commerciaux (BNC), les bénéfices agricoles (BA), la rémunération des gérants majoritaires de SARL et associés de sociétés de personnes (revenus du travail), les revenus fonciers, les revenus de capitaux mobiliers et les plus-values de cessions à titre onéreux que l’on décompose entre les plus-values tirées de la vente de capitaux mobiliers et les plus-values tirées de la vente de biens immobiliers.
2) Le revenu catégoriel net
Le revenu catégoriel net correspond à tous les revenus catégoriels bruts diminués des dépenses « professionnelles » ou plutôt des « dépenses effectuées en vue de l’acquisition ou de la conservation du revenu ». Pour chaque catégorie de revenus, on déduit les dépenses déductibles. On passe alors d’une notion d’un revenu global brut à une notion de revenu net mais en réalité catégoriel net. Par exemple, s’agissant des salariés et des fonctionnaires, l’immense majorité de ceux-ci vont déduire des frais professionnels de manière forfaitaire en appliquant une déduction de 10% sans justificatif à apporter.
3) Le revenu annuel
Le revenu annuel est le revenu imposable correspondant à l’année civile ou à l’exercice. Chaque année, il faut remplir une déclaration de revenus. Depuis la loi de finances pour 2011, les choses ont été simplifiées. Par exemple, le pacte civil de solidarité ou le mariage comprenant une déclaration commune correspondant à l’année de mariage ou la signature du pacte alors qu’il y en avait 3 auparavant (X et Y avant le mariage et une déclaration commune pour la période restante). L’année de la séparation, avant 2011, il fallait faire une déclaration commune pour la période des mariés ou partenaires et puis deux déclarations différentes. Depuis, l’année du divorce, on fait deux déclarations séparées même si le divorce a lieu le 31 décembre. On a seulement conservé le système pour l’année du décès du conjoint ou des partenaires à savoir deux déclarations. Celui qui reste remplit une déclaration au nom des deux pour la période où l’autre était encore en vie (deux parts) puis il remplit une déclaration pour la période (revenu) à partir du moment où il n’y a plus qu’un seul conjoint.
4) Le revenu disponible
Le revenu disponible est le seul que l’on peut imposer. Il ressort de l’art. 12 CGI que « l’impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année ». Il en résulte que pour être imposable, il faut que le revenu soit à disposition du contribuable, ce qui ne veut pas dire qu’il l’a forcément perçu. Avec la notion de revenu disponible, on veut éviter que le contribuable aménage sa propre trésorerie avec un rythme de perception des revenus dans un but qui l’avantage fiscalement. L’administration prend l’année à laquelle le revenu a été disponible. Il peut l’être en 2023, encaissé en 2024 mais doit être déclaré et imposé au titre de 2023. Le revenu disponible est le revenu sur lequel un contribuable a un droit incontestable. S’il ne l’a pas perçu, c’était un choix de sa part.
C. La territorialité de l’impôt sur le revenu
Quelles sont les personnes imposables ? Quelles sont les différentes notions de revenus que l’on doit prendre en considération ? La territorialité de l’impôt est la question actuelle. Deux articles nous intéressent. D’une part, l’art.4 A° du CGI aux termes duquel les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l’IR à raison de leurs revenus. La France fiscale s’entend de la métropole et des DOM. A contrario, les collectivités d’Outre-mer ne sont pas fiscalement la France. Par exemple, la Polynésie-Française, Saint-Barthélemy, etc. Le domicile fiscal n’est pas le foyer fiscal. Pour avoir un foyer fiscal en France, il faut y avoir son domicile fiscal. Le domicile fiscal est plus large que la notion de domicile au sens civil du terme. En effet, on peut avoir son domicile fiscal en France sans y avoir son domicile civil (principal établissement) sur le territoire.
L’art.4 B° du CGI prévoit les différentes situations où un contribuable va avoir son domicile fiscal en France. En premier lieu, a son domicile fiscal en France le contribuable qui y a son domicile civil.
En deuxième lieu, est fiscalement domiciliée en France, la personne qui y a son lieu principal de séjour. CE, 3 novembre 1995, Larcher : le critère du lieu principal de séjour est un critère subsidiaire par rapport au premier. Le CE considère que la personne a son domicile fiscal peu importe les conditions du séjour principal en continu ou non, dans un lieu appartenant au contribuable ou loué (hôtel, chez des amis...). Par exemple, X a son foyer civil dans un autre pays mais passe 300 jours par an en France. Pour l’administration dans sa doctrine administrative, une personne a son lieu principal de séjour en France lorsqu’elle y passe plus de 180 jours par an (plus de la moitié).
En troisième lieu, est considérée comme y ayant son domicile fiscal, la personne qui exerce une activité professionnelle en France à titre principal mais peut ne pas y vivre. C’est le cas des transfrontaliers. Ce critère a été complété par la loi de finances pour 2020. Le législateur s’est rendu compte que des personnes pouvant avoir des activités françaises pouvaient ne jamais y venir. Pour lui, les dirigeants des entreprises dont le siège social est situé en France, dont les entreprises réalisent un chiffre d’affaires annuel supérieur à 250 millions d’euros au niveau mondial, sont considérés comme exerçant en France leur activité professionnelle principale même s’ils ne viennent pas y travailler sauf à prouver le contraire (dirigeant d’une autre société implantée ailleurs lui rapportant plus). Est un dirigeant au sens de l’art.4 B° du CGI, le président du Conseil d’administration assurant la direction générale de l’entreprise (directeur général, directeurs généraux délégués, président et membres du directoire, gérants). En quatrième lieu, est fiscalement domiciliée en France la personne qui y a le centre de ses intérêts économiques c’est-à-dire le lieu principal de ses investissements ou de ses revenus. Elle tire ses principaux revenus de la France.
L’art.4 B CGI dans son 2° prévoit que les agents de l’État, des CT, de la FP hospitalière exerçant à l’étranger et n’étant pas soumis à l’IR, ont leur domicile fiscal en France. Tout fonctionnaire de l’État travaillant en France mais vivant à l’étranger aura systématiquement son domicile fiscal en France.
Deux précisions méritent d’être apportées. D’une part, si l’on remplit ces conditions, on a son domicile fiscal en France. Dès qu’une personne a son domicile fiscal en France, elle est passible de l’IR sur la totalité de ses revenus, quelle qu’en soit la source géographique. La personne qui ne remplit pas l’un des critères pour avoir son domicile fiscal en France mais qui a des revenus est imposable sur ceux-ci. Par exemple, un Allemand louant un appartement sur la Côte d’Azur qu’il a acheté. Cela lui génère des revenus mais il fait tout en Allemagne et y a son domicile fiscal. Il est imposable seulement sur ses revenus de source française.
D’autre part, les critères de l’article 4 B° sont similaires à ceux des États de la planète, sauf citoyenneté par exemple aux États-Unis. Il est courant que quelqu’un, en application des législations fiscales, puisse avoir son domicile fiscal dans plusieurs États. Il a fallu bâtir un système pour qu’en dépit de ces principes communs de territorialité, un contribuable ne soit imposable qu’une fois sur ses revenus par un seul État pour éviter des systèmes de double voire multi imposition. Comment éviter que les États qui ont les mêmes critères viennent imposer le même contribuable pour le même revenu ? Il n'y a pas d’autres solutions que les traités. C’est la raison pour laquelle chaque État a un maillage de conventions fiscales bilatérales. Qui impose ? Est-ce l’État où la personne vit ou celui où elle travaille ? On aménage les situations.
Les conventions fiscales ont deux objectifs. D’une part, elles permettent d’éviter historiquement qu’un contribuable soit imposé deux fois. D’autre part, elles favorisent la collaboration entre deux administrations fiscales car pour décider où imposer le contribuable il faut avoir tous les renseignements (coopération entre l’administration française et allemande par exemple). Les conventions décident dans quel cas on impose dans l’État A ou B. Le contribuable ayant une vie économique compliquée partagée entre différents États a une situation particulière.
L’objectif initial consistait à répartir l’assiette de l’impôt entre deux États signataires et non le droit d’imposer. En effet, les États ont le droit d’imposer en leur qualité d’États souverains. La convention fiscale envisage différentes circonstances permettant de rattacher l’assiette à un État ou à un autre. Si une personne vit dans un État A et travaille dans l’État B, la convention indique l’État qui pourra réclamer l’impôt sur le revenu sur le fruit du travail.
En outre, pour les contribuables ayant une vie économique à cheval sur deux ou trois États, les conventions fiscales permettent d’éviter que le contribuable puisse essayer de se servir d’une absence de communication entre les États pour ne pas payer l’impôt ni dans l’État A ni dans l’État B. Les conventions aménagent une assistance entre les administrations fiscales. D’un côté, la convention fiscale évite au contribuable une double imposition et de l’autre, facilite l’échange de renseignements entre les administrations fiscales.
Il y a un maillage planétaire de conventions fiscales bilatérales. Elles sont faites sur les mêmes modèles. Il en existe deux. Le premier modèle de convention fiscale est rédigé par l’OCDE. L’OCDE définit les termes (résidence, revenu ou domicile). Traditionnellement, le modèle OCDE est employé par des États dits développés car il envisage tout type de revenu (travail, placement, etc.). Depuis quelques années, entre tous les membres de l’OCDE, est passée une convention internationale multilatérale qui permet de modifier toutes les conventions bilatérales sans les renégocier. Le second modèle de convention fiscale est élaboré au sein de l’ONU et est traditionnellement employé par les pays en voie de développement pour sa simplicité (moins de catégories de transactions financières).
§2. Les différentes catégories de revenus concernées par l’impôt sur le revenu
Il existe différentes catégories de revenus imposables à l’impôt sur le revenu. D’un point de vue économique, on pouvait les répartir entre les revenus du travail et les revenus du patrimoine (revenus en dormant). Lors de la création de l’IR, chaque catégorie de revenus avait son propre régime fiscal, son propre mode de calcul de l’impôt dû au titre du revenu et l’impôt qui était finalement réclamé au contribuable était une somme d’impôts. Il n’existait pas de règles de calcul et de liquidation communes. Chaque impôt était considéré comme une cédule indépendante les unes des autres. On disait que l’IR était un revenu cédulaire.
En 1948, tout a changé. Les personnes morales qui relevaient de l’IR relèvent désormais de l’IS. Depuis lors, l’IR fonctionne en deux temps. D’abord, de façon analytique avec des règles propres à chaque catégorie de revenus et un dans un second temps synthétique où s’appliquent des règles communes à toute une catégorie de revenus. Tout cela fait l’objet de la déclaration n°2042.
A. Les traitements, salaires et pensions
En 2020, les traitements, salaires et pensions représentaient 87% des revenus déclarés dont 61,9% en des traitements et salaires et 27% en pensions. Les traitement et salaires sont les sommes payées en exécution principalement d’un contrat de travail et accessoirement d’un contrat de louage de services ainsi que les revenus d’autres personnes qui n’ont pas de contrat de travail mais relèvent d’une situation légale et statutaire (fonctionnaires). Ce sont des personnes qui sont subordonnées à celui ou celle qui les rémunère.
Ce critère de subordination permet de distinguer le contribuable qui est imposé au titre de traitements et salaires de celui qui est imposé au titre des bénéfices industriels et commerciaux et des bénéfices non-commerciaux. Cependant, la loi peut rattacher certains revenus aux traitements et salaires alors qu’ils ne sont pas perçus en exécution d’un contrat de travail ou d’un contrat de louage de services. Par exemple, les droits d’auteur sont rattachés aux traitements et salaires. Or, l’auteur n’est subordonné à personne. Il faut déterminer le revenu brut et le revenu net au titre des traitements et salaires.
1) La détermination du revenu catégoriel brut
Le revenu catégoriel brut est déterminé par tout ce que le contribuable gagne au titre de son activité au titre des traitements et salaires (traitement principal, primes, indemnités journalières, avantages en nature, etc.). Par exemple, le salarié qui reçoit un cadeau de son employeur pour un heureux évènement qui est supérieur à 183 € doit le déclarer. Pour un étudiant en apprentissage, il n’est imposable qu’à partir de 20 500 €. Les allocations familiales, les tickets restaurants, les chèques voyages, les gains de jeu de hasard sont exonérés d’impôt. De plus, le traitement perçu au titre de la légion d’honneur n’est pas imposable. De tradition,
une disposition de la LF prévoit l’exonération des primes perçues par les médaillés olympiques. Le revenu catégoriel brut est obtenu par l’addition de la masse de tout ce qui rentre. Tout cela donne le revenu catégoriel brut.
2) La détermination du revenu catégoriel net
Il faut passer au revenu catégoriel net qui va servir de base au calcul de l’impôt. Parmi ce qui est déductible et que le contribuable ne touchera jamais, il existe des sommes qui seront prises en compte pour la base de l’impôt dont la CSG. Le net est le brut nettoyé des différentes charges telles les cotisations sociales, la CSG et la CRDS. De plus, on peut déduire le prélèvement à la source pour ne conserver qu’une somme qui sera versé au salarié. Par exemple, un contribuable touche un salaire brut de 1300 € et verse 100 € de cotisations sociales, 50€ de CSG et 2€ CRDS. Après prélèvement à la source, on lui prend 148€ et on lui verse 1000 € de salaire net. Son revenu imposable sera de 1030 car la CSG n’est pas une cotisation entièrement déductible. Dans la CSG, une partie est déductible au titre de l’IR tandis qu’une autre partie n’est pas déductible.
Pour passer du revenu brut au revenu net, il y a deux temps. Dans un premier temps, le contribuable n’a pas conscience du passage du revenu brut et net après déduction des cotisations sociales. Fiscalement, le revenu net est le semi-net car il s’agit d’une étape intermédiaire. Le revenu net est le salaire brut amputé des charges salariales déductibles. Lorsque le contribuable remplit sa déclaration de revenus, il pourra déduire ses frais professionnels. Au titre des traitements, salaires et pensions, il y a deux techniques. En premier lieu, il est possible de recourir à la méthode de la déduction forfaitaire. Dans ce cas, le contribuable ne dit rien et l’administration fiscale déduit automatiquement 10% qui seront censés correspondre aux charges professionnelles. C’est la méthode choisie par l’immense majorité des contribuables précisément parce qu’ils ignorent l’option dont ils disposent entre le régime de la déduction forfaitaire et le régime des frais réels. L’avantage de cette méthode est de faciliter la tâche du contribuable.
Mais le contribuable peut renoncer à la déduction forfaitaire pour bénéficier du régime des frais réels. Dans ce cas, il doit le mentionner dans sa déclaration de revenus. Dans les frais réels, on demande au contribuable de déclarer le montant exact des frais professionnels qu’il compte déduire. Pour bénéficier de ce régime, le contribuable doit apporter des preuves sur la précision des sommes qu’il mentionne en lien avec l’exercice de sa profession. Tous les frais mis en œuvre dans le cadre de la profession doivent être déclarés. Par exemple, les frais d’abonnement à des revues professionnelles, les frais de déplacement, etc. Il est également possible déduire un costume-cravate par an au titre des frais professionnels. En général, les frais dépassent très rapidement les 10%, ce qui peut être avantageux de recourir au régime des frais réels.
B. Les bénéfices industriels et commerciaux
En 2020, les bénéfices industriels et commerciaux ne représentaient qu’1,3% des revenus déclarés. Les bénéfices industriels et commerciaux sont les revenus des personnes qui ont des activités professionnelles indépendantes soit à caractère industriel, commercial soit artisanal. La structure de l’entreprise fait que cette personne n’est pas imposée sur l’IS et restera imposée à l’IR.
L’art.34 CGI prévoit que sont des BIC, les profits (but lucratif) tirés de l’exercice d’une profession commerciale, industrielle ou artisanale. Il faut des actes de commerce répétés. Des actes de commerce peuvent être passés à titre professionnel ou à titre non professionnel. Lorsqu’un étudiant vend un vélo, il passe un acte de commerce mais à titre non professionnel. Mais il doit déclarer ce revenu au titre des BIC non-professionnels.
Le traitement du déficit permet de distinguer les BIC professionnels et les BIC non-professionnels. Dans la catégorie des BIC, après la déduction des charges professionnelles, on débouche sur un déficit dont le traitement sera différent pour les BIC professionnels et les BIC non professionnels.
Pour déterminer le revenu catégoriel brut, on additionne tout ce qui rentre à titre professionnel et pour passer au revenu catégoriel net, on déduit les charges professionnelles. Au titre des BIC, il existe différents régimes d’imposition.
1) Les différents régimes d’imposition
Il existe trois régimes différents en fonction du chiffre d’affaires. D’abord, le régime des micro-BIC, ensuite, le régime du réel simplifié, enfin, le régime du réel normal.
a) Le régime des micro-BIC
Le régime des micro-BIC concerne les entreprises de vente de marchandises ou de nuitées et des prestataires de services dont le chiffre d’affaires n’excède pas 176 200€ en 2022 (abattement de 71% donc 29% imposable). Il passera à 188,700€ en 2023 (50% d’abattement donc 50% imposable). Pour les prestataires de service, le chiffre d’affaires est de 76 600 € imposables en 2022.
b) Le régime du réel simplifié
Deux catégories de contribuables peuvent bénéficier de ce régime du réel simplifié. En premier lieu, le contribuable qui relève de droit du micro-BIC mais qui estime que ce régime ne lui est pas avantageux. En second lieu, le contribuable peut y prétendre en fonction du chiffre d’affaires. Ce sont les entreprises de vente de marchandises et de nuitées dont le chiffre d’affaires excède le plafond du BIC et qui ne dépasse pas 818 000 €. Pour les prestataires de services, son CA doit être inférieur au plafonds du micro-BIC et ne pas dépasser 247 000 € HT en 2022. Le contribuable déclare réellement ses charges. Il devra quantifier ses charges déductibles et pouvoir les justifier. Ce sont les obligations déclaratives et les obligations comptables qui sont simplifiées.
c) Le régime du réel normal
Le régime du réel normal concerne les entreprises de vente de marchandises ou de nuitées et les prestataires de services dont le chiffre d’affaires excèdent le plafond du réel simplifié. Il se différencie du régime réel simplifié par les obligations déclaratives et comptables. En effet, les obligations comptables et fiscales sont très complètes et sont prévues par le CGI et le Code de commerce.
2) La détermination du revenu imposable
Pour déterminer le revenu catégoriel brut, il suffit d’additionner tout ce qui est encaissé à titre professionnel (recette d’exploitation, produit financier, dividende, ou enrichissement). Cela est valable pour les trois régimes. Pour passer du brut au net, s’agissant du régime du micro-BIC, il suffit d’appliquer les abattements forfaitaires. Ici, on ne fonctionne pas avec la méthode réelle. Pour le régime du réel simplifié et le régime du réel normal, il est possible de déduire trois frais professionnels à condition de prouver leur existence (notamment par des factures) et leur lien avec l’exercice de la profession.
a) Les frais généraux
En premier lieu, il est possible de déduire les frais généraux tels les frais de personnel (salaires, primes, etc.), les loyers et charges locatives (dépenses d’entretien), impôts et taxes acquittés à titre professionnel. Il est possible de déduire les impôts locaux, les frais d’assurance, les honoraires d’avocat, les frais de publicité, etc. Les frais généraux recouvrent les frais de fonctionnement et non les frais d’investissement. Les frais de fonctionnement sont déductibles intégralement au titre de l’année au cours de laquelle ils ont été faits. Néanmoins, il n’est pas possible de déduire, en tant que charge professionnelle, l’IR payé au titre de l’année précédente.
En cas de doute sur l’affectation du bien au titre de frais de fonctionnement ou d’investissement, il s’agit d’un frais de fonctionnement lorsque le bien a une valeur inférieure à 500 €. Pour caractériser un frais général, il faut remplir quatre conditions. En premier lieu, pour qu’une charge soit déductible au titre de la catégorie des frais généraux, elle doit avoir été réalisée dans l’intérêt de l’entreprise. En deuxième lieu, la charge doit être justifiée comptablement. Concrètement, il faut une facture. En troisième lieu, la charge doit être enregistrée en comptabilité. En quatrième lieu, la dépense doit être une dépense de fonctionnement en ce sens qu’elle se traduit par une diminution de l’actif de l’entreprise. À défaut, il s’agit d’une dépense d’investissement. Les dépenses d’investissement sont déductibles à un autre titre mais pas au titre des frais généraux.
b) Les amortissements
L’amortissement est une technique comptable. L’idée est que lorsque l’on réalise une dépense d’investissement, on ne s’appauvrit pas, du moins pas immédiatement. Lorsqu’on achète une voiture, on transforme son actif (de l’argent en une voiture). Or, au fil des ans, la voiture, comme tout bien de consommation courante, perd de sa valeur. L’amortissement est une technique comptable qui permet de tenir compte de la perte de valeur d’un bien du fait de son obsolescence.
Cette technique comptable est utilisée en matière fiscale pour déduire des frais professionnels qui correspondent à des dépenses d’investissement. Pour les dépenses d’investissement, la charge professionnelle annuelle sera équivalente à la perte de valeur annuelle. Une dépense d’investissement est une dépense qui ne peut pas être déduite en une fois. Ce sont des frais professionnels déductibles au fur et à mesure de la perte de la valeur du bien. On considère que le bien perd sa valeur de manière linéaire sur une durée certaine en fonction des pratiques professionnelles. La technique de l’amortissement est artificielle.
Il existe deux techniques pour faire de l’amortissement. La technique linéaire et la technique dégressive. Quelle que soit la technique appliquée, l’amortissement se fait en fonction du coût historique du bien qui correspond au coût d’achat hors TVA.
i. La durée de l’amortissement
L’art.39 CGI, qui aurait pu faire une grille en fonction des biens, renvoie aux usages des professions mais des tendances générales se dégagent. Un véhicule de tourisme est amortissable sur 5 ans, un véhicule professionnel sur 4 ans, un camion sur 10 ans, un immobilier sur 10 ans, les immeubles industriels sur 20 ans en moyenne, les locaux de bureaux sur 50 ans, le matériel informatique sur 3 ans.
ii. L’amortissement linéaire
Tout bien peut s’amortir de manière linéaire. En effet, le bien perd de sa valeur de manière égale chaque année. Si j’achète un véhicule le 2 janvier à 25 000€ HT, je peux l’amortir pendant 5 ans et le déduire de mes frais professionnels chaque année donc 5000 € par an. Mais si j’achète un véhicule le 1er mars, alors je déduis 5000 € par 10/12 mois puis après 5000 sur les périodes de 12 mois jusqu’à la dernière où je déduis 5000 € par 2/12e. Le calcul dépend du moment où on achète le véhicule.
iii. L’amortissement dégressif
L’idée est de venir déduire fiscalement petit à petit le coût historique du bien. Mais, comptablement on considère que le bien perd plus de valeur au début qu’à la fin de sa vie. L’amortissement dégressif n’est ouvert que pour certains biens visés dans le CGI tels certains outillages, appareils de manutention, équipements électroniques, etc. Ce n’est qu’une faculté puisque le contribuable peut opter pour l’amortissement linéaire. La durée peut aller de 3 à 50 ans. Le législateur a fixé des coefficients d’amortissement. Pour 3 ans et 4 ans (coef.1,25), pour 5 et 6 ans (coef.1,75), 7 ans et au-delà (coef.2,25) Ensuite, il faut connaitre le taux d’amortissement linéaire. Par exemple, pour 3 ans, le taux linéaire est de 33,33 %. Pour déterminer le taux d’amortissement dégressif, il faut multiplier le taux linéaire par le coefficient. Pour un véhicule acheté à 25 000 €, il faut amortir sur 5 ans. Or, le taux d’amortissement est de 35%. Il faut multiplier 25 000 x 35%, ce qui donne 8750 € pour la première année et ainsi de suite jusqu’à la 5e année. Mais dès que l’annuité d’amortissement dégressif est inférieure à l’annuité d’amortissement linéaire (dans ce cas 5 000), il faut changer de technique. À ce moment, on calcule le nombre d’années restantes de l’amortissement et on applique un amortissement linéaire aux années suivantes.
c) Les provisions
Les provisions sont des charges professionnelles probables, charges qu’un évènement en cours rend probables. La probabilité ne concerne pas un évènement hypothétique. Elle repose sur des éléments en cours même si on ne sait pas si les évènements vont se réaliser. Par exemple, un procès en cours, le risque de dépréciation de stocks. Il existe deux types de provisions. D’une part, les provisions pour dépréciation (des évènements en cours font penser qu’un élément de l’actif de l’entreprise, une créance, ou un terrain va se déprécier), et d’autre part, les provisions pour pertes et charges, qui permettent d’anticiper le règlement d’une dette probable d’un montant aisément quantifiable mais qui n’est pas encore exigible. Par exemple, des entreprises peuvent provisionner pour faire face à la hausse des charges énergétiques ou des frais liés à un futur licenciement, pour des travaux, etc.
La provision est une facilité comptable qui permet d’anticiper une charge probable pour réduire le bénéfice imposable de l’exercice en cours. Mais lorsque l’évènement pour lequel la provision a été faite ne se réalise pas, la provision sera réintégrée partiellement ou totalement dans le bénéfice imposable de l’exercice suivant.
C. Les bénéfices non-commerciaux
Les BNC représentent en 2020, 2,9% de la masse totale des revenus déclarés en France au titre de l’IR. Les BNC sont la catégorie à titre principal qui vient imposer les revenus des professions libérales. À titre accessoire, c’est la catégorie « balai », on lui rattache les revenus dont on ne sait pas à quelle catégorie ils se rattachent. Par exemple, la sous-location d’un bien immobilier en nu (non meublé) ou les agents commerciaux (VRP), les ministres du culte, les prostituées, les exorcistes, les voleurs…
Il existe deux régimes d’imposition en matière de BNC que sont les micro-BNC et le régime du réel.
1) Les micro-BNC
Le chiffre d’affaires ne doit pas dépasser un certain montant pour bénéficier de ce régime. Dans ce cas, on évalue le bénéfice imposable en pratiquant un abattement forfaitaire (34%) censé correspondre aux frais professionnels.
2) Le réel
Pour ceux qui ont un chiffre d’affaires supérieur au BNC, ils doivent faire une déclaration normale des revenus engrangées au titre de leur profession. On déduit au titre de leurs frais professionnels, les frais généraux et les amortissements à l’exclusion des provisions. En effet, en matière de BNC, on applique le système de comptabilité de caisse en ce sens que les flux sont enregistrés au moment où ils se réalisent sans tenir compte de l’origine juridique du flux. On n’enregistre que ce qui se réalise réellement jour après jour. Une personne imposable au BNC peut renoncer à la comptabilité de caisse pour se voir appliquer la comptabilité d’engagement et faire des provisions.
D. Les bénéfices agricoles
L’art.63 CGI prévoit que sont imposables au titre des bénéfices agricoles, les bénéfices issus d’une exploitation agricole. On prend en compte tout type de bénéfices agricoles, peu importe que les biens ruraux procurent des revenus au propriétaire, au fermier ou au métayer. On fait une moyenne sur les 3 derniers exercices et si elle dépasse 88 500 €, on a droit un abattement forfaitaire de 87%. C’est une catégorie peu rentable pour l’État.
E. Les revenus fonciers
L’idée est d’imposer les revenus qu’un propriétaire va retirer d’une propriété bâtie ou non bâtie. Par exemple, on pense aux loyers qu’il perçoit. La propriété est entendue au sens large car elle concerne aussi bien la copropriété, l’usufruit, etc. Ce n’est pas parce qu’on loue un bien qu’on est imposable au titre des revenus fonciers. Par exemple, la location en meublé est un BIC.
Mais si une personne sous-loue un local nu, c’est un BNC. Si un propriétaire loue un immeuble qui est dans l’actif de son entreprise, c’est un BIC. Lorsqu’un exploitant agricole loue un bien inscrit à l’actif de son exploitation agricole, ce sont des bénéficies agricoles. Globalement, le revenu foncier concerne le particulier qui loue un immeuble non-meublé ou non-construit et qui n’est pas inscrit à un actif quelconque.
Il peut y avoir des recettes accessoires rattachées au revenu foncier que sont le droit d’affichage (rémunération perçue par les propriétaires de locaux sur les murs desquels il y a des affichages publicitaires) ou la location du droit de chasse. Il peut y avoir des revenus exceptionnels, principalement des subventions touchées par le propriétaire pour isolation du local mais aussi les dépôts de garantie qui ne sont pas imposables sauf si le propriétaire s’en sert en substitution du loyer. Les garanties couvrent les dégâts du local et non un loyer impayé.
On déduit toutes les dépenses faites au titre de ce bien pour l’acquérir ou pour le conserver. Au titre des charges, il est possible de déduire les dépenses d’entretien et de réparation du bien, les primes d’assurance, les charges de rémunération de concierge, les taxes foncières, etc. Si jamais les charges sont supérieures au bénéfice engrangé, le déficit est reportable sur les 5 exercices suivants. C’est la raison pour laquelle, les propriétaires font de grands travaux au départ des locataires pour pouvoir déduire les charges.
Mais on ne peut déduire pour un bien des charges que si on en tire des revenus. Ainsi un propriétaire qui loue sa résidence secondaire ne peut pas déduire les charges d’entretien de sa résidence principale. Or, jusqu’au début des années 80, les propriétaires de bien immobilier qui vivaient dans ce bien étaient imposés au titre de l’IR sur l’avantage qu’ils tiraient d’être propriétaires de biens. Le législateur a longtemps considéré que le propriétaire était avantagé par rapport au locataire. L’idée était de rétablir une égalité entre les propriétaires et les non-propriétaires qui paient un loyer. C’était un revenu potentiel tiré d’une économie. L’autre idée était de pousser les gens à acheter. En effet, puisque le revenu était imposé, il est possible de déduire les charges liés à la propriété de ce bien comme les intérêts du prêt immobilier, les aménagements du bien, etc. Or, régulièrement, lors les campagnes politiques, des candidats souhaitent retourner à ce système.
Le micro foncier est applicable dès lors que les recettes perçues ne dépassent pas 15 000€ HT. Dans ce cas, l’abattement forfaitaire est de 30%. Il existe aussi divers régimes d’imposition du foncier particuliers pour favoriser l’accès à la propriété en vue de la location. On a aussi le régime Malraux qui concerne les monuments historiques.
F. Les revenus de capitaux mobiliers
Les revenus de capitaux mobiliers sont les revenus des placements mobiliers à caractère financier. Cela concerne les titres (actions, obligations, participation), les comptes financiers à intérêts, etc. Ce sont globalement les revenus tirés de l’argent. Les produits de placements, lorsqu’ils donnent lieu à rémunération (dividende par exemple), sont imposés au prélèvement forfaitaire non libératoire. C’est un prélèvement au même taux (12,8%) pour tout le monde mais il n’est pas libératoire de l’IR. Par conséquent, doit s’appliquer ensuite le taux de l’IR. S’agissant de l’IR, en premier lieu, il est possible d’appliquer de droit un régime de prélèvement forfaitaire unique (PFU, appelé flat tax) qui est un prélèvement représentant l’IR à payer et son taux est de 12,8%. Or, ils se sont déjà acquittés des 12,8 % au titre du prélèvement forfaitaire non libératoire. Ainsi, un contribuable qui ne renonce pas au PFU paie uniquement le prélèvement forfaitaire non libératoire. Cela est avantageux pour ceux qui perçoivent des revenus importants et sont imposés à un taux moyen d’imposition plus haut.
En second lieu, pour les personnes modestes, elles peuvent renoncer au PFU pour se voir appliquer le taux progressif à l’impôt sur le revenu. On vient alors amalgamer ces revenus avec le reste de leurs revenus. Très souvent, ce sont les personnes modestes qui sont contraintes de renoncer au PFU.
G. Les plus-values ou gains en capital
Il est possible de faire des plus-values sur la vente de biens immobiliers, de valeurs mobilières, de biens meubles corporels. L’idée est que l’on vend un bien plus cher qu’on ne l’avait acheté. Si l’on peut faire une plus-value, on peut également faire des moins-values. Lorsqu’on fait des plus-values ou des moins-values, on peut agir en tant que particulier ou en tant que professionnel. Nous étudierons les plus-values qui concernent les particuliers.
Lorsque l’on agit en tant que particulier, sauf prévision légale, les moins-values présentent moins d’intérêts. Elles ne sont intéressantes que si elles sont réalisées pour la vente de capitaux mobiliers.
1) La plus-value réalisée sur la vente d’un bien immobilier
Ce régime concerne l’imposition des plus-values réalisées lors d’une cession à titre onéreux sur un bien immobilier ou des droits portant sur ces biens (usufruit, nue-propriété). La cession à titre onéreux peut être une vente, un échange, un remembrement (échange de terres agricoles pour faire des parcelles pour réaliser une plus-value latente). Les plus-values réalisées à l’occasion d’une succession ou d’une donation (plus-value équivalente à la valeur du bien transmis) ne sont pas imposées au titre de l’IR mais à travers des droits de donation et des droits de succession.
Toute plus-value n’est pas imposable. N’est pas imposable la plus-value réalisée sur la vente de la résidence principale que l’on n’a pas quitté pendant plus de six mois. Ne sont pas imposables non plus les plus-values qui résultent de la vente d’un bien dès lors que le prix de cession ne dépasse pas 15 000€. N’est pas imposée la plus-value qui découle d’une expropriation si l’indemnité est réemployée dans les 12 mois pour acquérir, construire, reconstruire ou agrandir un bien immobilier.
La plus-value immobilière est la comparaison du prix d’achat et du prix de vente mais un bien immobilier génère des frais et peut se garder longtemps. On est alors confronté à l’inflation. D’un côté, le prix d’achat sera augmenté des frais réels d’acquisition qui se prouvent ou s’évaluent forfaitairement à 7,5%. Ce prix d’achat peut être augmenté des frais engagés pour l’entretien du bien tout au long de sa possession qui se prouvent ou s’évaluent forfaitairement à 15%. Le bien doit avoir été possédé pendant au moins plus de 5 ans. Du fait de l’inflation monétaire, la valeur de l’argent change. Pour cela, on augmente alors le prix d’achat du bien dès la 6e année de possession de 6% par an et pendant 21 ans, soit 16 ans (96%). Dès la 22e année, on augmente le prix d’achat de 4%.
Le législateur s’est servi de l’érosion monétaire, non pas pour pratiquer une hausse du prix d’achat mais, pour pratiquer un abattement sur la plus-value. La plus-value sur un bien possédé pendant 16 ans est réduit de 60%. Ce système d’abattement pour les résidences secondaires est très oscillant et constitue un grand enjeu fiscal. La plus-value immobilière est imposée forfaitairement à 19%. Si un contribuable réalise une moins-value, il ne peut pas l’imputer sur d’autres catégories de l’IR ni la reporter.
2) La plus-value réalisée sur la vente de valeurs mobilières
Le système reste le même. On soustrait le prix de vente au prix d’achat. Le prix d’achat initial peut être augmenté des frais encourus. Le prix de vente ne peut être diminué des frais de cession. L’érosion monétaire n’est pas applicable en la matière. Le plus-value est imposée de la même manière que les capitaux mobiliers. On applique le prélèvement forfaitaire non libératoire puis le PFU sauf si le contribuable y renonce.
En matière de plus-value réalisée sur la vente de valeurs mobilières, il est tenu compte aussi des moins-values. Si un contribuable, au cours d’un même exercice, réalise des plus-values du fait de la vente de certaines valeurs mobilières mais des moins-values du fait de la vente d’autres valeurs mobilières, il pourra les compenser. Il en résulte qu’une moins-value peut venir éponger une plus-value de l’exercice suivant.
3) La plus-value réalisée sur la vente de meubles corporels
Les plus-values sur les biens meubles meublants ne sont pas imposables, sauf les meubles d’antiquité. En réalité, sont visés les biens meubles doués de sensibilité, (chevaux par exemple), les navires de plaisance, les avions de tourisme à l’exclusion des voitures, les alcools. Les plus-values sont imposables à partir du moment où le prix de cession par objet excède 5 000 €. L’imposition est aussi de 19%.
4) La plus-value réalisée sur la vente de métaux et d’objets précieux
Ici le régime est complètement différent. Pour des difficultés probatoires que peuvent rencontrer aussi le contribuable que l’administration fiscale, l’assiette de l’imposition sera le prix de vente et non la plus-value peu importe le prix d’achat. Sont concernés tous les métaux précieux peu importe leur forme (pièce, lingot, bijou) et les objets précieux (antiquité, vieux de plus 100 ans). Lorsqu’il s’agit d’un objet précieux, le taux d’imposition est de 6%, et lorsqu’il s’agit d’un métal précieux, le taux est de 11%. Mais si le contribuable veut s’exonérer de la plus-value, il doit prouver le détenir depuis au moins 22 ans.
Quelle que soit la source de la plus-value, le régime fiscal applicable n’est pas le taux progressif à l’impôt sur le revenu mais le taux proportionnel.
§3. La détermination et l’évaluation du revenu imposable
Pour déterminer le revenu imposable, on procède en plusieurs étapes. La première étape consiste à déterminer des revenus catégoriels nets/ imposables. On détermine pour chaque catégorie de revenu, selon leurs règles propres, ce qui doit être imposable.
La deuxième étape consiste à déterminer le revenu global brut qui n’est que l’addition de tous les revenus catégoriels nets sauf les revenus imposés à un taux proportionnel (plus-values et capitaux mobiliers). Ce revenu global brut se détermine par l’addition de tous les revenus catégoriels auxquels sont appliqués le taux progressif de l’impôt sur le revenu. Ce revenu global net peut faire l’objet d’un traitement au regard des déficits dégagés.
La troisième étape consiste à passer du revenu global brut au revenu global net par la déduction des charges qui ne peuvent être rattachées à aucune catégorie (TS, BIC, BNC, RF, BA, RCM, PV) car elles n’ont aucun lien avec l’acquisition ou la conservation du revenu. Par exemple, on peut déduire les pensions alimentaires versées à des ascendants ou descendants, les cotisations faites à certaines retraites mutualistes (notamment fonctionnaires, combattants), frais d’accueil d’une personne de plus 75 ans, certains placements assimilés à des cotisations particulières (plan d’épargne retraite prévoyance, plan d’épargne populaire, organise privé de retraite, etc.).
La quatrième étape consiste à passer du revenu global net au revenu global net imposable. Pour ce faire, il faut déduire certains frais. En premier lieu, les frais pour enfant pacsé ou marié à charge. Lorsqu’un foyer civil constitué de majeurs de moins de 21 ans et dont l’un est handicapé rattaché au foyer fiscal, les parents peuvent bénéficier d’une réduction fiscale qui consiste en la diminution du revenu global net d’environ 6300€ par personne rattachée. En second lieu, les personnes âgées de plus de 65 ans ou invalide de revenus modestes bénéficient d’un abattement spécial.
§4. La liquidation et le paiement de l’impôt
A. La liquidation de l’impôt
La première étape consiste à déterminer le quotient familial qui correspond au revenu global net imposable divisé par le nombre de parts. C’est la part du revenu pour une part du foyer. On applique la progressivité de l’impôt à une seule part. Par exemple, un revenu global (catégoriel) net imposable de 100 000 € et un foyer fiscal de 5 parts. Le quotient familial sera de 25 000 € auquel on applique le taux progressif, ce qui donne 1100 par parts que l’on remultiplie par le nombre de parts. L’impôt du foyer fiscal sera de 5500 €.
Cela donne l’impôt brut du foyer qui devra subir des traitements. Le nombre de parts correspondant à la composition du foyer constitue un avantage fiscal. Cet avantage est plafonné. Sur cet impôt brut, seront pratiquées des réductions. Par exemple, il est possible déduire des dons faits à des associations à hauteur de 75% dans la limite de 1000 €, des dons faits à d’autres organismes ou des adhésions à des syndicats à hauteur de 66% dans la limite de 20% du revenu imposable. Il était possible aussi de déduire les dons faits pour la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame. Il est possible de déduire des frais d’établissement pour des personnes dépendantes vivant dans le foyer fiscal de 25% de la dépense dans la limite de 10 000 €. Les frais de scolarisation peuvent également être déduits (60€ pour un collégien, 150€ pour un lycéen, 180€ pour un étudiant).
D’autres réductions sont ciblées économiquement et visent à motiver certains secteurs économiques. Par exemple, il est possible de réduire son impôt brut pour des investissements des travaux forestiers, des investissements immobiliers locatifs dans des secteurs particuliers. De même, il est possible de réduire son impôt brut pour des dépenses relatives à la préservation du patrimoine (naturel, architectural), pour des investissements en Outre-mer (touristique). Il y a deux idées dans ces réductions d’impôts. D’un côté, il est possible de réduire des parts de dépenses qui peuvent concerner tout le monde. D’un autre côté, il est possible de réduire son impôt parce qu’on participe d’une manière ou d’une autre au soutien de l’économie. C’est un moyen d’attirer les investisseurs. Sans ces avantages, il n’est pas certain qu’ils viendraient.
Il est encore possible d’aménager son impôt brut en jouant sur les crédits d’impôt. Les crédits d’impôt sont des sommes dues à des réductions et qui sont déduites de l’impôt de l’année d’après si l’impôt ne permet pas d’absorber la totalité de cette réduction, (frais pour salariés à domicile, garde d’enfants, habitation principale dans le cadre de la politique d’économie d’énergie, etc.). Ces réductions ne sont rattachables à aucune catégorie. En fin de compte, on obtient le revenu net imposable. La plupart du temps, le contribuable se borne à payer ce qu’on lui demande sans se poser d’autres questions ou du moins sera traité différemment en fonction du revenu qu’il a.
B. Le paiement de l’impôt
Depuis 2019, est pratiqué le prélèvement à la source. Il ressort de l’art.204 A CGI qu’il existe deux formes de prélèvement à la source. D’une part, la retenue à la source et, d’autre part, l’acompte. La retenue à la source concerne les contribuables imposés de traitements et salaires et de pensions (retraite ou invalidité), de rentes viagères à titre gratuit. L’acompte concerne les contribuables qui perçoivent des BIC, des BNC, des BA, des revenus fonciers, ses rentes viagères à titre onéreux, les pensions alimentaires ou prestations compensatoires.
La retenue à la source est opérée lors du versement par le débiteur de la somme au créancier. La déduction se fait sur la somme versée sans rentrer dans la déduction à pratiquer notamment les 10% de frais professionnels. Elle s’opère sur le montant net avant toutes déductions de frais professionnels. Elle s’opère versement après versement, tous les mois. Cette retenue à la source s’opère par un taux fixé par l’administration fiscale en fonction des revenus du foyer fiscal. Le contribuable qui s’inscrit dans un foyer fiscal peut aménager son propre taux dans la limite des 12% mais sera sanctionné en cas d’abus. À la fin de l’année, les contribuables recevront leur déclaration de revenus préremplie et en fonction de la déclaration, l’administration établira le montant à payer. L’administration remboursera la différence si le montant de l’impôt est inférieur aux prélèvements versés au titre de la retenue à la source. Inversement, si le contribuable a versé des sommes inférieures au montant de l’impôt, il devra verser le supplément à l’administration. La retenue à la source évite des problèmes de trésorerie au contribuable qui au moment de payer l’impôt se retrouve insolvable.
L’acompte correspond à un fractionnement de l’impôt qui peut être prélevé 4 fois par an à un taux moyen. De même, le contribuable peut aménager le taux sans en abuser.
SECTION II : L’impôt sur le revenu des personnes morales (impôts sur les sociétés)
Jusqu’en 1948, il n’existait pas d’IS en France mais cela ne veut pas dire que les sociétés ne payaient pas d’impôt. Jusqu’à un décret du 9 décembre 1948, les personnes morales de droit privé payaient bien des impôts sur les revenus mais l’étaient sur la catégorie des BIC. Après la transformation de l’économie, on a trouvé qu’il existait une logique fiscale propre aux personnes morales. Mais l’exécutif a simplement pris le régime des BIC en l’assortissant de quelques adaptations pour fonder l’IS. L’IS a un régime qui ressemble mot pour mot à celui des BIC.
§1. Le champ d’application de l’IS
Deux types de contribuables sont redevables de l’impôt sur les sociétés. D’un côté, les assujettis à titre obligatoire à l’IS, soit les contribuables qui sont relèvent de droit à l’IS. C’est le cas des sociétés de capitaux. D’un autre côté, les assujettis sur option. En effet, certaines sociétés qui relèvent naturellement de l’IR, de BIC (sociétés civiles, SNC) peuvent opter pour l’IS.
§2. La territorialité de l’IS
La territorialité a changé. Le principe traditionnel est que l’IS ne porte que sur les bénéfices réalisés par des sociétés exploitées en France ou éventuellement par des sociétés dont l’imposition est attribuée à la France par application de conventions fiscales. En dehors du jeu des conventions fiscales, les bénéfices des sociétés étrangères qui ont leur activité en France sont imposés en France. À l’inverse, les bénéfices des sociétés françaises qui ont des activités à l’étranger ne sont pas imposés en France. Dans l’économie traditionnelle, seul compte le lieu de l’exploitation. Il faut que la société ait son exploitation en France. L’exploitation renvoie à l’installation permanente en France (notamment des locaux industriels ou artisanaux) et à une activité en France générant des profits. Il faut que l’activité en France jouisse d’une certaine autonomie (comptabilité séparée). Hors convention fiscale, il existe des critères permettant d’imposer une activité dans un État. D’abord, l’établissement stable, ensuite la réalisation d’opérations économiques en France par l’intermédiaire de personnel, enfin l’accomplissement d’un cycle commercial complet. Si l’un des trois critères sont remplis, la société devra payer ses impôts en France.
L’économie traditionnelle renvoie à l’économie non dématérialisée. L’économie actuelle est mixte car elle mêle économie traditionnelle et économie dématérialisée avec des transactions réalisées par des imputations électriques ou électroniques avec la possibilité de conclure des contrats à distance. Il est même possible d’acheter de façon électronique des biens qui n’existent pas physiquement. Désormais, on peut imposer des activités virtuelles non localisables géographiquement. Cela bouscule la territorialité de l’IS impliquant que l’impôt lui-même se transforme.
§3. La détermination du bénéfice imposable
C’est la même logique que pour les BIC. Pour ce faire, il faut déterminer le bénéfice net. Le bénéfice net est une opération qui consiste à prendre le bénéfice net d’exploitation, lequel renvoie au chiffre d’affaires, plus la valeur du stock en fin d’exercice moins toutes les charges et la valeur du stock en début d’exercice. Les charges renvoient aux frais professionnels, les amortissements et les provisions. La seule fioriture a trait au traitement du résultat d’exploitation net. Ce résultat d’exploitation net peut prendre 3 formes. Si l’exercice se termine sans bénéfice, le taux est nul. Si le bénéfice est excédant, on lui applique l’IS. Si le bénéfice est déficitaire, il peut être traité de deux façons. En premier lieu, il est fiscalement exclu que le déficit soit abandonné par le contribuable. En effet, le législateur prévoit que ce déficit peut être utilisé fiscalement soit par un report en avant ou un report en arrière.
Le report en avant renvoie au fait que le contribuable peut venir diminuer le bénéfice des exercices suivant celui qui était déficitaire du montant du déficit engendré au cours de l’exercice en cause. Cela permet à l’entreprise de se rétablir économiquement. Ce report est illimité dans le temps. Il est reportable dans la limite de 1 000 000 € plus 50% de la fraction du bénéfice de ce seuil. En 2022, une entreprise a engrangé 1,5 M de bénéfices. Or, en 2021, elle avait un déficit de 2M. Au moment de calculer l’impôt, il faut imputer ces 1,5 M sur le déficit de 2M. Or, 1,5 dépasse la limite de 1 000 000, donc on prendra 1 000 000 € sur les 1 500 000 €, ce qui donne 500 000. Par la suite, on applique les 50% sur les 500 000 €, ce qui donne 250 000 €. En fin de compte, il pourra déduire les 1 000 000 plus 250 000€ (50% de 500 000), ce qui donne 1 250 000 €. On soustrait les deux 2M aux 1 250 000, ce qui donne 750 000 € non absorbés. La base d’imposition sera 250 000€ au titre de 2022. Les 750 000 € qui n’ont pas été absorbés en 2022 pourront être absorbés pour l’exercice 2023. Ainsi, si en 2023, la société est déficitaire de 1 800 000€, elle pourra absorber les 750 000€, ce qui donne 1 050 000€.
Le report en arrière (carry back) consiste à reporter uniquement le déficit sur l’année précédente. Mais l’impôt a été déjà payé l’année dernière. Si j’avais un bénéfice de 2M en 2022 et au titre de 2021, j’ai un déficit de 2M, je peux demander que mon impôt soit calculé sur la base du montant qui n’a pas été absorbé. Cela fait naitre un crédit d’impôt sur les sociétés. Il est possible de garder le reste pour les déduire en avant. Ce crédit d’impôt peut servir à payer l’IS au titre des 5 années qui suivent. Au bout des 5 ans, l’administration rembourse le crédit d’impôt non épongé par chèque. Par exemple, une entreprise a payé 500 000 € d’impôt. Le système est construit pour avantager les entreprises.
Il existe deux régimes déclaratifs. C’est le régime réel qui s’applique qu’il soit un réel simplifié ou réel normal. La différence entre les deux réside dans les obligations déclaratives et comptables qui sont plus lourdes en matière de réel normal qu’en matière de réel simplifié. Tout dépend du chiffre d’affaires. Par exemple, l’entreprise qui a un chiffre d’affaires qui dépasse 818 000€ HT pour un exercice qui se termine en 2022 ou pour un exercice qui se termine en 2023 supérieur à 840 000 HT. S’il s’agit d’une entreprise de vente, elle relèvera du réel normal. De même s’il s’agit d’une entreprise de prestation de service, pour un exercice qui se termine. Cela n’a aucune incidence sur le traitement fiscal.
§4. Le paiement de l’impôt sur les sociétés
A. Le taux
À sa création, le taux était de 24%. Le taux le plus élevé était de 50% (1958). Le taux traditionnel était de 33%. On a aussi le taux réduit à 15% qui ne concerne que les PME (chiffre d’affaires inférieur à 7 500 000 €) et s’applique aux premiers 42 500 € et pour le reste à 33%. Le taux normal n’est plus de 33%. Le gouvernement a souhaité augmenter l’attractivité économique de la France et pour faire en sorte que les entreprises dégagent des bénéfices plus importants. Désormais, le taux est de 25%. Il semblerait que cette mesure économique soit efficace. On dit souvent que la France est l’État dans lequel se crée plus d’entreprises et attire le plus d’investisseurs.
B. Les acomptes
Le paiement a lieu en 4 acomptes (15 mars, juin, septembre, décembre). En fonction du début de l’exercice, le dernier acompte sera l’acompte de régularisation, probablement plus important que les autres.
CHAPITRE II : L’IMPÔT SUR LA DÉPENSE : LE CAS DE LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE
L’ordonnance du 22 décembre 2021 a promulgué le Code des impositions sur les biens et services dans lequel on trouve des dispositions qui étaient de CGI et le Code des douanes et concernent les accises, les impositions sur les transports (pollutions) et la production industrielle. Le rapport joint à l’ordonnance précisait qu’à terme le Code inclura toutes les dispositions relatives à la TVA. L’idée est de regrouper des dispositions sur les transactions financières.
La TVA est l’impôt le plus important en France. Jusqu’en 2017, elle représente 200 milliards pour l’État. Actuellement, on est à 96 milliards dans la LF 2023. La TVA est toujours rentable mais le législateur dans sa folie a décidé de partager la TVA avec les CT, la Sécurité sociale ainsi qu’aux chaines de radio publique. Il supprime les taxes locales et les redistributions entre les catégories de CT et pour compenser ces suppressions et redistributions, il partage la TVA avec les CT.
La TVA est créée dans les années 1920. Elle est introduite en France en 1954 et concernait le semi gros. Elle s’est par la suite étendue à toutes les transactions économiques par une loi de 1956. La TVA est un impôt harmonisé, perçu au sein de tous les EM de l’UE. Cela veut dire que la Communauté européenne puis l’UE a adopté des textes pour que les taxes soient traitées de façon unitaire dans tout le territoire européen. Le but de l’harmonisation est de faire en sorte que la TVA ne soit pas une entrave à la libre concurrence et à la libre circulation des biens. Cette harmonisation a atteint sa perfection à partir de la 6e directive de TVA du 17 mai 1977. Cet impôt est économiquement neutre et n’a aucune incidence sur la concurrence et la circulation des biens et des marchandises.
SECTION I : Le champ d’application de la TVA
§1. Les transactions assujetties à la TVA par nature
L’art. 256, 1 CGI pose le critère réel de la TVA tandis que l’art.256 A CGI pose le critère personnel de la TVA.
A. Le critère réel
1) Les livraisons de biens
L’art. 256, 1 CGI soumet à la TVA les livraisons de biens. La livraison au sens de la TVA n’est pas la livraison au sens matériel du terme, mais renvoie au transfert du pouvoir de disposer du bien. Il peut y avoir livraison au sens juridique du terme sans qu’il y ait une livraison au sens matériel du terme. L’activité de transport de sang n’est pas assujettie à la TVA car l’hôpital ne peut pas disposer du sang comme il l’entend. On doit pouvoir se comporter comme si on était le propriétaire. Ainsi, l’activité de leasing est assujettie à la TVA car il est possible de se comporter comme un propriétaire.
Les biens désignent tous les biens corporels (eau, électricité, gaz, etc.). Les droits réels sont considérés comme des biens corporels. La TVA est exigée dès qu’il y a livraison. Le fait générateur de la TVA est la livraison au sens juridique du terme.
2) Les prestations de service à titre onéreux
Les prestations de service renvoient à tout ce qui ne s’analyse pas en une livraison de biens corporels. Sont soumises à la TVA seulement les prestations à titre onéreux. A contrario, ce qui n’est pas effectué à titre onéreux n’est pas assujetti à la TVA. Cette notion de titre gratuit a fait naitre la notion de lien direct (CJCE). Il faut un lien entre une somme demandée à titre onéreux et la part de TVA qui est demandée. La simple transaction financière n’implique pas qu’il y ait une opération à titre onéreux relevant de la TVA. La subvention accordée au troisième âge pour une sortie détente peut-elle être analysée comme versée en contrepartie pour celui qui verse la subvention ? S’il n’y a pas de contrepartie économique, il n’y a pas de TVA. Si l’État subventionne une commune pour la construction d’une gendarmerie, il y a subvention avec contrepartie de sorte que la subvention sera assujettie à la TVA. Tout dépend de la relation entre le subventionneur et le subventionné.
CJCE, 8 mars 1988, Apple and Pear Development Council : la Cour pose deux critères. Il faut voir s’il existe un service rendu à bénéficiaire déterminé (individualisme) ou s’il existe une relation nécessaire entre le niveau des avantages retirés par le bénéficiaire du service et la contre-valeur qu’il verse. C’est donc du cas par cas.
3) Un assujetti agissant en tant que tel
Pour que le critère réel soit parfaitement rempli, il faut que la personne qui agit le fasse en tant que professionnel assujetti à la TVA et non en tant que simple particulier non assujetti.
CJCE, 4 octobre 1995, Dieter Armbrecht : une personne de profession hôtelier décide de vendre son hôtel. Mais une partie de l’hôtel était réservée à son logement personnel. Il estime qu’une partie relevait de l’hôtel et l’autre pour son logement. Il demande la TVA à l’acheteur pour la partie correspondant à l’hôtel et non au logement. L’administration fiscale allemande dit qu’il fallait demander la TVA sur la totalité du prix. La CJCE donne raison à M. Armbrecht et considère qu’en vendant son hôtel, il avait agi en tant que professionnel mais en vendant son logement en même temps, il agit dans ce dernier cas comme un particulier non assujetti à la TVA.
CE, 28 décembre 1995, SudFer : une société vend des métaux. Un jour, cette société vend des lingots d’or et l’opération n’est pas assujettie à la TVA. À la suite d’un contrôle fiscal, l’administration exige la TVA. Le CE s’est attaché à analyser la transaction. Les lingots avaient été achetés à titre de placement. Mais la société n’avait pas transformé les lingots d’or et les avaient gardé pendant plusieurs années. Le CE considère que la société n’a pas acheté à titre professionnel mais à titre de particulier de sorte que la transaction n’avait pas à être assujettie à la TVA.
B. Le critère personnel
L’art.256 A CGI pose le critère personnel de la TVA. Ce qui caractérise le critère personnel c’est l’indépendance de la personne. La personne n’est pas salariée, fonctionnaire ni ne se trouve dans une relation de subordination quelconque. Si un seul critère manque, on échappe à la TVA.
§2. Les transactions assujetties à la TVA par détermination de la loi
Les personnes qui remplissent ces critères sont les assujettis à la TVA par nature. Or, on peut remplir tous les critères et échapper à la TVA par décision du législateur. Inversement, on peut ne pas remplir les critères et être néanmoins assujetti à la TVA par décision du législateur. Il arrive que des transactions ne remplissent pas les critères mais malgré tout le législateur décide de les assujettir à la TVA. C’est le cas de la livraison à soi-même qui renvoie à l’hypothèse où l’assujetti se livre à lui-même un bien. Il arrive que l’on fabrique un bien pour soi. Si les livraisons à soi-même sont exonérées de la TVA, cela fausserait la concurrence d’où la nécessité de rétablir la balance économique. Par voie de conséquence, la livraison à soi-même doit être assujettie à la TVA. Si Peugeot se fournit dans son propre stock, il doit reverser la TVA correspondant au prix de vente de la voiture au public.
§3. Les transactions exonérées de la TVA par détermination de la loi
Toutes les opérations médicales ou paramédicales, toutes les opérations bancaires courantes (opérations de change, achat d’obligations et d’actions), les prestations ou cotisations d’assurance, les opérations de location de biens immobiliers, les opérations de service public qui n’entravent pas le libre exercice de la concurrence, les timbres fiscaux, les timbres postaux, les mouvements de marchandises ou de prestation de service réalisés entre acteurs se situant dans différents pays de l’UE (« importation et exportation au sein de l’UE »), sont exclus du champ d’application de la TVA.
§4. La territorialité de la TVA
La TVA est applicable sur le territoire national. Le territoire national ne renvoie pas au territoire au sens constitutionnel et politique du terme en ce sens que la TVA s’applique à la métropole (y compris la Corse), à la Principauté de Monaco, à la Réunion, à la Guadeloupe, à la Martinique, à Mayotte (situation intermédiaire) avec des taux de TVA différents. Il n’existe pas de TVA en Guyane ou presque pas en Mayotte. Le CGI n’est pas applicable dans les collectivités d’Outre-mer car ces collectivités sont autonomes fiscalement. Même s’il y a des TVA dans ces collectivités, cela résulte de l’application de leurs codes d’impôt locaux et non du CGI.
S’agissant de la TVA, ce territoire national est inclus dans le territoire européen. Le territoire de l’UE au sens de la TVA correspond globalement au territoire des 27 États membres. Cela étant, il existe des enclaves dans l’UE mais qui sont exclus du territoire de l’UE pour l’application de la TVA. Par exemple, les îles Canaries, les îles Öland, le mont Athos, les eaux nationales italiennes du Lac de Lugano, etc.
Tout ce qui n’est pas dans l’UE est un État tiers. La territorialité de la TVA renvoie à la France et à l’UE et les autres des États du monde, lesquels sont des tiers. Pour ces États tiers, on parle d’exportation et d’importation.
A. Les livraisons de biens meubles corporels en dehors de France
Lorsqu’un bien franchit la frontière française dans un sens ou un autre, il existe deux situations. En premier lieu, cette opération commerciale se fait dans une relation supranationale mais au sein de l’UE. Ce sont les opérations économiques intracommunautaires. En second lieu, les échanges internationaux, c’est-à-dire avec les États tiers.
1) Le régime normal
a) Les échanges de biens intracommunautaires
L’idée de base de la construction de l’UE est d’établir la paix sur une base commerciale. Au départ, la construction européenne n’était pas une construction à visée politique mais économique. L’idée est que les États qui ont des intérêts économiques communs ne se font pas la guerre. Depuis les années 1990, nous avons atteint le summum de la construction européenne avec le marché unique qui s’oppose au marché commun, lequel renvoie à l’idée selon laquelle les États ont un marché commun mais que chacun d’entre eux a son propre marché. Le marché unique est un grand marché européen qui se caractérise par l’absence de barrières frontalières pour la circulation des marchandises, des prestations de service, des capitaux et de personnes. La TVA a participé à la construction de ce marché unique par les directives européennes qui ont fait d’elle le premier impôt harmonisé du point de vue européen. Sauf quelques fioritures, la TVA est appliquée de la même façon dans tous les États membres de l’UE.
Cependant, les États membres n'arrivent pas s’accorder sur le taux de la TVA parce que la fixation du taux relève de leur souveraineté. Ils se sont entendus simplement sur les limites à ne pas franchir. Il n’existe pas de taux communs. En premier lieu, dans tout État membre, il faut un taux normal et, sauf justification, ne peut être inférieur à 15%. Jusqu’en 2007, le Luxembourg avait un taux de 13%. Aujourd’hui, tous les États respectent le minimum de 15%. Le Luxembourg a un taux de 17% et Malte a un taux de 18%. La Hongrie a 27%. En France, il est de 20%. En second lieu, dans tous les États membres, il existe un taux réduit de 5% minimum. En France, il est de 5,5%. Dans un marché unique, tous les États ne peuvent pas avoir un même taux car rien ne doit entraver la concurrence. Ils ne se sont pas mis d’accord sur le taux normal ni réduit de TVA. La variation du taux de la TVA peut fausser la concurrence. Dans un marché unique normal, c’est la TVA du lieu où le bien est acheté qui est applicable. Si on applique à l’acheteur communautaire le taux du pays où il achète le bien, la TVA vient fausser la concurrence. Pour éviter cela, on applique le taux du pays où réside l’acheteur peu importe le lieu où le bien est acheté. En l’absence d’importation et d’exportation, il existe des livraisons intracommunautaires et des acquisitions intracommunautaires.
i. Les livraisons intracommunautaires
La livraison, au sens de l’UE est ce que l’on appelait autrefois des exportations et renvoie au fait qu’un bien sorte d’un territoire de l’UE pour aller dans un autre État. D’un point de vue français, un bien est vendu par un opérateur économique qui réside en France vers un acheteur dans un autre pays de l’UE. Le bien qui sort du territoire français sort de ce territoire exonéré de TVA. La TVA sera réclamée au taux national de l’État d’arrivée. Pour ce faire, il faut, d’une part, que l’opération soit effectuée entre deux assujettis (entre deux professionnels assujettis à la TVA identifiables par un numéro de TVA communautaire) et d’autre, il faut prouver l’existence de l’opération de livraison et l’expédition et le transport. L’opération doit être prouvable pour éviter la fraude carrousel. Il s’agit d’une fraude à la TVA qui compte sur le fait qu’il existe une opération qui tourne sur elles-mêmes ou des biens qui ne sont pas vendus. Le bien sort de l’État A en franchise de la TVA et sera imposé au taux national de l’État B. Ce n’est pas parce qu’un bien sort exonéré de TVA que l’assujetti ne récupère pas la TVA. Les opérations entre assujettis sont dites B to B (business to business). Les opérations qui concernent les relations entre un assujetti vers un consommateur final sont dites B to C (business to consumer). C’est alors la TVA du pays de l’assujetti qui sera réclamée.
ii. Les acquisitions intracommunautaires
Pour un bien qui arrive en France en provenance d’un autre État de l’UE, si la relation est d’assujetti à assujetti, c’est le taux français de la TVA qui sera applicable.
b) Les échanges extracommunautaires
Dans les échanges extracommunautaires, il ne faut pas que notre TVA vienne nuire à la compétitivité économique de nos propres produits. C’est la raison pour laquelle le bien exporté est exonéré de la TVA française. C’est le cas des zones de duty free dans les aéroports où il est demandé un billet pour connaitre la destination du voyageur. Si l’on voyage au sein de l’UE, l’on doit acquitter la TVA. Si l’on quitte l’UE avec un bien, ce bien est en franchise de la TVA car le voyageur est assimilé à un exportateur. À l’inverse, un bien importé en France est soumis à la TVA française peu importe si le pays tiers l’avait assujetti déjà la TVA.
2) Les régimes particuliers
Il existe de régimes particuliers s’agissant des échanges intracommunautaires notamment en ce qui concerne les ventes de véhicule et les ventes à distance.
a) Les ventes de véhicule
En principe, les véhicules (avion, bateau, ou moto) achetés dans un autre pays de l’UE et qui entrent en France devraient être soumis à la TVA française en cas de relations B to B. Par exception, même si l’on est dans une relation B to C, le bien acheté est soumis à la TVA de l’État de destination et non pas à la TVA du pays de l’assujetti.
b) Les ventes à distance
Certaines sociétés, étant donné leurs structures sociétales, localisaient tous les produits de leur vente dans un État. C’est le cas d’Amazon au Luxembourg. Une réforme applicable depuis le 1er janvier 2021 prévoit désormais qu’en principe, pour les livraisons intracommunautaires entre un assujetti (vendeur) située en dehors de la France et un non-assujetti (consommateur final), la TVA sera due au taux français en France. Cependant, la TVA peut être exigible dans le pays de départ (assujetti) à partir du moment où celui-ci bénéficie du régime dit des petits opérateurs. Est considéré comme petit opérateur l’agent économique qui au cours d’une année civile ne vend pas pour plus de 10 000 € HT de biens dans d’autres États membres de l’UE à des non-assujettis. On cherche toujours la solution qui permet d’éviter la fraude et cela passe par l’informatisation des opérations.
B. Les opérations de prestation de service
Lorsqu’il s’agit d’une prestation de service présentant un caractère extracommunautaire, elle se fait en franchise de TVA. Mais il existe surtout des prestations de service rendus dans les pays de l’UE.
1)Les prestations de service fournies à un assujetti
En présence d’une prestation de service fournie à un assujetti (professionnel), c’est le lieu d’établissement du preneur qui est pris en compte. Si l’assujetti est implanté en France, c’est la TVA française qui s’applique. Dès lors que le professionnel a en France le siège de son activité économique ou un quelconque lien de rattachement, on applique la TVA car on est dans une relation B to B. Seul le lieu du preneur est pris en compte.
2) Les prestations de service vendu à un non-professionnel (consommateur)
En présence d’une prestation vendue à un non-professionnel, on est dans une relation B to C. Or, seul le prestataire a des obligations fiscales et seul son lieu d’établissement est pris en compte de sorte que le taux applicable est celui de l’État d’établissement du prestataire. Cela permet d’éviter d’entraver la libre circulation. Mais il existe également des règles particulières en matière de location de véhicules. En effet, les véhicules se déplacent. Faut-il prendre en compte le lieu de location de la voiture ou du lieu d’utilisation de la voiture ou du lieu de domicile ? C’est la raison pour laquelle, les locations de moyens de transport sont imposables à la TVA pour une location de courte durée en France (inférieure à 30 jours pour les voitures et les avions, inférieure à 90 pour un bateau). Pour les locations de longue durée, le lieu d’imposition dépendra de la situation du preneur et du type de bien loué. De la même façon, s’agissant des brevets et licences d’exploitation, les prestations culturelles et artistiques, il existe de régimes particuliers. La complexité résulte de l’absence d’harmonisation des taux de TVA au sein de l’UE.
SECTION II : La détermination de la TVA exigible
La détermination de la TVA exigible consiste à savoir le montant de la TVA qui sera exigé du consommateur.
§1. Le fait générateur de la TVA
La question est de savoir à quel moment il est possible de demander la TVA. Le fait générateur est l’évènement qui fait naitre la créance fiscale au profit de l’État au sens large du terme, ou de la dette fiscale qui pèse sur les épaules du contribuable ou de l’assujetti. Cet évènement varie d’un impôt à l’autre. La caractéristique de la TVA est la coïncidence dans le temps entre le fait générateur et l’exigibilité. L’exigibilité est le moment à partir duquel le Trésor public peut réclamer le paiement de la créance fiscale née étant donné le fait générateur. Il faut distinguer le cas des biens et des prestations de service.
A. Les biens corporels
Pour les biens corporels, le fait générateur et l’exigibilité se confondent à la fois juridiquement et dans le temps dans un évènement qui est la livraison. La TVA devient exigible à partir du moment où il y a eu paiement à savoir la livraison du bien. Tout repose sur une logique de comptabilité d’engagement, celle qui tient compte de la naissance d’une créance ou d’une dette juridique.
B. Les prestations de service
Le fait générateur est l’achèvement de la prestation de service. À partir de là, l’exigibilité intervient lorsque le prix de la prestation de service sera encaissé. En général, la vente d’un bien est à exécution instantanée (sauf cas de la construction immobilière) alors qu’une prestation de service s’étale dans le temps. Dès lors, il n’est pas possible d’appliquer le même régime. Néanmoins, il arrive que l’on demande un acompte. C’est la raison pour laquelle on applique une comptabilité de caisse de sorte que la TVA sera exigible avant une quelconque livraison mais à chaque encaissement. Le fait générateur correspond à la date du versement de l’acompte.
§2. L’assiette de la TVA
L’assiette de la TVA correspond au prix du bien augmenté de tous les accessoires qui s’ajoutent à ce prix que sont les frais de transport, d’emballage, assurance, etc. En revanche, certains éléments peuvent être exclus de l’assiette ou du prix imposable. Les soldes, les reprises et les locations de véhicule avec dépôt de garantie posent un problème dans la détermination de la TVA.
§3. Le taux de la TVA
En France, il existe 4 taux de TVA que sont le taux normal (20%), le taux réduit (10%), le taux réduit (5,5%) et le taux super-réduit (2,1%).
1)Le taux super réduit à 2,1%
Le taux super réduit est de 2,1% et concerne les ventes de produits remboursés par la Sécurité sociale, les ventes de produits de presse, les 140 premières représentations d’une pièce de théâtre ou de cirque, la vente d’animaux vivants de boucherie à des non-assujettis et auparavant à la redevance audiovisuelle. La CJCE a considéré que le taux à 2,1% était conforme au droit de l’UE (CJCE, 3 mai 2001)
2) Le taux à 5,5%
Le taux de 5,5% concerne globalement les produits alimentaires (à l’exception du caviar, les boissons alcoolisées, les boissons sucrées, les confiseries et la margarine, et certains pays à base cacao), les livres, les droits d’entrée au cinéma, le prix des cantines scolaires, le prix d’entrée dans les réunions sportives, le gaz, l’électricité, la chaleur, les engrais, etc.
3) Le taux à 10%
Le taux de 10% concerne les médicaments non remboursés, le bois de chauffage, les produits d’alimentation animale, les animaux de basse court, les transports de voyageur, etc.
4) Le taux normal à 20%
Le taux normal de 20% est le taux applicable par défaut. Il existe un contentieux sur les produits à base de chocolat car il faut se pencher sur la composition pour déterminer s’ils sont assujettis au taux normal ou au taux réduit de 5,5%. Par exemple, une crème chocolatée dont on vante les vertus curatives est souvent achetée par les consommateurs comme tel. Ainsi, l’administration fiscale considère qu’il s’agit d’un médicament qui, s’il n’est pas remboursé par la sécurité sociale, relève du régime du taux normal de 20%. Cela suscite beaucoup de contentieux.
SECTION III : La déductibilité et le paiement de la TVA
§1. La déductibilité de la TVA
La TVA est un impôt neutre en ce sens qu’elle ne doit pas nuire aux circuits économiques longs. Elle sera intégralement supportée par le consommateur final mais l’assujetti ne se supportera que la valeur ajoutée. Cela passe par un système de déductibilité. Les agents économiques prélèvent la TVA pour la reverser à l’État. Ils ne reversent à l’État que la différence entre la TVA qu’il a lui-même encaissé auprès de ses clients et celle qu’il a acquitté à titre professionnel. La plupart du temps, la différence est positive mais il arrive qu’elle soit négative et se traduira par un crédit d’impôt à son bénéfice. Ainsi, la TVA n’est supportée que sur la valeur ajoutée par application du mécanisme de la déductibilité. Il faut 3 conditions pour pouvoir déduire de la TVA. D’abord, les éléments acquis par l’assujetti et qui avaient donné lieu à paiement de TVA doivent être eux-mêmes utilisés dans le cadre de l’activité professionnelle. Ensuite, la TVA sera déductible si et seulement si le bien ou le service en question est nécessaire à l’exploitation de l’activité professionnelle. Enfin, il faut prouver le paiement de la TVA par des factures. Néanmoins, il n’est pas possible de déduire la TVA acquittée sur certains biens. Par exemple, l’achat de cadeaux (sauf cadeaux d’entreprise), les carburants (excepté les taxis, les tracteurs, les camions), les publicités relatives à certains produits (alcool, tabac, etc.), la location de certains logements, les véhicules de transport (sauf exceptions).
La plupart du temps, il est possible de déduire l’intégralité de la TVA acquittée. Pour ce faire, il faut calculer la déduction, précisément un coefficient de déductibilité. Ce coefficient est résultat d’une double multiplication. Pour déterminer le coefficient de déductibilité, il faut multiplier le coefficient d’assujettissement par le coefficient de taxation lui-même multiplié par le coefficient d’admission. Tous ces coefficients sont situés entre 0 et 1 et il suffit qu’un seul soit égal à zéro pour que le coefficient de déductibilité soit également nul.
Le coefficient d’assujettissement vise à déterminer l’affectation du bien ou le service (opérations entrant ou non dans le champ d’application de la TVA) et est de 1. Le coefficient de taxation tient compte de l’affectation des opérations qui donnent lieu à encaissement de la TVA et il est de 1. Le coefficient d’admission vise les opérations qui peuvent être exclues d’une déductibilité. Pour l’immense catégorie des contribuables, la TVA est entièrement déductible (1x1x1). Les entreprises essaient d’éviter les coefficients nuls.
§2. Le paiement de la TVA
L’assujetti doit payer le résultat de la TVA déductible au moment de remplir sa déclaration. Il existe trois moments pour payer la TVA.
A. Le régime de franchise de base
Il s’agit des agents économiques qui de droit ne sont pas assujettis étant donné la faiblesse de leurs chiffres d’affaires. Cela concerne les entreprises dont le chiffre d’affaires n’excède pas 91 900 € et les prestataires de service dont le chiffre d’affaires n’excède pas 36 800 € ne sont pas assujettis à la TVA. Puisqu’ils n’encaissent pas la TVA, ils ne peuvent pas les déduire. C’est pour cela qu’ils optent pour être assujettis à la TVA pour pouvoir déduire la TVA qu’ils ont eux-mêmes acquittés.
B. Le régime du réel simplifié
Les prestataires concernés par ce régime doivent faire une déclaration annuelle au mois de mai et paieront le solde dû en payant au préalable deux acomptes en juillet et en décembre.
C. Le régime du réel normal
Ils doivent faire des déclarations et des versements mensuels.