Introduction générale au droit
Introduction
Le droit, dans nos sociétés contemporaines, a plusieurs objectifs, dont, le plus important, est de régler les problèmes entre les individus et de fait, pacifier les relations sociales. Mais alors, qu’est-ce que le droit et est-ce que l’image qu’à la société du droit est proche de celle qu’en ont les juristes
I) La et les perceptions du droit
A) Qu’est-ce que le droit pour la société
Le droit est partout mais se retrouve surtout dans certains endroits :
- chez les acteurs officiels du droit (policier, juge, avocat)
- dans les symboles qui y sont associés (balance équilibre, glaive force, chêne de saint louis équité, les chaines sanction, colombe paix)
- dans des lieux précis (huissier, notaire, palais de justice, prison, cabinet avocat)
- dans des canaux plus éloignés du milieux (littérature Balzac comédie humaine – colonel chaber avec le statut juridique de l’absent quand sa femme se remarie et a des enfants alors qu’il était censé être mort / Mauriac nœud de vipère – succession et testament, films, série jeux d’influence, pièce de théâtre)
- chez les journalistes (décisions qui font de l’audimat, actualités, faits divers)
Si le droit semble être partout est ce que cela veut dire pour autant qu’on le vit ? En effet, mince est la proportion de condamnés sur l’ensemble de la population. Néanmoins, cette question est biaisée puisque vivre le droit ne veut pas dire être condamné par l’institution. Le droit, on le vit depuis qu’on est né même si on ne fait pas d’infraction ou qu’on a pas recours au droit. Au volant de la voiture, on respecte le code la route, en faisant une déclaration d’impôt, on suit les règles financières, à notre naissance avec le droit de la filiation, lorsque on se marie, quand on achète des tickets de métro, quand on fait une commande sur internet,etc :: LE DROIT EST PARTOUT DANS NOTRE VIE QUOTIDIENNE. Mais alors, est ce que la vision du droit qu’à la société coïncide avec celle qu’ont les juristes ?
B) Qu’est ce que le droit pour les professionnels du droit
Avant tout, il nous faut balayer quelques idées fausses. La plus grosse est sans doute celle qui veut lier le droit avec la décision de justice. Le droit ne se confond pas avec la justice, le procès ou le contentieux, ils ne sont pas étrangers mais on ne doit pas confondre le tout car le droit n’est pas entièrement inclus dans ces trois points. Le contrat ou le mariage sont des exemples dans lequel le droit à sa place sans que la justice suive. Lorsque tout va bien on ne rencontre jamais la face coercitive du droit. Il ne rime pas forcément avec sa réalisation judicaire, l’essentiel du droit est respecté spontanément et se vit pacifiquement. Le droit existe essentiellement en dehors du procès et de la sanction.
Egalement, l’idée que le droit est 1, unis, est aussi fausse qu’elle est répandue. En effet, il n’existe pas un droit mais des droits imbriqués dans d’autres droits répondant à des connecteurs logiques. Le droit français se subdivise communément en deux manches (la summa divisio sert la pédagogie) : le droit civil (ensemble des règles de droit qui gouverne l’ensemble des relations entre les personnes privées) et le droit public (droit qui intéresse les organisations dans l’état ou la relation entre l’état et les privés). Ce qui pose problème c’est donc ce qui est difficilement classable, ce qui se trouve à la frontière entre ces deux catégories. Le droit pénal concerne autant les citoyens entre eux (relations sociales) que l’état (la sanction) mais aussi le droit fiscal ou encore le droit écologique. Il faut alors faire un choix pour attribuer tel ensemble de règles à telle catégorie de juristes. Ce classement se répercute dans la réalité lorsque il faut s’adresser à une institution précise lorsque on veut avoir recours à la juste (privé : ordre judicaire, public : ordre administrative). De même, si le droit parait stable, lorsqu’une règle spéciale est édictée, elle prend le pas sur la règle commune, le droit est pluriel et changeant.
De même, le droit est loin d’être universel : à l’échelle du globe il y a une diversité des droit, chaque état dit son droit, c’est l’une des premières manifestations de sa souveraineté qui s’arrête à ses frontières et à ses nationaux. Montesquieu introduisait, par sa théorie du climat, la dimension culturelle dans le droit. Selon lui, un problème ne peut pas recevoir la même réponse selon l’endroit où il se produit (la trêve hivernale en France métropolitaine n’a pas lieux à la même période dans les îles), il y a toujours un équilibre à rechercher entre « le même droit pour tous » (ce qui à l’extrême ni les particularités (les handicapés) et un droit individualisé qui signifierai la fin de la cohésion sociale apportée par le droit.
Le droit en soi ne peut pas prétendre de manière abstraite à l’universalisme, il lui faut être inclusif pour être efficace. A l’échelle mondiale les tentatives de mondialisation du droit qui poursuivent 2 objectifs : faciliter les échanges économiques (marché commun européen) ou assurer la protection et une vie paisible dans le respect des droits de l’Homme au plus grand nombre, se buttent aux spécificités des peuples. La justice n’existe pas sans l’ordre mais l’ordre peut ne pas être juste.
Il n’est pas partout même si on en a l’impression à cause de l’inflation des lois. Il y a des espaces de notre vie qui échappent au droit, des espaces dans lesquels le droit lui-même décide de ne pas s’en occuper. Le droit ne veut pas être ce qui régit ce qu’il s’y passe comme dans l’espace religieux en France, sans pour autant qu’il n’y ait pas de règles. Le recul du droit par rapport aux religions tient de la sécularisation des institutions civiles et au respect du principe de la laïcité. Le droit se contentera d’instituer une frontière, à quel endroit faut-il prendre en compte les contraintes religieuses, ou faut-il les cacher, etc. La morale, la politesse, l’équité sont des exemples dans le même cas. Cette théorie explicitée par Jean Carbonnier, juriste du XXe, créateur de la théorie du non-droit, qui parle d’une sphère de la vie des gens que le droit se refuse à aller. La frontière entre le droit et le non droit est relative en fonction dans l’espace et dans le temps. Dans notre société le droit est demandé de plus en plus avec le risque qu’il s’infiltre dans les anciennes zones de non-droit. Par exemple le concubinage au temps de Napoléon n’était pas sous la loi et n’avaient pas son secours, aujourd’hui il fait l’objet d’une définition juridique dans le code civil qui leur autorise la signature du contrat de pacs fixant la relation qu’ils doivent avoir entre eux, quels sont les droits au sein du contrat ou encore comment y mettre fin. Le droit n’est vraiment pas partout mais a une tendance à être une rivière qui connait des crue pour investir de nouveaux territoires de la vie des gens.
On distingue au droit trois états différents qu’il prend en fonction des situations :
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Le premier est la règle de droit qui fixe pour l’avenir la conduite que les sujets doivent tenir ou suivre. Un groupe social peut vivre sans droit comme ça a été fait durant la chine impériale ou l'honneur tenait ce rôle de ciment social mais à chaque fois, on note un procédé de substitution au droit qui tient, le même rôle, sous une forme différente.
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Le 2e concerne les destinataires du droit, ils ont deux choix face aux règles établies : obéir ou désobéir. En générale l’obéissance est majoritaire mais jamais totale, si on comprend une règle ou bien qu’on craigne l’autorité on respecte la règle naturellement. Une règle effective dépend donc de la réception des populations qui y sont soumises mais également de l’efficacité de l’autorité à faire respecter ses lois. En effet, si on ne sanctionne pas ceux qui violent la loi, ce n’est plus une règle de droit mais un simple vœu pieu qu’on espère faire respecter. Le procès qui mène a la sanction est un des outil que l’état peut utiliser pour faire respecter ses lois. Lorsque s’élève une forte contestation sur une règle de droit ça veut aussi peut être dire que la société a besoin d’évoluer (mariage gay), si la situation ne change pas, cela découle d’un choix politique qui va forcer la société à se diriger vers une direction différente. Dans le cas des règles qui semblent profondément injustes, on peut refuser de s’y plier, c’est ce qu’on appelle la désobéissance civile ( - refuser de fournir un pass sanitaire, ZAD ) = les destinataires de la règle de droit ont un rôle fondamental dans son évolution et dans son évolution. La règle de droit est toujours le produit d’un combat entre deux forces qui s’affrontent.
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Enfin, le 3e état qui est exceptionnel réside dans la médiation juridictionnelle : quand il devient nécessaire pour la réalisation de l’effectivité de la règle de droit de fournir une décision de justice.
Le droit n’est pas une idée complexe : c’est une règle acceptée qui peut aller jusqu’à la sanction pour protéger son effectivité.
II) La définition du droit
D’après le dictionnaire des idées reçues de Flobert : le droit on ne sait pas ce que c’est
D’après Jhering : le droit doit être tel qu’il est.
En somme, toute définition dépend de l’angle duquel on s’approche de la question. Si on l’approche tel un sociologue, le droit c’est la forme la plus avancée de l’organisation du contrôle social. Pour la morale, le droit c’est la réalisation du bien et du juste (approche des romains pour qui c’était l’art du juste et du bon).
Le droit c’est également le résultat d’un projet politique qui a abouti ou bien l’instrument qui permet la réalisation du projet politique. Il sert à mettre en œuvre, à promouvoir, à défendre et à assoir une conception de la société et des relations qui s’y établissent.
Si alors c’est impossible de trouver une définition propre au droit, il faut essayer de comprendre pourquoi on n’arrive pas à surmonter cette difficulté.
En réalité le droit relie l’existence d’une règle de droit qui canalise les activités et les comportements en société aux comportements et revendications des personnes qui y sont soumises. Ainsi, lorsque on veut parler du droit, on peut désigner deux choses : soit la règle qui a pour but pour le moraliste de réaliser le juste et le bon, la norme juridique, le droit objectif (l’ensemble des normes juridique qui organisent notre société) soit les droits subjectifs d’un sujet de droit.
L’article 9 du code civil ; chacun a droit au respect de sa vie privée, c’est une règle de droit objectif, elle a été votée, ratifiée, publiée, codifiée, en vigueur et qui la violera subira une sanction qui passera par un procès. Cette règle dit que tous, même l’Etat, doivent respecter la vie privée d’autrui peut importe qui il est. Ce faisant, elle nous investie tous d’un droit subjectif : le droit que notre vie privée soit respectée par tous.
L’article 544 du code civil ; la propriété est le droit d’user et de jouer de la manière la plus absolue de nos biens nous investie du droit de propriété. Chaque fois qu’une règle interdite aux autres quelque chose protège les droits des autres et inversement chaque fois qu’une règle protège quelqu’un elle interdit un comportement aux autres.
Le droit c’est ainsi deux aspects d’une même réalité, le droit objectif et le droit subjectif.
Chapitre Premier : les traits communs du droit objectif
I) La question des fondements du droit
Les fondements du droit seraient l’aspiration vers l’idéal : idéalisme
Les fondements du droit viendraient de la constatation d’une réalité positive : positivisme
A) Présentation des courants de pensée
1) La pensée idéaliste
Selon les idéalistes, le droit ne peut pas se limiter simplement et exclusivement à la règle de droit en vigueur à un moment donné à un endroit donné. il existerait donc au sein même de l’ordre juridique un droit supérieur, imannant : le droit naturel. Le droit naturel est un ensemble de lois (valeurs) immuables et universelles que personne n’a édicté ou établies et qu’aucun législateur ne pourrait abolir. C’est avec Antigone de Sophocle que le droit naturel a été présenté : donner une sépulture à son frère car c’est le droit naturel même s’il contrarie le droit positif : ne pas enterrer les traitres.
Chez les Grecques Platon Sophocle, romain Ulpien et Paul, catholique, saint thomas, récemment école des droits naturels et des gens Grotius et Pufendorf XVI XVII, les lumières Voltaire et Montesquieu, hommes de la Révolution française, catholicisme humanisme du XXe. Le contenu du droit naturel est controversé puisque les doctrines des droits naturels sont plurielles. Pour l’école du droit et des gens, le droit naturel était concret : par exemple certaines institutions étaient dotées d’idées éternelles comme le mariage, la puissance paternelle (abrogée dans les années 1970). Les théories allemandes voyaient dans le droit naturel uniquement des principes : respecter la parole donner, réparer les dommages causés à autrui, ce sont des axiomes indémontrables qui sont élémentaires pour la vie en société.
2) La pensée positiviste
Le droit positif c’est l’ensemble des règles de droit en vigueur à un moment donné dans un état donné. Pour les positivistes tout l’ordre juridique réside dans le droit positif. Ils défendent l’idée de la plénitude du droit positif. Ce courant tire ses racines du Prince de Machiavel : le droit se plie à la volonté du souverain, tout ce qui ne vient pas de lui n’est pas du droit. Cette pensée a eu pour point de départ le scepticisme. Comment aller chercher l’universalisme alors qu’on a intégré la théorie des climats ? Dans le positivisme on trouve plusieurs école dont le positivisme étatiste (le phénomène juridique s’identifie à l’état – Machiavel, Bossuet, Hobbs associe l’idée de contrat social car ce serait par l’effet de ce contrat social que les Hommes reconnaissent le pouvoir de l’état et les règles ne pourraient être que juste puisque elles seraient destinées à l’intérêt général, Hegel, Jhering Kelsen – rattache l’organisation de l’ordre juridique aux théories positivistes et créateur de la théorie des normes) et le positivisme sociologique (fait reposer le droit sur la conscience du peuple, l’école historique Salini – le droit est toujours le produit de l’Histoire, l’état est toujours en dialogue avec son peuple et si les sociétés évoluent si elles n’obtiennent pas les changements par le souverains elle produit des Révolution / l’école d’Auguste Conte et Léon Duguit : le droit doit être dégagé des comportements sociaux et individuels). Le droit ne peut pas être complètement détaché de la réalité.
Le choix entre les écoles n’est pas obligatoire mais parait pratique. Si on accepte le droit naturel, on accepte également qu’il doit intervenir dans la réalisation du droit positif. A partir de là il peut être conçu comme un auxiliaire, une référence idéale dont le législateur doit s’inspirer qu’il ne peut pas trahir et qui doit également refléter l’aspiration du juge. Le droit naturel permettrait de combler les lacunes du droit positif. Enfin, en cas de conflit entre les deux droits, il faudrait faire prévaloir la supériorité du droit naturel ce qui fonde le droit à la désobéissance. Dans notre système, le droit naturel s’exprime. La DDHEC de 1789 affirme l’existence de droits naturels et de l’imprescriptibilité de la lutte contre l’oppression. Ce droit naturel a, récemment, expliqué que les criminels de guerre puissent être condamné par le procès de Nuremberg, sinon on aurait dû les relâcher pour la non-rétroactivité des lois (crime contre l’humanité n’existait pas encore au moment ou ils ont commis les fait).
On ne peut pas faire de système juridique sans valeur et on ne peut pas espérer que les valeurs n’existent pas sauf lorsqu’une règle de droit est promulguée. Tous les positivistes s’accordent pour dire que toute règle doit s’interpréter et que c’est dans cette interprétation que le droit naturel doit s’exercer.
Ainsi, les fondements du droit, aujourd’hui, en France, le droit c’est avant tout le droit positif. Mais, parce que toutes ces règles ne peuvent pas tout prévoir, elles sont susceptibles d’être interprétées, le droit est vivant et mouvant qui trouve sa réalisation par la parole du juge.
II) Les qualités ou caractères de la règle de droit
Observations :
Quand un juriste cherche les qualités c’est qu’il cherche des critères qui, quand ils sont réunis, font qu’on est dans telle catégorie.
Deux auteurs vont se retrouver partout : jean Etienne Marie Portalis (un des co-auteurs du code civil et rédacteur du discours préliminaire de présentation du code aux assemblées légiférantes en 1804) et Jean Carbonnier (professeur de droit de l’université de Paris et a participé à plusieurs réformes du code civil, lois Carbonnier premières à sonder la population avant d’être promulguées, inventeur d’une méthode pour garantir l’effectivité de ses lois, auteur de doctrines premier à considérer les rapports entre la loi et les faits avec l’apport de la sociologie et la philosophie du droit, auteur de essais sur les lois, flexible droit, droit et passion du droit).
A) Les qualités substantielles de la règle de droit
Classiquement, la règle de droit est qualifiée lorsque elle est générale, impersonnelle, abstraite et obligatoire. Dans ce cours, notre définition ne comportera que les caractères de généralité et d’obligation. Il faut cependant faire attention aux règles qui réunissent ces critères mais qui ne sont pourtant pas des règles de droit (morales, politesse & religieuses)
1) La généralité de la règle de droit
L’objectif de toute règle de droit est d’être générale, Portalis disait « L’office de la loi est de fixer par de grandes vues les maximes générales du droit, d’établir des principes féconds en conséquence, et non de descendre dans le détail des questions qui peuvent naître sur chaque question ». De manière plus concrète, la règle de droit aspire à concerner tout le monde et ne désigne personne en particulier (on retrouve l’impersonnalité des classiques). Sa généralité doit se diviser en deux points :
Généralité des termes : doit être exprimée en visant des situations abstraites qui pourront s’appliquer concrètement, le simple fait qu’elle sorte des parlements ne fait pas d’une chose une règle de droit (funérailles personnage public est une décision individuelle particulière).
Généralité dans le temps : doit avoir pour vocation d’appréhender l’avenir et de réglementer le présent, si un système juridique comporte des règles non abrogées ineffective et obsolète il est mal fait, une loi doit pouvoir s’adapter aux changements sociaux (loi vie privée)
Sans généralité, la prévisibilité du droit disparait et la sécurité juridique avec. Si la loi change tous les jours, on ne peut plus s’y conformer et si elle est personnelle, elle devient discriminatoire). L’intérêt de la généralité est la flexibilité qu’elle apporte.
De nos jours, la généralité du droit est en danger. Depuis 20 ans, la qualité des règles de droit et le rythme auquel elles s’écrivent montre une tendance à la spécialisation et à la temporalisation des lois. De plus en plus, on voit naitre des règles qui peuvent se ranger dans l’une des trois catégories suivantes :
Les lois catégorielles : faites pour répondre aux demandes d’une population précise (consommateurs, usagers du transport aérien, taxis, etc.), elles sont viables si la catégorie en question est objectivement établie et dont tous peuvent faire partie (elle ne vient pas de lobbys et n’accorde pas de privilèges).
Les lois de circonstance : régissent des cas particuliers ou des intérêts qui deviennent particulier dans certaines circonstances (décrets, circulaire, lois Covid, antiterroristes). Lorsque la situation particulière disparait il faut, soit les conserver, soit les abroger.
Les lois expérimentales : en vigueur pour une courte durée et accompagnée d’une étude pour vérifier leur efficacité (lois bioéthique).
Le phénomène d’inflation législative quant à lui répond à une demande de la population de vouloir édicter une loi à chaque problématique. La complexification de notre société amenant une complexification du droit et cela ajouté à l’investissement de la loi des espaces de liberté ou autrefois elle était en retrait à cause des orientations politiques engraine encore plus le problème. En effet, l’acte médiatique de l’Homme politique répondant aux revendications de la société se matérialise de plus en plus par la promulgation de lois. De plus, malgré des tentatives d’intervenir en amont (la circulaire du 26 janvier 1998 entend que toute loi serait associée d’une étude d’impact présentée devant le parlement avant vote puis, après quelques années donnerait donne lieu à une évaluation finale) et en aval (office d’évaluation de la législation 1996-2009), nos institutions n’arrivent pas à endiguer le phénomène.
2) La force obligatoire de la règle de droit
Les règles de droit sont avant tout un commandement normatif dont le propre est d’être obéit. Une règle qui accorde un droit interdit à tous de le violer. Toutefois, toutes les règles n’ont pas le même degré d’obligation et le juriste fait la différence entre les règles supplétives de volonté et les règles impératives.
Les lois supplétives : règles dont l’application ne s’impose pas aux sujets de droit auxquels il est réservé la faculté de s’en écarter. La loi ne s’applique alors que dans le silence des contractants (contrat de mariage).
Les lois impératives : règles s’imposant en toutes circonstances desquelles on ne peut en écarter l’application et dont rien ne peut y déroger.
Le critère de distinction est une notion d’ordre public. L’ensemble des lois impératives le nourrissent et, toutes les lois n’en font partie sont supplétives de volonté l’ordre public. Ainsi, il faut définir ce que c’est l’ordre public
Le périmètre de l’ordre public est une notion floue qui varie avec le temps et dépend des matières. A certaines période, les gouvernements sont dirigistes et c’est l’ordre public de direction (fixer les prix), à d’autres, les libéraux laissent plus de place aux lois supplétives tout en conservant certaines interdictions de comportement pour empêcher la loi du plus fort.
La plupart du temps, la valeur comminatoire ou prophylactique de la sanction empêche les individus de violer ladite loi. La qualité de la sanction ne tient pas à la violence de la sentence mais au fait que la société sache l’inévitabilité de la sanction. Celles-ci sont multiples et si la peine est la plus connue elle n’en est qu’une parmi d’autres. On peut considérer qu’elles peuvent être sanctionnées par 3 types de sanction qui jouent sur trois leviers différents :
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L’exécution forcée (payer ses impôts). Les instruments juridiques ont évolué dans le temps et aujourd’hui il est admis que l’exécution forcée doit respecter les droits humains (liberté d’aller et venir, de faire ou de ne pas faire et de l’intégrité physique), elle peut donc avoir lieu en nature ou par équivalent (astreinte).
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La réparation des dégâts causés aux victimes. C’est la sanction la plus importante en nombre prononcée par la justice, elle peut avoir lieue en nature ou en valeur (équivalent fixé par le droit).
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La punition (droit pénal est le droit de la peine). La plus connue et la plus rare, c’est une mesure qui vise à réprimer et punir mais pas à réparer. Une action civile peut s’y ajouter mais ce n’est pas automatique. La peine est proportionnée à la gravité de l’infraction.
Mais alors, est ce qu’une règle de droit sans sanction pourrait être concevable ? L’obligation naturelle en est un bon exemple. En effet, en France, le jeu est encadré et, si une dette de jeu existe en dehors du cadre de la loi, rien ne va contraindre l’endetté à payer. Mais, si ce dernier va en justice pour demander restitution, on va le lui refuser. Payer ses dettes de jeu c’est alors obligatoire mais non sanctionné. Ce « droit mou » appliqué à grande échelle se transforme néanmoins à chaque fois en lois dures. Il existe également des « lois imparfaites » pour lesquelles le législateur n’a pas prévue de sanctions (lois mémorielles comme la reconnaissance du génocide arménien).
B) Les qualités formelles de la règle de droit
S’interroger c’est mettre en question deux choses : l’art législatif et l’accessibilité intellectuelle et matérielle au droit. Montesquieu disait : « les lois ne doivent point être subtiles elles sont faites pour des gens de médiocre entendement elles ne sont point un art logique ». Aujourd’hui, on ne peut dire qu’elles soient accessibles au commun des mortels pour y remédier, le 16 décembre 1999, le Conseil Constitutionnel a décidé que l’intelligibilité et l’accessibilité étaient des vertus de la loi et qu’une loi incompréhensible ou inaccessible portait atteinte à l’objectif constitutionnel de sécurité. Or, comme la règle de droit doit être appliquée, même si on ne la comprend pas, il fallut la rendre accessible à tous matériellement.
Y’a-t-il une place pour les règles non écrites dans le système juridique français ?
Chapitre second : la diversité des sources du droit.
Si en France, le droit est de tradition écrite ou continentale, ce n’est pas le cas partout et, dans les pays anglo-américain, de Common Law, par exemple, le droit est construit de manière différente. Là-bas, la source principale du droit est, en plus du parlement, le précédent judiciaire tandis qu’ici le pouvoir de dire et faire la norme n’appartient exclusivement qu’aux parlements. On oppose ici un système pluraliste à un système moniste. En somme, contrairement à la France, la Common Law affirme que la coutume (de nature orale) et la jurisprudence (dépend d’une pratique) font autant force de loi que les décisions du parlement.
I) La place de la coutume parmi les sources du droit français
A) Définition de la coutume
Lorsque l’on parle de coutume, il ne faut pas penser une coutume unique s’appliquant à tous. En effet, chaque peuple coutumier a ses propres règles qu’il a déterminé lui-même. Plusieurs définitions existent, selon Robert-Joseph Pothier, jurisconsulte français du XVIIe « on appelle coutume des lois que l’usage a établi », de même, dans le Grand Coutumier de France il était écrit « la coutume est un raisonnable établissement non écrit pour le commun profit mise au pays et par le prince gardé ». Les coutumes seraient donc des règles de droit qui se dégagent de fait et de pratique dans un milieu social avec le temps (40 ans pour être inscrit dans le GCF) en dehors de l’intervention du Prince. La présence de coutume illustre l’absence de monopole étatique dans la création des normes et, à ce titre, dans les sociétés anciennes, personne ne pouvait réfuter la validité de la source coutumière qui aurait précédée l’idée de loi. Cela implique donc que, même sans autorité étatique, il y aurait toujours des coutumes dans une société au prétexte qu’on ne pourrait pas vivre sans droit.
La coutume est indissociable de la géographie du territoire sur lequel elle s’applique mais aussi de l’identité culturelle des peuples auxquels elle s’applique. En France, les Canaques voient dans leurs coutumes un pan de leur identité et la reconnaissance de celle-ci par la nation et l’état passe par l’acceptation de la valeur normative des pratiques coutumières. Au moment des évènements de Nouvelle-Calédonie de 1984, le peuple, dans l’idée d’obtenir la reconnaissance de son identité culturelle propre, exigèrent de l’intégrer comme alternative au droit civil français pour les canaques. Ces revendications aboutirent aux accords de Nouméa en 1998 constitutionnalisés en 1999, relayés par une loi organique affirmant que « les canaques de statut coutumiers, sont soumis à leurs coutumes en matière civile », sur l’archipel il y a deux peuples, deux droits. Ainsi, aujourd’hui, en France, pour une partie de la population, la norme n’est pas le code civil, le droit n’est donc pas le même partout. Il a fallu faire le choix entre l’assimilationnisme avec le même droit pour tous et l’inclusion des identités avec un droit différent pour chacun.
1) Ce que n’est pas la coutume
La coutume n’est pas l’usage, l’usage c’est le comportement habituel d’une catégorie de personne, l’usage est nécessaire à la coutume mais celui-ci peut se transformer ou pas, en coutume. La coutume c’est l’usage qui a acquis une force obligatoire et dont la violation est sanctionnée.
La coutume n’est pas non plus l’habitude bien que celles-ci soient toutes deux stables et répétées mais l’habitude est surtout une pratique individuelle contrairement à la coutume qui a une dimension collective.
2) Ce qu’est la coutume
Pour Gérard Cornu, juriste français, la coutume est une suite d’actes constamment répétés qui, par une pratique commune et l’assentiment populaire font naitre la règle de droit. C’est alors la réunion de deux éléments :
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L’élément matériel : il lui faut une façon d’agir collectivement répétée
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L’élément psychologique : il faut qu’en agissant spontanément de cette manière les sujets aient la conviction de se conformer à une règle obligatoire (opinio juris)
Le facteur essentiel de la coutume, comme de toute règle de droit, demeure l’effectivité.
B) Rôle et place de la coutume
1) Les faiblesses et forces de la coutume
a. Les faiblesses
La coutume peut apparaitre comme en réalité ayant beaucoup de faiblesses à l’échelle de notre société qui fait qui ne peut être qu’une règle de droit marginale. :
-Si elle s’est construite avec la répétition dans le temps, le respect de celle-ci est donc lent tandis que l’évolution de notre société est rapide, le droit écrit parait plus adapté.
-Si elle se construit avec des pratiques, ceux qui la connaissent sont ceux qui la pratiquent, son accessibilité intellectuelle et matérielle est faible, comment connaitre la coutume, comment savoir ce qu’elle dit, la loi écrite parait plus accessible.
-Si elle évolue dans le temps et est relativement secrète, elle peut être arbitraire, peut-on appliquer une règle si une partie des sujets n’ont aucun moyen de la connaitre.
b. Les forces
Pour ces raisons on considère la coutume comme archaïque. Toutefois, on en oublie un de ses avantages. Celle-ci présente l’avantage incomparable d’être née du peuple auquel elle s’applique, elle correspond donc mieux aux aspirations du peuple qui la génère. C’est pourquoi elle se développe dans les pratiques professionnelles et commerciales. De ce point de vue l’école sociologique la préfère. C’est également la règle la plus respectueuse des traditions.
Toutefois, défendre la coutume c’est adhérer à une vision romantique du droit. L’origine populaire de la règle de droit n’est pas totale, dans toutes les coutumes les autorités ont leur place. De plus, la coutume est un droit mou qui donc, tend à s’endurcir. La coutume est donc peut être un état de la construction du droit mais celle-ci a toujours pour vocation a être absorbée par le droit écrit.
2) Le rôle de la coutume en droit positif
Que lui reste-t-il comme place ? On peut aujourd’hui identifier trois rôles à la coutume
- La coutume s’exprime parce que la loi renvoi à elle « secundum legem » : l’article 389-3 consacre pour le mineur une capacité d’usage, elle considère que l’enfant mineur peut, au fur et à mesure qu’il grandit, voir son autonomie augmentée.
- Elle se développe dans le silence de la loi « praeter legem » : l’usage par la femme mariée du nom de son mari quand bien même l’état civil ne change pas.
- Elle va à l’encontre de la loi « contra legem » : l’article 931 du code civil dit que « pour faire valablement une donation le contrat de donation n’est valable que s’il est passé par acte authentique devant notaire » en réalité les dons manuels existent.
La place de la coutume dans le système français s’exprime là ou le droit écrit lui laisse une place. Il y a donc bien deux formes de droit mais on reste dans un système moniste puisque celui qui en décide l’importance est le législateur.
II) La jurisprudence
On appelle jurisprudence la décision prise par les tribunaux d’appliquer la loi écrite d’une certaine manière. Il en résulte une accumulation de décision qui toutes vont dans le même sens et c’est de cette accumulation que résulte la formation de la jurisprudence. Cela suggère que la jurisprudence est une sorte de coutume judiciaire avec l’idée que les magistrats ont la conviction qu’il est obligatoire d’appliquer le droit de cette manière, suggestion qui va à l’encontre du système de la séparation des trois pouvoirs puisque les juges, d’une certaine manière, posent des règles générales et donc, légifèrent. Les jurisprudences sont multiples, chacune correspondant à une matière, un ordre, un degré ou un tribunal. La jurisprudence n’est pas l’ensemble des décisions de justice, certes, il en faut généralement une accumulation, pour faire la jurisprudence, bien qu’une seule décision de justice puisse faire jurisprudence, mais l’ensemble des décisions de justice c’est le contentieux. La jurisprudence ce n’est pas non plus la décision de justice en elle-même, puisque c’est ce qui met fin au litige et qui dit aux acteurs ce qu’ils se doivent. Ce qui forme la jurisprudence va être la manière dont le juge va s’emparer de la règle de droit et comment il va l’appliquer pour régler la question judiciaire.
Mais alors, la jurisprudence peut-elle être une source du droit ? L’autorité du précédent est-elle obligatoire ? En France, c’est l’autorité relative de la chose jugée qui est en vigueur.
Si théoriquement en France c’est l’autorité relative de la chose jugée qui est en vigueur, dans la réalité, la jurisprudence présente un caractère normatif indéniable et observable. En effet, pour appliquer la loi, les juges sont obligés d’interpréter, ce qui implique que les décisions de justice arrivent à faire évoluer la signification des textes de loi. La doctrine se divise sur la force de règle que serait la jurisprudence. Pour Jean Carbonnier, la jurisprudence serait une simple autorité qui ne peut pas être plus car elle ne serait pas en mesure de formuler de règles générales, abstraites et permanentes. Pour lui, les juridictions appliquent la loi, l’interprètent mais pour autant ne peuvent la créer de toute pièce. Toutefois, aujourd’hui, à peu près l’ensemble de la doctrine s’accorde pour dire que la jurisprudence est une source du droit car la règle ne peut tout prévoir ni tout régir. Parois incomplète, la loi, dans ses lacunes, se sert de la jurisprudence pour combler. Tandis que cette première est figée alors que le contentieux évolue, c’est la jurisprudence qui fait évoluer le sens du texte écrit. Sans celle-ci, la loi ne serait pas évidente, la jurisprudence peut faire dire à une loi l’inverse de ce pourquoi elle avait été édictée.
Néanmoins, si c’est une source, elle est différente de la loi écrite. Pour décrire complètement le fonctionnellement et les failles de la jurisprudence, il faut suivre un cahier des charges.
A) Les promoteurs de la jurisprudence
En France, le double degré de juridiction veut que lors d’un contentieux on a le droit d’être entendu deux fois. De fait, les cours de premières instances sont soumises à l’autorité des cours d’appel parce que celles-ci peuvent infirmer leurs décisions. De même, puisqu’il y plusieurs cours d’appel, elles n’ont pas toutes la même jurisprudence. Pour garantir l’unité du droit, il faut une juridiction unique qui va exercer un contrôle sur l’application de la loi. En France, elle s’appelle la Cour de Cassation et permet d’harmoniser les pratiques judiciaires sur l’ensemble du territoire. L’organigramme de la justice française favorise l’autorité naturelle de la manière d’appliquer le droit de la Cour de cassation et donc le développement d’une conviction partagée par tous les magistrats que la Cour de cassation exerce une autorité spécifique sur la manière de juger des autres juridictions, il s’agit du facteur central de l’unification de l’application de la loi et donc de la jurisprudence.
La jurisprudence va ici se construire sur une forme de dialogue. La possibilité de saisir la Cour de cassation pour avis hors de tout contentieux ainsi que le rapport annuel de la Cour de cassation viennent renforcer cette domination. Le premier, apparu en 1991, permet de sauter les étapes de 2e instance et de mise en pourvoi et d’impliquer la Cour de cassation rapidement dans une affaire qui aurait pu ne jamais arriver jusqu’à elle naturellement. L’avis n’est pas une décision de justice, n’a pas de caractère obligatoire et ne s’impose à personne mais fait tout de même force de jurisprudence.
B) La nature de la jurisprudence
Si le processus rapproche la jurisprudence des règles de droit, le cantonnement par le droit des missions du magistrat l’en éloigne. L’article 5 du code civil interdit, par exemple aux juges de se prononcer par des dispositions générales, abstraites et impersonnelles ce qui rompt avec la tradition des parlements royaux, institution judiciaire qui édictait de nulle part ses propres règles de droit. L’autorité relative de la chose jugée va dans le même sens, car la décision, en dehors des parties, n’est pas obligatoire elle ne représente qu’un cas parmi tant d’autres. Mais, ces obstacles ne sont pas des obstacles à la jurisprudence puisque la seule chose que fait le juge c’est interpréter les dispositions, précise, personnelle et concrète posée par quelqu’un d’autre que lui.
La jurisprudence est surtout utile pour remplacer le droit écrit, là où il n’est pas. Comme la coutume elle demeure imprévisible, non sécurisée, peu accessible et lente. Durant le processus de jurisprudence, il peut également avoir un revirement de jurisprudence, celui pose un vrai problème de droit de fond puisque si la loi qui est sensée régir l’avenir change d’un coup, les justiciables ne peuvent s’y adapter. Si la jurisprudence est au même titre que le droit écrit une règle de droit, elle pose le défaut de la rétroactivité qui est un des chemins menant à l’arbitraire.