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Droits des contrats civils et commerciaux

            INTRODUCTION

L’art.1105 c.civ, alinéa 1er dispose que les contrats sont soumis à des règles générales et l’alinéa 2 précise que les règles particulières à certains contrats sont établies dans d’autres parties du Code civil.  Les contrats sont soumis à un droit commun qui s’applique à tous les contrats peu importe la qualification du contrat.

Chaque variété de contrats est soumise à des règles particulières qui visent à en préciser le régime juridique. Par exemple, le bail est soumis au droit commun des contrats mais le régime juridique de la vente n’est pas identique à un contrat d’une autre nature. Le droit des contrats spéciaux vise à étudier les règles propres à chaque variété de contrat.

Le droit des contrats civils et commerciaux correspond à l’étude du droit spécial des contrat. Ces contrats peuvent être civils ou commerciaux. Il peut arriver qu’un contrat soit, par nature, civil ou commercial. Par exemple, la donation est civile par nature à l’inverse de la distribution commerciale qui est par nature commerciale. Mais, en règle générale, les contrats peuvent être civils et commerciaux selon la qualité des parties contractantes. Dans le cadre d’une vente de véhicule automobile, elle sera commerciale si elle est conclue entre un vendeur professionnel et une entreprise commerciale. Elle sera civile si elle est conclue entre deux particuliers (vente d’un véhicule d’occasion). La vente sera mixte si un particulier achète le véhicule chez un concessionnaire.

La distinction selon la nature civile et commerciale n’a qu’un intérêt résiduel. Si le contrat est commercial, il sera soumis aux règles applicables aux actes de commerce. Si l’acte est mixte, les règles commerciales seront applicables seulement à la partie commerçante. Il n’existe que trois règles qui s’appliquent aux actes de commerce. D’abord, l’acte de commerce relève de la compétence des tribunaux de commerce. Ensuite, la preuve d’un acte de commerce est libre contre la partie commerçante (art.L.110, al. 3 c.com) tandis que les actes juridiques se prouvent par écrit en droit civil. Enfin, lorsqu’un acte de commerce est souscrit par plusieurs débiteurs, ceux-ci sont tenus solidairement sauf preuve contraire. En droit civil, la solidarité ne se présume pas. Hormis ces trois règles, les contrats sont soumis au même régime juridique.

            §1. Évolution du droit des contrats spéciaux

L’évolution du droit des contrats spéciaux est dominée par deux traits caractéristiques que sont l’innovation et la spécialisation.

                        A. L’innovation

            La matière est sujette à l’innovation en raison du principe de la liberté contractuelle. Il en résulte que les parties sont libres de conclure toute sorte de contrats sous réserve de leur conformité à l’ordre public et aux bonnes mœurs. Ce principe est réitéré à l’art.1102 c.civ qui réserve le respect de l’ordre public. Deux conséquences découlent de ce principe. D’une part, les acteurs de la vie économique peuvent conclure les contrats qui sont nécessaires à leur activité sans avoir à attendre une quelconque autorisation de la loi. Par exemple, le contrat d’assurance a fait l’objet d’une première règlementation légale en 1930 mais la pratique est bien antérieure. Autre exemple, le contrat de distribution commerciale ou le contrat de crédit-bail. D’autre part, ce principe peut entraîner l’apparition de contrats innommés au côté des contrats nommés.

            Les contrats nommés s’entendent des contrats prévus et réglementés par les textes alors que les contrats innommés sont ceux qui n’ont pas été prévus par les textes ou qui font l’objet d’une règlementation embryonnaire. Le terme innommé doit être relativisé car le contrat innommé peut tout à fait porter une dénomination propre en pratique. En réalité, il vaut mieux parler de contrat sui generis. Ce contrat sui generis est celui qui n’entre pas dans les qualifications proposées par les textes. Il relève de son propre genre et non pas d’un genre de contrat nommé par les textes.

                        B. La spécialisation

 

            Le droit des contrats spéciaux est sensible à la spécialisation du droit. La spécialisation du droit est inhérente à toutes les sociétés qui se modernisent et se complexifient. Ce surcroît de complexité entraine une spécialisation des règles juridiques d’où deux conséquences. La spécialisation provoque, d’une part, l’apparition de sous-catégories de contrats et, d’autre part, un morcellement des règles juridiques.

                                    1) Les sous-catégories de contrats

            Le contrat de bail est régi par le droit commun des contrats. En outre, il est soumis à une règlementation qui lui est propre. Cette règlementation trouve son siège à l’art.1713 et s. c.civ mais ces articles ne sont pas suffisants pour définir le régime juridique au contrat de bail. En effet, il existe des règles encore plus spécifiques édictées pour prendre en compte la finalité du bail. Le bail à usage d’habitation est régi par une loi du 6 juillet 1989 tandis que le bail commercial est régi par le Code de commerce et le bail rural par le Code rural.

            La règlementation de ce contrat comporte donc trois niveaux que sont le droit commun des contrats, le droit commun du contrat de bail et les règles spéciales tenant compte de la finalité du bail. Les règles du 3e niveau peuvent déroger au deuxième niveau de même que les règles du 2e niveau peuvent déroger aux règles du 1er niveau. Le phénomène de sous catégorisation affecte la plupart des contrats.

Il faut également tenir compte du droit de la consommation qui peut déclencher l’application de règles qui dérogent au droit commun du contrat considéré. Cette influence du droit de la consommation est sensible pour les contrats de prêt d’argent. En effet, les crédits aux consommateurs font l’objet de règles spéciales qui se superposent aux règles de droit commun applicables au contrat de prêt en général.

 

                                    2) Le morcellement des règles juridiques

             Certains contrats acquièrent progressivement leur autonomie. Ces contrats finissent par se détacher du tronc commun que constitue le droit civil. Prenons l’exemple du contrat de transport. À la base, le contrat de transport n’est rien d’autre qu’une variété des contrats d’entreprise prévus et réglementés par le Code civil. Mais le contrat de transport s’est progressivement détaché du contrat d’entreprise à telle enseigne qu’il est doté d’un régime propre puisqu’il est devenu autonome au regard du contrat d’entreprise. Comme corollaire, le contrat de transport s’est agrégé à une nouvelle discipline juridique qui correspond au droit des transports. Un autre exemple, le contrat de travail qui n’a guère été inclus dans le Code civil. Désormais, il est autonome et corrélativement s’est agrégé à une discipline nouvelle, le droit du travail.

            §2. Domaine du droit des contrats spéciaux

            Le droit des contrats spéciaux n’a pas pour ambition d’étudier tous les contrats utilisés dans la vie juridique mais seulement quelques contrats. Cela est lié au découpage traditionnel des disciplines juridiques et au phénomène de spécialisation.

                        1) Le découpage des disciplines juridiques

Le découpage des disciplines juridiques aboutit à plusieurs retranchements. Prenons l’exemple du contrat de donation. Il s’agit d’un contrat spécial mais son étude est indissociable du droit des successions et des libéralités. Autre exemple, le contrat de mariage relève du droit des régimes matrimoniaux. Le contrat de société relève du droit des sociétés, les contrats constitutifs de sûretés relèvent du droit des sûretés, le bail commercial relève du droit des affaires.

2                        2) La spécialisation

La spécialisation aboutit à d’importants retranchements. Par exemple, les contrats de distribution commerciale sont étudiés en droit de la distribution commerciale, lui-même étant l’une des branches du droit des affaires. Le contrat de transport relève du droit des transports, le contrat de travail relève du droit de travail, le contrat d’assurance est intégré à l’étude du droit des assurances. Malgré ces retranchements, le domaine du droit des contrats spéciaux demeure considérable. Cette discipline englobe plusieurs contrats envisagés dans le Livre III du Code civil qui correspondent aux instruments juridiques de base essentiels de la vie économique. Il s’agit du contrat de vente, du contrat de bail (titre VIII), le contrat d’entreprise (titre VIII, chap. 3), le contrat de prêt (titre X), le contrat de dépôt (titre XI) et le contrat de mandat (titre XII).

            §3. Qualification des contrats spéciaux

Qualifier un contrat consiste à le rattacher à une catégorie juridique déterminée afin d’en déduire un régime juridique. C’est une opération de droit, c’est-à-dire, que s’il y a un litige, le juge n’est aucunement lié par la qualification que les parties ont adoptée. Il est de l’office du juge de restituer au contrat son exacte qualification. S’agissant d’une opération de droit, la Cour de cassation contrôle la qualification retenue par les juges du fond.  Quels sont les critères de qualification des contrat spéciaux ? Dans des cas plus complexes, on applique le critère tiré de la distinction du principal et de l’accessoire. Si la qualification n’aboutit pas, le contrat sera considéré comme sui generis.

                        A. L’objet du contrat

            L’objet du contrat s’entend de l’opération économique que le contrat permet de réaliser, également appelé negotium. Par exemple, dans la vente, le negotium consiste à transférer la propriété d’une chose en contrepartie du paiement d’un prix. Cet objet permet en l’occurrence de distinguer le contrat de vente du contrat de donation. En effet, en cas de donation, il y a bien un transfert de propriété d’une chose mais sans contrepartie parce que la donation est un contrat à titre gratuit. Le donateur s’oblige dans une intention libérale et non pas pour obtenir le paiement d’un prix. S’agissant du contrat de bail, le negotium est de mettre la chose à la disposition du locataire de manière temporaire moyennant le paiement d’un prix appelé loyer. Ce negotium permet de distinguer le bail du prêt à usage. En cas de prêt à usage, le prêteur met à la disposition de l’emprunteur une chose de manière temporaire et n’a pas de prix à payer. La mise à disposition est sans contrepartie parce que le prêteur agit à titre gratuit.

                          B. Le critère du principal et de l’accessoire

            Dans cette hypothèse, on a un contrat qui mélange un type de contrat. Cependant, il apparait que les éléments qui sont empruntés à l’un des contrats sont plus importants que les éléments empruntés à l’autre. La distinction du principal et de l’accessoire conduit alors à retenir la qualification applicable à l’élément principal. Cependant, il est parfois opportun de retenir une qualification distributive.   

1                                    1) La qualification empruntée à l’élément principal

Le contrat de déménagement offrait un bon exemple d’une telle qualification. Il associe du transport et de la manutention (opération de montage, de démontage et d’emballage). Si l’élément principal résidait dans le transport, le contrat était qualifié de contrat de transport. Mais si l’élément principal résidait dans la manutention, le contrat de déménagement était qualifié de contrat d’entreprise. Ce contrat n’est plus d’actualité car la loi a fait entrer le contrat de déménagement dans la catégorie des contrats de transport.

Par exemple, un client confie son véhicule à un garagiste pour un entretien. L’entretien est une prestation qui caractérise la conclusion d’un contrat d’entreprise. Le garagiste peut être amené à fournir des pièces détachées dans l’exécution de sa prestation d’entretien. La fourniture de ces pièces détachées caractérise le contrat de vente. En l’occurrence, cette fourniture de pièces détachées n’est que le prolongement nécessaire de la prestation d’entretien qui demeure l’élément principal du contrat. Pour cette raison, ce contrat recevra la qualification de contrat d’entreprise.

                                    2) La qualification distributive

            La qualification distributive peut être retenue s’il est difficile de discerner dans un contrat complexe l’existence d’un élément principal. Par exemple, un vendeur fournit un équipement technologique et s’engage à l’installer chez le client et à en assurer la maintenance. Dans une telle hypothèse, point d’élément principal et d’élément accessoire, dans la mesure où l’installation et la maintenance sont tout aussi importantes pour le client que le transfert de la propriété de l’équipement (vente). Dans ce cas, la solution consiste à appliquer une qualification distributive, autrement dit le contrat sera qualifié de vente pour ce qui concerne le transfert de propriété de l’équipement et de contrat de prestation de service concernant l’installation et la maintenance.

                        C. Le contrat sui generis

Dans cette hypothèse, la qualification se solde par un échec, c’est-à-dire qu’on ne parvient pas à rattacher le contrat à une catégorie juridique. Le contrat sui generis relève de son propre genre. Pour déterminer le régime de ce contrat, on applique le droit commun, les clauses du contrat sous réserve de leur conformité à l’ordre public et aux bonnes mœurs et, à défaut, on peut faire appel aux ressources de l’interprétation juridique.                

Le droit positif résulte du Code Civil. Le droit commun des contrats (1101 et s. c.civ) a été réformé par l’ordonnance du 10 février 2016. Mais cette réforme n’a pas touché les contrats réglementés par le Livre III du Code civil. D’où l’idée de compléter la réforme du droit des contrats spéciaux. Cette réforme est sur les rails mais a pris du retard. Dans un premier temps, l’association Henri Capitant a élaboré en 2017 un avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux qui est resté lettre morte. À l’été 2021, le ministre de la Justice a instauré une commission de réforme qui a rédigé un nouvel avant-projet rendu public en juillet 2022. Il a été soumis à une consultation publique jusqu’à janvier 2023. À partir de là, la chancellerie doit rédiger un projet de réforme appelé à suivre le processus législatif et non par ordonnance. À l’heure actuelle, il est impossible de dire quand ou si la réforme aura lieu. 

PARTIE I : LA VENTE ET LES CONTRATS TRANSLATIFS DE PROPRIÉTÉ

            Les contrats translatifs de propriété sont divers. Le contrat de vente en est l’archétype mais ce n’est pas le seul. On y trouve le contrat de donation, la dation en paiement, le contrat d’échange et certains contrats d’entreprise.

CHAPITRE I :  DÉFINITION DE LA VENTE ET QUALIFICATION

            La vente est définie à l’art.1582 c.civ aux termes duquel « la vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer ». Cette définition est complétée à l’art.1583 aux termes duquel « elle est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ».

            Il résulte des art.1582 et 1583 c.civ que la vente s’entend de la convention par laquelle le vendeur transmet la propriété d’une chose à l’acheteur en contrepartie du paiement d’un prix. L’acheteur assume une contrepartie monétaire qui permet de distinguer la vente des autres contrats translatifs de propriété. Ce critère ne suffit plus à distinguer la vente du contrat d’entreprise.

SECTION I :  Le prix comme critère de qualification de la vente

            L’acheteur a l’obligation de payer le prix en contrepartie du transfert de la propriété de la chose. Cette contrepartie monétaire mise à la charge de l’acheteur permet de distinguer la vente du contrat de donation, du contrat d’échange, de l’apport en société et de la dation en paiement.

            § 1. Vente et donation

            La vente est un contrat à titre onéreux. Le vendeur s’oblige à transférer la propriété de la chose pour obtenir le paiement d’un prix. À l’inverse, la donation est un contrat à titre gratuit en raison de l’intention libérale du donateur. Le donateur s’oblige à transférer la propriété de la chose au donataire pour lui faire une libéralité. Le contrat de donation s’analyse en une libéralité entre vifs. Le caractère gratuit de la donation entraine des différences importantes de régimes juridiques.

D’abord, le contrat de donation en principe est un contrat solennel. Au contraire, la vente, sauf exceptions, est un contrat consensuel. Cette différence s’explique par le fait que la donation, acte à titre gratuit, entraine l’appauvrissement du donateur et par conséquent un danger pour lui-même et sa famille par répercussion, d’où l’exigence d’une solennité requise pour la validité du contrat de donation. La solennité consiste en la rédaction d’un acte notarié. La donation doit être consignée par un acte notarié (art.931 c.civ).

Ensuite, le donateur comme le vendeur doivent avoir la capacité de disposer pour conclure le contrat. Mais les règles relatives à la capacité de disposer sont plus rigoureuses pour une donation que pour une vente. Cette différence s’explique à nouveau par le caractère gratuit de l’opération. 

Enfin, en cas de vente, le vendeur est tenu d’une obligation de garantie contre les vices cachés et d’éviction (du fait des tiers). Au contraire, la donation ne met pas de telles garanties à la charge du donateur. L’explication réside dans l’intention libérale du donateur qui transfère la propriété de la chose sans contrepartie et pour cela il est normal qu’il reçoive un traitement de faveur par rapport au vendeur.

            § 2. Vente et échange

            L’échange est prévu à l’art.1702 c.civ. Dans ce contrat, les coéchangistes transfèrent réciproquement la propriété de certains biens. Il peut arriver que les biens échangés n’aient pas la même valeur, différence qui peut être compensée par le versement d’une somme d’argent appelée soulte. La soulte devant être versée par un coéchangiste peut être supérieure à la valeur du bien dont il transfère la propriété. Par exemple, Dupont échange sa moto d’une valeur de 3 000 € contre une valeur de 10 000 €. Dans ce cas, la soulte devient l’élément principal du contrat et s’analyse en un prix d’achat de sorte à réaliser le transfert de la propriété du bien échangé. Il y a alors contrat de vente.  Cela étant, la distinction entre vente et échange n’a qu’un intérêt résiduel. En effet, l’art.1707 c.civ déclare que les règles de la vente sont applicables à l’échange. L’article énonce que la rescision pour lésion n’a pas lieu dans le contrat d’échange. De plus, la lésion est prise en compte lorsqu’un immeuble est vendu. L’art.1705 c.civ prévoit que la vente immobilière peut être rescindée pour cause de lésion. Mais la lésion n’est pas prise en compte lorsque deux immeubles sont échangés.

            §3. Vente et apport en société

L’associé peut effectuer un apport en numéraire (argent), en industrie (activité), ou en nature (transfert de la propriété d’un bien à la société, en pratique un immeuble ou un fonds de commerce). La différence entre l’apport en nature et la vente réside dans la nature de la contrepartie obtenue par l’apporteur et le vendeur. L’apporteur obtient des parts sociales tandis que le vendeur reçoit le prix.

            §4. Vente et dation en paiement

            La dation en paiement se définit comme la convention par laquelle un créancier, après la naissance de sa créance, accepte de recevoir en paiement de la part de son débiteur une chose ou une prestation différente de celle prévue à l’origine. En pratique, le débiteur doit une somme d’argent à son créancier. S’il n’a pas les fonds, il propose à son créancier de lui transférer la propriété d’un bien. Si le créancier accepte, il y aura conclusion d’une dation en paiement. La dation en paiement n’est pas un contrat de vente. En effet, s’il y a vente, le transfert de propriété trouve sa contrepartie dans le paiement d’un prix par l’acheteur. Or, s’il y a dation en paiement, le débiteur, prétendu vendeur, conclut la convention pour éteindre sa dette (somme d’argent) et non pour obtenir le paiement d’un prix de la part du créancier. La contrepartie n’est pas la même. Ainsi, si la dette à éteindre est nulle, la dation en paiement est nulle et le débiteur peut réclamer la restitution du bien en paiement. En dépit de cette différence qui réside dans la nature de la contrepartie, la dation en paiement ressemble fortement à une vente, soit un contrat translatif de propriété à titre onéreux. C’est ce qui explique que la jurisprudence soumet la dation en paiement aux règles de la vente pour tout ce qui concerne les obligations de garantie du vendeur et la rescision pour lésion en matière immobilière. Dans la dation en paiement, le créancier accepte par la naissance de sa créance de recevoir une chose différente.

            Pour cela, la qualification de dation en paiement est exclue dans le cas où la remise d’un bien est convenue dès l’origine par les parties. Par exemple, les parties concluent la vente d’un véhicule neuf avec reprise d’un véhicule d’occasion. Dans cette hypothèse, la reprise du véhicule d’occasion est convenue dès l’origine, ce dont il résulte qu’il n’y a aucune dation en paiement. Dans ce cas, les parties concluent des ventes réciproques. Le prix du véhicule d’occasion doit se compenser avec le prix du véhicule neuf. La vente du véhicule d’occasion est un accessoire à la vente de véhicule neuf.

SECTION II : Vente et contrat d’entreprise

            Le contrat d’entreprise est celui en vertu duquel une partie s’oblige à rendre à l’autre un service à titre indépendant. En effet, la partie qui rend service n’est pas salariée de celui auquel le service est rendu. Ce service peut consister en une prestation d’entretien, de réparation, de rénovation, de gardiennage, etc. Dans de tels exemples, il n’y a aucun rapport entre contrat d’entreprise et contrat de vente. L’entrepreneur s’oblige à rendre un service et pas à transférer la propriété d’une chose. La difficulté de qualification apparait lorsque le service à rendre réside en la fabrication d’une chose. Lorsqu’un professionnel s’engage à fabriquer une chose, y’a-t-il vente ou contrat d’entreprise ?

            §1. Les immeubles

S’il s’agit de fabriquer un immeuble, le problème de qualification est réglé par une considération arbitraire, celle selon laquelle le sol constitue toujours l’élément principal. À partir de là, tout dépend de la partie qui fournit le sol.

                        A. Sol fourni par le fabricant

            Si le fabricant s’oblige à édifier l’immeuble sur un sol qui lui appartient, le client sera appelé à acquérir la propriété du sol et celle de la construction qui sera édifiée sur ce sol. Le contrat est alors qualifié de vente d’immeuble à construire régie par les art.1601-1 et s. c.civ. En effet, la loi considère que le sol est l’élément principal et que par conséquent le transfert de la propriété du terrain résulte d’un contrat de vente. Cette qualification est en réalité artificielle puisque la prestation principale du vendeur d’immeuble à construire consiste à construire et non pas à transférer la propriété du sol. Le vendeur d’immeuble à construire ne se borne pas à transférer la propriété d’une chose comme un vendeur ordinaire. Il existe donc un écart entre la réalité et la qualification légale. Pour cette raison, la loi rapproche précisément le régime juridique de la vente d’immeuble à construire du régime du contrat d’entreprise. En effet, il résulte de l’art.1646-1 c.civ que le vendeur d’immeuble à construire doit à son client les mêmes garanties que les architectes et entrepreneurs liés au client par un contrat d’entreprise. A contrario, le vendeur d’immeuble à construire ne doit pas les garanties qui pèsent sur les vendeurs.

                        B. Sol fourni par le client

Si le constructeur s’oblige à édifier le bâtiment sur un terrain dont le client est propriétaire, ce contrat de construction est un contrat d’entreprise. Il est évident que le client deviendra propriétaire des constructions, seulement il acquiert la propriété des constructions par la voie de l’accession immobilière. Le client devient propriétaire de l’immeuble au fur et à mesure de son édification sur le terrain dont il est le propriétaire.

 

            §2.  Les meubles

S’agissant des meubles, la première situation pratique est celle dans laquelle le client fournit lui-même les matériaux nécessaires à la fabrication. Dans cette hypothèse, le fabricant n’apportera que son travail sur les matériaux apportés par le client. Il fournit une pure prestation de service d’où la qualification de contrat d’entreprise. Dans la seconde situation, le meuble est édifié et fabriqué à partir de matériaux fournis par le fabricant lui-même. En ce cas, l’hésitation est permise entre la qualification de contrat de vente et de contrat d’entreprise. D’un côté, il faudrait que la propriété du meuble fabriqué soit transférée au client par le fabricant. Mais, d’un autre côté, le fabricant doit effectuer une prestation de service, ce qui évoque le contrat d’entreprise. Traditionnellement, la jurisprudence appliquait un critère d’ordre économique lié à la distinction du principal et de l’accessoire. Il s’agissait de déterminer ce qui avait le plus de valeur entre le travail et les matériaux fournis par le fabricant. Si le travail de fabrication avait plus de valeur que les matériaux, alors la jurisprudence qualifiait le contrat de contrat d’entreprise. Mais si les matériaux avaient plus de valeur que le travail de fabrication, le contrat était qualifié de contrat de vente. En application de ce critère, le contrat conclu entre le client et un restaurateur est un contrat d’entreprise et non de vente de produits alimentaires car le travail de cuisine et de table a plus de valeur au restaurant que les produits qui seront ingérés par le client. Ce critère économique est retenu par la Convention de Vienne de 1980 sur la vente internationale de marchandises.

En revanche, en droit interne, la Cour de cassation applique désormais le critère du standard et du sur-mesure. En application de ce critère, il y a contrat d’entreprise si l’entrepreneur réalise un travail spécifique adapté aux besoins de son client. La qualification de contrat d’entreprise est retenue si le travail accompli est original et requiert des capacités spéciales, peu importe la valeur des matériaux. A contrario, il y a vente si la commande du client ne requiert aucune particularité notable pour le fabricant, si la chose commandée est destinée à être produite en série (élaborée par des normes prédéfinies par le fabricant).

CHAPITRE II : LA FORMATION DE LA VENTE

 

SECTION I :  Le droit de vendre et d’acheter

            La vente et l’achat sont en principe libres. En effet, l’art.1594 c.civ dispose que « tous ceux auxquels la loi ne l'interdit pas peuvent acheter ou vendre ». Mais ce principe de la liberté de vendre et d’acheter supporte des exceptions.

            §1.  Le vendeur

            Pour pouvoir vendre, le vendeur doit avoir la capacité de disposer. Il existe des exceptions spécifiques à la liberté de vendre.

                        A. L’interdiction de vendre

             En premier lieu, l’interdiction de vendre peut résulter de la stipulation d’une clause d’inaliénabilité qui interdit à l’acquéreur d’aliéner la chose. L’art.900-1 c.civ prévoit que la clause d’inaliénabilité est valable si elle est temporaire et justifiée par un intérêt légitime. L’article ne vise que les clauses stipulées dans des actes à titre gratuit. Néanmoins, la jurisprudence affirme qu’une telle clause peut être stipulée dans un acte à titre onéreux sous réserve du respect des conditions édictées à l’art.900-1 c.civ. 

En second lieu, l’interdiction de vendre peut résulter d’une clause d’exclusivité de vente stipulée dans un contrat de distribution commerciale. Dans un contrat de concession commerciale, le concédant attribue une zone géographique de revente au concessionnaire (distributeur revendeur). Ce contrat contient une clause d’exclusivité de vente en vertu de laquelle le concédant s’engage à approvisionner exclusivement le concessionnaire dans la zone géographique attribuée.

            B. L’obligation de vendre

            En principe, nul ne peut être tenu d’une obligation de vendre. En effet, l’art.L.121-11 c.conso interdit au vendeur professionnel de refuser la vente d’un produit à un consommateur sauf motif légitime. Dans les relations entre professionnels, le refus de vente est prohibé s’il est mis au service d’une pratique anticoncurrentielle.

             §2. L’acheteur

 

                        A. L’incapacité d’acheter

L’acheteur doit avoir la capacité de disposer. En outre, l’acheteur fait l’objet d’incapacités spéciales également qualifiées d’incapacités de jouissance. Ces incapacités correspondent à des situations où les textes interdisent à certaines personnes d’acheter les biens d’autres personnes. En effet, l’acheteur potentiel est placé vis-à-vis du vendeur potentiel dans une situation où il pourrait abuser au détriment du vendeur potentiel. Selon le code de l’action sociale et des familles (CASF), les administrateurs, les salariés des établissements psychiatriques ne peuvent acheter les biens de leurs patients dans la durée de leur prise en charge sauf autorisation judiciaire. Cette interdiction s’étend également aux bénévoles. Autre exemple, selon l’art.1596 c.civ le tuteur ne peut acheter les biens de son pupille, le mandataire ne peut acheter les biens qu’il est chargé de vendre.

                        B. Les droits de préemption et de retrait

            Les droits de préemption et de retrait permettent à leurs titulaires de prendre la place de l’acheteur dans un contrat de vente. La préemption joue avant la conclusion de la vente tandis que le retrait s’exerce postérieurement à la vente. Dans la pratique, on parle de préemption pour désigner les deux notions.

            Les droits de préemption sont parfois édictés dans un but d’intérêt général. Par exemple, le droit de préemption immobilier dont les communes peuvent être investies. Dans d’autres cas, ils sont édictés pour protéger un intérêt privé. Par exemple, le propriétaire d’un immeuble à usage d’habitation occupé par un locataire a le droit de résilier le bail pour vendre l’immeuble en lui délivrant un congé pour vendre. Le congé pour vendre doit indiquer au locataire les conditions et le prix de la vente projetée car le locataire doit être investi d’un droit de préemption aux conditions indiquées pour vendre. Autre exemple, les coindivisaires ont un droit de préemption sur la quotepart indivise des autres.

            Les sanctions qui s’appliquent en cas de violation d’un droit de préemption sont variables selon les cas. La vente irrégulière, passée en méconnaissance du droit de préemption, est frappée de nullité. Parfois, le bénéficiaire du droit de préemption aura le droit de se substituer (droit de substitution) à l’acheteur irrégulier. Dans le cas du droit de préemption du locataire, le congé pour vendre est frappé de nullité de sorte que le locataire pourra se maintenir dans les lieux.

                        C. Les clauses d’exclusivité

            Les contrats de distribution commerciale peuvent stipuler des clauses d’exclusivité d’achat plus connues de clauses d’approvisionnement exclusif. Dans ce cas, le revendeur s’engage à ne s’approvisionner qu’auprès de son fournisseur pour certains produits. Le revendeur détaillant perd la liberté de choisir son fournisseur/vendeur. Ces clauses sont dangereuses de sorte que le code de commerce plafonne leur durée.

SECTION II : La rencontre des volontés

            La rencontre des volontés est encadrée par l’art.1583 c.civ qui énonce que la vente est parfaite entre les parties dès qu’elles sont convenues de la chose et du prix. Il en résulte que l’accord sur les éléments essentiels suffit à former la vente. La vente peut donc être conclue instantanément mais pas nécessairement. En effet, la conclusion de la vente peut être aménagée de diverses manières. D’abord, elle peut être conclue sous une condition. Ensuite, elle peut être précédée par un avant-contrat. Enfin, la loi ou le règlement peut offrir aux parties un droit de repentir.

            § 1. La vente conditionnelle

            La condition est définie à l’art.1304 c.civ aux termes duquel «la condition est un évènement incertain et futur dont va dépendre l’existence d’une obligation ». L’incertitude est importante car elle distingue la condition du terme. En effet, le terme est un évènement futur dont la survenance est certaine.

Dans la condition suspensive, la naissance de l’obligation est suspendue à la réalisation de la condition. Autrement dit, l’obligation ne prendra naissance que si l’évènement se produit. Si une vente est conclue sous condition suspensive, les effets de la vente seront suspendus à la réalisation de la condition. Aucune obligation ne prendra naissance tant que la condition ne sera pas réalisée.

Dans la condition résolutoire, la survie de l’obligation est conditionnée à la non-réalisation de l’évènement. Si la condition résolutoire se produit, l’obligation sera anéantie. Ainsi, lorsqu’une vente est conclue sous condition résolutoire, les obligations nées de la vente seront anéanties si la condition se produit. Au contraire, si la condition défaille, le contrat sera purgé de la menace qui planait sur sa survie.

                        A.  La volonté des parties

Les parties peuvent assortir une vente d’une condition résolutoire ou suspensive.

                                    1) Condition résolutoire

             Lorsqu’une vente est conclue sous condition résolutoire, elle produira tous ses effets dans l’immédiat. Autrement dit, l’acheteur deviendra propriétaire de la chose. Mais la condition résolutoire va menacer la survie de la vente. Si la condition résolutoire se réalise, la vente sera rétroactivement anéantie. Si l’évènement conditionnel défaille, la vente sera définitivement consolidée.

Par exemple, un vendeur part à l’étranger pour des raisons professionnelles mais il se peut que son employeur le réaffecte en France. Le vendeur vend alors son appartement en France sous la condition résolutoire de sa réaffectation en France. En pratique, les ventes sont rarement conclues sous condition résolutoire car elles placent l’acheteur dans une situation d’insécurité juridique.

                                    2) Condition suspensive

Lorsqu’une vente est conclue sous condition suspensive, elle ne produira ses effets que si la condition se réalise. Au contraire, si la condition défaille, la vente ne produira aucun effet, elle sera frappée de caducité. Contrairement aux précédentes, les ventes sous condition suspensive sont fréquentes dans la pratique. Ainsi, les ventes immobilières sont conclues sous la condition suspensive que l’acheteur obtienne un prêt pour financer son achat.

En application de l’art.1304-2 c.civ, les parties ne peuvent choisir une condition dont la réalisation dépend de la volonté arbitraire du débiteur. Une telle condition est purement potestative. En vertu de cet article, l’obligation contractée sous une condition purement potestative est nulle, ce qui entraine la nullité du contrat. Le risque d’arbitraire est toutefois écartée si la réalisation de la condition dépend de la volonté du débiteur mais que cette volonté peut être contrôlée sur la base de critères objectifs. Dans ce cas, la condition n’est plus potestative, elle est qualifiée de condition mixte. 

Par exemple, il est convenu d’une vente conclue sous la condition suspensive que l’acheteur vendra dans un certain délai un bien qui lui appartient. Par exemple, un acheteur achète un tableau de Rembrandt à condition de vendre dans l’année suivante son tableau de Renoir. La vente du tableau de Rembrandt est conditionnelle car elle dépend de la volonté de l’acheteur. Cependant, cette condition n’est pas potestative car il est possible de vérifier que l’acheteur a bien engagé des démarches pour vendre un tableau et si un tiers s’est ou non manifesté pour acheter ce tableau. Autre exemple, la vente conclue sous la condition suspensive d’obtention d’un prêt par l’acheteur. Cette condition dépend de la volonté de l’acheteur.  S’agit-il pour autant d’une condition potestative ? La réponse est négative car il est possible de vérifier si l’acheteur a fait une demande de prêt et si une banque a accepté la demande de prêt de l’acheteur. Il s’agit à nouveau d’une condition mixte.

Les conditions suspensives mixtes illustrées plus haut suscitent toutefois un problème. L’acheteur peut faire exprès de faire défaillir la condition pour ne pas conclure la vente. Par exemple, l’acheteur ne fait aucune démarche pour vendre son Renoir ou pour obtenir un prêt ou décline l’offre d’achat de son tableau faite par un tiers ou décline une offre de prêt.  Pour prévenir ces comportements, il faut prévoir une sanction. L’art.1304-4 c.civ édicte en substance que la condition est réputée accomplie si la partie obligée sous cette condition en a empêché l’accomplissement. Ainsi, l’acheteur qui fait exprès de faire défaillir la condition suspensive sera pris à son propre piège car la vente sera réputée comme conclue.

                        B. La loi

            Il arrive que l’acheteur finance le prix d’achat au moyen d’un prêt. Dans ce cas, deux contrats ont vocation à être conclus, à savoir la vente et le prêt servant à financer l’acquisition. À l’origine, la jurisprudence a décidé que ces contrats étaient indépendants, ce dont il résultait que l’acheteur qui concluait la vente mais n’obtenait pas le prêt devait tout de même payer le prix. Réciproquement, l’acheteur qui obtenait le prêt mais qui ne concluait pas la vente devait rembourser le prêt en payant les intérêts. Cet inconvénient pouvait alors être surmonté par la stipulation d’une condition suspensive. La vente pouvait être conclue sous la condition suspensive (condition mixte) de l’obtention du prix.

Cependant, ce remède était d’une efficacité limitée. D’abord, les parties n’y pensaient pas forcément. Ensuite, le vendeur pouvait refuser l’insertion d’une condition suspensive. Enfin, la stipulation d’une condition suspensive était inefficace si la vente n’était pas conclue ou si elle était annulée après l’obtention du prêt. Cela explique l’intervention du législateur dans le secteur des crédits immobiliers aux consommateurs par la loi de 1979. Depuis lors, l’acheteur qui a recours à l’emprunt pour financer son acquisition immobilière est alors protégé par le jeu d’une condition suspensive imposée par la loi.

Sauf renonciation de l’acheteur, la vente est de plein droit subordonnée à la condition suspensive de l’obtention du prêt (art.L.313-31 c.conso). Réciproquement, le prêt est lui-même soumis à la condition résolutoire de la non-conclusion de la vente (art. L.313-36 c.conso).

            §2. Les avant-contrats

                        A. La promesse unilatérale

La promesse unilatérale de contrat n’était pas prévue par le Code civil avant la réforme de 2016. Désormais, elle est visée à l’art.1124 c.civ au sein du droit commun des contrats. En effet, la promesse unilatérale de contrat peut précéder la conclusion de toute sorte contrat. Cela étant, seule la promesse unilatérale préparatoire à la vente nous intéresse ici.

            Cette promesse unilatérale se définit comme un contrat en vertu duquel un promettant s’oblige envers un bénéficiaire à conclure la vente si ce bénéficiaire opte en ce sens. Le bénéficiaire dispose d’un droit d’option quant à la conclusion de la vente. À partir de là, il existe deux variantes symétriques de promesses préparatoires à la vente. La première variante a trait à la promesse unilatérale d’achat qui est celle dans laquelle le promettant s’oblige à acheter un bien si le bénéficiaire se décide à le vendre. Cette variante est extrêmement rare. Par exemple, les ventes avec emballage consigné dans lesquelles le client peut ramener les emballages au commerçant qui sera alors tenu de les acheter. Dans cette hypothèse, le client est le bénéficiaire de la promesse.

            La seconde variante est la promesse unilatérale de vente qui est d’une très grande importance dans la pratique. Elle est répandue lorsque le bien à vendre est un immeuble ou un fonds de commerce. Dans ce cas, le promettant s’oblige à vendre un bien si le bénéficiaire opte pour l’achat.

                                    1) Caractéristiques de la promesse unilatérale de vente

                                                a) Nature contractuelle de la promesse

L’art.1124, al.1er c.civ définit la promesse unilatérale comme un contrat en vertu duquel le promettant accorde au bénéficiaire un droit d’option quant à la conclusion d’un contrat futur. La promesse unilatérale n’est ni plus ni moins qu’un contrat. La nature contractuelle de la promesse implique que le promettant est irrévocablement engagé dès le stade de la promesse. La promesse unilatérale de vente contient le consentement irrévocable du promettant à la vente future. Elle fixe le consentement du promettant à la vente. Le bénéficiaire de la promesse va conserver sa liberté puisqu’il dispose d’un droit d’option en ce sens qu’il peut lever l’option (conclure la vente) ou décliner l’option (renoncer à la vente).

            Lorsqu’une promesse unilatérale est conclue, il ne manque qu’un élément pour que la vente soit conclue, à savoir le consentement de l’acheteur.

                                                b) Caractère gratuit ou onéreux

            La promesse unilatérale de vente est à titre gratuit si la promesse ne comporte aucune contrepartie à la charge du bénéficiaire. En pratique, les promesses de vente d’immeuble ou de fonds de commerce sont toujours conclues à titre onéreux. En effet, il est prévu que le bénéficiaire devra payer une somme d’argent (entre 5-10 % du prix d’achat) s’il ne lève pas l’option. Cette somme est qualifiée par la pratique d’indemnité d’immobilisation. En effet, le promettant s’oblige à immobiliser son bien pendant la durée de sa promesse. En réalité, cette indemnité correspond au prix qui doit être payé par le bénéficiaire pour le service qui lui est rendu par le promettant.

Lorsqu’une indemnité est prévue, la promesse unilatérale de vente met un engagement à la charge du bénéficiaire qui devra verser l’indemnité s’il ne lève pas l’option. Cet engagement n’est pas symétrique à celui du promettant. En effet, seul le promettant est tenu de vendre, le bénéficiaire n’étant pas tenu d’acheter. Pour cette raison, même si une indemnité est prévue, la promesse demeure unilatérale. On peut dire que la promesse unilatérale à titre onéreux est incluse dans un contrat synallagmatique.

                                    2)  Conditions de formation de la promesse unilatérale de vente

                                                a) Conditions de fond

            Dans la promesse unilatérale, il ne manque qu’un élément pour la formation du contrat projeté à savoir le consentement du bénéficiaire. Il en résulte deux conséquences. D’une part, la promesse unilatérale doit d’ores et déjà définir les éléments essentiels du contrat futur. S’agissant d’une promesse unilatérale de vente, celle-ci doit définir la chose vendue et le prix. D’autre part, la capacité de disposer du promettant s’apprécie au jour où il conclut la promesse unilatérale de vente car cette promesse l’oblige d’ores et déjà à vendre. En revanche, la capacité de disposer du bénéficiaire s’apprécie au moment de la levée de l’option.

                                                b) Conditions de forme

            L’art.1589-2 c.civ s’applique aux promesses unilatérales de vente d’immeubles ou de fonds de commerce. Il résulte de ce texte que les ventes d’immeubles doivent être constatées par acte authentique ou par un acte sous seing privé enregistré dans les 10 jours suivant sa conclusion. Cette formalité ainsi édictée est requise à peine de nullité. Elle s’impose également en cas de cession de la promesse.

                                                c) Conditions d’opposabilité

            Le décret du 4 janvier 1955 sur la publicité foncière soumet les actes juridiques translatifs de propriété immobilière aux formalités de publicité foncière. Le défaut de publicité est sanctionné par l’inopposabilité aux tiers de l’acte juridique. L’art.37-1 du même décret exempte les promesses unilatérales de vente immobilière de cette publicité obligatoire. Il prévoit seulement que cette promesse peut être facultativement publiée à des fins d’information des tiers.

                                    3) Les stipulations de la promesse

            Les promesses peuvent stipuler une indemnité d’immobilisation ou une faculté de substitution. 

                                                a) L’indemnité d’immobilisation

            En principe, les promesses unilatérales sont conclues à titre onéreux de sorte que le bénéficiaire devra une indemnité d’immobilisation s’il ne lève pas l’option. En pratique, cette indemnité est immédiatement versée au promettant. À partir de là, elle restera acquise au promettant si le bénéficiaire décline l’option. À l’inverse, elle s’imputera sur le prix de vente si le bénéficiaire lève l’option.

                                                            i. Nature juridique

L’indemnité d’immobilisation représente le prix du service rendu par le promettant au bénéficiaire. En effet, il s’interdit de vendre le bien à un tiers pendant la durée de la promesse. À partir de là, l’indemnité est le prix de l’option qui est accordée au bénéficiaire. A contrario, l’indemnité d’immobilisation ne s’analyse pas en une clause pénale mise à la charge du bénéficiaire. La clause pénale est celle qui stipule un forfait de dommages-intérêts à la charge débiteur pour le cas où il manquerait à ses obligations.  Or, le bénéficiaire de la promesse est libre de ne pas acheter, il ne viole aucune obligation. Par conséquent, le régime spécial des clauses pénales est inapplicable aux clauses qui prévoient une indemnité d’immobilisation.

                                                            ii. Régime

            Il peut arriver que la promesse stipule une indemnité d’immobilisation extrêmement élevée (90% du prix du bien) de telle sorte que le bénéficiaire est privé de sa liberté de ne pas acheter. En effet, on pourrait considérer que la promesse contient l’engagement de vendre du promettant mais aussi l’engagement d’acheter du bénéficiaire. Elle se transformera en une promesse synallagmatique de vente, autrement dit, une vente ferme et définitive. Sur cette question, la jurisprudence est indécise.

L’art.1589-1 c.civ frappe de nullité « tout engagement unilatéral souscrit pour l’acquisition d’un droit immobilier lorsqu’il est exigé un versement de celui qui s’engage ». Cet article ne vise pas les promesses unilatérales de vente puisque le bénéficiaire ne s’engage pas à acheter. Ce texte ne concerne que les promesses unilatérales d’achat. Cet article ne s’applique pas non plus aux offres d’achat qui ne constituent pas un engagement unilatéral.

            Enfin, ces promesses de vente peuvent être stipulées sous une condition suspensive notamment de l’obtention d’un prêt ou d’une autorisation administrative. Si la condition se réalise, la promesse produira ses effets normaux. Si la condition défaille, la promesse sera caduque, ce dont il résulte que le bénéficiaire aura droit à la restitution de l’indemnité d’immobilisation versée.

                                                b) La clause de substitution

            En rappel, la promesse unilatérale est un contrat. Or, le contrat est transmissible mortis causa sauf s’il est intuitu personae. Le parties peuvent stipuler une clause de substitution par laquelle le bénéficiaire se réverse le droit de se substituer un tiers qui bénéficiera alors de l’option. La jurisprudence considère que la substitution ne s’analyse pas en une cession de la promesse et qu’elle n’est pas soumise à l’art.1589-2 c.civ lequel exige que la promesse ou sa cession soit enregistrée dans les 10 jours de l’acte.

            Mais cette jurisprudence est contestable. La substitution correspond bien à une cession de la promesse car le tiers substitué va recueillir le droit d’option du bénéficiaire initial. C’est ce qu’on appelle la cession de contrat prévue à l’art.1216 c.civ.

                                    4) Effets de la promesse unilatérale de vente

                                                a) La durée de la promesse

            La promesse est stipulée pour une durée dont il appartient aux parties de fixer. Lorsque la durée fixée est expirée, la promesse sera caduque. Il peut arriver en pratique que les parties omettent de stipuler la durée de la promesse. Dans ce cas, il est impossible de considérer que les parties sont liées à perpétuité. La jurisprudence prévoit que le promettant peut mettre le bénéficiaire en demeure de lever l’option dans un délai raisonnable à l’expiration duquel la promesse sera caduque.

En outre, l’art.L.290-1 du code de la construction et de l’habitation prévoit que la promesse unilatérale de vente immobilière consentie par une personne physique ne peut avoir une durée totale de plus de 18 mois. La promesse qui dépasse cette durée est atteinte de nullité sauf si elle est constatée par acte notarié.

                                                b) La violation de la promesse

                                                            i. La rétractation du promettant

Il y a rétractation si le promettant fait savoir au bénéficiaire pendant le délai d’option qu’il ne souhaite plus vendre. Cette situation est, depuis la réforme de 2016, prévue à l’art.1124, al.3 c.civ qui dispose que la révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat. Cette disposition renverse la jurisprudence antérieure qui jugeait que la rétractation du promettant empêchait la conclusion de la vente. Le promettant engageait simplement sa responsabilité contractuelle. La solution légale est conforme à la nature juridique de la promesse.  La promesse unilatérale contient le consentement du promettant à la vente. Corrélativement, le bénéficiaire dispose d’un droit d’option (droit de conclure la vente ou de la décliner). Ce droit d’option conféré au bénéficiaire résulte d’un contrat. Dans la mesure où il s’agit d’un droit contractuel, il est irrévocable. Ce qui a été fait à deux ne peut être défait par un seul. 

            D’un point de vue théorique, le droit d’option dont est investi le bénéficiaire, se range dans la catégorie des droits potestatifs. Le droit potestatif se définit comme celui qui confère à son titulaire le pouvoir d’agir unilatéralement sur une situation juridique préexistante soit pour la modifier soit pour l’éteindre soit pour en créer une nouvelle. En l’occurrence, le bénéficiaire peut transformer la promesse de vente en une vente ferme et définitive. Il est bien investi d’un pouvoir potestatif. Le droit potestatif ainsi défini a une nature juridique propre, ce n’est ni un droit de créance ni un droit réel.

                                                            ii. La cession du bien objet de la promesse

            Dans cette hypothèse, le promettant cède la propriété du bien objet de la promesse pendant le délai de l’option. Évidemment, le promettant qui réalise une telle cession commet une violation de la promesse et engagera alors sa responsabilité contractuelle à l’égard du bénéficiaire qui pourra obtenir des dommages-intérêts. Mais peut-il remettre en cause la vente irrégulière conclue entre le promettant et le tiers ? De deux choses, l’une. Si le tiers est de bonne foi, la cession irrégulière sera inattaquable. Le tiers de bonne foi est celui qui ignorait l’existence de la promesse unilatérale de vente. En ce cas, le bénéficiaire devra s’en tenir à son action en responsabilité contractuelle. Mais si le tiers est de mauvaise foi, l’art.1124, al.3 dispose que le bénéficiaire peut demander la nullité de la cession irrégulière.

La publication facultative des promesses unilatérales de vente immobilière peut ici présenter un intérêt. En effet, cette publication permet au bénéficiaire d’établir la mauvaise foi du tiers acquéreur d’où l’intérêt de publier la promesse unilatérale de vente même si elle n’est pas obligatoire.

                                                b) Le dénouement de la promesse

            Naturellement, la promesse sera caduque si le bénéficiaire ne lève pas l’option dans le délai. Dans ce cas, le promettant pourra conserver l’indemnité d’immobilisation ou en exiger le paiement s’il n’en a pas reçu le versement au moment de la promesse. À l’inverse, la vente sera conclue si le bénéficiaire lève l’option dans le délai.

                                                            i. La date de conclusion de la vente

            Le promettant consent à la vente au moment de la conclusion de la promesse unilatérale de vente. En revanche, le consentement du bénéficiaire à la vente n’interviendra qu’au jour de la levée de l’option. Les deux consentements sont décalés dans le temps. Nécessairement, la conclusion de la vente est retardée au jour de la levée d’option, d’où une double conséquence.

            En premier lieu, le bénéficiaire ne devient propriétaire du bien qu’au jour de la levée de l’option. En second lieu, c’est au jour de la levée de l’option qu’il faut se placer pour déterminer si la vente immobilière est ou non entachée de lésion.

                                                            ii. La défaillance du promettant postérieure à la levée de l’option

            En matière immobilière, le bénéficiaire lève l’option mais le vendeur refuse de se présenter devant le notaire pour signer l’acte authentique de vente. Or, la signature de l’acte notarié est indispensable pour que l’acheteur puisse publier la vente. Seuls les actes authentiques sont susceptibles de publication au fichier immobilier. Or, la vente immobilière qui n’est pas publiée est inopposable aux tiers. Pour y remédier, l’art.37 du décret du 4 janvier 1955 instaure une procédure de pré-notation qui permet à l’acheteur de surmonter la défaillance du vendeur.

            En résumé, l’acheteur peut faire publier à son choix soit un procès-verbal notarié constatant la défaillance du vendeur soit une demande en justice tendant à l’obtention de la signature de l’acte notarié. Cette première publication assure une opposabilité provisoire de la vente. À partir de là, l’acheteur dispose d’un délai de 3 ans renouvelable pour obtenir un acte notarié de vente soit un jugement qui tiendra lieu d’acte authentique de vente. Il suffira à l’acheteur de publier cet acte notarié ou ce jugement pour assurer l’opposabilité définitive de la vente aux tiers.

                                     5) Promesses unilatérales et ventes sous réserve d’approbation

Il existe deux ventes sous réserve d’approbation. L’art.1587 c.civ se rapporte aux ventes à l’agréage/à dégustation qui supposent que l’acheteur, avant la conclusion du contrat, agrée la marchandise. Par exemple, le vin ou l’huile. S’agit-il d’une vente à condition suspensive ? La réponse est négative car l’acheteur peut de manière discrétionnaire refuser la vente. Seul le consentement de l’acheteur manque pour la formation de la vente. Le consentement d’une partie est un élément essentiel qui ne peut s’analyser en une condition. La condition est une modalité du contrat sans laquelle le contrat pourrait tout de même être conclu. La vente à l’agréage n’est rien d’autre qu’une application particulière du mécanisme de la promesse unilatérale de vente. En effet, l’acheteur est investi d’un droit d’option.

L’art.1588 c.civ se rapporte à la vente à l’essai. L’acheteur a le droit d’essayer la chose pendant un certain temps afin d'en tester les qualités. Pour qu’il y ait une telle vente, il faut que l’essai porte sur les qualités objectives de la chose. Autrement dit, l’acheteur doit pouvoir vérifier que la chose présente les qualités promises et les caractéristiques affichées. A contrario, l’essai ne saurait porter sur des qualités subjectives sinon on retomberait sur la qualification de vente à l’agréage. L’art.1588 c.civ présume que cette vente est faite sous condition suspensive. Autrement dit, la vente est conclue sous condition suspensive que l’essai soit concluant.

                        B. La promesse synallagmatique

Dans l’hypothèse d’une promesse synallagmatique, les parties consentent d’ores et déjà au contrat définitif. Elle n’est pas une promesse unilatérale. En quoi la promesse synallagmatique de vente se distingue de la vente ? L’art.1589 c.civ assimile la promesse synallagmatique à la vente car il énonce que la promesse de vente vaut vente lorsqu’il y a consentement réciproque des deux parties. La promesse synallagmatique de vente n’est rien qu’une vente. Ce principe d’assimilation de la promesse synallagmatique à la vente est assorti d’un tempérament jurisprudentiel.

1                                    1) Le contexte

            La vente est un contrat consensuel en ce qu’elle se forme dès lors que les parties tombent d’accord sur la chose et sur le prix. Les ventes mobilières comme immobilières sont consensuelles. Si la vente est immobilière, l’acheteur aura intérêt à la publication de la vente sur le registre de la publicité foncière. Si la vente n’est pas publiée, l’acheteur ne pourra pas opposer son droit de propriété aux tiers qui émettraient des prétentions concurrentes sur l’immeuble considéré. Or, l’accomplissement de la publicité implique la signature d’un acte authentique. En pratique, en matière immobilière, les parties peuvent procéder par étapes. Dans un premier temps, elles concluent un compromis de vente qui désigne un acte sous seing privé qui constate l’accord des parties dans l’attente de la signature de l’acte notarié laquelle est indispensable pour l’accomplissement de la formalité de publicité. Dans un second temps, les parties se rendent chez le notaire pour signer l’acte notarié de vente. C’est dans ce cas que l’on peut s’interroger sur la nature juridique du compromis de vente.

                                    2) La position de la jurisprudence

            La jurisprudence opère une distinction. Le compromis de vente peut valoir soit vente à terme soit promesse synallagmatique autonome.

                                                a) La vente à terme

            Le compromis de vente équivaut à une vente à terme lorsque l’acte stipule que les effets de la vente seront différés jusqu’à la signature de l’acte notarié. Dans ce cas, la jurisprudence considère que la signature de l’acte notarié s’analyse en un terme suspensif. Autrement dit, le transfert de la propriété n’aura lieu que le jour où la vente sera signée devant le notaire. Symétriquement, c’est au jour de la signature de l’acte que le prix de la vente immobilière sera exigible.

Une difficulté pratique peut se présenter lorsqu’une des parties ne se présente pas devant le notaire le jour de la signature de l’acte. Si l’acheteur est défaillant, le vendeur pourra agir en résolution de la vente aux torts de l’acheteur. Si le vendeur est défaillant, l’acheteur aura un choix. D’une part, il pourra demander la résolution de la vente aux torts du vendeur. D’autre part, il peut aussi observer la procédure de pré-notation prévue par le décret du 4 janvier 1955.

                                                b) La promesse synallagmatique autonome

La jurisprudence retient la qualification de promesse synallagmatique autonome si le compromis prévoit que la vente ne sera formée que le jour où les parties signeront l’acte notarié. Dans cette hypothèse, la signature de l’acte notarié n’est pas un terme suspensif en ce qu’il ne se borne pas à retarder les effets de la vente mais conditionne la formation de la vente. Un tel compromis donne naissance à une obligation de faire à la charge de chacune des parties, obligation de se rendre devant le notaire pour signer l’acte notarié. Si l’une des parties se dérobe, elle engagera sa responsabilité contractuelle, seule sanction envisageable en cas de refus de l’une des parties de signer l’acte notarié. Cependant, cette défaillance va empêcher la formation de la vente.

                        C. Le pacte de préférence

Le pacte de préférence n’était pas prévu par le Code civil. Depuis la réforme de 2016, il figure à l’art.1123 c.civ. Tout comme la promesse unilatérale, le pacte de préférence peut précéder la conclusion de tout contrat. C’est pourquoi il est réglementé dans la partie du Code civil consacrée au droit commun des contrats. Seul le pacte préparatoire à la vente nous intéresse ici. En vertu du pacte de préférence, le promettant s’engage à proposer en priorité au bénéficiaire de conclure avec lui un contrat de vente sur un bien déterminé pour le cas où il se déciderait à vendre. Dans un tel pacte, le promettant ne s’engage pas à vendre, d’où la différence avec la promesse unilatérale de vente. Le promettant s’oblige seulement à proposer en priorité au bénéficiaire la conclusion d’une vente future et éventuelle. Le bénéficiaire est investi d’un droit de priorité sur les tiers si le promettant se décide à vendre. Ce droit de priorité s’analyse en un droit de préemption de source conventionnelle.

                                    1) Conditions

                                                a) Conditions de fond

Pour être valable, le pacte de préférence doit obéir à 3 conditions de fond.  En premier lieu, le bien qui fait l’objet du pacte doit être déterminé ou déterminable. À défaut, il serait nul pour indétermination de son objet. En deuxième lieu, il n’est pas requis que le pacte fixe le prix de vente car le promettant ne s’engage pas à vendre. Il suffit que le prix soit fixé au moment où le promettant met la chose en vente s’il se décide à vendre. En troisième lieu, en règle générale, le pacte est prévu pour un temps. Il est assorti d’un terme extinctif à l’expiration duquel il cessera de produire ses effets. Cependant, la jurisprudence admet que le pacte peut être consenti sans limitation de durée. Dans ce cas, le promettant reste tenu aussi

refuser de retirer la chose s’il estime qu’elle n’est pas conforme. En pratique, on parle de laisser pour compte. Si le vendeur estime que le laisser pour compte est injustifié, il devra prendre l’initiative d’introduire une action en résolution de la vente avec dommages-intérêts aux torts de l’acheteur. C’est une application de l’exception d’inexécution prévue à l’art.1219 c.civ. En effet, l’acheteur refuse d’exécuter son obligation de retirement en raison du manquement qu’il reproche au vendeur.

Le vendeur peut-il stipuler une clause limitative ou exonératoire de responsabilité en cas d’inexécution de son obligation de délivrance ? La réponse est négative dans les rapports entre professionnel et consommateur car l’art.R.212-1 c. consom répute non écrites les clauses qui limitent ou exonèrent la responsabilité d’un professionnel envers un consommateur. Dans les rapports entre professionnels et entre particuliers, il n’est pas sûr qu’une telle clause puisse être stipulée en cas de manquement à l’obligation de délivrance car l’art.1170 c.civ répute non écrite toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur. Or, l’obligation de délivrance est une obligation essentielle du vendeur.

                        B.  La garantie d’éviction

La garantie d’éviction est prévue à l’art.1625 c.civ duquel il résulte que le vendeur doit garantir à l’acheteur la possession paisible de la chose vendue.

                                    1) La garantie du fait personnel

La garantie du fait personnel est prévue à l’art.1628 c.civ selon lequel il est interdit au vendeur de reprendre par une voie détournée ce qu’il a vendu à l’acheteur. À partir de là, la garantie du fait personnel couvre aussi bien les troubles de fait et les troubles de droit. Il y a trouble de fait si le vendeur porte atteinte par son activité matérielle à la jouissance paisible de la chose. Par exemple, il y a trouble de fait si le vendeur d’un fonds de commerce détourne la clientèle du fonds vendu même après l’expiration d’une clause de non-concurrence.

Il y a trouble de droit lorsque le vendeur conteste le droit qu’il a transmis à l’acheteur. Par exemple, le vendeur a conservé la possession d’une partie de l’immeuble vendu tant et si bien qu’il finit par évoquer la prescription acquisitive pour récupérer la parcelle possédée. L’acheteur pourra écarter cette prétention en invoquant une exception de garantie du fait personnel, exception perpétuelle.

La garantie du fait personnel n’interdit pas au vendeur de soulever la nullité de la vente ou d’invoquer la résolution de la vente. En pareil cas, le vendeur s’attaque à la force obligatoire du contrat de vente. Or, la garantie d’éviction est un effet de la vente, elle suppose donc que la vente ait une force obligatoire. Cette garantie du fait personnel est d’ordre public.

                                    2) La garantie du fait des tiers

La garantie du fait des tiers est prévue à l’art.1626 c.civ.

                                                1)  Les conditions

                                                            a) Conditions de fond

                                                                        i. Les troubles garantis

En premier lieu, la garantie du fait des tiers ne couvre pas les troubles de fait émanant de tiers. Si l’acheteur subit un trouble de fait qui émane d’un tiers, il doit assurer lui-même sa défense. Cette garantie ne couvre que les troubles de droit émanant de tiers. Le trouble de droit se définit comme une contestation soulevée par un tiers quant au droit de propriété acquis par l’acheteur.

En deuxième lieu, la garantie du fait des tiers ne couvre que les troubles de droit imputables au vendeur. En effet, l’acheteur ne peut rien reprocher au vendeur s’il a lui-même laisser se développer un droit qui contrarie le sien. On dit également que le trouble de droit doit avoir une cause antérieure à la vente. Mais cette formulation n’est pas entièrement satisfaisante. Par exemple, le vendeur a vendu un immeuble à deux acheteurs successifs mais le second l’emporte parce qu’il a été le premier à publier l’acte de vente au fichier immobilier. La cause de ce trouble est postérieure à la vente. Cependant, le trouble est imputable à l’activité du vendeur, ce dont il résulte qu’il sera tenu à la garantie d’éviction.

En troisième lieu, l’action en garantie du fait des tiers est ouverte dans 3 cas de figure prévus à l’art.1626 c.civ. D’abord, l’action en garantie est ouverte en cas d’éviction totale (le tiers invoque un droit de propriété sur tout l’immeuble). Ensuite, l’action en garantie est ouverte en cas d’éviction partielle (le tiers invoque un droit de propriété sur une partie de l’immeuble). Enfin, elle couvre les charges non déclarées (droit qui diminue la valeur du bien vendu, par exemple une servitude ou un bail consenti à un tiers). L’acheteur peut invoquer la garantie s’il découvre que l’immeuble vendu était grevé d’une charge dont le vendeur ne l’avait pas informé.

                                                                        ii. La bonne foi de l’acheteur

L’acheteur ne peut invoquer la garantie d’éviction que s’il ignorait l’existence du droit susceptible d’être invoqué par le tiers sur le bien vendu. L’art.1638 c.civ se rapportant à l’hypothèse des servitudes prévoit que la garantie ne couvre que les servitudes qui n’étaient pas apparentes. Une servitude apparente n’a pas à être déclarée par le vendeur. Néanmoins, le vendeur ne bénéficie d’aucune tolérance au-delà de cette hypothèse, deux solutions doivent être mentionnées.

En toute matière, la bonne foi de l’acheteur est présumée, ce dont il résulte qu’il appartient au vendeur de prouver que l’acheteur connaissait l’existence du droit litigieux. S’agissant des droits immobiliers, la jurisprudence considère que leur publication au fichier immobilier ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi de l’acheteur. Dès lors, la publication du droit réel immobilier considéré ne dispense pas le vendeur de le déclarer à l’acheteur.

                                                            b) Conditions de mise en œuvre

L’acheteur peut appeler son vendeur en garantie lors de l’action intentée par le tiers. On parle de garantie incidente. L’intérêt est que le juge se prononce dans un même jugement à la fois sur l’action exercée par le tiers contre l’acheteur et sur la garantie due par le vendeur. L’acheteur peut aussi se défendre seul contre le tiers qui agit contre lui et exercer a posteriori l’action en garantie. On parle de garantie principale. Mais cette manière de faire est très risquée car l’art.1640 c.civ décide que le vendeur sera déchargé si l’acheteur s’est mal défendu vis-à-vis du tiers.

                                       2) Les effets de la garantie

                                                    a) Éviction totale

L’acheteur pourra se voir restituer le prix avec une règle d’évaluation à son avantage. En effet, si le bien a pris de la valeur depuis la vente, le vendeur devra la plus-value tandis que si la chose a perdu de la valeur, l’acheteur ne supportera pas la moins-value. L’acheteur a droit à tous dommages et intérêts.

                                                    b) Éviction partielle

L’acheteur peut invoquer la résolution du contrat s’il prouve qu’il n’aurait pas conclu la vente s’il avait connu le risque d’éviction. Les règles d’évaluation prévues pour l’éviction totale sont aussi applicables. Si la vente n’est pas résolue, l’acheteur a le droit de se faire rembourser la valeur de la parcelle dont il est évincé, valeur appréciée au jour de l’éviction.

                                                    c) Charges non déclarées

L’acheteur peut demander la résolution s’il prouve qu’il n’aurait pas conclu la vente s’il avait connu l’existence de la charge. À défaut de résolution, l’acheteur aura droit à des dommages-intérêts.

                                                    d) Clauses relatives à la garantie

Cette garantie n’est pas d’ordre public, ce dont il résulte que les parties peuvent restreindre voire exclure la garantie du fait des tiers. En application du droit commun, la clause restrictive sera inefficace en cas de dol du vendeur. En outre, la clause de non-garantie ne peut pas dispenser le vendeur de restituer le prix à l’acheteur évincé par un tiers sauf si l’acheteur avait acquis le bien en connaissance du risque d’éviction.

                          C. La garantie des vices cachés
                                       1) Conditions de fond

La garantie des vices cachés est écartée pour les ventes par autorité de justice (art.1649 c.civ). Les conditions de fond tiennent à l’appréciation du vice et du caractère du vice.

 

                                                    a) Appréciation du vice

                                                                 i. Les conséquences du vice

Il résulte de l’art.1641 c.civ que la garantie couvre deux sortes de vices. D’une part, les vices qui rendent la chose inutilisable (vices rédhibitoires) et, d’autre part, les vices qui diminuent tellement l’usage de la chose que l’acheteur ne l’aurait pas acheté ou l’aurait acheté pour un moindre prix (vices non-rédhibitoires). Dans les deux cas, le vice s’apprécie par rapport à l’usage auquel on destine la chose. L’usage du pronom personnel « on » implique que l’usage auquel est destiné s’apprécie in abstracto sans avoir égard à la volonté des parties.  Par exemple, une voiture a pour usage objectif de rouler. Elle sera viciée si elle ne démarre pas. De même, une imprimante qui n’imprime pas est viciée. Néanmoins, il n’est pas toujours possible de faire abstraction de la volonté des parties. Par exemple, un terrain est vendu et peut remplir plusieurs usages. Il peut être vendu comme terrain agricole ou à bâtir. Si le terrain vendu est inconstructible en raison d’un vice du sol, il sera vicié s’il a été vendu comme un terrain à bâtir.

Si l’acheteur veut faire un usage non-conforme à la destination objective, deux possibilités. Si l’acheteur n’informe pas le vendeur, il n’aura alors aucune action contre son vendeur si la chose est impropre à remplir l’usage particulier qu’il avait en vue. Si l’acheteur l’en avait informé et que la chose est inapte à l’usage, l’acheteur ne peut agir sur le fondement des vices cachés et devra engager la responsabilité du vendeur soit pour manquement à son obligation de délivrance soit pour manquement au devoir de conseil.

                                                                              ii. L’origine du vice

La garantie est en cause dès lors que la chose ne peut remplir son usage en raison d’un vice qui lui est inhérent. Autrement dit, les qualités de la chose sont en cause. Par exemple, une machine affectée d’un défaut de conception, ou d’un défaut de fabrication, logiciel infecté par un virus, immeuble infesté par des termites qui en affectent la salubrité ou la solidité, denrées alimentaires toxiques en raison de la présence de bactéries.

À l’inverse, la chose n’est pas viciée si son dysfonctionnement s’explique par son incompatibilité avec une autre chose en la possession de l’acheteur. Dans ce cas, l’obligation d’information du vendeur est en cause. A priori, il appartient à l’acheteur de prouver l’existence du vice et peut le cas échant faire nommer un expert en justice. Cependant, il peut arriver que le dysfonctionnement de la chose ne puisse s’expliquer autrement que par un vice caché. Dans ce cas, l’acheteur bénéficiera d’une présomption de fait relative à l’existence du vice.

Le vice doit-il nécessairement être inhérent à la chose ? La 3e chambre civile de la Cour de cassation répond par la négative en considérant qu’un vice caché pouvait être extérieur à la chose. Il s’agit de la vente d’une maison d’habitation située près d’une plage où venaient s’échouer des algues toxiques. La Cour de cassation a admis que ce phénomène naturel, extérieur à l’immeuble, pouvait être qualifié de vice caché. Cette solution est critiquable car l’art.1641 c.civ vise clairement les défauts cachés de la chose vendue. Corrélativement, les problèmes relatifs à l’environnement de la chose devraient être traités sur le terrain des vices du consentement. Le vendeur qui dissimule une information essentielle relative à la chose commet un dol pouvant conduire à la nullité de la vente. 

                                                    b) Caractères du vice

                                                                 i. Le caractère caché

Le vice doit être caché. Il résulte de l’art.1642 c.civ que le vendeur n’est pas tenu des vices apparents que l’acheteur a pu lui-même constater. Cet acheteur devra refuser de prendre livraison de la chose ou émettre des réserves.

D’abord, pour déterminer un vice apparent, l’acheteur doit avoir été en mesure d’en déceler non seulement l’existence mais également son importance. Les conséquences dommageables potentielles du vice doivent être immédiatement perceptibles. Ensuite, le juge prend en considération la qualité de l’acheteur. Les juges seront plus exigeants envers un acheteur professionnel qu’un acheteur profane. Le professionnel doit faire les vérifications qu’il est normal d’attendre de lui compte tenu de ses compétences. Enfin, l’acheteur d’une chose d’occasion doit faire un contrôle plus approfondi de la chose avant de prendre livraison.

                                                                 ii. L’antériorité à la vente

Pour que la garantie soit due, il faut que le vice soit antérieur à la vente. L’antériorité à la vente signifie que le vice doit être antérieur au transfert de la propriété de la chose. Il doit avoir existé en germe au moment du transfert de la propriété, peu importe que les conséquences dommageables du vice ne se manifestent qu’ultérieurement. L’acheteur doit prouver l’antériorité et aura l’obligation de recourir à une expertise. Dans certains cas, il peut bénéficier d’une présomption de fait.

 
                                       2)  Conditions de mise en œuvre

                                                    a) Délai pour agir

Le délai pour agir donne lieu à une jurisprudence récente, complexe et contradictoire. Il faut rappeler des données relatives à la prescription civile. La prescription civile est le délai imparti pour agir en justice en matière civile. En droit commun, le délai est de 5 ans à compter du jour où le droit est devenu exigible. Ce délai quinquennal est prévu à l’art.2224 c.civ repris à l’art. L.110-4 c.com pour les actes de commerce et les actes mixtes. Il peut être interrompu ou suspendu de sorte que le délai soit plus long que les 5 ans impartis en vertu des textes précités. Les mécanismes peuvent conduire à une prolongation de la prescription. L’art.2232 c.civ assigne un plafond à la prescription en considérant que les actions en justice se prescrivent au plus tard 20 ans après la naissance du droit (délai butoir).

S’agissant des vices cachés, l’art.1648 c.civ édicte un délai de prescription spécial et prévoit que l’acheteur doit agir dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice. La Cour de cassation est à l’heure actuelle divisée. La 3e chambre civile décide que l’acheteur doit agir dans les deux ans de la découverte du vice et au plus tard 20 ans après la vente. La 1re chambre civile et la chambre commerciale décident que lorsque la vente est commerciale et mixte, l’acheteur doit agir dans les deux ans à compter de la découverte du vice et au plus tard 5 ans après la vente en application de l’art.L.110-4 c.com. Le vendeur commercial est mieux traité que le vendeur profane en matière de vices cachés. Cette divergence de jurisprudence résulte du fait que le Code civil ne prévoit aucun délai courant à compter de la vente à l’expiration duquel la garantie ne peut plus être invoquée.   À l’expiration du délai de garantie, le vendeur sait qu’il est déchargé de toute garantie de vices cachés. Le délai de garantie est un instrument qui assure la sécurité juridique du vendeur qui sait qu’il ne sera plus redevable du vice.

La 3e chambre civile se rapporte au délai de 20 ans prévu à l’art.2232 c.civ et la 1re chambre civile et la chambre commerciale se rapportent au délai quinquennal édicté à l’art.L.110-4 c.com. Ces délais font office de délais de garantie alors que ce n’est pas leur rôle. La jurisprudence se rapporte à ces articles comme instruments de substitution. La Cour de cassation a convoqué une chambre mixte qui se prononcera au mois de juin pour résoudre cet imbroglio.

Il arrive que le vice ne soit prouvé qu’à la suite d’une expertise demandée en référé par l’acheteur.  En application de l’art. 2241 c.civ, l’action en référé interrompt la prescription, ce qui fait courir un nouveau délai de même durée que le délai interrompu. Selon l’art. 2239 c.civ, ce délai ne commence à courir qu’à l’issue de la procédure. La Cour de cassation en déduisait que le délai de deux ans introduit par l’action en référé ne recommençait à courir qu’au jour du dépôt du rapport d’expertise qui met fin à la procédure. Autrement dit, l’acheteur avait deux ans pour assigner le vendeur en expertise et deux ans pour assigner le vendeur en garantie à compter du dépôt du rapport d’expertise. Or, la 3e chambre civile de la Cour de cassation fait désormais bande à part car elle décide que le délai de deux ans recommence à courir dès la nomination de l’expert. C’est un véritable piège pour l’acheteur car une expertise peut prendre beaucoup de temps.

 

                                                    b) L’action directe en garantie

                                                                 i. Contexte

L’action en garantie, qui s’inscrit dans un schéma simple dans un contexte bipartite, est exercée par un acheteur. Mais il peut arriver qu’une chose viciée fasse l’objet de ventes successives. En cas de vente suivie d’une revente, le contexte est tripartite (vendeur initial, revendeur et sous-acquéreur). Le sous-acquéreur dispose d’une option. En premier lieu, il peut assigner le revendeur (maillon intermédiaire) en garantie. Dans ce cas, le revendeur pourra se retourner contre le vendeur initial si le vice existait en germe au moment de la première vente. Cette action récursoire est soumise au délai biennal prévu à l’art.1648 c.civ qui court à compter du jour où le revendeur est assigné en garantie par le sous-acquéreur car c’est à ce jour qu’il découvre l’existence du vice. Chaque action récursoire doit être exercée dans un délai de 5 ans à compter de la vente initiale (art.L.110-4 c.com), c’est du moins la position de la 1re chambre civile car la jurisprudence n'est pas du tout unifiée.

Le sous-acquéreur peut agir directement en garantie des vices cachés contre le vendeur initial. En effet, la jurisprudence considère que l’action en garantie se transmet avec la propriété de la chose. C’est un accessoire de la chose. Pour cette raison, le sous-acquéreur recueille, avec la propriété de la chose vendue, l’action en garantie dont le revendeur était titulaire à l’encontre du vendeur initial. S’il y a des reventes successives, l’acheteur final recueillera autant d’actions en garantie qu’il n’existe de vendeurs intermédiaires.

                                                                 ii. Mécanisme

S’agissant du mécanisme, 4 observations méritent d’être faites. En premier lieu, le sous-acquéreur qui agit directement en garantie contre le vendeur initial n’a pas plus de droits que n’en avait le revendeur lui-même. Par voie de conséquence, l’action directe échouera si le vendeur initial ne devait pas la garantie au revendeur. Par exemple, si le vice était apparent pour le revendeur ou si la vente initiale stipulait une clause de non-garantie opposable au revendeur.

En deuxième lieu, il peut arriver que le sous-acquéreur réclame la résolution de la vente en raison du vice caché. Il peut fort bien exercer directement cette action contre le vendeur initial. Cependant, cette action sera assortie d’une limite. En effet, le sous-acquéreur ne pourra se faire rembourser par le vendeur initial que par le prix versé par le revendeur au vendeur initial. Par exemple, le vendeur initial vend une chose à 1000 € à un acheteur. Cet acheteur le revend à 1500 € à un autre acheteur. Dans ce cas, le sous-acquéreur qui exerce directement l’action en résolution ne pourra réclamer que la restitution des 1000 € correspondant au prix versé par le revendeur au vendeur initial.

En troisième lieu, le principe de non-cumul des responsabilités est applicable en la matière selon lequel le sous-acquéreur ne pourra pas agir en responsabilité extracontractuelle contre le vendeur initial. Autrement dit, l’action directe dont le sous-acquéreur est investi est nécessairement contractuelle. Le régime applicable à l’action en garantie des vices cachés ne peut être tourné par l’exercice d’une action en responsabilité extracontractuelle.

En quatrième lieu, l’action directe ne se limite pas à l’hypothèse des ventes successives. Par exemple, supposons qu’une vente soit suivie d’une donation. Le bien vendu a ensuite été donné. Le donateur n’est pas tenu de la garantie des vices cachés, ce dont il résulte que si la chose est viciée, le donataire ne pourra pas agir en vice caché contre le donateur. En revanche, le donataire pourra exercer l’action directe en garantie contre le vendeur de la chose. Autre exemple, supposons qu’une vente soit suivie d’un contrat d’entreprise. Le propriétaire d’un immeuble (maître de l’ouvrage) charge un entrepreneur de refaire la toiture de son immeuble. L’entrepreneur acquiert auprès d’un fournisseur des matériaux nécessaires à la réfection. Lorsque l’entreprise pose les tuiles et les ardoises sur la toiture, le maitre de l’ouvrage en devient propriétaire en vertu de l’accession immobilière. Dans ce cas, le maitre de l’ouvrage pourra agir en responsabilité contractuelle contre l’entrepreneur dans la mesure où l’entrepreneur aura posé des tuiles ou des ardoises sur sa toiture. En outre, le maitre d’ouvrage pourra agir directement en garantie des vices cachés contre le fournisseur car il aura recueilli la garantie des vices cachés par la propriété de la chose acquise par la voie de l’accession. Ce mécanisme est utile lorsque le cocontractant direct de l’entrepreneur est insolvable.

                                 3) Les Effets
                                            a) Résolution de la vente ou diminution du prix

L’art. 1644 c.civ accorde une option à l’acheteur. Il peut rendre la chose et se faire restituer le prix (action en résolution ou action rédhibitoire). En outre, il peut se faire rendre une partie du prix (action estimatoire en garantie des vices cachés). L’acheteur est-il libre d’exercer son option ?

 

                                            b) La liberté de l’option

La liberté d’option est celle de savoir si l’acheteur peut librement opter entre la résolution et la diminution du prix même si le vice n’est pas rédhibitoire. Le vice rédhibitoire est un vice qui empêche l’utilisation de la chose. Il n’existe pas de distinction selon la gravité du vice. L’acheteur est libre de choisir. Le choix ne peut être exercé par le juge à la place de l’acheteur. Cependant, si l’acheteur introduit sans faire de choix entre les deux actions, le juge peut alors prendre en considération la gravité des vices pour limiter la sanction à la diminution du vice lorsque le vice n’est pas rédhibitoire.

 

                                            c) Les solutions alternatives

La garantie des vices cachés doit-elle être forcément sanctionnée par la résolution de la vente ou la diminution du prix ? Ces solutions alternatives consisteraient soit dans le remplacement de la chose ou dans sa réparation (possibilité de remédier au vice). De telles solutions peuvent être prévues dans une clause du contrat de vente conclu avec un professionnel. Dans ce cas, l’acheteur pourra exiger le remplacement ou la réparation en application de la clause. Mais, ce n’est qu’une faculté et non une obligation pour l’acheteur. En effet, la garantie légale ne peut être restreinte par un vendeur professionnel sauf si l’acheteur est un professionnel de la même spécialité que lui. Excepté ce cas, l’acheteur ne peut être privé de son action en résolution ou en diminution du prix par une clause prévoyant le remplacement ou la réparation. Autrement dit, l’acheteur peut avoir recours à ces solutions alternatives sans que le vendeur puisse les lui imposer en lieu et place de la résolution ou de la diminution du prix.

 
                                 3) L’action en dommages et intérêts

La chose vendue et viciée peut occasionner des préjudices qui ne seront réparés ni par l’action en résolution ni en diminution. L’acheteur peut subir un préjudice économique en raison de l’inaptitude de la chose à remplir son usage. Par exemple, un professionnel achète une machine et est contraint d’arrêter sa production car la machine est entachée d’un vice. Il peut aussi subir un préjudice matériel et corporel. Dans une telle hypothèse, il faut savoir si l’acheteur peut exercer contre le vendeur une action en dommages-intérêts sur le fondement de la garantie des vices cachés. Pour y répondre, il faut distinguer selon que le vendeur est de bonne ou de mauvaise foi.

 

                                            a) Vendeur de mauvaise foi

Le vendeur est de mauvaise foi s’il connaissait le vice de la chose. Il est visé à l’art.1645 c.civ aux termes duquel le vendeur de mauvaise foi est tenu de tout dommage envers l’acheteur. Encore faut-il prouver la mauvaise foi du vendeur. Cette preuve est difficile voire impossible à rapporter. Par exemple, un vendeur professionnel met sur le marché des produits industriels produits en série.

            La jurisprudence adopte une solution radicale favorable à l’acheteur selon laquelle les vendeurs professionnels sont censés connaitre les vices de la chose même s’ils sont indécelables. Cette présomption de mauvaise foi est irréfragable. Le vendeur professionnel est irréfragablement assimilé à un vendeur de mauvaise foi. Cette présomption profite à tous les acheteurs même s’ils sont professionnels. Cette présomption irréfragable ne joue qu’à l’encontre des vendeurs professionnels. Mais la JP adopte une interprétation extensive de la qualité de vendeur professionnel. D’une part, elle assimile au vendeur professionnel le profane qui a lui-même construit la chose vendue. D’autre part, elle a assimilé au vendeur professionnel un garagiste (professionnel) qui avait vendu son local à usage d’habitation.

 

                                            b) Vendeur de bonne foi

 

Il résulte de l’art.1646 c.civ que le vendeur de bonne foi n’est tenu qu’à la restitution du prix et des frais occasionnés par la vente. L’action en dommages-intérêts n’est pas ouverte contre un vendeur de bonne foi. Puisque le vendeur professionnel est assimilé à un vendeur de mauvaise foi, l’art.1646 c.civ ne s’applique qu’aux vendeurs profanes.

 

                                            c) le délai de l’action en dommages et intérêts

L’action en dommages-intérêts pour vices cachés est soumise au délai biennal prévu à l’art.1648 c.civ. Son exercice n’est pas subordonné à l’exercice d’une action rédhibitoire ou  estimatoire, ce dont il résulte qu’elle peut être exercée de manière autonome. 

   
                                 4) Les clauses relatives à la garantie

 

                                            a) Les clauses restrictives ou de non-garantie

 

                                                       i. Le vendeur est professionnel

 

            Si le vendeur est professionnel, il faut distinguer selon la qualité de l’acheteur.  Si l’acheteur est un consommateur, le vendeur ne peut ni restreindre la garantie ni la supprimer.  En effet, la législation sur les clauses abusives et en l’occurrence l’art. R.212-1 6° c.consom réputent non-écrites toutes les clauses qui suppriment ou réduisent le droit à réparation des consommateurs en cas de manquement du professionnel à l’une quelconque de ses obligations.

Si l’acheteur est professionnel, la jurisprudence distingue à nouveau entre la spécialité. Si l’acheteur est un professionnel dont la spécialité est différente de celle du vendeur, la jurisprudence considère que la clause restrictive ou de non-garantie n’est pas valable. Si l’acheteur a la même spécialité que le vendeur, la clause est en revanche valable mais sera privée d’efficacité si le vendeur professionnel était de mauvaise foi.

 

                                                       ii. Le vendeur n’est pas professionnel

Il résulte de l’art. 1643 c.civ que le vendeur non professionnel peut s’exonérer de la garantie des vices cachés s’il était de bonne foi, s’il ignorait l’existence du vice. La clause restrictive ou exclusive est efficace sauf preuve de la mauvaise foi du vendeur. Le domaine de validité de la clause de restrictive ou de non-garantie est résiduel.

 

                                            b)  Les clauses aménageant la garantie

 

Les clauses extensives de garanties sont valables. Mais cela étant, il peut arriver que le contrat contienne des clauses restrictives et des clauses extensives de garantie. Le contrat met en place une garantie conventionnelle qui contient des stipulations mixtes, certaines sont extensives et d’autres restrictives de la garantie légale des vices cachés.

Il faut distinguer selon la qualité des parties. Si le vendeur et l’acheteur sont des professionnels de même spécialité, la garantie conventionnelle sera efficace et se substituera à la garantie légale. En sens inverse, la garantie conventionnelle ne pourra pas se substituer à la garantie légale si le vendeur est un professionnel et l’acheteur est professionnel de spécialité différente ou un consommateur. Autrement dit, l’acheteur aura le choix d’invoquer la garantie conventionnelle ou s’en tenir à la garantie légale. La solution rapportée est expressément consacrée par le Code de la consommation dans les rapports entre les vendeurs professionnels et les consommateurs (art.L.217-22 c.consom) qui impose au vendeur professionnel qui offre une garantie conventionnelle de mentionner que la garantie légale s’applique en tout état de cause. Il est manifeste que la garantie conventionnelle ne peut pas se substituer à la garantie légale.

 
                                 5) Les problèmes de frontière

 

La garantie des vices cachés suscite deux problèmes de frontière entre la garantie des vices et les actions en nullité pour vice du consentement et l’obligation de délivrer une chose conforme.

 

                                            a) Garantie des vices cachés et action en nullité pour vice du consentement

 

            D’un point de vue théorique, il n’existe pas de rapport entre la garantie des vices cachés et les actions en nullité pour vice du consentement. La garantie des vices cachés intéresse les effets du contrat de vente. Au contraire, l’action en nullité pour vice du consentement intéresse la formation du contrat. L’existence du vice du consentement s’apprécie au moment où les parties concluent le contrat.

Néanmoins, en pratique, la distinction n’est pas aussi claire. En effet, l’acheteur par hypothèse a acquis une chose viciée. Or, il peut fort bien soutenir qu’il n’aurait pas acheté la chose s’il avait su qu’elle était affectée d’un vice au jour du contrat la rendant impropre à son usage normal. Dans cette optique, le vice caché n’est rien d’autre qu’une qualité essentielle qui fait défaut au jour du contrat. En effet, il ressort en substance de l’art.1132 c.civ que l’erreur est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur une qualité essentielle de la prestation. L’acheteur peut invoquer l’erreur et agir en nullité de la vente pour erreur. Si le vendeur connaissait l’existence du vice caché, il commet un dol et l’acheteur pourra agir en nullité de la vente pour dol. Or, l’acheteur peut avoir intérêt à agir en nullité pour erreur ou pour dol (mauvaise foi) plutôt qu’en garantie des vices cachés. En effet, l’action en nullité se prescrit par 5 ans à compter du jour où la victime découvre l’erreur ou le dol (art.1144 c.civ). Le délai est plus bref pour la garantie des vices cachés puisque l’acheteur doit agir dans les deux ans à compter de la découverte du vice.

L’acheteur peut-il librement choisir le fondement de son action ? La 1re et 3 chambre civile jugent désormais que la garantie des vices cachés constitue « l’unique fondement possible de l’action exercée par l’acheteur ». Cependant, cette solution qui écarte la possibilité d’agir en nullité ne s’applique pas en cas de dol du vendeur. La Cour de cassation admet que l’acheteur peut agir en nullité pour dol du vendeur si les conditions du dol sont réunies. Cette action en nullité échappe alors au délai biennal prévu à l’art.1648 c.civ.

 

                                            b) Garantie des vices cachés et obligation de délivrer une chose conforme

 

            Le vendeur est tenu d’une obligation de délivrance. Pour que cette obligation soit exécutée, la chose délivrée doit être conforme aux stipulations du contrat. Si la chose n’est pas délivrée ou n’est pas conforme aux stipulations du contrat, le vendeur engage sa responsabilité contractuelle et s’expose à une action en résolution de la vente. A priori, cette obligation de délivrer une chose se distingue de la garantie des vices cachés. En effet, la conformité s’apprécie le jour où la chose est délivrée et au regard de l’identité de la chose et aux caractéristiques annoncées par le vendeur. Au contraire, le vice caché s’apprécie par rapport à l’usage de la chose puisque la chose est viciée si elle est inapte à remplir son usage normal. Pour cette raison, tandis que la conformité s’apprécie à l’instant même, le vice se révèle dans l’utilisation ultérieure de la chose par l’acheteur. Dans cette conception dualiste, on peut dire que la garantie des vices cachés prend le relai de l’obligation de délivrer une chose conforme sans se confondre avec elle. C’est la conception du code civil dans la mesure où le code distingue les deux.

Le dualisme du code civil se justifie fort bien d’un pont de vue théorique. En effet, le vendeur qui délivre une chose non conforme manque à son obligation contractuelle tandis que l’existence de vices cachés ne procède pas forcément d’un manquement du vendeur à ses obligations contractuelles car le vendeur peut tout à fait ignorer l’existence du vice caché. En réalité, le vice caché s’analyse en un risque qu’il convient de répartir la charge entre le vendeur et l’acheteur. Dans cette optique, il est normal que la garantie des vices cachés relève d’un régime spécial. Néanmoins, cette conception dualiste entraine des complications dans la pratique car elle contraint l’acheteur à s’interroger sur la nature du défaut pour choisir la bonne action. Or, il n’est pas toujours facile de faire la distinction entre le défaut de conformité ou le vice caché. D’un point de vue pratique, il semble opportun d’instaurer un seul et même régime pour le défaut de conformité et pour le vice caché.

Ainsi, une partie de la doctrine se montre favorable à la suppression de la distinction entre le défaut de conformité et le vice caché. Elle propose d’adopter une conception moniste de l’obligation de délivrer une chose conforme. La conformité englobe les vices cachés. Autrement dit, la chose n’est pas conforme si elle n’est pas apte à remplir son usage normal. Le vendeur qui délivre une chose viciée manque à son obligation de délivrance. Par conséquent, il n’y a pas lieu de prévoir une garantie spéciale des vices cachés car ces vices correspondent à un défaut de conformité qui implique un manquement à une obligation de délivrance d’une chose conforme.

La conception moniste est celle qui est retenue par la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises. En droit interne, la JP avait commencé à adopter la conception moniste à la fin des années 1980 mais elle été de courte durée car la Cour de cassation est très rapidement revenue à la conception dualiste.

La question est revenue sur le tapis à l’occasion des discussions relatives à la réforme du droit des contrats spéciaux. Cette distinction représente l’un des enjeux majeurs. En l’état, on s’orienterait vers la conception moniste.

           §2. Les obligations incombant à certains vendeurs

 
                      A.  La garantie de conformité

 

La garantie de conformité trouve son origine dans une directive européenne de 1999 remplacée par une nouvelle directive en 2019. Le nouveau régime est assez proche de l’ancien sans se confondre à ce dernier. Elle set transposée à l’art.L.217-1 c.com.

                                 1) Champ d’application

La garantie de conformité s’applique aux contrats de vente de meubles corporels entre un vendeur professionnel et un consommateur. L’art.217-1 al.3 c.consom prévoit que sont assimilés à des contrats de vente, les contrats de vente de meubles à vendre ou à produire. Cette formulation est assez curieuse car parler d’assimilation n’a de sens que s’il s’agit deux choses différentes. Peut-être le législateur a-t-il voulu dire des contrats d’entreprise portant sur la fabrication de meubles. Dans l’ancien régime, les contrats d’entreprise portant sur des meubles à fabriquer étaient assimilés aux contrats de vente.

Elle s’applique aux ventes de meubles corporels et de services contenus ou services numériques peu importe qu’ils aient été fournis par le vendeur ou par un tiers.

                                 2) Conditions

 

                                            a)  Conditions de fond

 

                                                       i. Nature du défaut

 

Le Code de consommation adopte la conception moniste de la conformité. En effet, au sens des dispositions du Code de la consommation, la conformité s’entend non seulement de la conformité de la chose avec les stipulations du contrat mais également son aptitude à remplir son usage normal. Il n’y a pas à distinguer entre l’obligation de délivrer une chose conforme et la garantie des vices cachés. Ces deux obligations sont fusionnées pour en faire une seule et même garantie qui est la garantie de conformité.

                                                       ii. La date d’apparition du défaut

 

Le vendeur répond des défauts de conformité qui existent au moment de la délivrance du bien et qui apparaissent dans les deux ans à compter de ce moment. Ce délai de deux ans est un délai de la garantie de conformité. Dans ce cadre temporel, le consommateur bénéficie d’un régime favorable. D’une part, le vendeur ne peut s’exonérer de la garantie au motif que le consommateur n’a pas formulé de réserve lors de la réception du bien. Au contraire, en application du droit commun, les défauts de conformité ne sont pas couverts s’ils étaient apparents au moment de la délivrance et que l’acheteur n’a formulé aucune réserve. D’autre part, les défauts de conformité qui apparaissent dans les deux ans du délai sont présumés avoir existé au moment de la délivrance. Par conséquent, le consommateur bénéficie d’une présomption d’antériorité dont la durée est ramenée à un an pour les biens d’occasion. La solution est plus favorable car en droit commun, l’acheteur ne bénéfice d’aucune présomption d’antériorité.

 

                                                       iii. Le délai pour agir

 

Le consommateur doit agir en garantie dans un délai de 5 ans à compter du jour où il a eu connaissance du défaut de conformité (délai classique de prescription).

                                 3) Effets

 

Le Code de la consommation prévoit les solutions que le consommateur peut invoquer en cas de défaut de conformité et en précise les modalités.

 

                                            a) Les solutions

 

En cas de défaut de conformité, le consommateur peut exiger la mise en conformité du bien sous la forme d’un choix entre la réparation de la chose et son remplacement. Ces mesures doivent pouvoir être mises en œuvre dans un délai de 30 jours au maximum. Il existe une différence notable au regard de la garantie des vices cachés du Code civil qui se traduit par la résolution du contrat (action rédhibitoire) ou la diminution du prix (action estimatoire). Au contraire, la garantie de conformité se traduit par une mise en conformité (réparation ou remplacement). Par exception, la garantie de conformité peut déboucher sur une résolution ou une diminution du prix. Par exemple, il en ira ainsi si la mise en conformité ne peut avoir lieu dans le délai de 30 jours, si elle est impossible ou si elle entraine des coûts disproportionnés.

 

                                            b) Modalités d’application

 

Deux observations au sujet des modalités d’application. D’une part, la réparation ou le remplacement sont aux frais du professionnel. D ’autre part, la JP considère que le consommateur ne peut invoquer la garantie de conformité à l’encontre d’une autre personne que son vendeur. Si le vendeur professionnel a acquis la chose auprès d’un autre vendeur professionnel (fabricant, importateur), il y aurait une première vente entre professionnels.  S’agissant d’une vente entre professionnels, ce contrat n’aura fait naitre aucune garantie de conformité. La revente du bien à l’acheteur n’aura pas pu lui transmettre une action en garantie de conformité.

 
                                 4) Caractères

 

                                            a) Caractère facultatif

 

Premièrement, la garantie de conformité présente un caractère facultatif en ce sens qu’elle n’exclut pas les actions de droit commun (art.L.217-30 c.consom). Ainsi, le consommateur peut librement exercer l’action en garantie de vices cachés prévue par le Code civil ou l’action en garantie de conformité prévue par le Code de la consommation. La garantie de conformité se superpose aux actions existantes sans les exclure.

 

                                                       b) Caractère d’ordre public

 

La garantie de conformité est d’ordre public.

                      B. Les obligations d’information et de conseil
 
                                 1) L’information

 

                                            a) Domaine d’application

 

L’obligation d’information et de conseil incombe au vendeur professionnel. Elle bénéficie aux acheteurs profanes ainsi qu’aux acheteurs professionnels qui ne sont pas de la même spécialité que le vendeur. L’acheteur est en droit d’obtenir des informations relatives à l’utilisation normale de la chose. A contrario, si l’acheteur envisage de faire un usage exceptionnel de la chose qui ne correspond pas à son usage normal, il doit en informer le vendeur sous réserve de l’obligation de conseil.

S’agissant des vendeurs profanes, ils ne sont tenus d’aucune obligation particulière. Cependant, le vendeur profane, comme toute partie contractante, est assujettie au devoir général de bonne foi. En conséquence, le vendeur profane doit dire à l’acheteur ce qu’il sait de la chose vendue.

 

                                            b) Étendue

 

                                                       i. Avant la conclusion du contrat

 

Pendant la période qui précède la conclusion de la vente, l’art.1602 c.civ prévoit que « le vendeur est tenu d’expliquer clairement ce à quoi il s’oblige. À défaut de quoi, le contrat sera interprété contre lui. » Cette disposition est assez générique, elle n’est pas extrêmement utile.

            L’art. L.111-1 c.consom exige du vendeur professionnel qu’il donne au consommateur des informations détaillées avant la conclusion du contrat. Les informations requises portent notamment sur les caractéristiques essentielles de la chose, le prix ou son mode de calcul si le prix ne peut être fixé à l’avance et les informations requises sur le délai d’exécution en l’absence d’exécution immédiate.

                                                       ii. Après la conclusion du contrat

 

Pendant la période qui suit la conclusion de la vente, le vendeur n’est pas déchargé de son obligation d’information une fois la vente conclue. Le vendeur professionnel doit donner à l’acheteur toutes les indications nécessaires relativement aux conditions d’utilisation de la chose et aux précautions d’emploi.

 

                                            c) Sanction

 

En cas d’inexécution de l’obligation d’information, il faut observer que l’obligation d’information prévue à l’art. L.111-1 c.consom est sanctionnée par une amende administrative qui n’a pas d’impact au civil. Cependant, le vendeur professionnel qui manque à son obligation s’expose à des sanctions civiles prévues par le droit commun des contrats.

En application du droit commun, il faut distinguer selon que l’information était due avant ou après la conclusion du contrat. En effet, l’information qui est due avant la conclusion du contrat relève d’un devoir précontractuel d’information. Autrement dit, puisque le contrat n’était pas conclu, le vendeur va engager sa responsabilité extracontractuelle. En outre, il se peut que le défaut d’information ait entrainé un vice du consentement en la personne de l’acheteur. Dans ce cas, en application du droit commun des contrats, l’acheteur pourra invoquer la nullité du contrat pour erreur ou dol.

            À l’inverse, l’information qui est due après la conclusion du contrat relève d’une obligation contractuelle. Partant, le vendeur qui manque à son obligation d’information va engager sa responsabilité contractuelle. Mais tout cela relève de la théorie dans la mesure où la JP ne distingue pas entre l’obligation précontractuelle et contractuelle d’information. En pratique, l’absence d’information se révèle après la conclusion du contrat. C’est la raison pour laquelle la JP a tendance à sanctionner tous les manquements à l’obligation d’information par la responsabilité contractuelle.

 
                                 2)  Le conseil

 

Le devoir de conseil appelle 3 observations. En premier lieu, seuls les vendeurs professionnels sont tenus d’une telle obligation qui est le devoir de conseil. Le devoir de conseil est d’autant plus renforcé que la chose vendue est complexe. En deuxième lieu, il ne faut pas confondre le devoir de conseil et l’obligation d’information. Le devoir de conseil impose au vendeur de guider le choix de l’acheteur. En effet, l’acheteur doit être en mesure d’apprécier l’opportunité de son achat compte tenu de ses besoins et attentes. Sur ce point, on peut relever une JP excessivement rigoureuse car elle tend à infantiliser l’acheteur en ce sens qu’une JP considère que le devoir de conseil impose au vendeur professionnel de se renseigner sur les besoins de l’acheteur pour l’informer de l’adéquation de la chose auxdits besoins. Cela parait excessif car il devrait appartenir à l’acheteur de renseigner ses besoins au vendeur. En troisième lieu, la sanction qui s’applique en cas d’inexécution du devoir de conseil dépend du point de savoir deux choses. Si le manquement a provoqué une erreur en la personne de l’acheteur, l’acheteur pourra agir en nullité pour vice du consentement. Si le manquement n’a pas provoqué d’erreur, le vendeur va engager sa responsabilité contractuelle sous prétexte que l’acheteur se plaint de l'absence du devoir de conseil après la conclusion du contrat.

 
                      C. L’obligation de sécurité

 

Il convient de rappeler l’essentiel du régime de la responsabilité du fait des produits défectueux. L’obligation de sécurité a été créée par une directive du 25 juillet 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux.  Cette directive a été transposée dans le Code civil aux arts.1245 et suivants. Il s’agit d’un régime spécial de responsabilité dont l’étude relève du droit de la responsabilité civile et pas du droit des contrats spéciaux. On fera quelques observations.

 
                                 1) Les caractéristiques essentielles de la responsabilité du fait des produits défectueux

 

Premièrement, la responsabilité du fait des produits défectueux trouve son fait générateur dans le défaut d’un produit. Un produit est défectueux lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle le public peut légitimement s’attendre. Il y a défaut lorsque le produit est anormalement dangereux dans des conditions normales d’utilisation. Dans ce cas, le producteur peut s’exonérer de sa responsabilité en prouvant que le défaut ne pouvait être connu en l’état des connaissances scientifiques et techniques au moment où le produit a été mis en circulation. Il s’agit de l’exonération pour risque de développement.

 
                                 2) Les dommages ouvrant droit à la responsabilité du fait des produits défectueux

 

La responsabilité du fait des produits défectueux couvre les dommages causés par le produit en entendant par-là, les dommages corporels et matériels causés à des biens autres que le produit défectueux lui-même. A contrario, la responsabilité du fait des produits défectueux ne permet pas à l’acheteur d’obtenir la résolution du contrat et ne lui permet pas non plus d’obtenir la réparation du préjudice économique causé par l’inaptitude du produit à remplir son usage normal. Si l’acheteur souhaite obtenir la résolution du contrat ou la réparation d’un préjudice économique, il doit agir sur le fondement de la garantie des vices cachés, soit sur l’obligation du vendeur de délivrer une chose conforme.

 
                                 3) Les titulaires de l’action en responsabilité du fait des produits défectueux

 

Le régime peut être invoqué par toute victime d’un dommage causé par le produit que cette victime soit ou non liée par un contrat avec le responsable. Cela signifie que le régime de responsabilité du fait des produits défectueux transcende la responsabilité contractuelle et extracontractuelle. La victime qui invoque la responsabilité du fait des produits défectueux peut être l’acheteur du produit mais aussi un tiers penitus extranei. Pour engager la responsabilité, elle devra prouver le défaut du produit, le dommage et le lien de causalité entre le défaut et le dommage.

 
                                 4) Les responsables en cas d’action en responsabilité du fait des produits défectueux

 

La responsabilité du fait des produits défectueux ne pèse que sur les producteurs qui sont les fabricants du produit auxquels sont assimilés les importateurs du produit dans l’UE et les distributeurs du produit sous leur propre marque. Elle ne pèse pas sur les revendeurs professionnels sauf dans les cas où le producteur ne peut pas être identifié.

 
                                 5) L’extinction de l’action en responsabilité du fait des produits défectueux

 

La responsabilité du fait des produits défectueux a une durée limitée car la responsabilité du fait des produits défectueux s’éteint 10 ans après la mise en circulation du produit. Ce délai est un délai de responsabilité ou de garantie en ce sens que si le produit défectueux cause un dommage après l’expiration du délai décennal, la victime ne pourra plus agir sur le terrain de la responsabilité du fait des produits défectueux.

 
                                 6) L’option de responsabilité pour l’acheteur

 

La responsabilité du fait des produits défectueux est une responsabilité optionnelle. Supposons que le défaut du produit puisse être qualifié de vice caché. Dans ce cas, l’acheteur aura deux actions à sa disposition. D’une part, il pourra agir sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux mais aussi, d’autre part, il pourra agir sur le fondement de la garantie des vices cachés. Or, l’action en garantie des vices cachés peut présenter des intérêts manifestes au regard de la responsabilité du fait des produits défectueux. D’abord, il va permettre à l’acheteur d’obtenir la résolution de la vente. Ensuite, elle couvre tous les dommages causés par les vices cachés. Enfin, elle va permettre à l’acheteur d’agir contre tous les vendeurs de la chaine de distribution.  l’hôtelier met une chambre à la disposition du client mais l’hôtelier assure différents services comme la réception, le ménage, la restauration… Ces services sont caractéristiques du contrat d’hôtellerie et le différencie du contrat de location en meublé.

PARTIE II : LES CONTRATS PORTANT SUR UN SERVICE PERSONNEL

 

TITRE I :  LE CONTRAT D’ENTREPRISE

 

Définition du contrat d’entreprise. Le contrat d’entreprise n’est pas correctement mis en lumière par le Code civil. S’il l’on se reporte au titre VIII du Livre III du Code civil intitulé « Du contrat de louage », on trouve deux types de louages à savoir, le louage de choses correspondant au contrat de bail et le louage d’ouvrage qui correspond au contrat d’entreprise. La typologie est désuète. Surtout, le contrat de bail et le contrat d’entreprise n’ont rien à voir. Il est artificiel de les regrouper sous l’étiquette de « contrat de louage ». Il faut faire une critique supplémentaire. En effet, l’art. 1710 c.civ définit notre louage d’ouvrage comme le contrat par lequel « l’une des parties s’engage à faire quelque chose pour l’autre moyennant un prix convenu entre elles ». Cette définition est absolument floue. La définition est insuffisante. L’unanimité doctrinale considère que le contrat d’entreprise est celui par lequel un prestataire s’engage à accomplir une prestation de manière indépendante au profit d’un client.

Nature de la prestation. Cette définition appelle 3 observations. Des prestations de toute nature peuvent être accomplies au titre du contrat d’entreprise. D’abord, la prestation à fournir peut se rapporter à une chose qu’il s’agisse de sa fabrication, de son entretien ou de sa surveillance. Ensuite, la prestation peut également se rapporter à la personne même du client, ce qui renvoie au contrat d’hôtellerie, de restauration, de soins corporels. Enfin, la prestation peut également être purement intellectuelle, ce qui renvoie aux activités d’organisation, de conception, d’étude, de conseil… Ce qui fait apparaitre que le contrat d’entreprise est l’instrument juridique du secteur tertiaire de l’économie constitué des services. On voit que l’activité économique repose sur deux piliers que sont la vente et le contrat d’entreprise. Des professions diverses sont parties au contrat d’entreprise. On peut citer par exemple les garagistes, les réparateurs teinturiers, BTP, etc. Le contrat d’entreprise peut être artisanale, libérale ou indépendante.

            Spécialisation du contrat. Le secteur tertiaire a explosé dans l’économie moderne, ce qui a entrainé une spécialisation du contrat d’entreprise en ce sens qu’il existe des sous-variétés de contrat d’entreprise. Le contrat d’entreprise s’est fractionné. Néanmoins, en dépit de ce fractionnement, les contrats d’entreprise restent régis par des règles communes.  Il existe un droit commun du contrat d’entreprise.

            Dénomination des parties. Les contrats d’entreprises sont divers. Il y a un certain flottement quant à la dénomination des parties. La partie qui s’engage à accomplir le service peut être qualifié d’entrepreneur ou de prestataire de service. Il est à noter que le Code civil utilise aussi le terme d’ouvrier mais cette terminologie doit être banni car elle renvoie à un contrat de travail. En effet, l’ouvrier est un salarié au sens du contrat de travail et non pas un entrepreneur au sens du contrat d’entreprise.

Du côté du cocontractant de l’entrepreneur, il est parfois qualifié de donneur d’ordre ou de client. Le bénéficiaire de la prestation est aussi qualifié de maitre de l’ouvrage. Cette terminologie est systématique dans le domaine du contrat de construction immobilière. Elle est adaptée mais peut prêter à confusion car il se trouve que les chantiers immobiliers sont souvent coordonnés par un professionnel qui est le maître d’œuvre. Le maitre d’œuvre est un entrepreneur lié par un contrat d’entreprise. Il ne faut pas confondre un maitre d’œuvre, un entrepreneur, avec le maitre d’ouvrage qui est un client.

 

CHAPITRE I :  QUALIFICATION

 

SECTION I :  Les éléments de la qualification

 

           §1. L’obligation de faire

 

Le prestataire doit rendre un service qui s’analyse en une obligation de faire quelque chose. Trois observations méritent d’être faites. En premier lieu, la prestation doit se traduire par des actes matériels par opposition aux actes juridiques parce que l’accomplissement d’actes juridiques pour le compte d’autrui caractérise le contrat de mandat. Par opposition, l’accomplissement d’actes matériels pour le compte d’autrui est le contrat d’entreprise. Lorsqu’on dit que le prestataire doit accomplir des actes matériels, c’est faute de mieux. On doit garder à l’esprit que le contrat d’entreprise ne se cantonne pas aux activités manuelles (garagiste) ; il englobe aussi les activités intellectuelles (avocat).

En deuxième lieu, la prestation de l’entrepreneur qui est une obligation de faire ne doit pas être confondue avec la prestation due par un bailleur. Le bailleur est tenu d’une obligation de faire. Il doit procurer au locataire la jouissance paisible de la chose louée. Son obligation est la mise à disposition d’une chose. Elle ne se confond pas avec l’obligation de faire qui incombe à un entrepreneur qui doit accomplir des actes conduisant à une prestation de service. C’est la raison pour laquelle l’entrepreneur est également qualifié de prestataire de service.

En troisième lieu, la prestation de service que doit l’entrepreneur peut être accompagnée à titre accessoire d’obligations de ne pas faire. En sens inverse, une obligation de ne pas faire ne peut être l’objet principal d’un contrat d’entreprise.

 

           §2. L’exécution à titre indépendant

 

La qualification de contrat d’entreprise ne peut être retenue que si le prestataire dispose d’une certaine indépendance dans l’accomplissement de sa tâche. Le prestataire doit avoir la maitrise des conditions dans lesquelles il déploie son activité. Ce critère de l’exécution à titre indépendant est extrêmement important car il permet de distinguer le contrat d’entreprise du contrat de travail. Le salarié n’est pas indépendant dans l’accomplissement de son travail car il est placé sous la subordination juridique de son employeur.

 

           §3. La rémunération

 

Il ressort de l’art.1710 c.civ que l’entrepreneur s’oblige moyennant un prix convenu. Ce prix est la rémunération que le prestataire va recevoir en contrepartie de la prestation qu’il va accomplir. L’art.1710 c.civ fait de la rémunération un élément de la qualification du contrat car pour qu’il y ait contrat d’entreprise, il faut que le prestataire s’engage moyennant un prix convenu. En l’absence de rémunération, il n’y a plus de contrat d’entreprise mais un contrat de service gratuit appelé aussi convention d’assistance. Notons que l’assistance à titre gratuit par opposition au contrat d’entreprise est engagée par deux dispositions favorables à l’assistance à titre gratuit. Premièrement, la responsabilité de l’assistant est appréciée moins rigoureusement que celle d’un entrepreneur en cas de mauvaise exécution de la prestation. L’assisté est tenu d’une obligation d’indemniser l’assistant si celui-ci subit un dommage dans l’exécution de sa mission. Or, dans le contrat d’entreprise il n’existe aucune obligation d’indemnisation.

 

SECTION II : Application

 

           §1. Contrat d’entreprise et contrat de bail

 

À la base, il n’y a pas de problème pour distinguer contrat d’entreprise et contrat de bail. L’entrepreneur est tenu de déployer une activité personnelle au profit du client tandis que le bailleur doit mettre la chose louée à la disposition du locataire. Mais il se peut qu’un même contrat combine une prestation de service et la mise à disposition d’une chose. Il y a deux critères de qualification qui peuvent être appliqués.

 
                      A. Le critère du principal et de l’accessoire

 

Si l’on s’en tient au critère du principal et de l’accessoire, le contrat qui a pour objet principal la prestation d’un service est un contrat d’entreprise tandis que le contrat qui a pour objet principal la mise à disposition d’une chose est un contrat de bail. Par exemple, le contrat conclu entre l’exploitant d’une salle de spectacle et le spectateur est un contrat d’entreprise quand bien même le client va réserver un fauteuil. En effet, l’objet principal n’est pas la mise à disposition d’un siège mais pour profiter d’un spectacle qui est une prestation de service. Autre exemple, le contrat d’hôtellerie est un contrat d’entreprise.

                      B) Le critère de la mise à disposition 

Il faut déterminer quelle est la partie qui a la maitrise de la chose mise à disposition. Si le prestataire conserve la maitrise de la chose, il y aura contrat d’entreprise tandis que si le client peut librement utiliser la chose, il y aura contrat de bail. En application du critère tiré de la maîtrise de la chose, dans les contrats équestres, parfois il s’agit d’un professionnel qui s’engage à mettre un cheval à disposition du client et le client pourra librement se promener sur la bête. C’est le client qui a la maitrise du cheval, ce qui veut dire que c’est un contrat de location de cheval. Parfois, le professionnel organise des promenades à cheval, ce dont il résulte que lesdits chevaux restent sous sa maitrise et surveillance. Ainsi, il y a contrat d’entreprise. Le professionnel est un entrepreneur de promenade équestre. Dans le même ordre d’idées, on peut dire que le contrat conclu par un client avec une compagnie de taxi est un contrat de transport et non pas un contrat de location de voiture avec chauffeur. L’idée étant que le chauffeur de taxi conserve son indépendance. Lorsqu’il y a location de voiture avec chauffeur, le chauffeur se place sous la subordination juridique du client de sorte que l’on est en présence d’un contrat de bail qui se double d’un contrat de travail.

            

            §2. Contrat d’entreprise et contrat de mandat

La distinction est claire et nette. Le contrat d’entreprise et le contrat de mandat n’ont pas le même objet. Le contrat de mandat a pour objet l’accomplissement d’actes juridiques pour le compte du mandant par le mandataire alors que le contrat d’entreprise a pour objet l’accomplissement d’actes matériels (manuels ou intellectuels) pour le client. Ces deux contrats peuvent tout à fait se combiner. En effet, un contrat de mandat peut se superposer à un contrat d’entreprise. Un avocat est un prestataire au sens du contrat d’entreprise en ce qu’il conseille et assiste son client. Il devient mandataire lorsqu’il accomplit des actes de procédure au

nom et pour le compte de son client. Il en est de même pour un entrepreneur immobilier.

 

            §3. Contrat d’entreprise et contrat de travail

 

Le critère de distinction entre contrat d’entreprise et contrat de travail réside en ce que le salarié accomplit son travail sous la subordination juridique de l’employeur alors que le prestataire accomplit sa tâche de manière indépendante. Ce critère n’est pas toujours facile à appliquer car il y a des degrés entre l’indépendance et la subordination juridique. D’un côté, la subordination du salarié s’accommode d’une certaine part de liberté tandis que de manière corrélative, l’indépendance du prestataire n’exclut pas que le client exerce un contrôle sur son activité. Voilà pourquoi la distinction entre contrat de travail et contrat d’entreprise doit être appréciée au cas par cas par les tribunaux. S’il y a litige sur la qualification, les juges du fond vont recourir à la technique du faisceau d’indices. Par exemple, le mode de rémunération (si forfaitaire, alors contrat de travail ou si à la tâche, alors prestation de service), l’existence de contraintes horaires, la précision des instructions fournies, le lieu d’accomplissement du travail (client ou employeur), l’autorisation ou l’interdiction de sous-traiter, la partie qui fournit le matériel nécessaire au travail, etc.

            §4. Contrat d’entreprise et contrat de dépôt

 

Le contrat de dépôt est celui en vertu duquel le détenteur va déposer le meuble chez un dépositaire chargé de le garder pour le restituer au déposant. Le dépositaire rend un service au déposant ce qui le rapproche de l’entrepreneur car il rend un service. Néanmoins, le service rendu par le dépositaire n’implique qu’une attitude passive (conserver une chose) tandis que le prestataire doit déployer une activité positive (intellectuelle ou manuelle). Mais il y a des problèmes de qualifications.

 
                        A. Contrat mixte

 

Le contrat mixte combine une obligation de garde et des obligations positives. Par exemple, si le contrat se rapporte à la garde d’un animal, la garde peut impliquer des obligations positives en ce sens qu’il faudra que le gardien lui fournisse de la nourriture et le promène. On peut se référer au critère du principal et de l’accessoire. Les activités positives ne sont qu’un prolongement nécessaire de la garde qui reste la prestation principale. Autre exemple, le client dépose sa veste au vestiaire d’un restaurant. Le contrat conclu demeure un contrat d’entreprise et le service de vestiaire ne reste qu’un service accessoire.

 
                        B. Chose confiée au prestataire

 

Le prestataire est tenu d’accomplir un travail sur une chose que le client lui remet. C’est le cas du garagiste. On peut raisonner de deux façons. On peut dire que le contrat comporte une clause de dépôt avant et après l’exécution de la prestation caractéristique. Dans ce cas, le professionnel est d’abord un dépositaire puis le déposant est le propriétaire. On applique le critère du principal et de l’accessoire pour dire que le contrat demeure un contrat d’entreprise. L’entrepreneur n’assume qu’une obligation accessoire de garde de la chose.

 
                        C. Les intérêts de la qualification

 

Le choix entre la qualification de contrat d’entreprise ou de contrat de dépôt ne présente qu’un intérêt résiduel car la question de la qualification va se poser pour l’essentiel si la chose confiée est perdue ou détériorée par le professionnel. Or, il se trouve que le régime de responsabilité est alors le même qu’il s’agisse d’un contrat de dépôt ou d’un contrat d’entreprise. L’entrepreneur de la même manière que le dépositaire est tenu d’une obligation de résultat atténuée.

CHAPITRE II :  LA FORMATION DU CONTRAT D’ENTREPRISE

SECTION I : La forme du contrat

Le contrat d’entreprise est un contrat consensuel, ce dont il résulte que, sauf exception légale, la validité du contrat d’entreprise n’est subordonnée à aucune condition de forme. Autrement dit, le contrat d’entreprise peut être conclu par écrit ou par oral. Le contrat d’entreprise, s’agissant de la preuve de son existence, obéit au droit commun. La preuve du contrat doit être rapportée par écrit sauf en dessous de 1500€. En matière commerciale, la preuve se fait par tous moyens contre la partie commerçante.

 

SECTION II : Le processus de conclusion du contrat

 

            §1. La conclusion instantanée du contrat

 

Tout comme le contrat de vente, le contrat d’entreprise peut être conclu instantanément. Il faudra que les parties tombent d’accord sur les éléments essentiels du contrat de vente que sont la chose et le prix. S’agissant du contrat d’entreprise, en application du droit civil, le prix n’est pas un élément du contrat d’entreprise. Il en résulte que le contrat d’entreprise est valablement conclu même si les parties ne se sont pas encore mises d’accord sur le prix. Il en résulte que la prestation est le seul élément essentiel du contrat d’entreprise. L’art. L.111-1 c.consom impose aux prestataires professionnels comme aux vendeurs professionnels, une obligation d’information, avant la conclusion du contrat au bénéfice des consommateurs, aux clients ou aux consommateurs. Le prestataire professionnel doit une information sur les caractéristiques essentielles du service proposé et sur le prix. Mais cette exigence en droit de la consommation n’a aucune incidence en droit civil. En effet, le prestataire qui manque à cette obligation s’expose juste à une amende administrative. 

 

            §2. L’incidence de dispositions spéciales

 

Deux dispositions affectent le processus de conclusion du contrat d’entreprise, étant entendu que ces textes s’appliquent également au contrat de vente. En premier lieu, l’art. L. 221-18 c.consom accorde aux consommateurs une faculté de rétractation d’une durée de 14 jours lorsque le contrat a été conclu à distance à la suite d’un démarchage électronique ou en dehors de l’établissement habituel du professionnel. Le délai va courir à compter de la date de conclusion du contrat d’entreprise. En second lieu, l’art. L.271-1 du Code de la construction et de l’habitation prévoit que « le non-professionnel dispose d’un délai de rétractation de 10 jours pour tout acte ayant pour objet l’acquisition ou la construction d’un immeuble à usage d’habitation ».

            §3. La phase préparatoire

 

            En effet, l’importance économique du contrat d’entreprise projeté peut justifier la mise en place d’une phase préparatoire à la conclusion du contrat d’entreprise. Dans la situation la plus courante, la conclusion du contrat d’entreprise est précédée d’un devis. Quant aux marchés les plus importants, ils peuvent donner lieu à une procédure d’appel d’offres.

 
                        A. Les devis

 

Le devis est l’évaluation du prix des travaux qui sont envisagés. Sur cette base, il faut distinguer deux étapes. En premier lieu, le client demande le devis au prestataire. La demande de devis s’analyse en une invitation à entrer en pourparlers. À ce stade, le client est libre de ne pas donner suite à la conclusion du contrat d’entreprise sous réserve de mener la négociation de bonne foi (art.1112 c.civ). En cas de manquement, le client pourra engager sa responsabilité extracontractuelle pour faute.

En second lieu, le prestataire envoie le devis au client. Cet envoi s’analyse juridiquement en une offre de contracter. Cette offre est faite à personne déterminée (le client). À partir de là, en application du droit commun des contrats, le client doit disposer d’une durée raisonnable pour examiner le devis pendant laquelle le prestataire ne pourra pas le révoquer. Si le prestataire révoque l’offre, il engage sa responsabilité extracontractuelle pour faute.

L’établissement du devis par le prestataire n’est pas rémunéré. Cette gratuité distingue le devis de la commande d’étude. Il y a commande d’étude si le client s’adresse à un architecte pour qu’il dresse des plans contre rémunération. Dans ce cas, la commande d’étude s’analyse en un contrat de prestation de service. 

 
                        B. Les appels d’offres

 

Les appels d’offres concernent les marchés privés d’un montant assez important. Dans ce cas, le maitre de l’ouvrage peut engager une procédure d’appel d’offres comparables à celle applicable aux marchés publics. L’appel d’offres consiste pour le client d’inviter des entreprises à faire des offres en vue de l’attribution du marché. Ces offres sont faites par des entrepreneurs sur la base d’un état descriptif des travaux. La procédure relève de la liberté contractuelle mais on peut envisager plusieurs variantes au gré de la volonté des parties dont 3.

D’abord, l’appel d’offres fait par le maitre d’ouvrage s’analyse en une simple invitation à entrer en pourparlers. Dans ce cas, le maitre de l’ouvrage ne s’oblige pas à conclure le marché. Il invite les entreprises soumissionnaires à entrer en pourparlers avec lui.      

Ensuite, le maitre de l’ouvrage s’oblige à conclure le contrat avec l’entreprise qui fera l’offre la meilleure, offre par hypothèse ferme et dépourvue de réserve. Dans ce cas, on peut estimer que les parties concluent une promesse synallagmatique de contrat d’entreprise en ce sens que le maitre d’ouvrage s’engage à conclure le contrat avec le prestataire qui fera la meilleure offre. Réciproquement chaque entrepreneur aura donné son consentement à conclure le marché pour le cas où son offre serait retenue par le maitre.

Enfin, les entrepreneurs doivent faire des offres fermes et sans réserve et le maitre de l’ouvrage ne s’oblige pas à conclure le marché. Il se réserve un droit d’option. Dans cas, on peut estimer qu’il s’agit d’une promesse unilatérale de contrat d’entreprise de la part des entrepreneurs à l’adresse des maitres d’ouvrage.

 

SECTION III : L’objet du contrat

 

L’objet du contrat (negotium, affaire que le contrat permet de réaliser) est de réaliser une prestation à titre indépendant en contrepartie d’une rémunération.

 

            §1. La prestation

 

L’entrepreneur s’oblige à accomplir une prestation au profit du client. À partir de là, la conclusion du contrat d’entreprise suppose au minimum que les parties se soient entendues sur les éléments essentiels de la prestation à accomplir. Tant que ces éléments essentiels ne sont pas définis, les parties seront encore dans une phase de pourparlers. Par exception, les textes peuvent imposer aux parties de constater la conclusion du contrat dans un écrit définissant précisément la prestation et ses conditions d’exécution. Si tel est le cas, la prestation doit être entièrement déterminée dès la conclusion du contrat. En droit commun, l’accord sur les caractéristiques essentielles de la prestation à accomplir suffit à nouer le contrat.

 

            §2. Le prix

 
                        A. Prix et validité du contrat

 

Le contrat d’entreprise se distingue du contrat de vente quant à la détermination du prix. En rappel, la détermination du prix est une condition de validité du contrat de vente. La vente est atteinte de nullité si le prix est indéterminé ou indéterminable au moment de la conclusion de la vente. En sens inverse, le contrat d’entreprise est valablement conclu quand bien même le prix de la prestation n’est pas encore déterminé. La détermination du prix n’est pas une condition de validité du contrat d’entreprise. Cette règle est d’origine jurisprudentielle mais a a été consacrée par la réforme de 2016 à l’art.1165 c.civ (droit commun) aux termes duquel dans un contrat de la prestation de service, le prix peut être fixé par le créancier après l’exécution si les parties ne se sont pas mises d’accord sur le prix avant l’exécution. L’expression de contrat d’entreprise n’a pas de sens juridique précis car ce sont tous les contrats de prestation de service. Quoiqu’il en soit, il en résulte que la détermination du prix n’est pas une condition de validité du contrat d’entreprise puisque si le prix n’est pas fixé d’emblée, il peut être fait par l’entreprise.

                                    1) Justification de la règle

 

Cette règle ne repose pas sur des considérations d’ordre juridique mais d’ordre pratique. Cette considération d’ordre pratique est qu’il peut être difficile d’évaluer avec précision l’étendue exacte de la prestation à réaliser dès le stade de la conclusion du contrat. En effet, l’exécution de cette prestation peut se heurter à des difficultés que les parties ne peuvent prévoir à l’avance. Cette difficulté relative à l’étendue de la prestation se répercute nécessairement sur la contrepartie. C’est la raison pour laquelle il n’est pas requis que les parties fixent d’emblée le prix de la prestation à réaliser.

 
                                    2) Conséquences de la règle

 

Les parties n’ont pas à fixer le prix au moment de la conclusion du contrat conformément à l’art.1165 c.civ. En pratique, le prix sera fixé après service rendu par le prestataire. Concrètement, après la prestation, le prestataire établit la facture et l’adresse au client. Si le client conteste le montant de la facture établie unilatéralement par le prestataire, la Cour de cassation admettait que les juges du fond pouvaient fixer eux-mêmes le prix litigieux. L’art.1165 c.civ issu de la réforme de 2016 modifie cette solution a minima puisqu’il décide que le débiteur (client) peut contester le prix fixé a posteriori par le créancier (prestataire), lequel doit en justifier le montant. L’art.1165 c.civ ajoute que s’il se révèle que le prix fixé est abusif, le débiteur peut saisir le juge d’une demande de dommages et intérêts. Si le juge accorde des dommages-intérêts qui vont se compenser avec le prix excessif, du point de vue du client, il y a réduction de prix. L’art.1165 c.civ conduit au même résultat que la règle jurisprudentielle initiale. Cependant, il existe une différence de taille entre la règle jurisprudentielle initiale et la règle consacrée à l’art.1165 c.civ. En effet, dans cet article, seule la caractérisation d’abus dans la fixation du prix autorise l’intervention des juges du fond. Le juge du fond ne peut pas modifier le prix sans caractériser une disproportion manifeste entre le prix réclamé et la prestation réalisée. Au contraire, sous l’empire de la règle jurisprudentielle antérieure, les juges du fond avaient un pouvoir de fixation directe du prix en cas d’abus.

 
                                    3) Limites de la règle

 

La règle civile consiste à dire que le contrat d’entreprise est valable même si le prix n’est pas déterminé au moment où le contrat est conclu. En pratique, cette règle n’est pas très opportune car il n’est pas opportun qu’un client puisse valablement s’engager sans connaitre le prix qu’il aura finalement à payer. Il est préférable d’assurer la transparence du prix. C’est pourquoi l’art.L.111-1 c.consom impose une publicité des prix dans les rapports entre prestataires professionnels avec les consommateurs. Mais cet article ne déroge pas à la règle civile précédemment exposée dans la mesure où l’inobservation de la publicité prévue par le texte n’a aucune incidence sur la validité du contrat d’entreprise. Le prestataire qui manque à cette obligation s’expose à une amende civile.

 
                        B. Modes de détermination du prix

 

Le contrat est valablement conclu même si le prix de la prestation n’est pas déterminé par les parties. En pratique, les parties ont intérêt à se mettre à l’abri d’un contentieux possible sur le montant du prix. Pour ce faire, les parties ont intérêt à rendre le prix déterminable au moment où le contrat d’entreprise est conclu. Pour rendre déterminable ce prix, il existe trois modes selon que le marché est un marché sur facture, à forfait ou sur séries de prix.

 
                                    1) Le marché sur facture

 

Dans ce cas, le marché sur facture est le marché à l’occasion duquel les parties conviennent d’emblée de la prestation et du prix. Dans ce type de marché, l’entreprise s’oblige à effectuer telle prestation pour tel prix. Dans cette hypothèse, en application de la force obligatoire du contrat, le prix du marché devrait être intangible.  Le prix fixé devrait être à l’abri de toute intervention judiciaire. En réalité, la Cour de cassation tempère l’application du principe de la force obligatoire des contrats. Ce tempérament jurisprudentiel vise les contrats d’entreprise qui donnent lieu à un versement d’honoraires. La Cour de cassation admet que les juges du fond peuvent alors être saisis par le client pour réviser les honoraires qui ont été fixés avant l’exécution du contrat et qui apparaissent excessifs au regard du service finalement rendu. En l’occurrence, la notion d’honoraires renvoie aux rémunérations perçues par des professionnels libéraux comme les comptables ou les avocats. Cette règle jurisprudentielle s’applique au mandataire professionnel. À l’origine, cette règle visait les mandataires professionnels et s’est par la suite étendue aux contrats d’entreprise conclus avec des professionnels libéraux.

 
                                    2) Le marché à forfait

 

En pratique, les marchés à forfait sont des marchés immobiliers. Il s’agit pour les parties de fixer un prix global et définitif pour la prestation à effectuer. Autrement dit, il existe un aléa en ce sens que les travaux à accomplir peuvent se révéler plus ou moins difficiles mais il est clairement entendu que cet aléa n’aura aucune incidence sur le prix. Dans ce cas, le prix est intangible. Cette intangibilité présente un avantage de la sécurité pour le client. Corrélativement, l’entrepreneur peut être tenté de travailler à l’économie (économie sur la qualité). Le caractère forfaitaire du marché n’interdit pas au maitre de l’ouvrage de demander à l’entrepreneur des travaux supplémentaires qui donneront lieu à rémunération supplémentaire. Toute la difficulté consiste à distinguer travaux supplémentaires et travaux rendus nécessaires par l’apparition de complications imprévues. Dans le premiers cas, le maitre de l’ouvrage devra verser la rémunération supplémentaire. Dans le second cas, les travaux sont compris dans le forfait.

Pour renforcer la protection du maitre de l’ouvrage, l’art.1793 c.civ édicte une règle spéciale qui s’applique aux marchés à forfait qui portent sur la construction de bâtiments sur un terrain appartenant au maitre de l’ouvrage. Dans ce cas, l’entrepreneur ne peut demander aucune augmentation pour travaux supplémentaires sauf autorisation écrite du maitre comportant la stipulation du prix. Cette exigence tenant à la rédaction d’un écrit constitue une règle de forme.

 
                                    3) Le marché sur séries de prix

Dans le marché sur séries de prix, le prix de la prestation sera déterminé au fur et à mesure de l’exécution des travaux sur la base de différents critères convenus par avance. Ces critères peuvent être liés au nombre d’heures de travail, à la quantité de matériaux utilisés, aux surfaces et volumes traités par l’entrepreneur. Dans ce cas, le prix est déterminable sur la base de critères objectifs. Cette formule offre l’avantage de la souplesse que le marché à forfait mais comporte un inconvénient qui tient à l’insécurité dans laquelle se trouve le maitre d’ouvrage. Le prix final peut largement excéder le prix forfaitaire.

CHAPITRE III : LES EFFETS DU CONTRAT D’ENTREPRISE

 

SECTION I : Acquisition de la propriété et transfert des risques

 

Ces contrats concernent les contrats d’entreprise relatifs à la fabrication d’une chose. Dans de tels contrats, il faut déterminer quand le maitre de l’ouvrage devient propriétaire de la chose et la partie qui supporte le risque tenant à la destruction de la chose.

 

            § 1. L’acquisition de la propriété

 
                        A. Fabrication d’un meuble

 

La question de l’acquisition de la propriété ne se pose pas si l’entrepreneur fabrique le meuble à partir de matériaux fournis par le maitre de l’ouvrage lui-même. Dans ce cas, le maitre de l’ouvrage sera continûment propriétaire de la chose façonnée par l’entrepreneur. À l’inverse, si l’entrepreneur fabrique le meuble à partir de ses propres matériaux, le maitre de l’ouvrage acquiert la propriété du meuble lorsqu’il en prendra réception. Il existe une différence avec la vente de chose future. S’il y a vente de chose future, la propriété de la chose est transférée à l’acheteur au moment où elle est achevée et individualisée. Cette différence est subtile mais logique car la qualification de contrat d’entreprise implique que les choses soient spécialement conçues pour les besoins du client (critère du standard et du sur-mesure, spécialement élaborée selon des normes établies par le vendeur). Il est normal que le client ne puisse être déclaré propriétaire avant d’avoir eu la possibilité de vérifier la conformité de la chose. La simple fabrication ne saurait suffire à déclencher le transfert de la propriété.

                        B. Fabrication d’un immeuble

En matière immobilière, le maitre devient propriétaire des ouvrages au fur et à mesure de leur édification en application de la règle de l’accession, du moins si l’entrepreneur construit sur le terrain du maitre de l’ouvrage. Si l’entrepreneur est propriétaire du sol sur lequel il construit au bénéfice du maitre de l’ouvrage, il ne saurait y avoir de contrat d’entreprise mais simple vente d’immeuble à construire, ce dont il résulte que le constructeur est un vendeur et l’acheteur est un client.

 

            § 2. La charge des risques

 

Pour déterminer la partie qui va supporter les risques de la chose, à savoir les conséquences de la chose par cas de force majeure, il faut distinguer selon que la fabrication porte sur un meuble ou d’un immeuble.

 
                        A. Les meubles

 

S’agissant de contrat de fabrication portant sur les meubles, il faut se reporter aux arts.1788 et 1789 c.civ qui distinguent selon que les matériaux sont fournis par l’entrepreneur ou par le maitre de l’ouvrage.

 
                                    1) Les matériaux fournis par l’entrepreneur

 

L’art.1788 c.civ se rapporte au cas où l’ouvrier (prestataire) fournit la matière. Le texte décide que l’entrepreneur supporte le risque jusqu’à la livraison (réception) du meuble par le maitre de l’ouvrage. Ladite réception conditionne le transfert de la propriété de l’immeuble au maitre de l’ouvrage. Il est logique que jusqu’à la réception, l’entrepreneur supporte les risques puisque c’est lui qui demeure propriétaire. L’art.1788 c.civ se borne à appliquer la règle civile res perit domino. L’application de la règle res perit domino doit être complétée par la règle genera non pereunt. Par définition, l’entrepreneur travaille sur des matériaux qui sont des choses de genre. En conséquence, si le meuble en cours de fabrication disparait par cas fortuit, l’entrepreneur qui supporte les risques devra se procurer des matériaux du même genre pour exécuter le contrat. Autrement dit, il doit tout recommencer à zéro. Ces solutions sévères sont écartées si le meuble étant achevé, l’entrepreneur met le m          aitre en demeure de le recevoir. Cette mise en demeure inverse la charge des risques en application de l’art.1788 c.civ.

 

                                    2) Les matériaux fournis par le maître de l’ouvrage

 

Dans ce cas, il faut appliquer l’art.1789 c.civ qui vise le cas où l’ouvrier (prestataire) fournit seulement son travail, ce dont il résulte que le maitre de l’ouvrage fournit les matériaux nécessaires à la fabrication. Dans une telle hypothèse, le prestataire n’est tenue que de sa faute. A contrario, la destruction fortuite de la chose est à la charge du maitre de l’ouvrage. Cette solution se borne à appliquer la règle res perit domino. Si le maitre fournit les matériaux de fabrication, il demeure continûment propriétaire de la chose élaborée par le prestataire.

L’entrepreneur pourra-t-il réclamer la rémunération pour le travail accompli avant la perte fortuite ? L’art.1790 c.civ décide que l’entrepreneur ne peut recevoir aucune rémunération pour le travail accompli sauf si la chose étant achevée, il avait mis le maitre en demeure de le recevoir ou bien si la destruction de la chose a été occasionnée par un vice des matériaux fournis par le maitre.

 
                        B. Les immeubles

 

La qualification de contrat d’entreprise suppose que l’entrepreneur construise sur un terrain appartenant au maitre de l’ouvrage. Dès lors, le maitre de l’ouvrage deviendra propriétaire par la voie de l’accession au fur et à mesure de son édification. Si la construction périt par cas fortuit avant sa réception par le maitre de l’ouvrage, la jurisprudence applique l’art.1788 c.civ qui vise le cas où le prestataire fournit les matériaux nécessaires à la construction. Il en résulte que la charge des risques pèsera sur l’entrepreneur jusqu’au jour où le maitre de l’ouvrage prend réception de l’immeuble.

 

SECTION II : Les obligations du prestataire

 

Le prestataire doit rendre le service promis, c’est son obligation essentielle. Cette obligation peut s’accompagner d’obligations accessoires.

 

            §1. L’exécution de la prestation

 

L’entrepreneur doit exécuter la prestation en nature. À défaut, le client pourra poursuivre l’exécution par équivalent en

engageant la responsabilité contractuelle du prestataire.

 
                        A.  L’exécution en nature
 
                                    1) Le débiteur de la prestation

 

Pour savoir si le prestataire doit personnellement exécuter la prestation ou en confier l’exécution à un sous-traitant, il faut distinguer si le contrat est intuitu personae, conclu par le client en considération des qualités et aptitudes particulières du prestataire. Si le client a conclu le contrat intuitu personae, alors le prestataire doit exécuter personnellement le marché. Le prestataire, personnellement choisi par le client, ne pourra pas recourir à la sous-traitance sauf à commettre une faute contractuelle génératrice de responsabilité contractuelle. L’art.1795 c.civ laisse entendre que le contrat d’entreprise est un contrat intuitu personae car il considère que le contrat de louage d’ouvrages est dissout par la mort du prestataire. Or, l’extinction du contrat par le décès d’une partie est la marque du contrat intuitu personae. En l’absence d’intuitu personae, le contrat sera transmis à ses héritiers (intransmissible à cause de mort si intuitu personae). Cependant, en réalité, l’art.1795 c.civ est bien catégorique mais la réalité est beaucoup plus nuancée car le choix du prestataire est loin d’être toujours déterminant pour le client. Il se peut fort bien que le contrat d’entreprise ne soit pas conclu intuitu personae.

            L’intuitu personae n’est pas en cause si le prestataire emploie des salariés en ce sens que l’entrepreneur demeure libre de choisir les salariés qu’il affectera aux travaux même si le client a conclu le contrat intuitu personae. L’intuitu personae fait obstacle à la sous-traitance mais pas à la liberté de l’entrepreneur à moins que le contrat en décide autrement.

 
                                    2) L’exécution forcée de la prestation

 

La prestation correspond à une obligation de faire. Le contrat d’entreprise, par essence, donne naissance à l’exécution d’une obligation de faire. L’art.1221 c.civ prévoit que le créancier d’une obligation de faire peut en poursuivre l’exécution forcée en nature à trois conditions. D’abord, l’inexécution ne doit pas être irrémédiable. Ensuite, l’exécution ne doit pas porter atteinte à la liberté personnelle du débiteur. Enfin, le coût de l’exécution forcée pour le débiteur ne doit pas être manifestement disproportionnée par rapport à son intérêt pour le créancier.

En pratique, le client qui n’obtient pas l’exécution volontaire de la part du prestataire ne requiert jamais l’exécution forcée en nature de la prestation. Si le prestataire n’a pas volontairement exécuté sa prestation, le lien de confiance est rompu. En pratique, le client confronté par l’inexécution opte pour l’exécution par équivalent qui se traduit par l’engagement de la responsabilité du contractuelle du prestataire.

 
                        B. La responsabilité contractuelle du prestataire

 

À titre préliminaire, la responsabilité contractuelle du prestataire n’est pas modifiée par le recours à des salariés ou à des sous-traitants. En clair, le prestataire répond du fait de ses salariés ou sous-traités comme il répond de ses propres faits. En d’autres termes, la faute d’un salarié ou d’un sous-traitant est assimilé à une faute du prestataire lui-même. Il n’y a pas lieu de distinguer la source de l’inexécution.

 
                                    1) Règles de droit commun

 

En application du droit commun des contrats, les conditions de la responsabilité du prestataire vont dépendre de la nature de ses obligations. Le prestataire peut être tenu d’une obligation de moyens ou de résultat. Il faut également tenir compte de la nature de la stipulation éventuelle de clauses relatives à la responsabilité du prestataire.

 

                                                a) Obligations de moyens et de résultat

 

Si le débiteur s’est engagé sur une obligation de moyens, le créancier devra prouver la faute du débiteur pour engager sa responsabilité contractuelle. Il s’agit d’un régime de faute prouvée. Si le débiteur s’est engagé sur une obligation de résultat, l’inobtention du résultat suffit à engager la responsabilité contractuelle du débiteur, celui-ci pouvant prouver que cette inexécution procède d’un cas de force majeure. Il s’agit d’un régime sans faute, de plein droit. 

En cas d’obligation de résultat atténuée, la faute du débiteur est présumée en cas d’inexécution de l’obligation, ce dont il résulte que le débiteur peut s’exonérer de sa responsabilité en prouvant qu’il n’a pas commis de faute. Il s’agit d’un régime de faute présumée.

Si les parties ne qualifient pas l’obligation, il appartient au juge de qualifier l’obligation sur des critères. L’obligation qui porte un aléa dans son exécution s’analyse en une obligation de moyens. À l’inverse, il s’agit d’une obligation de résultat.

 

                                                            i. La réalisation d’une tâche intellectuelle

 

Si la prestation d’ordre intellectuel, son exécution comporte un certain aléa. Autrement dit, le prestataire ne peut garantir le succès de sa mission. Il en résulte que le prestataire est tenu d’une obligation de moyens. Tel est le cas pour les avocats qui ne peuvent s’engager sur le résultat de la procédure. Autre exemple, l’agent de publicité contracte une obligation de moyens. Autre exemple, pour les conseils en recrutement et expert en œuvre d’art. C’est le régime de la responsabilité pour faute prouvée.

 

                                                            ii.  Fabrication d’une chose

 

Si le contrat porte sur une chose à fabriquer, il faut distinguer s’il s’agit d’un meuble ou d’un immeuble. S’il s’agit d’un immeuble, le constructeur est tenu de garanties particulières légales que l’on étudiera ci-après. S’il s’agit d’un meuble, le fabricant est tenu d’une obligation de résultat quant à l’achèvement de la chose. Le fabricant de meuble n’est pas tenu de la garantie des vices cachés qui n’est prévue que pour les contrats de vente.

Initialement, la garantie de conformité prévue par le Code de consommation était applicable à tout fabricant de meubles sans distinguer selon qu’il était un vendeur ou un entrepreneur. Mais la rédaction nouvelle de l’art.L.217-1 c.consom est absolument confuse. Littéralement, le texte restreint la garantie de conformité aux seuls contrats de vente portant sur des meubles.

 

                                                            iii. Autres prestations matérielles

 

C’est le cas extrêmement fréquent où l’entrepreneur doit accomplir une prestation matérielle qui ne réside pas en la fabrication d’une chose. Dans ce cas, les solutions sont variables. Parfois, la JP considère que le prestataire est tenu d’obligation de résultat. Cette solution est admise pour l’installateur d’un système d’alarme ou un portique de lavage. Parfois, la JP retient le régime de résultat atténué applicable au teinturier, au garagiste réparateur. Si des dysfonctionnements surviennent ou persistent après l’intervention, la faute du garagiste est présumée de même que le lien de causalité entre cette faute et les dysfonctionnements. Autrement dit, le client peut se borner à établir l’existence des dysfonctionnements consécutifs à la prestation du garagiste. Il incombera alors au garagiste de renverser la présomption de responsabilité qui pèse sur lui soit en établissant son absence de faute ou une faute sans rapport avec le dysfonctionnement invoqué par client.

Parfois, la JP retient une obligation de moyens lorsque le contrat d’entreprise porte sur l’entretien ou la maintenance d’une chose. On ne peut exiger du prestataire qu’il garantisse le fonctionnement continu de l’équipement. Par exemple, le contrat de maintenance d’un ascenseur. Cependant, le contrat peut imposer au prestataire des obligations ponctuelles de  résultat relatifs au délai d’intervention. La JP considère que le prestataire chargé d’entretenir un équipement est tenu d’une obligation de résultat quant à la sécurité de l’équipement.

                                                            iv. Cas particulier de la chose confiée au prestataire

Cette hypothèse est assez fréquente où le prestataire doit accomplir une prestation de réparation ou d’entretien sur une chose qui lui a été confiée par son client et il se trouve que la chose est détruite, perdue ou détériorée alors qu’elle se trouvait entre les mains du prestataire.

Pour déterminer la partie qui doit supporter le risque de la destruction, il y a deux raisonnements qui conduisent à la même solution. Si le client confie une chose pour réparation ou entretien, le contrat d’entreprise se double d’un contrat de dépôt. Le dépositaire à titre onéreux est tenu d’une obligation de résultat atténué de la garde de la chose, ce dont il résulte que le dépositaire est responsable de la détérioration de la chose sauf s’il prouve son absence de faute. 

Si le client confie une chose pour réparation ou rénovation, il ne faut considérer qu’il y a un contrat d’entreprise. Il faut appliquer l’art.1789 c.civ dont il résulte que le prestataire qui ne fournit que son travail n’est tenu que de sa faute. En pratique, le prestataire est le seul à même de faire la lumière sur les circonstances du dommage. Par conséquent, la charge de la preuve de la faute ne pèse pas sur le client mais à l’entrepreneur.  C’est le régime de l’obligation de résultat atténué qui est applicable.

En pratique, cette qualification implique que le prestataire sera responsable des dommages dont l’origine demeure indéterminée. Inversement, la perte de la chose devra être supportée par le client si le prestataire prouve que cet évènement procède d’un cas de force majeure.

 

                                                b) Clauses relatives à la responsabilité

 

Le contrat d’entreprise peut comporter des clauses relatives à la responsabilité. Le contrat peut contenir des clauses pénales qui fixent le montant des dommages-intérêts qui seront dus au client en cas de retard ou de défaillance de l’entreprise. Le contrat peut stipuler une clause limitative ou exonératoire de la responsabilité du prestataire. En application du droit commun, il y a lors deux possibilités. Si le contrat d’entreprise a été conclu entre un professionnel et un consommateur, la législation sur les clauses abusives est applicable. Par voie de conséquence, la clause limitative ou exonératoire sera abusive et réputée non écrite par application de l’art. R212-1 c.consom. Si le contrat d’entreprise lie deux professionnels, la clause sera efficace sous réserve des tempéraments de droit commun en cas de faute lourde ou dolosive du prestataire.

 
                                    2)  Les obligations de garantie légale

 

            Il existe deux cas dans lesquels la loi instaure une garantie légale en matière de contrat d’entreprise.

                                                a) Les constructeurs d’immeubles

 

            Il faut se reporter à l’art.1792-1 et suivants c.civ dont il résulte que les constructeurs d’immeuble sont débiteurs d’une obligation de garantie. Les règles légales en la matière sont d’ordre public, ce qui prohibe toute clause limitative ou libératoire (art.1792-5 c.civ). Le régime de la garantie des constructeurs est complexe et relève du droit de la construction immobilière.

 

                                                            i. Champ d’application de la garantie

 

            S’agissant des débiteurs de la garantie, il faut constater que le champ d’application est extrêmement étendu. En effet, la garantie incombe non seulement au constructeur de l’immeuble (art.1792 c.civ) mais aussi aux entrepreneurs et architectes liés au maitre de l’ouvrage par un contrat d’entreprise (art.1792-1 c.civ). Le Code civil opère une double extension. D’une part, la garantie est également due à des personnes qui vendent après achèvement un immeuble qu’elles ont fait construire (art.1792-1 c.civ). D’autre part, elle est due par les vendeurs d’immeuble à construire (art. 1641-1). Le cas échéant, plusieurs responsables peuvent être condamnés in solidum, compte tenu de la pluralité des responsables.

S’agissant des créanciers, naturellement le maitre de l’ouvrage est le créancier de la garantie qui incombe au constructeur de l’immeuble. Sont également créanciers les acquéreurs successifs de l’immeuble (art.1792 c.civ). La garantie légale leur est transmise par voie accessoire en vertu de l’accession.

 

                                                            ii. Régime de la garantie

 

La garantie des constructeurs d’immeuble se scinde en trois obligations particulières que sont la garantie décennale, la garantie biennale et la garantie parfait achèvement.

La garantie décennale est prévue à l’art.1792 c.civ et couvre les dommages qui compromettent la solidité de l’immeuble ou le rendent impropre à sa destination. Cette garantie obéit au régime des obligations de résultat car selon l’art.1792 c.civ, elle donne naissance à une responsabilité de plein droit dont le responsable ne peut s’exonérer qu’en prouvant que le dommage provient d’une cause étrangère. La durée décennale est prévue à l’art.1792-4-1 c.civ. Le délai de 10 ans court à compter de la réception de l’ouvrage. Le délai décennal est un délai de garantie en ce sens qu’une fois le délai expiré, la garantie sera éteinte. Les dommages qui se manifesteraient après l’expiration du délai décennal ne seront plus couverts. Il en ira différemment toutefois si le constructeur a commis une faute dolosive, c’est-à-dire s’il a dissimulé son manquement.

La garantie biennale est prévue à l’art.1792-3 c.civ et couvre le bon fonctionnement des éléments d’équipement dissociables de l’ouvrage (ascenseurs). Contrairement à l’art.1792 c.civ, l’art.1792-3 c.civ ne réserve pas la possibilité d’exonération pour cause de force majeure, ce dont il résulte que le régime de la garantie biennale est plus sévère que celui d’une obligation de résultat. Le responsable ne peut écarter sa responsabilité en évoquant le dysfonctionnement à la force majeure. Le délai de deux ans est prévu à l’art.1792-4-2 c.civ et court à compter de la réception de l’ouvrage.

La garantie de parfait achèvement est prévue à l’art.1792-6 c.civ et dure un an à compter de la réception de l’ouvrage. La garantie est d’une durée annale et couvre les désordres que le maitre de l’ouvrage signale dans le procès-verbal de réception. Elle couvre les dommages qui se manifestent dans l’année et sont notifiés par écrit à l’entrepreneur.

            Son domaine d’application est plus restreint que celui des garanties décennale et biennale car elle n’incombe qu’à l’entrepreneur qui a réalisé les travaux dont l’exécution est critique.

 

                                                b) Les fournisseurs de contenus ou services numériques

 

            Les fournisseurs de contenus ou de services numériques sont tenus d’une obligation de garantie vis-à-vis des consommateurs. Cette obligation de garantie est une garantie de conformité dont le régime est calqué sur la garantie qui est due par les vendeurs professionnels aux consommateurs. Cette garantie est issue d’une directive européenne transposée dans le code de la consommation aux L.124-1-12 et suivants. S’il y a défaut de conformité, le consommateur est en droit d’exiger du fournisseur la mise en conformité du contenu ou du service à défaut de quoi il pourra demander la résolution du contrat ou la réduction du prix.

 

            § 2. Les obligations accessoires

 

            Le débiteur est tenu d’une obligation d’exécuter l’obligation de sécurité et du devoir de conseil.

 
                        A. Obligation de sécurité

 

L’obligation de sécurité a été consacrée en 1911 dans un arrêt de la Cour de cassation. Il s’agissait d’un contrat de transport de personnes et la Cour considère que le transporteur était tenu d’une obligation de sécurité vis-à-vis du passager. Il n’est pas seulement obligé de l’acheminer à destination sain et sauf. À défaut, le transporteur de personnes engage sa responsabilité contractuelle. Depuis, le domaine de l’obligation de sécurité, obligation contractuelle accessoire, n’a pas cessé de s’étendre. À la lecture de la JP, force est de constater que tous les contrats de prestation de service font naitre à la charge du prestataire professionnel une obligation contractuelle de sécurité vis-à-vis du client. Cette obligation, dans les relations internes entre le commettant et le commissionnaire, couvre les dommages corporels subis par le client à l’occasion de l’exécution du contrat. Le régime de cette obligation n’est pas unitaire. La jurisprudence fait de la casuistique de sorte que parfois l’obligation est de résultat et d’autrefois elle est de moyens.

L’obligation de sécurité est contestée par la doctrine majoritaire. Les autres considèrent aujourd’hui que les dommages corporels causés à l’occasion de l’exécution d’un contrat de transport de personnes devraient relever du régime de la responsabilité civile extracontractuelle et non contractuelle. Il est probable que, si le droit de la responsabilité venait à être réformé, l’obligation de sécurité viendrait à disparaitre.

 
                        B. Devoir de conseil

 

Le devoir de conseil est également une obligation de source jurisprudentielle. Les prestataires de service professionnels sont tenus d’un tel devoir de conseil. Concrètement, le professionnel doit informer et conseiller le client sur la compatibilité du travail avec les normes légales et réglementaires, sur son opportunité, compte tenu de ses besoins, et sur les risques suscités par la réalisation du travail commandé.

 

SECTION III : Les obligations du maître de l’ouvrage

 

            §1. Paiement

 

Le client est tenu de payer le prix de la prestation. En principe, le prix est exigible après service rendu mais les parties peuvent décider autrement. En fonction de la convention des parties, le prix peut être exigible avant l’exécution, ou son paiement sera échelonné ou le versement d’un acompte. Mais attention à la qualification d’acompte car en effet, l’art. L.131-1 c.consom est applicable au contrat de prestation de service. Selon ce texte, sauf clause contraire, pour tout contrat de vente ou de prestation de service conclu entre un professionnel et un consommateur, les sommes versées d’avance sont des arrhes au sens de l’art.1590 c.civ. Or, les arrhes autorisent l’exercice d’un dédit réciproque.

 

            §2. Devoir de coopération

 

            Le devoir général d’exécuter le contrat de bonne foi incombe à tous (art.1104 c.civ). En application de l’art.1104 c.civ, le client doit coopérer à la bonne exécution du contrat en fournissant au prestataire tous les renseignements utiles à la bonne exécution du marché. En cas de violation de ce devoir de coopération, le prestataire pourra s’exonérer de sa responsabilité en cas de mauvaise exécution du contrat en l’imputant au manquement du client.

            §3. Prise de livraison de l’ouvrage commandé/ distinction d’avec la réception

 

Le client a l’obligation de prendre livraison, ce qui suppose que la livraison porte sur une chose, chose à fabriquer ou chose portée à la réparation. Il résulte d’une loi de 1903 que l’entrepreneur peut se faire autoriser par le juge à vendre les biens non retirés dans un délai d’un an pour se payer sur le prix. La prise de livraison est un acte matériel. À titre d’observation terminale, il importe de souligner que la prise de livraison ne doit pas se confondre avec la réception de la chose. La réception est un acte juridique par lequel le client reconnait la bonne exécution de la prestation. La réception emporte d’importantes conséquences juridiques. D’abord, s’il s’agit d’une chose à fabriquer, la réception entraine le transfert des risques au client. S’il s’agit de la construction d’un immeuble, la réception déclenche le cours des délais de garantie prévus aux art.1792 et suivants c.civ. En troisième lieu, la réception rend exigible le paiement du prix s’il reste un prix ou un solde à verser. En quatrième lieu, la réception sans réserve couvre les défauts apparents de la prestation. Il en résulte que la réception n’est pas un acte obligatoire pour le client. Elle ne devient une obligation pour le client que si l’exécution de la prestation est conforme. Si la prestation n’est pas conforme, le client est en droit de refuser la réception ou à tout le moins l’assortir de réserves. Il se peut que l’entrepreneur considère que le refus du client ou les réserves du client soient injustifiés. Dans ce cas, le prestataire devra prendre l’initiative de demander au juge de constater la conformité de la prestation. La réception judiciaire est spécialement prévue en matière de construction immobilière (art.1792-6 c.civ).

CHAPITRE IV : LA SOUS-TRAITANCE

 

SECTION I :  Notion de sous-traitance

 

            §1. Définition

 

La sous-traitance est une application particulière d’une technique générale du sous-contrat. Le sous-contrat se définit comme le contrat par lequel un contractant principal se substitue en tout ou en partie un sous-contractant dans le bénéfice ou dans la charge d’une obligation de faire.  Cette obligation de faire aura pris naissance en vertu d’un contrat principal conclu entre le contractant principal et un contractant initial. En cas de sous-location, le locataire principal va se substituer un sous-locataire dans le bénéfice de l’obligation du bailleur de lui procurer la jouissance paisible de la chose louée. Le sous-locataire bénéfice en tout ou en partie de l’exécution de cette obligation à la place du locataire principal. En cas de sous-traitance, l’entrepreneur principal va se substituer un sous-traitant dans l’exécution de son obligation de faire à l’égard du maitre de l’ouvrage. Il y a une substitution dans la charge d’une obligation de faire.

En toute hypothèse, le sous-contrat a la même nature juridique que le contrat principal auquel il vient s’accrocher. Le contrat de sous-location est un contrat de bail qui est de même nature que le contrat principal. Le sous-traité est un contrat de prestation de services de même nature que le contrat principal. Inversement, il n’y a plus de sous-contrat si les contrats successifs ont une nature juridique différente. Si un entrepreneur achète les matériaux nécessaires à l’exécution du marché à un fournisseur, on est en présence d’un contrat de vente entre l’entrepreneur et le fournisseur et d’un contrat d’entreprise entre l’entrepreneur et le maitre d’ouvrage. C’est une chaine de contrats non constitutive d’une sous-traitance. 

 

            §2. Distinction de la sous-traitance et de figures voisines

 
                        A. La cotraitance

 

Il y a cotraitance lorsque le maitre de l’ouvrage contracte avec plusieurs entrepreneurs en vue de la réalisation d’un marché unique. Par exemple, il confie à l’un la toiture, l’autre le carrelage, etc. Les cocontrats sont des contrats d’entreprise juridiquement distincts qui sont soudés par leur but car ils sont conclus avec le maitre d’ouvrage pour la réalisation d’une seule et même opération.

 
                        B. La cession de contrat

 

Il y a cession de contrat si une partie cédante envisage de sortir du contrat pour se faire remplacer par une partie cessionnaire. Il est possible de céder le contrat d’entreprise. Tel est le cas si l’entrepreneur envisage de sortir du contrat conclu avec le maitre de l’ouvrage pour se faire remplacer par un entrepreneur cessionnaire. Si l’opération aboutit, le maitre de l’ouvrage, partie cédée, change de partenaire contractuel. La cession de contrat est prévue d’une manière générale à l’art.1216 c.civ qui précise que l’opération requiert l’accord de la partie cédée. Dans notre exemple, c’est le maitre de l’ouvrage qui devra donner son accord à la cession d’un contrat d’entreprise.

La cession du contrat d’entreprise est assez proche à première vue du sous-contrat d’entreprise mais elle peut se distinguer de la sous-traitance car les deux opérations n’ont pas le même but. En cas de cession, l’entrepreneur cédant a pour but de mettre fin à sa relation contractuelle avec le maitre de l’ouvrage car il veut sortir du contrat. Au contraire, le sous-contrat n’a pas pour but de mettre fin au contrat principal conclu entre l’entrepreneur principal et le maitre de l’ouvrage. Il vient simplement s’accrocher au contrat principal, lequel continue de produire ses effets normaux entre les parties concernées. En cas de sous-traitance, l’entrepreneur principal reste tenu de toutes les obligations envers le maitre de l’ouvrage. Et réciproquement, le maitre de l’ouvrage conserve tous ses droits contre l’entrepreneur principal. Le sous-contrat est comme un wagon qui vient s’accrocher à la locomotive.

 

SECTION II : Régime juridique

 

            La sous-traitance fait l’objet d’une loi du 31 décembre 1975 qui a pour but de protéger le sous-traitant contre les risques d’insolvabilité de l’entrepreneur principal. Le but est de lutter contre le risque de faillites en chaine. En effet, la faillite de l’entrepreneur entrainait la faillite des sous-traitants. C’est dans cette perspective bien particulière que le législateur s’est placé pour règlementer la sous-traitance. S’agissant des marchés privés, pour conjurer le risque de faillites en chaine, la loi accorde au sous-traitant une action directe en paiement contre le maitre de l’ouvrage.

 

            §1. Formation de la sous-traitance

 

La loi de 1975 prévoit une procédure d’acception et d’agréement et impose la souscription d’un cautionnement ou d’une délégation.

 
                        A. Procédure d’acceptation et d’agrément

 

La procédure d’acceptation ou d’agrément est prévue à l’art.3 de la loi du 31 décembre 1975 qui oblige l’entrepreneur à faire accepter chaque sous-traitant et à faire agréer ses conditions de paiement par le maitre de l’ouvrage. La mise en œuvre de la procédure incombe à l’entrepreneur, ce dont la JP déduit que le sous-traitant n’a pas le droit de se faire accepter et agréer directement par le maitre de l’ouvrage. En cas d’inobservation de la procédure, l’entrepreneur commet une faute contractuelle à l’égard du maitre de l’ouvrage. En plus, l’art.3, al.2 énonce que l’entrepreneur principal qui n’a pas observé la procédure reste tenu à l’égard du sous-traitant mais ne peut invoquer le contrat de sous-traitance contre lui. En troisième et dernier lieu, le sous-traitant non accepté ou non agréé n’a plus d’action directe en paiement contre le maitre de l’ouvrage. Cependant, cette solution comporte deux atténuations. D’une part, le défaut d’acception ou d’agreement ne peut être invoqué que par le maitre, ni par l’entrepreneur principal ni par ses créanciers. D’autre part, l’acceptation et l’agrément peuvent être tacites.

 
                        B. Le cautionnement ou la délégation

 

Il est prévu à l’art.14 de la loi de 1975 qui énonce que l’entrepreneur doit faire garantir par une caution bancaire le paiement des sommes qu’il doit au sous-traitant. À défaut de cautionnement bancaire, l’entrepreneur doit obtenir du maitre de l’ouvrage, l’engagement de celui-ci de payer directement le sous-traitant sur le fondement de la délégation. Cette exigence tenant à la souscription d’un cautionnement ou par la délégation est imposée à peine de nullité du sous-traité, étant entendu que cette nullité est relative dont l’invocation est réservée au sous-traitant. En pratique, cette obligation de cautionnement est assez inefficace car le sous-traitant n'a pas véritablement intérêt à soulever la nullité en cas d’inobservation de l’art.14 de la loi du 31 décembre 1975. En effet, son but est d’obtenir le marché et non pas de le faire annuler. Cette nullité n’est d’aucun secours si l’entrepreneur ne paie pas le sous-traitant après l’exécution du marché.

 

            §2. Effets de la sous-traitance

 
                           A. Le paiement du sous-traitant

 

Le législateur s’efforce de remédier au risque de faillites en chaine. L’art.11 et suivants de la loi de 1975 accorde au sous-traitant une action directe en paiement contre le maitre de l’ouvrage, encore faut-il que la condition d’acception et d’agrément soit respectée. Pour le reste, cette action directe appelle 4 observations. En premier lieu, la condition d’ordre procédural prévue à l’art.12 selon laquelle le sous-traitant au préalable doit mettre l’entrepreneur principal en demeure de le payer et envoyer copie au maitre de l’ouvrage. L’action directe sera alors ouverte si l’entrepreneur principal n’a pas payé le sous-traitant dans un délai d’un mois. En deuxième lieu, l’action directe est soumise à un double plafond prévu à l’art.13 de la loi de 1975. Le sous-traitant ne peut réclamer au maitre plus que ce que l’entrepreneur lui doit. De plus, le sous-traitant ne peut obtenir plus que ce que le maitre doit encore à l’entrepreneur le jour où le maitre a reçu copie de la mise en demeure. Si le jour où le sous-traitant exerce son action directe, le maitre a déjà payé à l’entrepreneur principal l’intégralité des sommes qu’il lui devait, le maitre de l’ouvrage ne doit plus rien à l’entrepreneur principal de sorte que l’action directe tombera dans le vide.

En troisième lieu, il est fréquent qu’il y ait sous-traitance en chaines. Le sous-traitant peut avoir recours à un sous-traitant et ainsi de suite. En cas de sous-traitance en chaine, chaque sous-traitant de la chaine dispose d’une acte directe contre le maitre de l’ouvrage. Cependant, les actions directes sont canalisées sur la tête du maitre de l’ouvrage et jamais contre un entrepreneur intermédiaire. En quatrième lieu, l’action directe en paiement est d’ordre public (art.12, al.2).

                        B. La responsabilité du sous-traitant

 

Si le sous-traitant n’a pas correctement exécuté ses obligations, le maitre de l’ouvrage sera la victime finale de l’inexécution. Il en résulte que le maitre pourra agir en responsabilité. Il aura le choix. D’une part, il peut tout simplement agir contre l’entrepreneur principal soit sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun ou sur le fondement des garanties légales de construction immobilière. S’il agit de la sorte, l’entrepreneur disposera d’une action récursoire contre le sous-traitant. En effet, le sous-traitant est lié contractuellement à l’entrepreneur principal. Il en résulte que le sous-traitant qui exécute mal son contrat de sous-traitance engage sa responsabilité contractuelle à l'égard de l’entrepreneur principal. La charge définitive des dommages-intérêts pèsera sur le sous-traitant auquel incombe l’inexécution.

D’autre part, le maitre de l’ouvrage peut agir directement en responsabilité contre le sous-traitant particulièrement lorsque l’entrepreneur principal n’est pas solvable. Selon la JP, cette action en responsabilité est de nature extracontractuelle car la Cour de cassation considère que le maitre de l’ouvrage et le sous-traitant sont des tiers l’un par rapport à l’autre dans la mesure où ils ne sont pas parties au même contrat. Cette solution jurisprudentielle est critiquable. Certes, le maitre et le sous-traitant ne sont pas parties à un même contrat mais sont du moins parties à un même groupe de contrats. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le législateur accorde au sous-traitant une action directe en paiement contre le maitre de l’ouvrage. L’existence d’un groupe de contrats devrait commander l’application des règles contractuelles entre le maitre de l’ouvrage et le sous-traitant.

TITRE II :  LE CONTRAT DE MANDAT

Le mandat est régi aux arts.1984 et suivants c.civ et se définit comme le contrat par lequel une partie que l’on appelle le mandant charge une partie que l’on appelle le mandataire à accomplir des actes juridiques en son nom et pour son compte.

Autrement dit, le mandataire est investi d’un pouvoir d’accomplir des actes juridiques au nom et pour le compte du mandat. Le mandat était conclu à l’origine comme un service d’amis, contrat relevant de la sphère amicale à telle enseigne que l’art.1986 c.civ édicte une présomption de gratuité du mandat. Le contrat de mandat s’est professionnalisé et aujourd’hui est un instrument essentiel à la vie des affaires. Parallèlement, le mandat, au fil du temps, s’est spécialisé car il existe désormais des mandats dotés de régimes spéciaux. On s’en tiendra au droit commun des mandats.

 

CHAPITRE I :  QUALIFICATION

 

SECTION I :  Les éléments de la qualification

 

            La qualification de mandat suppose que le mandataire accomplisse des actes juridiques qui doivent accomplis au nom et pour le compte d’autrui. La doctrine ajoute que le mandataire ne doit pas être subordonné au mandat.

 

            § 1. L’accomplissement d’actes juridiques

 

Le mandataire a pour mission d’accomplir des actes juridiques et a le pouvoir de lier le mandant par les actes juridiques ainsi accomplis. L’acte juridique à accomplir peut être un acte juridique unilatéral comme la délivrance d’un congé mais aussi peut s’agir d’un contrat. S’il s’agit d’un contrat, le mandataire aura le pouvoir de contracter au nom et pour le compte du mandant avec une tierce partie appelée le tiers cocontractant. En tant qu’il a pour objet d’accomplir des actes juridiques, le mandat se distingue du contrat d’entreprise car le contrat d’entreprise se traduit par l’accomplissement d’actes matériels. Cette distinction entre mandat et contrat d’entreprise appelle deux observations. En premier lieu, le mandataire peut être amené dans le cadre de sa mission à accomplir des actes qui relèvent de la qualification d’entreprise. La qualification de mandat n’est pas modifiée tant que ces actes matériels ne sont que l’accessoire de la mission principale du mandataire. Si tel n’est pas le cas, il faudra considérer que le contrat de mandat se double d’un contrat d’entreprise. Il y a superposition de contrats. Par exemple, l’agence de voyage. L’agence de voyage est prestataire de service en tant qu’elle est chargée d’organiser un voyage mais ce contrat d’entreprise se double d’un contrat de mandat dès lors que l’agence est chargée de conclure des contrats au nom et pour le compte du client.

Il ne faut pas confondre le contrat de mandat et le contrat de courtage. Le courtier est un intermédiaire chargé de rapprocher des parties pour qu’elles concluent des contrats. Il n’est pas mandataire car il n’a pas le pouvoir de conclure le contrat au nom et pour le compte des personnes qu’il est chargé de rapprocher. Le courtier est un donc un prestataire de service. Le contrat de courtage est une application particulière du mécanisme du contrat d’entreprise en général. Sauf clause contraire, l’agent immobilier est un courtier et non un mandataire.

 

            § 2. L’action au nom et pour le compte d’autrui

 

La mandataire agit non seulement pour le compte du mandat mais aussi au nom de ce dernier. C’est parce que l’acte juridique est accompli au nom et pour le comte du mondant qu’il produit ses effets dans le patrimoine du mandant et non dans celui du mandataire. Si le mandataire est chargé de conclure le contrat, il s’effacera aussitôt le contrat conclu. Le contrat produit ses effets entre le mandant et le tiers cocontractant. Ainsi caractérisé, le mandat réalise une représentation parfaite. La représentation parfaite est prévue à l’art. 1154, al.1er c.civ dans la partie consacrée au droit commun des contrats. 

 

            § 3. L’absence de subordination

 

La doctrine enseigne souvent que la qualification de mandat exige que le mandataire accomplisse sa mission de manière indépendante. Ce critère intéresse moins la qualification du contrat que le statut du mandataire. En effet, si le mandataire est indépendant dans l’accomplissement de sa mission, il est alors un mandataire indépendant, ce dont il résulte que le mandant pourra librement mettre fin à sa mission. En revanche, si le mandataire est placé sous la subordination juridique du mandant, il est alors un mandataire salarié qui pourra bénéficier des règles protectrices prévues par le Code du travail. Pour déterminer l’existence d’une subordination, les juges recourent à la technique du faisceau d’indices.

Dans certains cas, le législateur a réglé directement la question du statut de l’intermédiaire.  Il s’agit en l’occurrence des agents commerciaux et des VRP chargés de représenter une ou plusieurs entreprises. Il se trouve que le législateur accorde aux VRP le statut de salarié tandis que les agents commerciaux ont le statut de mandataire.

 

SECTION II : Les degrés de la représentation

 

Le mandat réalise une représentation parfaite qui se distingue la représentation imparfaite et la représentation occulte.

 

§ 1. Représentation imparfaite

Depuis la réforme de 2016, cette représentation est prévue dans le droit commun des contrat à l’art.1154, al.2 c.civ aux termes duquel lorsque le représentant déclare agir pour le compte d’autrui mais contracte en son propre nom, il est seul engagé à l’égard du cocontractant. Le contrat dit de commission met en œuvre le mécanisme de la représentation imparfaite. Il relève du droit commercial et est prévu à l’art. L.201-2 c.consom. Le commissionnaire accomplit des actes juridiques en son nom propre mais pour le compte d’autrui (commettant). En pratique, le commissionnaire peut être chargé d’acheter ou vendre un bien. Le commissionnaire en douanes est un intermédiaire chargé d’accomplir les formalités de douane.

            S’agissant des effets du contrat de commission, il faut distinguer les relations internes entre le commettant et le commissionnaire et les relations externes entre le commissionnaire et le tiers cocontractant. Dans les relations internes entre le commettant et le commissionnaire, ce sont les règles du mandat qui sont applicables. Dans les relations externes entre le commissionnaire et le tiers cocontractant, les règles du mandat sont écartées. Il n’y a pas de représentation parfaite car le commissionnaire agit en son nom propre. En tant qu’il contracte en son propre nom, le commissionnaire fait écran entre le commettant et le tiers cocontractant. Autrement dit, le commissionnaire sera personnellement lié par le contrat conclu avec le tiers. Il sera personnellement créancier et débiteur en vertu de ce contrat. En cas de commission d’achat, le commissionnaire sera débiteur du prix envers le vendeur. En cas de commission de vente, le commissionnaire sera débiteur des obligations de délivrance et de garantie à l’égard de l’acheteur. Cependant, il existe un tempérament à la représentation imparfaite en ce sens qu’elle ne régit pas le transfert de la propriété des marchandises. Autrement dit, la propriété des marchandises ne transite pas par le patrimoine du commissionnaire.

            § 2. Représentation occulte

 
                        A. Définition de la convention de prête-nom

 

Dans ce cas, un prête-nom est chargé de contracter avec un tiers pour le compte du donneur d’ordre mais en dissimulant sa qualité de représentant au tiers cocontractant. La convention de prête-nom est une application particulière du mécanisme général de la simulation en ce sens que le prête-nom fait semblant d’agir pour son propre compte. Or, la simulation suppose la rédaction d’une contre-lettre, acte secret qui rétablit la réalité de l’opération dans les relations du prête-nom et du donneur d’ordre. Il ne faut pas confondre la convention de prête-nom et le contrat de commission. En cas de contrat de commission, le tiers contractant sait que le commissionnaire agit pour le compte d’un commettant. Il ignore simplement l’identité du commettant. En cas de convention de prête-nom, le tiers cocontractant ignore que le prête-nom agit pour le compte d’un donneur d’ordre puisque le prête-nom fait semblant d’agir pour son propre compte.

 
                        B. Effets de la convention de prête-nom

 

            Si l’on prend les relations internes du donneur d’ordre et le prête-nom, ce sont les règles du mandat qui s’appliquent. Si l’on prend les relations du prête-nom avec le tiers contractant, ce sont les règles générales de la simulation qui s’appliquent. En résumé, le contrat conclu par le prête-nom produit tous ses effets entre le prête-nom et le tiers cocontractant. Cependant, ce dernier pourra agir contre le donneur d’ordre s’il parvient à prouver l’existence de la contre-lettre. Si le prête-nom est chargé d’acheter un bien, le prête-nom devient personnellement propriétaire du bien acheté si bien que le dénouement de l’opération voulue par les parties supposera un second transfert de propriété au donneur d’ordre. Le prête-nom est ainsi désavantageux pour une vente immobilière car l’opération donnera lieu à une double taxation.

 

CHAPITRE II : FORMATION

 

SECTION I : Les conditions de fond

 

            § 1. Mission du mandataire

 

            Le mandataire a pour mission d’accomplir des actes juridiques. Le mandat, selon le cas peut être spécial (pour une affaire déterminée) ou général (pour toutes les affaires du mandant) (art.1987 c.civ) Cependant, l’art.1988 c.civ prévoit que le mandat général ne couvre que les actes d’administration. Pour qu’un mandataire investi d’un mandat général puisse effectuer des actes de disposition, il doit justifier d’un mandat exprès.

Quelle que soit son étendue, le mandat est toujours d’interprétation stricte. Il résulte de l’art.1989 c.civ que le mandataire ne peut rien faire au-delà de ce qui est porté dans son mandat. En outre, en pratique, bien souvent, le mandat se rapporte à un acte juridique dont le contenu est prédéfini. Ainsi, le mandataire n’a aucune marge de manœuvre. Sa mission est extrêmement limitée, il doit seulement consentir à l’acte juridique au nom et pour le compte du mandant. Ce mandat est souvent qualifié de procuration.

            § 2. Capacité et consentement

                        A. La capacité

 

            La capacité du mandat s’apprécie par rapport à l’acte que le mandataire doit accomplir. Par exemple, si le mandataire est chargé de conclure une vente, le mandant doit avoir la capacité de disposer. À défaut, le contrat de mandat est atteint d’une nullité invocable aussi bien par le mandant que le mandataire. Les règles relatives à la capacité du mandataire sont plus souples car il n’a pas vocation à supporter les effets de l’acte juridique qu’il est censé accomplir. C’est ce qui explique que l’art.1990 c.civ admet qu’un mineur puisse être choisi comme mandataire en dépit de son incapacité.

 
            B. Le consentement

 

Comment apprécie-t-on les vices du consentement ? Ni le code ni la jurisprudence donne aucune réponse sur cette question. Cependant, la doctrine considère que si le mandant a donné procuration au mandataire pour conclure un acte juridique dont le contenu est prédéterminé, le mandataire n’est qu’un exécutant en ce qu’il est chargé de consentir au nom et pour le compte du mandant. Il serait dès lors logique de considérer que les vices du consentement doivent s’apprécier en la personne du mandant. Excepté ce cas, les vices du consentement devraient s’apprécier en fonction des circonstances en la personne du mandant ou du mandataire. En effet, le mandataire aura pu lui-même négocier tout ou partie le contrat qu’il est chargé de conclure avec le tiers contractant. Il en résulte que le consentement du mandataire aurait pu être vicié pour les clauses qu’il aurait lui-même négocié avec le tiers contractant.

 

            § 3. Rémunération

 

            D’abord, l’art.1986 c.civ présume que le mandat est à titre gratuit. Cette présomption est inadaptée à l’égard des mandataires professionnels. C’est la raison pour laquelle la JP considère que le mandat est présumé à titre onéreux s’agissant des mandataires professionnels.

Ensuite, le contrat de mandat relève de l’art.1165 c.civ issue de la réforme de 2016 qui vise les contrats de prestation de service. La formulation, contrat de prestation de service, ne se limite pas aux seuls contrats d’entreprise. La notion de prestation de service englobe d’autres contrats que le contrat d’entreprise que sont le contrat de dépôt et le contrat de mandat. L’art.1165 c.civ prévoit que le créancier du prix peut le fixer lui-même si les parties sont en désaccord sur le prix après l’exécution du contrat. L’art.1165 c.civ suppose que le prix n’ait pas été fixé au préalable. S’agissant du contrat de mandat, il résulte de l’art.1165 c.civ que la détermination de la rémunération du mandataire n’est pas une condition de validité du contrat de mandat. Autrement dit, la rémunération du mandataire peut être fixée par lui-même après l’exécution du contrat de mandat. Cette règle qui confère au mandataire un pouvoir unilatéral de fixation du prix est tempérée car l’art.1165 c.civ décide que le créancier (mandataire) du prix doit être en mesure de justifier le montant qu’il fixe. Le débiteur (mandant) peut saisir le juge d’une demande de dommages-intérêts en cas d’abus dans la fixation du prix. Enfin, la Cour de cassation accorde aux juges du fond un pouvoir modérateur si la rémunération du mandataire a été fixée avant l’exécution du mandat mais qu’elle se révèle excessive au regard du service finalement rendu. Cette règle qui confère un pouvoir modérateur au juge s’applique au contrat d’entreprise conclu par un client avec un professionnel libéral.

 

SECTION II :  Les conditions de forme

 

            Il résulte de l’art.1985 c.civ que le mandat est un contrat consensuel et n’est soumis à aucune forme. Ce principe de consensualisme fait l’objet d’atténuations et d’exceptions. S’agissant des atténuations, elles sont de deux sortes. En premier lieu, il faut tenir compte des règles de preuve car le principe en droit civil est que les contrats se prouvent par écrit (preuve préconstituée). En second lieu, l’art.1988 c.civ énonce que le mandat de disposer doit être exprès.

S’agissant des exceptions, elles sont de deux sortes. En premier lieu, parfois, les textes exigent que le contrat de mandat soit constaté par écrit à peine de nullité. C’est le cas pour les mandats d’agents commerciaux et des agents immobiliers. En second lieu, la règle du parallélisme des formes vise le cas où l’acte juridique à accomplir est soumis à une condition de forme ayant pour but de protéger la volonté de celui qui s’engage. Le mandat d’accomplir un tel acte est soumis à la même exigence de forme. Par exemple, le contrat de donation qui est soumis à une condition de forme et doit être conclu par acte de notarié à peine de nullité. Cette règle vise à protéger le donateur. À partir de là, si le donateur donne mandat de conclure la donation à son nom et pour son propre compte, le mandat de conclure la donation devra lui-même être constatée par acte notarié à peine de nullité.

CHAPITRE III :  EFFETS

 

SECTION I : Les rapports internes

 

Les rapports internes s’entendent des rapports entre le mandant et le mandataire.

 

            § 1. Les obligations du mandataire

 
                        A. Inventaire des obligations
 
                                    1)  Exécution de la mission

 

                                                a) Le débiteur de l’exécution

 

Évidemment, l’exécution de la mission incombe au mandataire. Le contrat de mandat est un contrat intuitu personae, ce dont il résulte que le mandataire ne devrait pas avoir le droit de se substituer un sous-mandataire pour exécuter sa mission en tout ou en partie. Pourtant, l’art.1994 c.civ admet implicitement que le mandataire peut conclure un contrat de sous-mandat même sans l’autorisation du mandant. La JP en déduit que le mandataire peut conclure un sous-contrat de mandat, sauf clause contraire stipulée dans le contrat de mandat.

 

                                                b) Les modalités de l’exécution

 

Il existe 4 directives qui encadrent l’exécution du mandat. En premier lieu, le mandataire doit se conformer aux instructions qu’il a reçues et doit agir dans les délais impartis. En deuxième lieu, il doit faire toutes les vérifications nécessaires au succès de sa mission. Par exemple, l’agence de voyage chargée de conclure un contrat de transport au nom et pour le compte du client doit vérifier la validité de ce contrat de transport. Autre exemple, le mandataire chargé d’acheter un terrain doit en vérifier la constructibilité. En troisième lieu, le mandataire professionnel est tenu à l’égard du client d’une obligation d’information et de conseil. En quatrième lieu, le mandataire est tenu d’une obligation de loyauté en ce sens qu’il ne doit pas se servir du mandat pour satisfaire ses propres intérêts. Ce qui explique l’art.1596 c.civ, lequel interdit au mandataire de se rendre adjudicataire des biens qu’il est chargé de vendre.  La JP étend la prohibition formulée à l’art.1596 c.civ aux ventes amiables même si le mandataire respecte le prix fixé par le mandant. L’art.1161c.civ interdit à tout représentant d’une personne physique de contracter pour son compte avec celle-ci. La sanction réside dans la nullité de l’acte accompli sauf autorisation ou ratification du représenté.

 
                                    2)  Obligation de rendre compte

 

L’obligation de rendre compte trouve son siège à l’art.1993 c.civ et se dédouble. D’une part, le mandataire doit rendre compte de sa gestion. Ainsi, il doit informer le mandant des conditions dans lesquelles se déroule sa mission ainsi que son résultat. D’autre part, le mandataire doit restituer au mandant tout ce qu’il a reçu en son nom et pour son compte dans l’exécution de sa mission.

 
                        B. La responsabilité du mandataire

Le Code civil comporte des dispositions apparemment contradictions relatives à la responsabilité du mandataire en cas d’inexécution de son contrat de mandat. L’art.1991 c.civ va dans le sens de la qualification d’obligation de résultat car ce texte considère que le mandataire engage sa responsabilité du seul fait de l’inexécution du contrat. Cependant, l’art.1992 c.civ va dans le sens de la qualification d’obligation de moyens en ce sens qu’il en résulte que le mandataire est responsable des fautes qu’il commet dans l’exécution du contrat de mandat. La JP concilie ces deux textes en opérant une distinction entre l’inexécution ou la mauvaise exécution du contrat de mandat. En cas d’inexécution du contrat de mandat, la JP décide que le mandataire engage sa responsabilité sauf s’il prouve que l’inexécution procède d’un cas de force majeure. Cette qualification conduit à appliquer le régime de l’obligation de résultat. En cas de mauvaise exécution, la JP considère que le mandant doit prouver la faute du mandataire pour engager sa responsabilité contractuelle. C’est le régime de la responsabilité de faute prouvée, donc une obligation de moyen. En réalité, cette distinction jurisprudentielle est artificielle. Plutôt que de distinguer entre inexécution et mauvaise inexécution, il serait plus logique de déterminer si l’accomplissement de la mission comportait ou non un aléa. Dans l’affirmative, le mandataire devrait être tenu d’une obligation de moyens tandis que dans la négative, le mandataire devrait être tenu d’une obligation de résultat.

L’art.1992 c.civ pose une directive concernant l’appréciation de la faute du mandataire lorsque celle-ci existe. La faute doit être appréciée avec plus de rigueur si le mandat est à titre onéreux que s’il est à titre gratuit. En outre, le mandataire est tenu de l’obligation de restituer au mandant tout ce qu’il a reçu en son nom et pour son compte à l’occasion de l’exécution de sa mission. Cette obligation de restitution est une obligation de résultat.

 

            §2. Les obligations du mandant

 

Le mandant est tenu de 3 obligations. D’abord, il résulte de l’art.1999, al.1er c.civ que le mandant doit verser la rémunération convenue et rembourser au mandataire les sommes que celui-ci a avancées pour l’exécution du contrat de mandat. Ensuite, il résulte de l’art.2000 c.civ que le si le mandataire a subi des pertes à l’occasion de sa gestion, le mandant doit l’indemniser sauf si les pertes sont dues à une faute du mandataire. Cette règle est supplétive de volonté. Enfin, en vertu du devoir général d’exécuter le contrat de bonne foi, le mandant est tenu d’une obligation de coopération et doit donner au mandataire tous les renseignements utiles au succès de la mission qui lui est confiée.

            §3. Le sous-contrat de mandat

 

            Le recours au sous-mandataire entraine l’application de règles particulières.

 
                        A. Le régime de la responsabilité

 

            C’est l’hypothèse où le mandataire a recouru à un sous-mandataire, lequel n’a pas correctement exécuté sa mission.

 
1                                    1) La responsabilité du mandataire principal

 

            Cette responsabilité est régie par l’art.1994, al. 1er c.civ qui dispose en substance que le mandataire principal répond vis-à-vis du mandant du fait du sous-mandataire quand la substitution n’a pas été autorisée par le mandant ou lorsque la substitution a été autorisée mais que le mandataire principal a lui-même choisi un sous-mandataire notoirement incapable ou insolvable. A contrario, il en résulte que le mandataire principal n’est pas responsable du fait du sous-mandataire si la substitution a été autorisée par le mandant et que le mandataire n’a pas lui-même choisi un sous-mandataire notoirement incapable ou insolvable. Finalement, le mandataire principal n’est pas toujours responsable du fait du sous-mandataire. Cette solution est critiquable car il est désormais admis en doctrine que celui qui exécute son obligation par l’intermédiaire d’autrui doit toujours répondre du fait de son exécutant. En conséquence, le mandataire principal devrait toujours répondre du fait du sous-mandataire. Cette règle pourrait être rétablie à l’occasion d’une prochaine réforme.

 
                                    2) La responsabilité du sous-mandataire

 

            Évidemment, le sous-mandataire auquel l’inexécution est imputable engage sa propre responsabilité contractuelle à l’égard du mandataire principal. Il en résulte que le mandataire principal, dont la responsabilité aura été engagée par le mandant en raison de l’inexécution du contrat par le sous-mandataire, pourra se retourner contre ce dernier. Le mandataire principal aura une action récursoire contre le sous-mandataire auquel l’inexécution est imputable de sorte que la charge définitive pèsera sur le sous-mandataire. Cela étant le sous-mandataire est également responsable à l’égard du mandant, l’art.1994, al.2 c.civ disposant que dans tous les cas, le mandant peut agir directement contre la personne que le mandataire s’est substitué. Ce texte ne servirait à rien si l’action envisagée s’entendait d’une action en responsabilité extracontractuelle. En réalité, l’action directe visée par l’art.1994, al.2 c.civ correspond à une action directe en responsabilité contractuelle. Par conséquent, le mandant dispose dans tous les cas d’une action en responsabilité contractuelle contre le sous-mandataire auquel l’inexécution est imputable. Au sens strict du principe de l’effet relatif, le sous-mandataire et le mandant sont des tiers mais cela se justifie par l’existence d’un groupe de contrats.

Enfin, la formulation « dans tous les cas », implique que cette action directe est ouverte même si le mandant n’avait pas autorisé le mandataire à recourir à un sous-mandataire.

 
                        B. Le paiement du sous-mandataire

 

            L’art.1994, al.2 c.civ accorde au mandant une action directe en responsabilité contractuelle contre le sous-mandataire auquel l’inexécution est imputable. La JP a bilatéralisé l’action directe en cas de recours à un sous-mandat. En effet, elle admet que le sous-mandataire dispose lui-même d’une action directe contre le mandant pour obtenir le paiement de sa rémunération ou en remboursement des avances et frais qu’il a engagés. Cette action directe peut être exercée même si la substitution n’a pas été autorisée par le mandant. Cette action est plafonnée par la règle nemo plus juris en ce sens que le sous-mandataire n’a pas plus de droits contre le mandant que n’en avait le mandataire principal lui-même. Autrement dit, le sous-mandataire ne peut réclamer au mandant plus que ce que doit le mandant au mandataire principal le jour où l’action directe est exercée. Si au jour de l’exercice de l’action directe le mandant a payé tout ce qu’il doit au mandataire principal, l’action directe du sous-mandataire va frapper dans le vide.

 

SECTION II :  Les rapports externes

 

Les rapports externes renvoient aux rapports entre le mandataire ou le mandant et les tiers.

 

            § 1. Les effets du mandat entre le mandataire et le tiers

 

Il faut faire application du mécanisme de la représentation parfaite en vertu duquel le mandataire agit au nom et pour le compte du mandant. Il en résulte que le mandataire qui agit de la sorte disparait de la scène juridique dès lors que le contrat a été conclu. On dit aussi que le mandataire est transparent en ce sens que le contrat ainsi conclu avec le tiers contractant ne produit aucun effet en faveur ou à la charge du mandataire. Cependant, cette transparence du mandataire est assortie d’une limite.  Si le mandataire a commis une faute qui a causé un préjudice au tiers contractant, le mandataire engage sa responsabilité personnelle à l’égard du tiers. Cette responsabilité est extracontractuelle car le mandataire n’est lié par aucun contrat avec le tiers contractant. Cette solution s’applique si le mandataire dépasse ses pouvoirs ou s’il commet un dol vis-à-vis du tiers contractant. Le dol commis par le mandataire n’engage pas la responsabilité personnelle du mandant sauf si ce dernier en est à l’origine.

 

            § 2. Les effets du mandat entre le mandant et le tiers

            Les effets découlent à nouveau du mécanisme de la représentation parfaite. Cependant, ce mécanisme est mis à l’écart en cas de dépassement de pouvoirs sauf mandat apparent.

 
                        A. La représentation parfaite

 

Le mécanisme de la représentation parfaite joue pour les actes juridiques que le mandataire accomplit conformément au pouvoir de représentation qui lui a été conféré. Ce mécanisme implique que le mandataire va s’effacer aussitôt l’acte juridique conclu. S’il s’agissait de conclure un contrat avec un tiers contractant, tout se passe comme si le mandant l’avait lui-même conclu.  Le contrat produit tous ses effets en faveur ou à l’encontre du mandant (art.1998, al.1 c.civ). Le mandant devient personnellement créancier ou débiteur en vertu du contrat conclu par le mandataire avec le tiers contractant.

 
                        B. Le dépassement de pouvoir

 

Il peut arriver que le mandataire reste formellement dans le cadre de son pouvoir de représentation mais détourne ce pouvoir au détriment du mandant. Par exemple, le mandataire conclut une vente à bas prix afin de léser le mandant. Dans cette hypothèse, il résulte de l’art.1155 c.civ que le mandant peut invoquer la nullité de l’acte accompli si le tiers avait connaissance du détournement. Si le tiers était de bonne foi, le mandant reste lié par l’acte accompli et devra s’en tenir à son action en responsabilité contractuelle contre le mandataire.

Le mandataire dépasse ses pouvoirs lorsqu’il accomplit un acte juridique pour lequel il n’avait pas reçu le pouvoir. Dans ce cas, il faut se référer à l’art.1156 al.1er c.civ qui décide que l’acte ainsi accompli est inopposable au mandant. Toutefois, l’art.1156, al.3 c.civ prévoit que le représenté pourra ratifier l’acte irrégulier auquel cas l’acte sera rétroactivement valide. L’art.1156 c.civ ouvre une alternative entre l’inopposabilité de l’acte et ratification et place le tiers dans une situation inconfortable car le tiers sera suspendu à la décision du mandant. C’est la raison pour l’art.1156 al.2 c.civ permet au tiers de mettre fin à cette incertitude en invoquant lui-même l’acte irrégulier. Cette demande du tiers contractant interdit au mandant de ratifier l’acte juridique. Cette action en nullité est réservée au tiers contractant de bonne foi, lequel ignorait le dépassement de pouvoir. Inversement, le tiers de mauvaise foi devra attendre que le mandant prenne parti entre l’inopposabilité et la ratification de l’acte irrégulier.

Le tiers qui se propose de contracter avec un mandataire a tout intérêt à s’assurer au préalable de l’entendue des pouvoirs de représentation de ce mandataire. L’art.1956 c.civ met en place en place un mécanisme interrogatoire qui permet au tiers d’interroger par écrit le représenté sur l’étendue des pouvoirs de son représentant. Cet écrit doit fixer un délai raisonnable pour la réponse du représenté et doit mentionner que le représentant sera réputé avoir le pouvoir d’accomplir l’acte juridique à défaut de réponse au terme du délai.  Ainsi, le tiers pourra consolider sa situation juridique.

 
                        C. Le mandat apparent

 

Sauf s’il ratifie l’acte irrégulier, le mandant n’est pas tenu par l’acte accompli par le mandataire en dépassement des pouvoirs. Cependant, selon la JP antérieure, le mandant était quand même tenu si les conditions du mandat apparent étaient réunies. La théorie du mandat apparent est consacrée par la réforme de 2016 à l’art.1156, al.1er c.civ, lequel prévoit que l’acte accompli sans pouvoir par le représentant est inopposable au représenté (mandant) sauf si le tiers contractant a légitimement cru en la réalité des pouvoirs du représentant notamment en raison du comportement ou des déclarations du représenté. La croyance légitime du tiers peut trouver sa source dans une faute du mandant dont le comportement ou les déclarations auront contribué à créer l’apparence trompeuse. Mais la théorie de l’apparence n’est pas subordonnée à la faute du mandant en ce sens que la croyance légitime du tiers peut aussi trouver sa source dans le comportement ou les déclarations du mandataire lui-même. En outre, d’autres éléments peuvent être pris en considération pour apprécier la légitimité de la croyance du tiers. Plus l’acte juridique qu’il s’agit d’accomplir est important plus le tiers doit faire plus de vérifications. De même, la qualité du tiers est prise en compte (profane ou professionnel).

L’ar.1156 al.2 c.civ précise que le tiers qui a été victime de l’apparence trompeuse n’est pas tenu de faire jouer la théorie de l’apparence. Il peut préférer invoquer la nullité de l’acte juridique accompli.

CHAPITRE IV : EXTINCTION

 

SECTION I :  Les causes d’extinction

 

            § 1. Les causes volontaires

 
                        A. La révocation
 
                                    1) La libre révocation du mandat

 

L’art.2004 c.civ dispose que le mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble. on dit que le mandat est révocable ad nutum, librement révocable, à la discrétion du mandant. Le mandat est établi dans l’intérêt du mandant et non dans l’intérêt du mandataire. Le mandat suppose une relation de confiance entre le mandant et le mandataire. Le mandant doit pouvoir révoquer le mandataire dès qu’il perd confiance dans son mandataire. La révocation tacite résulte de la désignation d’un nouveau mandataire pour la même affaire (art.2006 c.civ).

 
                                    2) Tempéraments

 

La libre révocation du mandat souffre trois tempéraments. En premier lieu, les parties peuvent stipuler que le mandat est à durée déterminée ou qu’il est irrévocable. De telles stipulations n’interdisent pas au mandant de révoquer le mandat. Simplement, une révocation anticipée engagerait la responsabilité contractuelle du mandant, lequel s’expose au versement de dommages-intérêts. En deuxième lieu, les parties peuvent convenir que le mandataire aura droit à une indemnité en cas de révocation par le mandant. Cette indemnité ne sera pas due si la révocation du mandat est justifiée par une faute commise par le mandataire. En troisième lieu, la JP qualifie parfois le mandat de mandat d’intérêt commun et cette qualification est retenue si le mandataire est chargé de créer ou de développer la clientèle du mandant. Dans ce cas, le principe est que le mandataire aura droit à une indemnité s’il est révoqué par le mandant.

 
                        B. La renonciation

 

Le mandataire peut renoncer au mandat (art.2007, al.1er c.civ) et doit simplement notifier sa décision au mandant. Cependant, si la renonciation du mandataire cause un préjudice, le mandataire devra indemniser le mandant (art.2007, al.2 c.civ).

 

            §2. Les causes accidentelles

 

Ces causes accidentelles sont prévues à l’art.2003 c.civ, in fine. En premier lieu, le mandat s’éteint par la mort du mandant ou du mandataire, ce dont il résulte que le mandat ne se transmet pas aux héritiers respectifs. Cette absence de transmissibilité s’explique par le caractère doublement intuitu personae du contrat de mandat. En deuxième lieu, le mandat s’éteint si le mandant ou le mandataire sont placés sous tutelle en cours de mandat. En troisième lieu, le mandat s’éteint en cas de déconfiture de l’une et de l’autre partie. La notion de déconfiture renvoie aux situations d’insolvabilité avérée.

 

SECTION II :  Les effets de l’extinction

 

Le mandataire perd son pouvoir de représentation à l’extinction du contrat de mandat de sorte qu’il ne peut plus engager le mandant par les actes juridiques qu’il accomplit. Mais il peut arriver que le mandataire ignore l’évènement qui a mis fin à son mandat. Par exemple, le mandataire ignore le décès du mandant. Tant que le mandataire est dans cet état d’ignorance, les actes juridiques qu’il accomplit avec les tiers engagent le mandant ou ses héritiers (art.2008 c.civ). A contrario, le mandataire doit cesser de contracter avec les tiers dès lors qu’il a connaissance de l’extinction de son mandat. Néanmoins, les tiers de bonne foi seront protégés (art.2005 c.civ). L’art.2005 c.civ dispose que la révocation notifiée au seul mandataire ne peut être opposée aux tiers de bonne foi. Cet article est une application particulière de la théorie du mandat apparen

TITRE III :  LE CONTRAT DE DÉPÔT

 

Le contrat de dépôt est prévu à l’art.1915 c.civ. Ce contrat oblige le dépositaire à garder la chose du déposant pour la lui restituer au terme du contrat. Le dépôt ne peut avoir pour objet que des meubles entendus largement comme des meubles corporels et incorporels. À l’inverse, un immeuble ne peut faire l’objet d’un dépôt. Néanmoins, un immeuble peut être confié à la garde d’autrui, auquel cas il s’agira d’un contrat de gardiennage qui n’est qu’une application particulière du contrat d’entreprise.

Le Code civil conçoit le contrat de dépôt comme un service d’amis, à titre gratuit. Cette conception est désuète car le dépôt s’est professionnalisé et donne lieu désormais à rémunération.

 

CHAPITRE I : QUALIFICATION

 

SECTION I : L’obligation de garde

 

Trois observations à faire sur l’obligation de garde. En premier lieu, la qualification de contrat de dépôt implique que la garde corresponde à la prestation principale du débiteur. A contrario, il n’y a pas de contrat de dépôt si une partie est tenue de garder une chose qui lui est remise pour l’exécution d’un autre contrat. Par exemple, un mandataire ou entrepreneur auquel le mandataire ou le client confie une chose. Dans ce cas, le contrat conserve sa qualification de contrat de mandat ou d’entreprise car le mandataire ou l’entrepreneur seront tenus d’une obligation accessoire de garde. Ce critère de qualification n’a pas une portée pratique. D’une part, l’obligation accessoire de garde suit le même régime que l’obligation principale de garde incombant à un dépositaire. D’autre part, il existe une JP propre au cas où le client confie une chose à un prestataire de service. La JP considère parfois que le contrat d’entreprise se double par un contrat de dépôt avant ou après la prestation qui constitue la mission de l’entrepreneur.

En second lieu, le dépôt a pour finalité la garde de la chose, but caractéristique du contrat. C’est la raison pour laquelle le contrat de dépôt-vente n’est pas un contrat de dépôt. En cas de dépôt-vente, le client confie une chose à un professionnel afin que celui-lui la vende et non pas qu’il en assure la garde. C’est seulement si la chose n’est pas vendue que le professionnel devra la restituer au client. Dans le contrat de dépôt-vente, le client donne un mandat de vendre au professionnel.

En troisième lieu, le dépositaire doit garder la chose, ce qui lui interdit de l’utiliser (art.1930 c.civ). S’il était autorisé à utiliser la chose, il n’y aurait plus un contrat de dépôt mais un contrat de prêt à usage.

SECTION II : Le transfert de la garde

 

La garde de la chose est transférée au dépositaire à défaut de quoi il n’y a pas de contrat de dépôt. Par exemple, si un contrat met un emplacement (stationnement, camping ou un mouillage) à la disposition d’un client, le client peut librement accéder à l’emplacement mais conserve sous sa garde la chose qu’il y place. Pour cette raison, le contrat ainsi caractérisé n’est pas un contrat de dépôt. Si le contrat qui porte sur l’emplacement est conclu à titre gratuit, c’est un contrat de prêt à usage et s’il est à titre onéreux il s’agit d’un contrat de bail. En conséquence, s’il y a bail, le bailleur de l’emplacement n’endosse pas les obligations d’un dépositaire en ce sens qu’il ne répondra pas des dommages causés à la chose entreposée sauf si une faute peut être prouvée à son encontre.

CHAPITRE II : RÉGIME DU CONTRAT DE DÉPÔT

 

SECTION I :  Conclusion du contrat

 

            § 1. Conditions de fond

 

L’art.1922 c.civ indique que le dépôt ne peut être fait que par le propriétaire de la chose déposée mais en réalité cette affirmation n’est pas exacte car le dépôt peut être fait par tout détenteur de meuble. Simplement, si le dépôt est fait sans le consentement du propriétaire, ce dernier n’assumera pas les obligations du déposant. En outre, le propriétaire pourra exercer une action en revendication afin d’obtenir la restitution du meuble.

Pour que le contrat de dépôt puisse être conclu, les parties doivent être capables et la capacité de disposer n’est pas requise, le dépôt n’étant pas un acte de disposition.

 

            § 2. Conditions de forme et de preuve

 

L’art.1919 c.civ fait du dépôt un contrat réel qui ne se forme que par la remise de la chose entre les mains du dépositaire. Le contrat de dépôt obéit au droit commun de la preuve à une réserve près. En effet, en cas de dépôt nécessaire (art.1949 c.civ) qui a été forcé par un évènement accidentel et imprévu (incendie, pillage, naufrage, etc.), le dépôt peut être librement prouvé.

SECTION II : Les effets du contrat

 

            § 1. Les obligations du déposant

 

Le déposant a 3 obligations. D’abord, si le dépôt est à titre onéreux, il devra verser la rémunération convenue au dépositaire. Ensuite, le déposant doit rembourser au dépositaire les dépenses liées à la conservation de la chose (art.1947 c.civ). Cependant, elle ne vaut que si le dépôt est à titre gratuit. À l’inverse, si le dépôt est à titre onéreux, les dépenses liées à la conservation de la chose sont présumées incluses dans la rémunération, sauf clause contraire. Enfin, le déposant doit indemniser le dépositaire des dommages subis du fait de la chose déposée, étant entendu que la preuve d’un vice de la chose n’est pas requise. À nouveau, cette solution ne vaut que si ce contrat de dépôt est à titre gratuit de sorte que l’obligation ne se justifie pas si le dépositaire est un professionnel rémunéré.

 

            § 2. Les obligations du dépositaire

 
                        A.  L’obligation de garde

 

            L’obligation de garde n’est ni une obligation de moyens ni de résultat mais la JP applique le régime intermédiaire de l’obligation de résultat atténuée en ce sens qu’en cas de détérioration ou perte de la chose déposée, la responsabilité du dépositaire sera engagée sans que le déposant n’ait à rapporter la faute du dépositaire. Cependant, le dépositaire pourra s’exonérer en prouvant qu’il n’a pas commis de faute. La preuve de la charge pèse sur le dépositaire dans la mesure où il est le mieux à même à faire la lumière sur les circonstances de la perte ou de la détérioration car il avait la chose entre ses mains au moment de l’évènement.

Deux observations. Premièrement, la faute du dépositaire est appréciée plus sévèrement par si le dépôt est à titre onéreux que s’il est à titre gratuit (art.1926 c.civ). Si le dépôt est à titre onéreux, la faute du dépositaire est appréciée in abstracto en comparant son comportement avec celui d’un dépositaire normalement diligent, consciencieux et soigneux. Si le dépôt est à titre gratuit, la faute du dépositaire est appréciée in concreto en se référant aux habitudes personnelles du dépositaire lui-même. En effet, le dépositaire doit simplement prouver qu’il a donné à la chose déposée les mêmes soins qu’il aurait apporté à sa propre chose.

Deuxièmement, des textes spéciaux prévoient des régimes de responsabilité spéciaux en cas de dépôt hospitalier et de dépôt hôtelier. Les règles du dépôt hospitalier sont prévues à l’art. L.1113-1 et suivants du Code de la santé publique. Le dépôt hôtelier est régi par l’art. 1952 et suivants c.civ. L’hôtelier est tenu d’une obligation de résultat et l’art.1953 c.civ plafonne sa responsabilité, s’agissant des objets que le client a laissé dans sa chambre sans les confier spécialement à la garde de l’hôtelier.

 
                        B. L’obligation de restitution
 
                                    1) L’objet de la restitution

 

Il faut se reporter à l’art.1932 c.civ lequel dispose que le dépositaire doit rendre identiquement la chose même qu’il a reçue. Il est tenu d’une obligation de restitution à l’identique. A contrario, le dépôt devient irrégulier s’il porte sur des meubles fongibles. Si le débiteur reçoit en dépôt des choses fongibles, il lui suffira au terme du contrat de restituer des choses équivalentes dans la même quantité. Dans l’intervalle (dépôt et restitution), le dépositaire peut librement disposer les choses reçues et en devient propriétaire. Le dépôt irrégulier s’entend d’un dépôt translatif de propriété. L’irrégularité renvoie au transfert de propriété qui n’est pas dans la nature du contrat de dépôt. Cette théorie du dépôt irrégulier est critiquable. En effet, il n’y a aucune raison de décider que le dépositaire irrégulier peut librement disposer des choses reçues entre le jour du dépôt et le jour de la restitution. La logique du dépôt implique au contraire que le dépositaire ait l’obligation de conserver la quantité de choses fongibles qui lui a été remise. Si l’on adopte cette lecture, le dépôt de choses fongibles devient un dépôt régulier, donc non translatif de propriété.

La doctrine range les dépôts bancaires dans la catégorie des dépôts irréguliers. Autrement dit, l’argent qui est inscrit sur le compte bancaire d’un client fait l’objet d’un dépôt irrégulier translatif de propriété au bénéfice du banquier (dépositaire irrégulier). En effet, la loi autorise les banques à utiliser les fonds qu’elles reçoivent de leurs clients. La banque peut disposer de l’argent de ses clients jusqu’au jour où le client réclame la restitution. Cette théorie n'est pas exempte de critiques. En effet, il est possible de considérer que le droit reconnu à la banque de disposer des fonds qu’il reçoit du public est incompatible avec la qualification du dépôt. Dans ce cas, le dépôt bancaire n’est pas un contrat de dépôt mais simplement un contrat sui generis.

 

                                    2) La date de la restitution

 

L’art.1944 c.civ dispose que la chose doit être restituée au déposant aussitôt qu’il la réclame même si un terme a été fixé pour la restitution. Cette solution est logique car le terme extinctif du contrat de dépôt est en réalité stipulé dans l’intérêt exclusif du déposant. Il est donc normal que le dépositaire soit lié par le terme extinctif et que le déposant ne soit pas lié par ce terme et qu’il puisse réclamer la restitution de sa chose à tout moment.

 
                                    3) L’inexécution de la restitution

 

L’art.1943 c.civ énonce que le dépositaire doit rendre la chose déposée dans l’état où elle se trouve au moment de la restitution. Si le dépositaire ne peut restituer la chose parce qu’elle a été détruite ou perdue, l’obligation de conservation du dépositaire entre en jeu. Cette obligation de conservation est une obligation de résultat atténuée, ce dont il résulte que la responsabilité du dépositaire sera engagée sauf s’il prouve que la destruction ou la perte n’est pas imputable à sa faute.

TROISIÈME PARTIE : LES CONTRATS DE MISE À DISPOSITION D’UNE CHOSE

 

TITRE I : LE CONTRAT DE BAIL

 

Le contrat de bail est prévu à l’art.1709 c.civ sous la qualification de contrat de louage de chose. En vertu de ce contrat, le bailleur s’oblige à procurer la jouissance paisible de la chose au locataire pendant un certain temps et contre le paiement d’un prix qualifié de loyer. Le Code civil est le siège de la règlementation du droit commun du bail, laquelle est largement concurrencée par des régimes spéciaux se rapportant au bail d’habitation, au bail commercial et au bail rural. Les règles de droit commun conservent toutefois un intérêt. D’une part, elles s’appliquent aux baux spéciaux à défaut de dispositions en sens contraire prévues dans la législation spéciale. D’autre part, les règles de droit commun s’appliquent au bail de droit commun, lequel n’est régi par aucun texte spécial.

 

CHAPITRE I :  QUALIFICATION

 

La qualification du contrat de bail suppose qu’une partie mette une chose à la disposition de l’autre. Inversement, tout contrat de mise à disposition d’une chose n’est pas forcément un contrat de bail. Cela appelle 4 observations.

En premier lieu, le contrat de bail se distingue du contrat de prêt à usage. Le contrat de bail est conclu à titre onéreux tandis que le contrat de prêt à usage est conclu à titre gratuit.

En deuxième lieu, le contrat de bail se distingue des contrats qui confèrent à l’usager un droit réel sur la chose grevée. C’est le cas du contrat constitutif d’un usufruit car l’usufruitier est titulaire d’un droit réel sur la chose grevée. Au contraire en cas de bail, le locataire n’a aucun droit réel sur la chose louée, il n’a qu’un droit personnel de jouissance contre son bailleur.  Cependant, il existe un facteur de perturbation en ce sens que certains baux spéciaux confèrent un droit réel au locataire sur la chose louée. Ces baux spéciaux n’ont pas la même nature du bail au sens des art.1709 et suivants selon lesquels le locataire n’a qu’un droit personnel et non réel sur la chose loué.

En troisième lieu, le bail se distingue de la convention d’occupation précaire. Définie à l’art. L.145-1-1c.com, la convention se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l’occupation des lieux n’est autorisée que par des circonstances particulières indépendantes de la volonté des parties. Cette définition légale est conforme à la JP laquelle exige que l’occupation soit justifiée par circonstances exceptionnelles et pour la durée de ces circonstances. Autrement dit, la convention d’occupation précaire doit être justifiée par un motif dont le juge peut être amené à vérifier la légitimité. Par exemple, une situation d’attente liée à la mise en vente de l’immeuble ou liée à la réalisation d’une opération d’urbanisme ou encore d’une démolition. Si le motif est légitime, la qualification de convention précaire permet aux parties d’échapper au statut spécial qui serait autrement applicable. En matière commerciale, l’art.145-1-1 c.com fait échapper la convention précaire d’occupation au régime des baux commerciaux. Si le motif n’est pas légitime, la convention d’occupation précaire sera requalifiée en bail et soumis au régime correspondant. 

En quatrième lieu, la JP écarte le régime du bail dans certaines circonstances. D’abord, il a été jugé que l’attribution d’un logement à titre d’accessoire d’un contrat de travail n’était pas constitutif d’un bail. La convention dont il s’agit se rapproche en effet d’une occupation précaire liée au statut de salarié. De plus, il a été jugé que n’est pas un bail le contrat de séjour par lequel une maison de retraite s’oblige à héberger une personne âgée et à lui fournir des prestations hôtelières médicales et sociales, ce dont il résulte qu’un tel bail échappe aux règles relatives à la responsabilité du locataire en cas d’incendie.

CHAPITRE II : DROIT COMMUN DU BAIL

 

            Il s’agit de délimiter le champ d’application du code civil. Le droit commun du bail est concurrencé par les statuts spéciaux. Cependant, en dépit de cette concurrence, les règles de droit commun conservent une utilité. D’une part, le droit commun s’applique en complément des statuts spéciaux à partir du moment où ces statuts ne contiennent pas des règles dérogatoires au droit commun. D’autre part, le droit commun gouverne les baux non soumis à des statuts spéciaux. Les baux qui ne sont pas soumis aux statuts spéciaux sont d’abord les locations mobilières, ensuite, des baux qui portent sur des immeubles et qui, pour autant, échappent à la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 qui est constitutive d’un statut spécial et s’applique aux baux à usage d’habitation et aux baux à usage mixte d’habitation et professionnel.

L’application de ce statut spécial a pour but de protéger le droit au logement proclamé à l’art.1er de la même loi. Ce but particulier explique que la loi de 1989 ne régit que les baux qui portent sur la résidence principale du preneur (art.2). A contrario, échappent au statut spécial les locations saisonnières, les locations de résidence secondaire à usage permanente, les locations au profit d’une personne morale ainsi que les baux professionnels accordés à des professions libérales (lesquels sont dépourvus de statut). Le régime de droit commun est applicable à la location de garage et de place de stationnement dès lors qu’elles ne sont pas l’accessoire d’une résidence principale.

 

SECTION I : Formation du bail

 

            § 1. Règles de fond

 

D’abord, le bail peut être à durée déterminée ou indéterminée. Comme tout contrat, le contrat de bail se heurte à la prohibition des engagements perpétuels. Doit être qualifié de perpétuel, le bail dont le terme extinctif dépend de la seule volonté du preneur. À l’inverse, le bail peut être valablement conclu pour la durée de vie du preneur. Depuis la réforme de 2016, l’art.1210 énonce que le contrat dont la durée est perpétuelle doit être requalifié en contrat à durée indéterminée de sorte que chaque partie pourra disposer d’un droit de résiliation unilatérale.

Ensuite, le loyer doit être déterminé ou déterminable à peine de nullité. Il peut être indexé mais son indexation est encadrée par des règles générales contenues dans le Code monétaire financier et par des règles propres aux baux.

Enfin, la location d’un bien par le bailleur requiert en principe la capacité d’administration. Le bail est en principe un acte d’administration pour le bailleur, lequel doit être le propriétaire de la chose louée. Cependant, le bail de la chose d’autrui n’est pas atteint de nullité mais est simplement inopposable au véritable propriétaire, lequel pourra revendiquer la propriété de son bien comme étant libre de tout bail. Tant que le véritable propriétaire ne se manifeste pas, le bail produit les effets ordinaires d’un contrat de bail.

 

            § 2. Règles de forme et de preuve

 
                        A. Les règles de forme

 

Le contrat de bail est un contrat consensuel, ce dont il résulte qu’aucune condition de forme n’est requise pour sa validité. L’art.1714 c.civ énonce qu’il est possible de louer par écrit ou verbalement. Les textes spéciaux requièrent un écrit pour le bail rural et le bail d’habitation sans prévoir des sanctions en cas d’inobservation de la formalité.

 
                        B. Les règles de preuve

            La preuve fait l’objet des art. 1715 et 1716 c.civ se rapportant au bail verbal.  Ces articles distinguent deux hypothèses. Si le bail verbal n’a encore reçu aucune exécution et l’une des parties en nie l’existence, la preuve du bail ne pourra pas être rapportée par témoins mais par serment déféré à celui qui nie le bail. Si le bail verbal a reçu un commencement d’exécution, la preuve pourra être rapportée par tous moyens. Cette solution n’est pas expressément prévue par le code mais résulte implicitement de la lecture de l’art.1716 c.civ.

 

            § 3. Règles de publicité

 

En principe, le contrat de bail ne donne lieu à aucune mesure de publicité quand bien même il s’agit d’un bail immobilier. Cette exemption de publicité s’explique par le fait que la publicité foncière vise les contrats constitutifs de droits réels immobiliers. Or, sous réserves des statuts dérogatoires, le bail au sens du code civil, ne confère au locataire aucun droit réel sur la chose louée. Le décret du 4 janvier 1955 sur la publicité foncière prévoit une dérogation au principe selon lequel le bail immobilier échappe à la publicité foncière. Il prévoit que les baux immobiliers d’une durée supérieure à 12 ans doivent être publiés car de tels baux diminuent fortement la valeur vénale de l’immeuble. Il en résulte que les tiers qui se proposent de traiter avec le vendeur doivent être informés de leur existence.

 

SECTION II :  Effets du bail

 

            § 1. Les obligations du bailleur

 
                        A. Obligation de délivrance

 

L’art.1719, 1° c.civ prévoit que le bailleur doit délivrer la chose louée, c’est-à-dire la mettre à disposition du locataire. Cette mise à disposition est la première étape indispensable de l’exécution du contrat. La délivrance est une obligation essentielle dont le bailleur ne saurait s’exonérer. Cette obligation a deux prolongements. En premier lieu, s’il s’agit d’un logement l’art.1719, 1° c.civ exige que ce logement soit décent. En second lieu, l’art. 1720 c.civ dispose que le bailleur doit délivrer la chose en bon état de réparation. La JP admettait que l’art.1720 c.civ n’est pas d’ordre public mais les arrêts récents semblent affirmer le contraire.

S’agissant du bail d’habitation, l’art.6 de la loi de 1989 exige que le logement soit délivré en bon état de réparation. L’art.6 autorise seulement les parties à prévoir que certains travaux devront être réalisés par le locataire dès lors que leurs coûts s’imputent aux loyers. Cet article 6 est d’ordre public.

 
                        B. Obligation d’assurer la jouissance paisible

 

L’obligation d’assurer la jouissance paisible est également une obligation essentielle prévue à l’art.1719, 3° c.civ aux termes duquel le bailleur ne peut en cours de bail changer la forme de la chose louée. Il ne peut pas non plus s’immiscer dans la jouissance du locataire en lui interdisant d’héberger des proches. Pour le reste, l’obligation d’assurer la jouissance a trois prolongements.

 
                                    1) Obligation d’entretien

 

L’art.1719 2° c.civ prévoit que le bailleur doit entretenir la chose en état de remplir son usage, ce qui implique qu’il fasse les réparations autres que locatives. Les réparations locatives sont celles qui concernent le menu entretien (art. 1754 c.civ) se rapportant à l’usage courant de la chose. En sens inverse, les réparations qui portent sur la structure de la chose sont à la charge du bailleur. Un décret du 26 août 1987 fixe la liste des réparations locatives s’agissant des immeubles à usage d’habitation. Si le bailleur manque à son obligation d’entretien, les conséquences de l’inexécution sont prises en charge par le droit commun des contrats. Le locataire confronté à une inexécution de l’obligation d’entretien pourra envisager de suspendre le paiement des loyers par application du mécanisme de l’exception d’inexécution. Cependant, une telle exception d’inexécution obéit aux règles générales prévues à l’art.1220 c.civ. L’art.1220 c.civ n’autorise l’exception d’inexécution que si les conséquences de l’inexécution sont suffisamment graves pour la partie victime. Le locataire ne saurait suspendre le versement de loyers que s’il prouve l’existence d’un trouble de jouissance.

 
                                    2) Garantie des vices de la chose

 

L’art.1721 c.civ prévoit que le bailleur doit garantir les vices qui empêchent l’usage de la chose louée même s’il les ignorait au moment de la conclusion du bail. Cette garantie relève du régime des obligations de résultat. Contrairement à la garantie qui est due par le vendeur, la garantie du bailleur ne se limite pas aux vices antérieurs au contrat de bail. En effet, le bail est un contrat à exécution successive et il est logique que le bailleur doive la garantie des vices qui apparaissent en cours d’exécution du contrat. La garantie des vices n’est pas autonome car elle constitue un prolongement de l’obligation d’entretien à telle enseigne qu’elle n’obéit à aucun régime spécial contrairement à la garantie due par un vendeur.

 
                                    3) Garantie contre les troubles de jouissance

 

Les art.1725 à 1724 c.civ distinguent selon l’origine du trouble. En premier lieu, le bailleur doit s’abstenir de tout fait personnel portant atteinte à la jouissance du locataire. C’est la garantie du fait personnel. En second lieu, le bailleur doit garantir le locataire contre les troubles de droit, contre les réclamations des tiers se rapportant à la propriété de la chose louée. L’art.1726 c.civ dispose que le locataire, évincé par un tiers, pourra exiger une diminution proportionnelle du loyer. Si l’éviction est totale, il pourra agir en résiliation du bail et en dommages-intérêts contre le bailleur. En sens inverse, les troubles de fait qui émanent des tiers ne sont pas garantis (art.1725 c.civ). Par exemple, le bailleur ne répond pas d’un vol commis par un tiers au détriment du locataire.

 

            § 2. Les obligations du locataire

 
                        A.  Paiement des loyers

 

Cette obligation de payer le loyer relève du droit commun des contrats. Il arrive qu’un immeuble soit pris en location par des colocataires. Autrement dit, chaque colocataire aura le droit de jouir indivisiblement des lieux loués. Dans ce cas, en principe, la dette de loyer se divise entre les colocataires par tête (à parts égales). Cette division de la dette est écartée si les colocataires s’obligent à l’égard du bailleur à payer solidairement les loyers. Le bailleur peut alors demander la totalité des loyers à n’importe lequel des colocataires. La solidarité est pratiquement toujours stipulée en cas de colocation mais elle est présumée en matière commerciale.

La solidarité est imposée par la loi lorsqu’un immeuble à usage d’habitation est loué à des époux (art.220 c.civ) ou à des partenaires liés par un PACS (art.515-4, al.2 c.civ)

 
                        B. Obligation en nature
 
                                    1) Bon usage de la chose

 

L’art.1728 c.civ prévoit que le preneur doit user de la chose raisonnablement en respectant soit sa destination contractuelle ou normale en l’absence de clause particulière dans le contrat de bail. Le locataire qui manque à cette obligation s’expose à une résiliation du contrat de bail à ses torts (art.1729 c.civ).

 
                                    2) Conservation de la chose

 

a) Contenu

 

L’obligation du locataire de conserver la chose se dédouble. D’une part, le locataire doit effectuer les réparations locatives. D’autre part, le locataire ne doit pas modifier la chose louée. Dans les baux immobiliers, le locataire ne saurait réaliser des travaux excédant le cadre de la décoration intérieure sans l’autorisation du bailleur. À défaut, le bailleur pourra exiger la remise en état des lieux aux frais du locataire. L’art. 7, f) de la loi de 1989 précise que le bailleur peut choisir de conserver le bénéfice des travaux irréguliers réalisés par le

locataire sans aucune indemnité. Par exception, s’agissant des locaux d’habitation, la loi autorise le locataire à effectuer certains travaux de mise aux normes et à en répercuter le coût sur le bailleur en fin de bail (arts.3 et 8 de la loi du 11 juillet 1967).

 

                                    b) Régime

L’art.1732 c.civ prévoit que le premier répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance sauf s’il prouve qu’elles ont eu lieu sans faute. C’est le régime de l’obligation de résultat atténué (responsabilité pour faute présumée). Cela dit, la responsabilité du locataire est doublement étendue. En premier lieu, l’art.1735 c.civ dispose que le locataire est tenu des dégradations et des pertes qui arrivent par le fait de ses sous-locataires et des personnes de sa maison. Les personnes de sa maison s’entendent des personnes qui y résident, même temporairement. Sont également inclus les professionnels qui interviennent à la demande du locataire. L’art.1735 c.civ institue une responsabilité contractuelle du fait d’autrui.

            En second lieu, le code prévoit un régime spécial en cas d’incendie. En cas d’incendie, il ne suffit plus, pour le locataire, de prouver qu’il n’a pas commis de faute. Pour s’exonérer, le locataire doit prouver soit que le feu a été communiqué par extérieur soit que l’incendie est arrivé par cas de force majeure (art.1733 c.civ). Au total, on voit que la responsabilité du locataire est lourde, ce qui explique que, dans la pratique, le contrat oblige le locataire à souscrire un contrat d’assurance.

 

            § 3. La sous-location

 

C’est un sous-contrat de bail conclu entre le locataire dit principal et le sous-locataire. Le locataire principal devient un bailleur à l’égard du sous-locataire. Or, le sous-contrat ne modifie pas les effets du contrat initial, ce dont il résulte qu’en cas de sous-contrat, la conclusion du sous-contrat ne modifie pas le contrat conclu entre le locataire principal et le bailleur initial.

                        
                        A. Admission de la sous-location

 

L’art.1717 c.civ autorise la sous-location sauf clause contraire du contrat du bail. Il autorise dans les mêmes conditions la cession du bail par le locataire à un tiers.  Le cession du bail ne poursuit pas le même but que la sous-location. Le sous-contrat s’accroche au contrat de bail initial dont les effets ne sont pas modifiés. Au contraire, la cession du bail par le locataire vise son remplacement par un nouveau locataire. Cet article, qui est libéral, a un domaine d’application résiduel car en la matière, il faut composer avec les statuts spéciaux. Ainsi, s’agissant du bail rural, la sous-location et la cession de bail ne sont autorisées que dans des conditions très étroites et limitatives prévues à l’art.L.411-5 c.rural (dérogation à l’art.1717 c.civ). S’agissant du bail commercial, l’art. L.145-31 interdit la sous-location. En sens inverse, le bail commercial est cessible avec le fonds de commerce (art.L.145-16 c.com). Enfin, s’agissant des baux à usage d’habitation ou usage mixte, l’art.8 de la loi de 1989 interdit aux locataires de sous-louer ou de céder son bail sans l’autorisation écrite du bailleur.

 
                        B. Conséquence de la sous-location
                                    1) La sous-location irrégulière

 

Si la sous-location est irrégulière, le locataire qui sous-loue manque à son obligation de jouissance paisible, ce dont il résulte que le bailleur pourra agir en résiliation du bail. En outre, la Cour de cassation a jugé que les sous-loyers irrégulièrement perçus par le locataire principal s’analysaient en des fruits civils appartenant par voie d’accession au propriétaire (bailleur initial). Autrement dit, le propriétaire bailleur est en droit de réclamer à son locataire le versement des sous-loyers irrégulièrement perçus.

 
                                    2) La sous location régulière

 

L’art.1753 c.civ accorde au bailleur une action directe en paiement contre le sous-locataire. Cette action directe est plafonnée aux loyers que doit encore le sous-locataire au locataire principal au jour où l’action directe est exercée. Tout se passe comme si le bailleur et le sous-locataire étaient parties à un même groupe de contrats.

Cependant, les conséquences ne sont pas tirées sur le plan de la responsabilité. En effet, la jurisprudence considère que le sous-locataire et le bailleur sont des tiers l’un par rapport à l’autre au sens du principe de l’effet relatif des contrats.  Par conséquent, le bailleur et le sous-locataire ne peuvent engager leurs responsabilités contractuelles respectives s’ils ont commis des manquements. Le bailleur et le sous-locataire ne peuvent s’atteindre que par l’exercice d’une action en responsabilité extracontractuelle pour faute prouvée. Ce qui vaut pour les parties extrêmes ne vaut pas aux relations entre le locataire principal et son sous-locataire. Le locataire principal est lié par un contrat de bail à son sous-locataire. Il en résulte que les parties disposent l’une contre l’autre d’une action en responsabilité contractuelle fondée sur le contrat de bail qui les unit.

 

SECTION II :  Extinction du bail

 

             § 1. Les causes d’extinction

 
                        A. La durée du bail

 

            Le bail de droit commun peut être conclu pour une durée indéterminée ou pour une durée déterminée. Si le bail est stipulé à durée indéterminée, chaque partie dispose d’une faculté de résiliation unilatérale, laquelle prend le nom de congé. La partie qui donne congé doit respecter un délai de préavis prévu par la loi ou par les parties (art.1736 c.civ). Si le bail est conclu pour une durée déterminée, le terme du contrat s’impose aux deux parties. D’une part, le bailleur ne pourra pas demander une restitution anticipée de la chose et, d’autre part, le terme extinctif s’impose au locataire, ce dernier doit payer les loyers jusqu’à l’échéance prévue. Bien entendu, une résiliation amiable (d’un commun accord des parties) avant l’arrivée du terme est toujours possible.

Le bail est renouvelable par tacite reconduction (art.1738 c.civ) Il résulte de l’art.1738 c.civ qu’en cas de tacite reconduction, le nouveau contrat de bail est un bail à durée indéterminée. La tacite reconduction consiste à remplacer le bail initial dont la durée est déterminée par un nouveau dont la durée est indéterminée. Elle repose sur une présomption de volontés des parties en ce sens qu’il est raisonnable de penser que les parties ont voulu poursuivre le contrat dès lors que le locataire est laissé en possession de la chose à l’expiration du bail initial. À l’inverse, le locataire ne peut invoquer la tacite reconduction s’il reste dans les lieux alors que le bailleur lui a donné congé. Dans ce cas, il est un occupant sans titre. Le mécanisme de la tacite reconduction est supplétif de volonté car le bail peut l’écarter ou stipuler qu’en cas de tacite reconduction le bail reconduit sera de même durée que le bail originaire.

 
                        B. Les causes accidentelles

 

En premier lieu, conformément au droit commun des contrats, le bail peut s’éteindre en raison d’une action en résolution ou en résiliation exercée par l’une des parties contre l’autre si l’une d’elles manque à ses obligations. En second lieu, le bail peut s’éteindre en raison de la destruction fortuite de la chose (art.1722 c.civ). Toutefois, cette cause d’extinction ne se réalise que si la destruction du bien loué est totale. Si la destruction est seulement partielle, l’art.1722 c.civ précité permet au locataire de choisir entre la résiliation du contrat et la diminution du loyer.

 
                        C. Les événements sans incidence sur l’exécution du bail
 
                                    1) Le décès d’une partie

 

L’art.1742 c.civ dispose que le bail n’est résolu ni par la mort du bailleur ni par celle du preneur. Le contrat de bail est dépourvu d’intuitus personae, ce dont il résulte que le contrat va se poursuivre soit avec les héritiers du bailleur, soit avec les héritiers du locataire, sauf clause contraire. Le principe reste la liberté contractuelle. La transmission du contrat de bail est dans certains cas étendue au-delà du périmètre de ses héritiers. Il en va ainsi du bail à usage d’habitation. En effet, l’art.14 de la loi du 6 juillet 1989, qui est d’ordre public, prévoit que si le locataire décède, le bail est transmis au profit de son conjoint, son partenaire lié par un PACS, son ascendant, son descendant, son concubin ou les personnes à charge vivant depuis au moins un an dans les lieux. En cas de demandes multiples, le juge se prononce en fonction des intérêts en présence.

 
                                    2) La vente de la chose louée

 

L’art.1743 c.civ décide que la vente de la chose louée n’éteint pas le contrat de bail. Autrement dit, le locataire pourra opposer son contrat de bail à l’acheteur de la chose, ce qui implique en creux que la qualité de bailleur aura été transmise à l’acquéreur de la chose louée. Pour cela, il est dit que l’art.1743 c.civ prévoit une cession légale du contrat de bail accessoirement à la vente de la chose louée. Ainsi, le bail se poursuivra entre l’acheteur qui sera devenu bailleur et le locataire. Cet article assure la sécurité juridique du locataire. Cette règle est subordonnée à deux conditions. D’une part, l’art.1743 c.civ ne s’applique qu’aux baux immobiliers. D’autre part, pour éviter la fraude qui consisterait à antidater les contrats de bail, l’art.1743 c.civ prévoit que le bail doit avoir date certaine. Le bail a date certaine s’il a été constaté par acte authentique ou par acte sous-seing privé portée à l’enregistrement, hypothèses rares dans les deux cas. C’est la raison pour laquelle la jurisprudence a assoupli cette exigence. Pour que l’art.1743 c.civ s’applique, la jurisprudence décide qu’il suffit que l’acheteur ait eu connaissance du bail lorsqu’il a conclu la vente ou que le contrat de vente mentionne l’existence du contrat de bail.

 

            § 2. Les effets de l’extinction

 

D’une part, le locataire doit restituer le bien loué au bailleur à l’expiration du contrat de bail. Si le locataire conserve la chose ou reste en possession de la chose à l’expiration du bail, il devra au bailleur une indemnité d’occupation dont le montant est laissé à l’appréciation du juge sauf s’il a été fixé dans le contrat de bail. En réalité, la clause qui fixe par avance le montant de l’indemnité d’occupation due par le locataire s’analyse en une clause pénale.  D’autre part, le locataire doit restituer la chose dans l’état dans lequel il l’a reçu, ce qui suppose une comparaison de l’état final de la chose avec son état initial. En pratique, les parties prennent le soin d’établir un état des lieux (acte sous-seing privé). Ainsi, le locataire ne répond pas des dégradations qui sont dues à la vétusté ou à la force à la majeure. Autrement dit, il ne répond pas des dégradations non fautives. C’est le régime de l’obligation de conservation, obligation de résultat atténuée, qui a vocation à s’appliquer. Il incombe au locataire en cas de litige de prouver qu’il n’a pas commis de faute.

Si les parties n’ont pas dressé un état des lieux en début de contrat, l’art.1731 c.civ présume que le locataire a reçu la chose en bon état de réparation locative et qu’il doit la rendre comme telle, sauf preuve contraire incombant au locataire. Le locataire a tout intérêt à requérir l’état des lieux pour échapper à la présomption prévue à l’art.1731 c.civ.

CHAPITRE III : LES STATUTS SPÉCIAUX

 

Ces statuts spéciaux visent à assurer la stabilité du locataire soit pour garantir son droit au logement, soit pour protéger son exploitation commerciale ou agricole. Ces statuts spéciaux sont d’ordre public, ce dont il résulte qu’ils ne peuvent comporter des stipulations défavorables au preneur par comparaison au régime prévu par la loi.

SECTION I :  Le bail d’habitation

 

Le bail d’habitation relève la loi du 6 juillet 1989. Le champ d’application de la loi est défini dans son article 2 selon lequel le statut spécial s’applique aux locaux à usage d’habitation ou à usage mixte d’habitation constituant la résidence principale du preneur ainsi qu’aux dépendances louées accessoirement au local principal par le même bailleur.

 

            §1. Les baux laissés à l’écart

 

            Si l’on applique la définition de son art. 2, il existe 3 sortes de baux en dehors du statut spécial prévu par la loi de 1989. En premier lieu, restent en dehors du statut spécial, les baux consentis à des personnes morales. En effet, la loi de 1989 s’applique à des locaux qui constituent la résidence principale. Or, les personnes morales n’ont pas de résidence, elles ont une domiciliation. Mais cette solution n’est pas certaine car il n’existe pas de jurisprudence de la Cour de cassation sur ce point. En deuxième lieu, sont en dehors du statut spécial, les locations saisonnières. La location saisonnière consiste à louer un hébergement en principe meublé pour la durée d’une vacance, d’une saison climatique ou d’une saison culturelle. Elle relève du droit commun du bail. Il en va de même pour la location d’un immeuble à usage de résidence secondaire même s’il ne s’agit pas d’une location saisonnière. En troisième lieu, sont laissés à l’écart les baux à usage exclusivement professionnel. Ces baux font l’objet d’un embryon de règlementation prévue à l’art.57 A de la loi 86-1290 du 23 décembre 1986 selon lequel le bail à usage exclusivement professionnel doit être conclu pour une durée d’au moins 6 ans. Au terme de cette durée, le bail se reconduit automatiquement pour une durée identique sauf résiliation notifiée au moins 6 mois en avance par le bailleur. Toutefois, le locataire peut donner congé à tout moment en cours de bail. L’art.145-2-I, 7° du c.com autorise les parties à adopter conventionnellement le statut des baux commerciaux.

 

            § 2. Particularisme du bail d’habitation

 
                        A. La durée du bail

 

Le bail soumis à la loi de 1989 est d’une durée d’au moins 3 ans pour les bailleurs personnes physiques et au moins 6 ans pour les bailleurs personnes morales. Sauf congé donné dans les formes légales par le bailleur, le bail se reconduira pour une durée identique à l’arrivée de son échéance. Par exception, la durée du bail peut être inférieure à 3 ans sans être inférieure à 1 an si le bailleur justifie d’un évènement précis d’ordre familial ou professionnel nécessitant une reprise du logement.

 
                        B. Le congé

 

La durée du bail ne s’impose pas au locataire, lequel peut donner congé à tout moment dans le respect d’un délai de préavis en principe de 3 mois ou par exception d’1 an. Si le terme du bail ne s’impose pas au locataire, il s’impose au bailleur. Le bailleur ne peut donner congé qu’à l’échéance en respectant un délai de préavis de 6 mois et surtout le congé doit être fondé soit sur un motif légitime sérieux, soit sur la décision du bailleur de reprendre le logement ou de le vendre. S’agissant de la reprise du logement, celle-ci ne peut intervenir qu’en faveur du bailleur ou de certains proches limitativement énumérés par la loi comme le conjoint, le descendant, etc. Si le bailleur donne congé pour vendre, le locataire bénéficie d’un droit de préemption. Le locataire pourra se porter acquéreur par priorité sur tout tiers. Le respect de cette préemption conditionne la validité du congé.

Certains locataires bénéficient d’une surprotection que sont les locataires de plus de 65 ans ET dont les ressources sont inférieures à un plafond prévu par le règlement. Le bailleur ne peut donner congé à son locataire en l’absence d’une solution locative de remplacement. Cependant, cette surprotection est écartée si le bailleur a plus 65 ans ou que ses ressources sont inférieures aux ressources prévues par le règlement.

 

            § 3. Les locations en meublé

 

Les règles sur la durée du bail d’habitation sont assouplies pour les locations en meublé d’un local constituant la résidence principale du locataire. Ces locations en meublé sont régies par les arts.15-3 et suivants de la loi de 1989. La durée minimale est alors réduite à 1 an et même à 9 mois pour les étudiants. Cependant, le bailleur ne peut librement donner congé. Il doit justifier son congé par un motif légitime et sérieux ou par une décision de vendre ou de reprendre le logement. Afin d’éviter les fraudes, l’art.25-4 de la loi de 1989 détermine les meubles que le logement doit comporter pour être qualifié de meublé. La disposition législative renvoie à une disposition réglementaire pour en préciser la liste.

Le bail-mobilité concerne les logement meublés. Il est régi par les art.25-12 et suivants de la loi de 1989 et est réservé aux locataires qui justifient d’une situation particulière (formation professionnelle, apprentissage, stage, mission professionnelle temporaire, etc.). Le bail-mobilité a une durée qui peut être comprise entre 1 et 10 mois non renouvelable. Cependant, un bail ordinaire peut succéder à un bail-mobilité.

 

SECTION II :  Le bail commercial et le bail rural

 

            §1. Le bail commercial

 

Le champ d’application du bail commercial déborde le droit commercial stricto sensu car il bénéficie non seulement aux commerçants et aux artisans mais aussi à certaines personnes énumérées dans le Code de commerce. Le particularisme essentiel du bail commercial réside dans sa durée. En effet, le bail commercial ne peut être inférieur à 9 ans. Cette durée ne s’impose qu’au bailleur car le locataire peut donner congé à l’expiration de chaque période de 3 ans. En outre, à l’expiration de la durée du bail commercial, le locataire bénéficie d’un droit au renouvellement. Si le bailleur ne veut pas renouveler, il devra verser au locataire une indemnité d’éviction égale à la valeur du fonds de commerce exploité par le locataire. Cette exigence est si dissuasive qu’elle aboutit à conférer au preneur ce que la pratique appelle une propriété commerciale.

 

            §2. Le bail rural

 

Le code rural a pour objet d’assurer la stabilité du locataire par différents moyens. D’abord, le bail rural a une durée minimum de 9 ans. Ensuite, le locataire a un droit de préemption en cas de vente. Enfin, le preneur a un droit au renouvellement. Ce droit au renouvellement ne peut être écarté que dans le cas où le bailleur ou certaines personnes comme les conjoints et partenaires liés par un PACS entendent reprendre les terres pour en faire une exploitation personnelle. On assimile au bailleur commercial le bailleur rural.

 

TITRE II : LE CONTRAT DE PRÊT

Le contrat de prêt est le contrat par lequel le prêteur confère à l’emprunteur le droit d’user temporairement une chose. Le prêt a nécessairement un terme extinctif. À l’arrivée du terme, l’emprunteur devra restituer la chose. À partir de là, le prêt se scinde en deux variétés de contrats prévues à l’art.1874 c.civ que sont le prêt à usage et le prêt de consommation. D’une part, le prêt à usage est le prêt des choses dont on peut utiliser sans les détruire. D’autre part, le prêt de consommation porte sur des choses qui se consomment et qui se détruisent par le premier usage normal que l’on en fait. Par exemple, le prêt de matières premières ou le prêt de denrées alimentaires. Il existe une différence de nature entre ces deux contrats. Dans le prêt à usage, l’emprunteur n’acquiert qu’un droit d’usage de la chose et réciproquement le prêteur demeure propriétaire de la chose prêtée (art.1877 c.civ). Au contraire, dans le prêt de consommation, l’emprunteur a le droit de consommer la chose, c’est-à dire de la détruire. Or, la destruction matérielle est une prérogative de propriétaire. Ce qui explique que l’art.1893 c.civ affirme que dans un prêt de consommation, l’emprunteur devient le propriétaire de la chose prêtée. À l’expiration du prêt, l’emprunteur sera tenu d’une obligation de restitution de la chose. Cette obligation est adaptée car il ne s’agit pas d’une obligation de restituer à l’identique mais d’une obligation de restituer une chose équivalente à celle qu’il a consommée, chose de même qualité et de même quantité. Le prêt de consommation est un prêt translatif de propriété contrairement au prêt à usage.

            L’on range classiquement le prêt d’argent au titre des choses consomptibles. Mais le prêt d’une somme d’argent se distingue des prêts d’une chose en nature car il correspond à une opération de crédit. Il est artificiel si bien que le prêt d’argent est une opération juridique singulière.

 

SOUS-TITRE I :  LE PRÊT DE CHOSES

 

CHAPITRE I :  LE PRÊT À USAGE

 

SECTION I :  Qualification

 

            § 1. La nature de la chose prêtée

 

            Le prêt à usage peut indifféremment porter sur des immeubles que sur des meubles. Simplement s’agissant des meubles, il faut écarter ceux qui sont consomptibles car le prêt de choses consomptibles est un prêt de consommation et non un prêt à usage.

 

            § 2. La finalité du prêt

 

            Le prêt a pour finalité d’autoriser l’emprunteur à faire usage de la chose prêtée. Cette finalité particulière du prêt permet de le distinguer du contrat de dépôt. Le dépositaire a pour mission de garder la chose, ce dont il résulte qu’il n’est pas autorisé à s’en servir. En outre, l’usage de la chose correspond à un droit de l’emprunteur de la chose et non à une obligation. C’est la raison pour laquelle il n’existe pas de prêt à usage si celui qui reçoit la chose a l’obligation de l’utiliser. C’est le cas du contrat de sponsoring en vertu duquel une entreprise fournit du matériel à une personne à charge pour elle de l’utiliser dans une activité déterminée. C’est un contrat que l’on peut qualifier de sui generis car il n’entre dans aucun moule.

 

            § 3. La restitution à l’identique

 

En cas de prêt à usage, l’emprunteur est tenu de restituer à l’identique. Il doit restituer la chose même qui a été remise. Il se distingue du prêt de consommation en vertu duquel l’emprunteur devra restituer une chose équivalente (chose de même qualité et de même quantité).

 

            § 4. La gratuité du prêt

 

L’art.1876 c.civ prévoit que le prêt à usage est un contrat à titre gratuit (service d’amis). La gratuité du contrat de prêt à usage permet de le distinguer du contrat de bail, lequel est à titre onéreux. Dans la mesure où le prêt à usage est à titre gratuit, le prêteur est traité favorablement par le code civil. En premier lieu, il n’est pas tenu de garantir les vices cachés de la chose prêtée à l’égard de l’emprunteur (art.1891 c.civ). En deuxième lieu, il peut demander la restitution anticipée de la chose prêtée (art.1889 c.civ). En troisième lieu, l’emprunteur ne peut exercer un droit de rétention sur la chose prêtée (art.1885 c.civ)

 

SECTION II : Conclusion

 

            § 1. Conditions de formation

 
                        A. Les conditions de fond

 

            Le prêt à usage est un acte d’administration qui requiert simplement la capacité d’administrer en la personne du prêteur.

 
                        B. Les conditions de forme

 

La jurisprudence qualifie le contrat de prêt de contrat réel. Cette qualification s’applique au prêt à usage comme au prêt de consommation. Il en résulte que la remise de la chose prêtée est une condition de formation du contrat de prêt. Le contrat de prêt n’est pas conclu tant que le prêteur n’a pas remis la chose à l’emprunteur. Symétriquement, l’accord antérieur des parties n’est qu’une promesse consensuelle de prêt qui ne vaut pas contrat de prêt. Si cette promesse est inexécutée, le prêteur s’expose tout au plus au versement de dommages-intérêts. Le prêteur ne pourra pas être condamné à remettre la chose entre les mains de l’emprunteur. La jurisprudence déroge au principe du consensualisme pour protéger le consentement du prêteur et pour le protéger contre le risque d’un engagement irréfléchi (pris à la légère).

 

            § 2. Preuve

 

Eu égard à sa gratuité, le contrat de prêt est acte de la vie civile. C’est le droit commun de la preuve qui s’applique. En effet, en matière civile, la preuve du contrat doit être rapportée par écrit si le seuil de 1500 € fixé par décret est atteint. Si la valeur est inférieure à ce seuil, la preuve pourra être rapportée librement. Dans la pratique, la preuve du contrat se pose au moment où le prêteur réclame la restitution de la chose prêtée. Le prêteur demandeur ne peut pas se contenter de prouver avoir remis la chose à l’emprunteur défendeur, encore faut-il qu’il prouve que la chose a été remise à titre prêt. En effet, s’il y a un don manuel, aucune restitution de la chose n’est possible. Il ressort de ce qui précède que le prêteur a tout intérêt à constater le prêt à usage dans un acte sous seing-privé quand bien même la preuve du contrat serait libre en ce que sa valeur serait inférieure à 1500€. 

 

SECTION III :  Effets

 

            § 1.  Effets à l’égard de l’emprunteur

 
                        A. L’usage de la chose

 

L’emprunteur ne peut utiliser la chose de n’importe quelle manière. Il doit se conformer à l’usage prévu par le contrat et en l’absence de stipulations particulières, il doit se conformer à la destination normale de la chose (art.1880 c.civ). L’usage de la chose s’entend d’un usage personnel par l’emprunteur car le prêt à usage est présumé intuitu personae. Sauf clause contraire, l’emprunteur ne peut louer la chose prêtée ni conclure de sous-contrat de prêt. Si l’emprunteur fait un usage abusif de la chose louée, il s’expose à la déchéance du prêt et le prêteur pourra exiger la restitution immédiate de la chose. L’usage abusif engagera la responsabilité contractuelle de l’emprunteur à l’égard du prêteur. L’art.1886 c.civ prévoit sans surprise que les frais inhérents à l’usage de la chose sont à la charge de l’emprunteur.

 
                        B. La conservation de la chose

 

L’art.1880 c.civ dispose que l’emprunteur doit veiller raisonnablement à la conservation de la chose, c’est-à-dire que le comportement de l’emprunteur doit être apprécié in abstacto. Le juge comparera son comportement à un emprunteur normalement consciencieux et soigneux. L’emprunteur engage sa responsabilité en cas de dégradation ou de perte de la chose prêtée. L’obligation de conservation est une obligation de résultat atténuée. Autrement dit, l’emprunteur pourra s’exonérer de sa responsabilité dès lors qu’il prouve qu’il n’a pas commis de faute. Par exception, le Code civil décide que l’emprunteur répond de la perte, même fortuite, s’il a commis un abus dans l’usage de la chose ou ne l’a pas restituée au temps convenu (art.1881 c.civ), si l’emprunteur a préféré exposer à un risque la chose prêtée plutôt que la sienne propre (art.1882 c.civ), si les parties ont estimé la valeur de la chose dans le contrat de prêt (art.1883 c.civ). Une telle estimation fait basculer les risques sur la tête de l’emprunteur.

            § 2. Effets à l’égard du prêteur

 

L’art.1890 c.civ prévoit que le prêteur doit rembourser à l’emprunteur les frais engagés pour la conservation de la chose. L’art.1891 c.civ dispose que le prêteur ne répond des préjudices causés par les vices cachés de la chose que s’il les connaissait et n’en a pas averti l’emprunteur. Le prêteur n’est pas tenu de garantir les vices cachés de la chose prêtée. Il est simplement tenu d’une obligation d’information et de mise en garde à l’égard de l’emprunteur.

SECTION IV :  Extinction

 

            § 1. Causes d’extinction

 
                        A. Expiration de la durée du prêt
 
                                    1) Durée déterminée

 

            L’art.1888 c.civ prévoit que le terme extinctif peut être exprès ou tacite. Le terme est exprès si les parties l’ont fixé dans la convention. Le terme est tacite lorsque le prêt a été consenti pour un usage déterminé. Par exemple, si un logement est prêté pour la durée des vacances scolaires ou une voiture est prêtée pour la durée d’un voyage, la durée du prêt est celle qui est nécessaire à l’usage convenu. Dans les deux cas, l’art.1889 c.civ édicte une solution dérogatoire en ce sens qu’il autorise le prêteur à réclamer la restitution anticipée de la chose s’il en a un besoin pressant et imprévu. Cela s’explique par la gratuité de prêt.

 
                                    2) Durée indéterminée

 

Le prêt a une durée indéterminée si aucune durée n’a été prévue expressément ou tacitement. Dans ce cas, on applique le droit commun des contrats. Dès lors, le prêteur pourra résilier le contrat à tout moment sous réserve de laisser à l’emprunteur un délai de préavis suffisant pour la restitution de la chose.

 
                        B. Décès de l’emprunteur

 

            L’art.1879 c.civ énonce que le prêt ne s’éteint pas au décès du prêteur. Mais il ajoute qu’il ne s’éteint pas davantage au décès de l’emprunteur sauf si le contrat n’ait été conclu en considération de la personne de l’emprunteur. En réalité, cette solution est inopportune et inexistante. En effet, le prêt à usage est présumé avoir été conclu en considération de la personne même de l’emprunteur. Contrairement au code civil, le décès de l’emprunteur entraine l’extinction du prêt sauf clause contraire dudit contrat.

 

            § 2. Effet de l’extinction

 

            L’emprunteur doit restituer la chose à l’extinction du contrat de prêt. Cette obligation incombera à ses héritiers si l’emprunteur est décédé. L’emprunteur qui ne restitue pas la chose engage sa responsabilité contractuelle mais il pourra s’exonérer de sa responsabilité s’il prouve que la chose prêtée a été perdue ou détruite sans aucune faute de sa part. En effet, il est tenu d’une obligation de conservation s’analysant en une obligation de résultat atténuée.

CHAPITRE II : LE PRÊT DE CONSOMMATION

 

SECTION I :  Qualification

 

            § 1. Caractère translatif de propriété

 

Il se distingue du prêt à usage mais se rapproche du contrat d’échange.

 
                        A. Prêt de consommation et prêt à usage

 

En cas de prêt à usage, le prêteur demeure propriétaire de la chose prêtée et l’emprunteur devra la restituer à l’identique à l’expiration du contrat de prêt. En cas de prêt en consommation (art.1893 c.civ), l’emprunteur devient propriétaire de la chose prêtée. Il est simplement tenu d’une obligation de restitution par équivalent (art.1892 c.civ)

 
                        B. Prêt de consommation et contrat d’échange

 

            En cas de contrat d’échange, la propriété d’une chose est échangée contre la propriété d’une chose. Il existe donc deux transferts de propriété. Or, le prêt de consommation implique deux transferts réciproques de propriété. Le premier intervient au moment de la remise de la chose consomptible par le prêteur à l’emprunteur et le deuxième intervient au moment où l’emprunteur restitue la chose au prêteur. Ces deux contrats sont distincts car en cas d’échange les parties échangent la propriété de deux choses différentes tandis qu’en cas de prêt de consommation, la chose restituée à la fin du contrat est équivalente à celle remise au début du contrat.

 

            § 2. Caractère gratuit ou onéreux

 

Le prêt à usage est nécessairement à titre gratuit. Il résulte de l’art.1905 c.civ que le prêt de consommation peut être conclu à titre onéreux. Dans ce cas, il ressemble à un contrat de bail. Le prêt de consommation porte sur une chose consomptible tandis que le contrat de bail porte sur des choses non consomptibles.

 

SECTION II : Régime juridique

 

            § 1. Formation

 

Le prêt de consommation est translatif de propriété, ce dont il résulte que le prêteur doit avoir la capacité de disposer contrairement au prêt à usage où la capacité d’administration suffit. Le prêt de consommation est un contrat réel.

 

            § 2. Effets

 

            L’emprunteur peut consommer les choses prêtées, ce dont il résulte qu’il en devient propriétaire (art.1893 c.civ). Inversement, l’emprunteur devient propriétaire et à ce titre supporte les risques de la chose prêtée. Autrement dit, l’emprunteur dans un prêt de consommation demeure tenu de son obligation de restitution quand bien même les choses prêtées auraient péri entre ses mains par cas de force majeure. Il suffira à l’emprunteur de restituer des choses équivalentes au prêteur en vertu de la règle genera non pereunt. Le prêteur n’est pas tenu de garantir les vices cachés de la chose prêtée car l’art.1898 c.civ renvoie à l’art.1891 c.civ.

 

            § 3. Extinction

            Le prêt de consommation s’éteint à l’expiration de sa durée. Si les parties ont prévu la durée du prêt (assorti d’un terme extinctif), l’art.1889 c.civ prévoit que le prêteur ne peut demander la restitution de la chose de manière anticipée. Il se distingue du prêt à usage dans lequel le prêteur peut demander la restitution anticipée de la chose prêtée. Si les parties n’ont pas prévu de terme extinctif, le prêt est conclu à durée indéterminée, ce dont il résulte que le prêteur peut demander la restitution à tout moment sous réserve de laisser un délai de préavis suffisant à l’emprunteur. L’art.1900 c.civ prévoit que le juge peut accorder à l’emprunteur un délai selon les circonstances. En réalité, ces solutions n’ont d’intérêt que pour les prêts de sommes qui sont rangés parmi les prêts de choses consomptibles.

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