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Droit des sociétés

LEÇON I : LA NOTION DE SOCIÉTÉ

La France compte 4 millions de sociétés qui sont diverses dans leurs formes (société anonyme, société civile, etc.), dans leur domaine d’intervention (en matière commerciale, agricole, libérale ou immobilière) mais également diverses dans leur taille car il existe une échelle de grandeur, de la plus petite des sociétés à la multinationale.

Intuitivement, la société semble reposer sur deux piliers. D’une part, le regroupement de personnes pour créer un projet. D’autre part, un intérêt commun car tous les participants poursuivent le même intérêt qui est celui de s’enrichir. Ce sont des contrats organisation. Mais cette approche intuitive est insuffisante. Par exemple, l’indivision regroupe plusieurs personnes ayant un intérêt commun, pourtant elle ne constitue pas une société.

Pour cerner la société, il faut se référer à la loi. L’art.1832 c.civ qui régit la création de société est localisé dans la partie relative aux contrats spéciaux (vente, dépôt, bail, société). Cela accrédite l’idée que la société est tout simplement un contrat, fut-il spécial. D’ailleurs, le même article dans sa version originaire disposait que « la société est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent de mettre quelque chose en commun en vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter ». Dans ce texte, la société n’est ni plus ni moins qu’un contrat. Néanmoins, cet article a été modifié à deux reprises durant la seconde moitié du XXe siècle. La première évolution du texte date d’une loi du 4 janvier 1978 qui a apporté deux précisions au texte et généré une modification. D’abord, le quelque chose que les contractants doivent mettre en commun désigne un bien ou une industrie. Ensuite, les associés (parties au contrat de société) s’engagent à contribuer aux pertes. Enfin, la société n’a pas simplement pour but le partage d’un bénéfice mais également la réalisation d’une économie.

La vraie rupture s’opère par la loi du 11 juillet 1985 qui crée les sociétés unipersonnelles (société avec un seul associé). Cette figure juridique a conduit le législateur à faire reculer la notion de contrat dans la définition de la société. La raison est en que pour faire un contrat, il faut être deux. Or, il est possible d’être seul et former une société. D’où une réécriture de l’art.1832 c.civ par la loi du 11 juillet 1985. Désormais, l’art.1832 c.civ comporte 3 alinéas.

Le premier alinéa dispose que « la société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter ». Désormais, la société n’est plus un contrat même si elle est instituée par un contrat. Le deuxième alinéa précise qu « elle peut être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l’acte de volonté d’une personne ». Le troisième alinéa dispose que « les associés s’engagent à contribuer aux pertes ». L’analyse du texte permet de s’apercevoir que la société repose sur 4 qualifications.

SECTION I : La source de la société 

La lecture de l’art.1832 c.civ permet de constater que la société a toujours pour source un acte juridique. Dès lors, la société est une manifestation de volonté destinée à produire des effets de droit. Cet acte juridique se dénomme les statuts de la société. Cet acte peut être multilatéral (contrat) ou unilatéral (un seul associé). Dans le premier cas, la société est pluripersonnelle et dans le second unipersonnelle.

Les sociétés unipersonnelles sont d’interprétation stricte puisqu’elles ne sont possibles que dans les cas prévus par la loi. Il en résulte que si le législateur n’organise pas une forme de société unipersonnelle, les particuliers ne peuvent la créer. Aujourd’hui, il existe deux formes de sociétés unipersonnelles que sont l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) et la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU). Cette règle d’interprétation stricte ne concerne que la phase de création de la société. En effet, pendant la durée de sa vie, une société peut ne comporter qu’un seul associé. Par exemple, nous

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sommes deux associés et je rachète les parts à mon coassocié et deviens le seul associé de la société. Pour autant, l’unicité d’associé ne constitue pas une cause de dissolution de plein droit de la société. Autrement dit, la société continue d’exister alors même qu’elle ne comporte qu’un seul associé. Néanmoins, toute personne intéressée peut en demander la dissolution.

Il résulte de l’art.1832 c.civ que la source de la société est la volonté d’une ou de plusieurs personnes. Certains auteurs et la jurisprudence utilisent la notion d’affectio societatis pour traduire cela. L’affectio societatis se définit comme la volonté de collaborer de façon effective et sur un pied d’égalité au projet commun. Autrement dit, dans toute société, les membres sont dotés de cette affectio societatis. Pour le professeur Christophe Juillet (doctrine minoritaire), cette notion ne devrait pas exister parce qu’elle est inutile, dangereuse et parfois fausse.

D’abord, la notion est inutile parce qu’en droit la volonté n’est jamais abstraite et désincarnée. La volonté porte toujours en elle les éléments caractéristiques de l’acte que souhaite passer la personne. Par exemple, la volonté d’un vendeur est toujours la volonté de transférer la propriété de son bien moyennant le prix. Le donataire a la volonté de recevoir un bien à titre gratuit. L’affectio societatis n’est ni plus ni moins que la volonté car la volonté du sociétaire est de participer à une société de manière effective et sur un projet commun.

Ensuite, la notion est dangereuse car, à plusieurs reprises, la Cour de cassation a décidé que la perte de l’affectio societatis par l’un des associés pendant la durée de vie de la société emportait dissolution de la société. Cette solution est hérétique sur le plan juridique.

Enfin, dans certains cas, la notion est fausse. Le premier exemple concerne les sociétés unipersonnelles. L’affectio societatis serait une volonté de collaborer. Or, pour collaborer il faut être deux. Par conséquent, dans les sociétés unipersonnelles, il ne pourra y avoir d’affectio societatis. Le second exemple a trait aux sociétés les plus cotées en bourse. En effet, la très grande majorité des associés n’entendent pas collaborer au projet commun mais simplement de réaliser un profit.

Néanmoins, l’acte juridique n’est pas la source exclusive de la société. D’une part, il existe en France une forme de société qui ne repose pas sur un acte mais un fait juridique. C’est ce que l’on appelle les sociétés créées de fait visées à l’art.1873 c.civ qui sont des sociétés l’existence est reconnue a posteriori. À partir de faits accomplis par des personnes, on leur applique le régime des sociétés. Par exemple, en matière de concubinage, il arrive qu’un des concubins gère une affaire personnelle (agriculture) et l’autre y collabore soit en finançant soit en y travaillant. Celui qui s’est enrichi va reverser une partie du bénéfice à l’autre en cas de séparation. D’autre part, le rôle de la volonté en matière de société est beaucoup plus important au moment de la création de la société qu’au moment de son fonctionnement (vrai dans les sociétés pluripersonnelles). Au moment de la création, il faut une logique contractuelle qui requiert l’unanimité. Une fois la société créée, la règle d’unanimité laisse la place à une règle de majorité. En particulier, le contrat de société, en cours d’existence, pourra être modifié non pas par l’accord de tous mais par l’accord de la majorité. Cet accord majoritaire s’impose aux sociétaires minoritaires en application de la théorie de l’institution dégagée par Maurice Hauriou.

SECTION II : Les moyens de la société

Pour créer une société, il faut que les associés mettent certains de leurs moyens en commun. C’est le fameux quelque chose qui est devenu bien ou industrie. Cela montre bien que la société n’est pas simplement un groupement de personnes mais également un groupement de moyens. Les associés mettent en commun des biens qui leur appartiennent ou leur industrie (compétences et savoir-faire). Cette mise en commun passe par une opération que l’on appelle l’apport en société. L’apport en société est une opération juridique qui consiste à mettre à la disposition de la société soit un bien, soit une industrie. Cet apport est fondamental au moment de la création de la société. A contrario, une société sans apport ou dans laquelle un associé n’a pas d’apport, encourt nécessairement la nullité.

Néanmoins, cet apport peut se réaliser en cours de vie sociale lorsqu’une tierce personne souhaite entrer dans la société. À la fin de la société, l’apport a vocation à être restitué en valeur ou en nature à l’associé. Cet apport est également ce que l’associé accepte de risquer dans la société. Si la société fait des pertes, l’associé doit les supporter.

D’un point de vue technique, ces apports de bien permettent d’avoir une première vue sur la notion de capital social qui correspond à la somme de la valeur des biens apportés. La part de chaque associé dans ce capital social est totalement dépendante de son apport. Celui qui apporte le plus a la plus grosse part. La part permet, d’une part, de déterminer l’étendue du 3

droit de vote des associés lors de l’assemblée générale des associés et, d’autre part, la part de bénéfice qui doit revenir à l’associé. Néanmoins, c’est également la part d’apport qui détermine la part de contribution aux pertes de chacun.

En premier lieu, l’opération d’apport est un acte juridique synallagmatique à titre onéreux. Dès lors, il existe une contrepartie qui est constituée de titre de société ou de capital ou droits sociaux qui se répartissent en deux catégories. Les droits sociaux se dénomment parts sociales ou actions selon le type de société.

En second lieu, le capital est la première richesse de la société. Or, dans un bilan social, le capital social est inscrit au passif. Il s’agit simplement d’un raccourci de langage puisqu’on veut dire que dans la colonne des actifs, il doit exister des biens d’une valeur équivalente à celle du capital. Le capital ayant vocation à être restituée, la société en est débitrice à la fin d’où l’inscription du capital au passif (dette).

SECTION III : L’objet de la société

L’objet de la société est toujours une entreprise commune que veulent accomplir les associés. L’objet social peut être défini comme l’activité que les associés assignent à la société. Schématiquement, il existe trois grandes catégories d’objet : exercer une activité de production ou de distribution de biens ou de services, permettre aux associés de pratiquer leurs activités professionnelles (la société sert simplement de cadre, cas des sociétés civiles professionnelles, SCP), réaliser la détention, la gestion et la mise en valeur d’actifs (par exemple, les sociétés civiles immobilières, SCI, qui visent à détenir, exploiter gérer des biens ou les sociétés holdings dont l’objet est de détenir et de gérer des titres sociaux d’autres sociétés).

Cet objet est fondamental car il permet de définir la capacité de la société et les pouvoirs de ses dirigeants. Contrairement aux personnes physiques, les sociétés sont régies par le principe de spécialité des personnes morales. Il en résulte que la société ne peut accomplir d’actes autres que ceux qui sont nécessaires pour son activité ou son objet. Le principe de spécialité des personnes morales s’oppose au principe d’universalité des personnes physiques. L’objet social permet de délimiter les pouvoirs du dirigeant de la société. En effet, les actes de la société sont passés par son dirigeant. Or, la société étant soumis au principe de spécialité, le dirigeant ne peut conclure que des actes qui respectent l’objet social. Lorsque le dirigeant passe des actes qui dépassent l’objet social, son comportement appelle des sanctions (notamment la révocation).

SECTION IV : La finalité de la société

Dans toute société, les associés poursuivent un but unique qui est un but économique. Ce but économique, critère de qualification de la société, doit être partagé par tous les membres de la société et se retrouve dans toute forme de société. Pendant très longtemps, la société devait avoir nécessairement pour but le partage d’un bénéfice. Il était alors très simple de distinguer d’un côté, la société, et de l’autre, l’association. L’association est définie comme la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun d’une façon permanente leurs connaissances et leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices. Cette définition de l’association a permis à la Cour de cassation de décider que lorsqu’un groupement a pour finalité d’accroitre la fortune de ses membres, il s’agit d’une société alors que si le groupement a pour but de faire réaliser une économie à ses membres ce n’est pas une société (Com., 11 mars 1914, Caisse rurale de la commune de Manigod). Par la loi du 4 janvier 1978, la société peut avoir pour finalité tant le partage d’un bénéfice que la réalisation d’une économie.

Néanmoins, il faut opérer plusieurs distinctions. En premier lieu, il faut distinguer société et association. Le groupement est une société s’il a pour but de partager des bénéfices. À l’inverse, le groupement est une association s’il n’a pas un but économique. En revanche, le groupement ayant pour but la réalisation d’une économie recevra aussi bien la qualification de société que d’association.

En second lieu, il faut distinguer groupement d’intérêt économique et société. Le groupement d’intérêt économique (GIE) est institué dans le but de faciliter ou de développer l’activité économique de ses membres, d’améliorer ou d’accroitre les résultats de cette activité et non pas de réaliser des bénéfices pour lui-même. Concrètement, le GIE comme la société a forcément une finalité économique. Mais le GIE se distingue de la société pour deux raisons. D’une part, le GIE constitue toujours le prolongement de l’activité professionnelle de ses membres. Par exemple, la société civile de moyens (GIE) est une structure de soutien pour tous les professionnels libéraux. D’autre part, le GIE ne peut pas faire de bénéfices pour lui-même. S’il réalise des bénéfices, il a l’obligation de les distribuer à ses membres alors qu’une société peut les distribuer à ses membres sous forme de dividendes ou les garder.

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Ce but est essentiellement aléatoire. En effet, lorsque les associés créent la société, ils recherchent le but économique qui dépend de facteurs extérieurs et incertains. Il se peut que la société réalise des bénéfices et permette aux associés de s’enrichir mais ce n’est qu’une éventualité.

Mais la société peut également faire des pertes. Dans toute société, la contribution aux pertes se manifeste par le fait pour l’associé de ne pas pouvoir récupérer tout ou partie de sa mise de départ. Dans certaines sociétés, la contribution aux pertes peut être plus élevée encore. Aujourd’hui, il existe des sociétés à risque illimité. En théorie, en cas de non-paiement d’une dette de la société, le créancier peut agir directement contre les associés. L’associé qui paie dispose d’un recours contre la société. En pratique, lorsque l’associé a payé une dette de la société, il dispose d’un recours théorique contre la société défaillante car, à l’arrivée, l’associé aura perdu à la fois son apport et ce qu’il aurait dû payer au créancier. Dans les sociétés à risque limité, en pratique, les principaux créanciers demandent aux associés de se porter garants de la société.

LEÇON II : LES CLASSIFICATIONS DES SOCIÉTÉS

Le droit français connait de très nombreuses formes de sociétés dont 7 principalement : la société civile (SC), la société en nom collectif (SNC) la société en commandite simple (SCS), la société à responsabilité limitée (SARL), la société anonyme (SA), la société en commandite par actions (SCA) et la société par actions simplifiée (SAS).

Mais il existe beaucoup d’autres formes de sociétés. Par exemple, des déclinaisons de sociétés civiles comme la société civile professionnelle (SCP), la société civile de moyens (SCM) ou la société civile d’exploitation agricole (SCEA). Il existe aussi des sociétés propres au monde rural, des sociétés d’exercice libéral (SEL) qui constituent des déclinaisons des sociétés prévues par le Code de commerce. Par exemple, la SELARL (société d’exercice libéral à responsabilité limitée), la SELAFA (société d’exercice libéral à forme anonyme), la SELCA (société d’exercice libéral en commandite par actions) ou la SELAS (société d’exercice libéral par actions simplifiée).

Chaque forme de société est dotée d’un régime juridique qui lui est propre. Mais en regroupant les différentes formes de sociétés dans des catégories en fonction de certaines catégories, on parvient à dégager un régime juridique commun. Il existe un certain nombre de classification de sociétés notamment les sociétés pluripersonnelles ou unipersonnelles. De la même façon, il est possible de distinguer celles qui ont la personnalité juridique de celles qui en sont dépourvues comme la société créée de fait et la société en participation. Dans cette dernière, les associés créent la société mais renoncent à lui conférer la personnalité juridique. Il est également possible d’opposer les sociétés de droit privé et celles de droit public, les sociétés cotées (dont les titres sont sur le marché financier) et les sociétés non cotées (dont les titres ne sont pas sur le marché financier).

SECTION I : La distinction des sociétés civiles et des sociétés commerciales

          §1. Le critère de la distinction

Pendant longtemps, cette distinction constituait la summa divisio du droit des sociétés. Le critère utilisé était celui de la nature de la société. Progressivement, ce critère de l’objet a été remplacé par le critère de la forme. Le législateur a décidé que certaines sociétés seront toujours commerciales et que certaines sociétés civiles seront toujours civiles. Sont des sociétés commerciales à raison de leur forme quel que soit leur objet, les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple, les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés par actions (art. L.210-1, al.2 c.com).

Une société civile ne peut pas avoir un objet commercial. Si d’aventure, une société civile venait à pratiquer une activité commerciale, elle deviendrait, comme pour les personnes physiques, un commerçant de fait soumis à l’impôt sur les sociétés. En effet, le commerçant de fait ne bénéficie d’aucun des avantages attachés à la qualité de commerçant mais est soumis à tous les inconvénients du statut.

Le critère de l’objet n’a pas complètement disparu puisque l’art. L.210-1, al.1

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er c.com énonce que « le caractère commercial d'une société est déterminé par sa forme ou par son objet ». Il est simplement en très net déclin. D’une part, ce critère est devenu subsidiaire. Concrètement, on n’utilise ce critère que lorsque le critère de la forme ne permet pas d’obtenir une réponse. D’autre part, la plupart des sociétés reçoit une qualification en fonction de la forme. Ce critère de l’objet devient résiduel puisqu’il est utilisé seulement dans les sociétés en participation et dans les groupements d’intérêt économique.

          §2. L’intérêt de la distinction

Fondamentalement, la distinction présente les mêmes intérêts que ceux des personnes physiques. Le premier intérêt concerne la preuve des actes juridiques. En principe, la preuve d’un acte juridique doit être rapportée par un écrit s’il dépasse 1500 € (preuve littérale). Par exception, lorsque l’acte juridique doit être prouvé contre un commerçant, la preuve redevient libre. L’art. L.110- 3 c.com dispose que « à l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit autrement disposé par la loi ». Concrètement, lorsqu’il s’agit de prouver un acte contre une société commerciale, la preuve sera toujours libre. Qu’elle soit rapportée par un commerçant ou un non commerçant, elle sera toujours libre.

Le deuxième intérêt concerne la compétence juridictionnelle. En ce qui concerne la compétence matérielle, les commerçants relèvent du tribunal de commerce et non pas du tribunal judiciaire. Par conséquent, lorsqu’on assigne une société commerciale en justice, il faut en principe l’assigner devant le tribunal de commerce et non pas devant le tribunal judiciaire. Néanmoins, les sociétés d’exercice libéral qui sont pourtant commerciales relèvent de la compétence des tribunaux judiciaires. Lorsqu’un commerçant agit contre une société commerciale, il bénéfice d’une option de compétence qui lui permet de choisir le tribunal de commerce ou le tribunal judiciaire. En ce qui concerne la compétence territoriale, c’est le lieu du domicile du défendeur (siège, administration, principal établissement de la société). Toutefois, l’art.48 CPC pose un tempérament à cette compétence territoriale lorsqu’existe une clause attributive de juridiction conclue entre deux sociétés commerciales.

Le troisième intérêt concerne les obligations plurales qui sont des obligations dans lesquelles il existe soit plusieurs créanciers soit plusieurs débiteurs de l’obligation. En matière civile, l’obligation est conjointe, ce qui veut dire que chacun des débiteurs ne peut être poursuivi que pour sa part ou la portion de sa dette. En matière commerciale, la solidarité est présumée et ce contra legem. Concrètement, les codébiteurs d’une telle obligation, au stade de l’obligation à la dette, peuvent être poursuivis individuellement par le créancier pour la totalité de la dette.

À côté de ces trois intérêts d’ordre civil, il existe également un intérêt comptable. Les sociétés civiles peuvent utiliser la comptabilité de caisse (simple) ou la comptabilité en partie double tandis que les sociétés commerciales sont obligatoirement soumises à la comptabilité commerciale.

          §3. Le tempérament de la distinction 

Cela étant, cette distinction, même si elle présente certains intérêts, doit être relativisée. D’abord, il existe des sociétés qui ne sont ni civiles ni commerciales. Par exemple, la société coopérative agricole. Ensuite, avec le temps, on s’aperçoit que des règles autrefois réservées aux sociétés commerciales ont été étendues aux sociétés civiles. En ce qui concerne le droit de la procédure collective, elle était spécifiquement réservée aux commerçants tandis que les personnes physiques faisaient l’objet de la procédure de la déconfiture. Aujourd’hui, toutes les sociétés relèvent du droit des procédures collectives. Enfin, pendant très longtemps, les sociétés civiles bénéficiaient de plein droit de la personnalité juridique alors que les sociétés commerciales devaient s’immatriculer au registre des commerces (aujourd’hui RCS). Aujourd’hui, toutes les sociétés civiles et commerciales doivent s’immatriculer au RCS pour bénéficier de la personnalité juridique.

SECTION II : La distinction des sociétés à risque limité et des sociétés à risque illimité 

          §1. Le critère de la distinction

Cette distinction n’est sans doute pas parfaite mais elle exerce une influence très importante sur le régime respectif de chaque type de société. Dans toutes les sociétés, il y a un risque pour les associés de ne pas retrouver leur capital lors d’une perte. Il y a parfois un risque de perte mais aussi de dettes sociales. Les sociétés à risque limité (différente de la société à responsabilité limitée) sont celles dans lesquelles l’associé, en cette qualité, ne risque pas de perdre plus que l’apport (mise de départ) qu’il effectue à la société. La raison est que le créancier social n’a pas d’action contre le créancier personnellement. A contrario, lorsque la société est débitrice, le créancier de la société n’a aucun droit sur les biens personnels des associés et si la société est insolvable, le

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créancier n’est pas payé. Sont des sociétés à risque limité la société anonyme (SA), la société par actions simplifiée (SAS) ou encore la société à responsabilité limitée (SARL). Il ne faut pas confondre la société à risque limité et la société à responsabilité limitée. Si toutes les sociétés à responsabilité limitée sont des sociétés à risque limité, l’inverse n’est pas vrai.

À l’opposé, les sociétés à risque illimité (SARI) sont celles dans lesquelles l’associé risque de perdre plus que son apport (1). Si la société accumule les dettes, non seulement l’associé ne récupérera pas son apport mais aussi peut être poursuivi personnellement par les créanciers de la société (2). Lorsque l’associé doit s’acquitter des dettes de la société, il dispose d’un recours contre la société (3). Puisque la société est insolvable, ce recours est théorique car in fine l’associé ne récupérera pas son apport et ne sera pas remboursé du paiement effectué. Or, c’est un recours théorique car une personne non solvable ne pourra pas payer. Sont par exemple des sociétés à risque illimité, la société civile (société civile) ou la société en nom collectif (société commerciale).

La nature de la société exerce une influence sur l’obligation des associés de payer les dettes sociales (4) = est une véritable garantie avec un cautionnement. La différence est que le cautionnement naît d’un contrat de cautionnement et l’obligation des associés naît d’un contrat des sociétés + les modalités de poursuites sont différentes + les régimes juridiques ne sont pas applicables aux autres. Dans les deux cas, on dit que l’obligation de l’associé est indéfinie car l’associé supporte les dettes de la société sans limitation (obligation indéfinie au passif social). Néanmoins, le régime de l’obligation plurale varie selon que l’on se trouve en droit civil ou en droit commercial. Dans tous les cas, elle est indéfinie dans le passif social.

Dans les sociétés civiles, l’obligation indéfinie au passif social est conjointe (obligation indéfinie et conjointe au passif social). Chacun des associés ne peut être poursuivi par le créancier social que pour sa part et sa portion de sa dette (à proportion de sa détention de sa part de capital). Pour être intégralement payé, le créancier social doit diviser ses poursuites envers l’ensemble des associés. En outre, dans la société civile, cette obligation indéfinie est très subsidiaire. Pour que le créancier d’une société civile puisse poursuivre individuellement les associés, il doit justifier de vaines et préalables poursuites à l’égard de la société. Autrement dit, le créancier doit obligatoirement poursuivre par priorité la société et ce n’est que s’il n’est pas payé qu’il peut se retourner contre les associés. Par exception, lorsque la société civile fait l’objet d’une liquidation judiciaire, il suffit, pour le créancier, de déclarer sa créance à la procédure collective pour pouvoir poursuivre directement les associés (CC-2007).

À l’opposé, dans les sociétés commerciales, les associés sont indéfiniment et solidairement tenus du passif social (obligation indéfinie et solidaire au passif social). Chacun des associés peut être poursuivi par le créancier social pour la totalité de la dette. En ce cas, le créancier n’a pas besoin de diviser ses poursuites. L’associé qui acquitte la dette de la société dispose en principe d’un recours contre la société mais, si elle est insolvable, il dispose d’un recours contre ses coassociés, chacun pour sa part et portion dans la dette. Cette obligation indéfinie au passif est très peu subsidiaire puisque le créancier peut agir contre les associés 8 jours seulement après mise en demeure restée vaine adressée à la société.

          §2. La portée de la distinction 

                    A. Les conséquences civiles de la distinction

Cela réside dans la situation juridique des tiers et créanciers. Généralement, les conséquences civiles de la distinction reposent sur une considération selon laquelle, dans la société à risque illimité, les créanciers de la société sont d’ores et déjà protégées alors que dans les sociétés à risque limité, les créanciers n’ont aucune protection. Il faut protéger davantage les créanciers des sociétés à risque limité d’où 7 conséquences protégeant les créanciers.

                              1) Le montant du capital social

Le montant du capital social est fixé par la somme de la valeur des biens affectés à la société. Plus le capital est élevé, plus la société a des biens que ses créanciers peuvent saisir. Dans les sociétés à risque limité, il existe une exigence de capital minimum. Par principe, dans les sociétés anonymes, le capital minimum est de 37 000€. Cela signifie que les associés ont mis une certaine quantité de biens dans la société, que les créanciers peuvent saisir.

                              2) L’apport en numéraire

L’apport en numéraire désigne l’apport d’une somme d’argent à la société. Or, en théorie, il peut exister un décalage dans le temps entre le moment où l’associé s’engage à apporter la somme d’argent (souscription) et le moment où il exécute son engagement (libération). Dans les sociétés à risque illimité, l’associé n’a pas besoin de verser immédiatement son apport à la société car le créancier peut saisir directement dans son portefeuille. Néanmoins, dans les sociétés à risque limité, l’associé est tenu de verser immédiatement un certain pourcentage de son apport et, pour le surplus de l’apport, il dispose d’un certain

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délai. De plus, si l’argent n’est pas dans la société, le créancier ne peut pas saisir directement l’argent. C’est pour ce risque que la libération différée des apports en numéraire est créée.

                              3) L’apport en nature

Les apports en nature désignent l’apport d’un bien autre qu’une somme d’argent. Se pose la question de l’évaluation du bien. Or, le bien n’a pas de valeur intrinsèque. Dès lors, le risque dans cette évaluation est que les associés majorent la valeur du bien pour faire croire au créancier à une certaine solvabilité de la société = surévaluation de l’apport + gage apparent. C’est pour cela que dans les sociétés à risque limité les apports en nature doivent être évalués par les associés et sur la base d’un rapport d’un commissaire aux apports (personne indépendante). Au contraire, dans les sociétés à risque illimité, l’évaluation d’un tiers n’est pas utile car la majoration de la valeur du bien ne fait pas obstacle à sa saisi, si bien est surévalué, le créancier pourra se retourner contre les associés. La conséquence est que l’évaluation est laissée à l’appréciation des associés.

                              4) L’apport en industrie

L’apport en industrie désigne l’apport à la société d’une force de travail à travers une compétence ou un savoir-faire. En ce que l’apport en industrie est insaisissable par le créancier, sa valeur n’entre pas dans le capital social. De plus, dans les sociétés à risque limité, l’apport en industrie est en principe interdit contrairement autorisés dans les sociétés à risque illimité.

                              5) Les pouvoirs des dirigeants de la société

Pour agir, la société a besoin de se faire représenter par son dirigeant qui seul a le pouvoir d’engager la société. Son action est limitée par la définition de l’objet social en vertu du principe de spécialité des personnes morales. Le dépassement de pouvoirs par le dirigeant aura des conséquences différentes suivant que la société est à risque limité ou à risque illimité. On a donc deux impératifs : la protection des tiers et des associés. Lorsque la société est à risque illimité, l’acte du dirigeant pris en dépassement de l’objet social n’engage pas la société. En effet, les associés encourent un risque très élevé qui ne peut être encouru que pour une juste raison. Lorsque la société est à risque limité, tous les actes du dirigeant, qu’ils soient pris en dépassement ou conformément à l’objet social, engagent la société. En effet, le risque pour les associés est moindre donc on protège + le tiers.

                              6) Les conventions suspectes

S’agissant des conventions suspectes, il arrive que la société soit amenée à conclure des contrats soit avec l’un de ses dirigeants soit avec l’un de ses associés ou encore avec une personne proche de ces personnes. Ces conventions sont qualifiées de suspectes en raison d’un risque de conflit d’intérêts. Dans les sociétés à risque limité, il existe des conventions interdites encourant nécessairement la nullité et des conventions réglementées soumises, au sein de la société, à une procédure de contrôle. Si le contrat est désavantageux pour la société et qu’il empêche les créanciers d’être payés, ils pourraient saisir chez les associés. Dans les sociétés à risque illimité, de tels régimes juridiques n'existent en principe pas. Les dirigeants et associés peuvent librement conclure un contrat avec la société.

                              7) La réserve légale

La réserve légale se définit comme une fraction de bénéfice que les associés ont l’obligation de laisser dans la société et ne peut pas être mise en distribution. En effet, il est nécessaire que les bénéfices d’aujourd’hui puissent servir à absorber les pertes de demain. Cette fraction ne peut être distribuée aux associés sous forme de dividende ou alors de le conserver dans ses comptes. Or, la réserve légale n’existe que dans les sociétés à risque limité et doit porter sur au moins 5% du bénéfice jusqu’à atteindre au total 10% du capital social.

                              8) L’obligation de reconstituer les capitaux propres lorsqu’ils tombent à un montant inférieur au capital social

Les capitaux propres correspondent à une partie du passif du bilan de la société, celui qui se trouve en haut en opposition de celui du bas. Plus la somme des capitaux propres est élevé, plus la société est riche, plus elle a de valeur. Plus la somme des capitaux est basse, moins elle est riche et moins elle a de valeur. Lorsque la société réalise des pertes, il est possible que la somme totale des capitaux propres devienne inférieure à la moitié du capital social. La société creuse alors sa tombe et est en très mauvaise situation financière. Elle n’est pas dramatique dans les sociétés à risque illimité car même si la société disparaît, les créanciers peuvent agir contre les associés, mais dans les sociétés à risque limité, le danger est certain. C’est pour ça que dans ces sociétés, il existe une procédure obligatoire dans ce genre de cas pour restaurer au minimum le ratio.

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                    B. Les conséquences pénales de la distinction

L’apport en nature peut être surévalué. Or, les commissaires aux apports ne donnent qu’un avis de sorte que les associés peuvent retenir une valeur d’apport supérieure au montant préconisé. Dans ce cas, il y a un risque de délit de majoration frauduleuse d’apport qui n’existe que dans les sociétés à risque limité. Ensuite, le délit d’abus de biens sociaux est le fait pour les dirigeants d’utiliser un bien ou le crédit de la société à des fins personnelles. Ce délit n’existe que dans les sociétés à risque limité.

                    C. Les conséquences fiscales de la distinction

En droit fiscal, il existe deux régimes juridiques susceptibles de s’appliquer aux résultats de la société avec d’un côté, le régime de l’impôt sur les sociétés et, de l’autre, le régime de la translucidité fiscale. D’un côté, les sociétés à risque limité relèvent de l’impôt sur les sociétés (IS). Dans ce cas, la société elle-même paie l’impôt sur le résultat fiscal qu’elle réalise. Le taux d’imposition à l’IS est aujourd’hui de 25%. De plus, pour les petites sociétés, il y a un taux réduit de 15% qui ne s’applique que sur une tranche du résultat (réévaluée récemment). Pendant longtemps, il s’appliquait aux premiers 38 120 € de résultat. Aujourd’hui, cette assiette est portée à 42 500€. Au-delà de l’assiette, on revient à 25% d’IS. De l’autre côté, les sociétés à risque illimité sont régies par le régime de la translucidité fiscale qui signifie que, sur les résultats de la société, ce n’est pas la société qui paiera l’impôt mais chacun des associés à proportion des droits qu’il détient sur la société. Les associés personnes physiques paieront l’impôt au titre de l’impôt sur le revenu tandis que l’associé personne morale paiera l’impôt au titre de l’impôt sur les sociétés.

Dans certains cas, il est possible pour une société soumise à l’impôt sur les sociétés de basculer vers la translucidité fiscale. À l’inverse, toutes les sociétés à risque illimité ont toujours le droit d’opter pour l’impôt sur les sociétés. Les EURL sont par principe translucides. Enfin, la société en nom collectif (SNC) est une société excessivement dangereuse (obligation indéfinie, obligation solidaire et peu subsidiaire) mais parfois elle est utilisée précisément pour sa translucidité fiscale. Il en va ainsi à chaque fois que la société doit normalement réaliser des pertes. En effet, le résultat positif est taxable pour les associés mais les résultats négatifs sont déductibles pour les associés. Cette distinction, aussi importante soit-elle, doit être relativisée.

          §3. Le tempérament de la distinction 

D’abord, certaines sociétés ne peuvent pas être classées entre sociétés à risque limité et illimité. Par exemple, les sociétés en commandite (SCS et SCA) sont inclassables. Leur particularité est de comporter deux types d’associés différents. D’un côté, on a des associés commandités et, de l’autre, des associés commanditaires. Or, le statut respectif de chacun est profondément différent. L’associé commandité a exactement le même statut que l’associé en nom collectif. Autrement dit, il est obligé indéfiniment et solidairement au passif social. À l’opposé, le commanditaire encourt un risque limité uniquement à sa part. Ensuite, la SARL et la SAS ont connu deux évolutions parallèles qui ont réduit l’intérêt de les qualifier de sociétés à risque limité. L’évolution pour la SARL date de 2003 et pour la SAS de 2008. Ces sociétés ont été dispensées d’avoir un capital minimum. En effet, le législateur a voulu favoriser la création de sociétés. Pour corollaire, les apports en industrie sont autorisés. En outre, le régime des conventions suspectes s’applique dans les sociétés à risque limité. Néanmoins, dans un cas un peu particulier, il arrive que des sociétés à risque illimité connaissent des conventions réglementées. Enfin, le délit d’abus de biens sociaux est réservé aux sociétés à risque limité. Or, la loi pénale est d’interprétation stricte de sorte que ce délit ne peut être étendu à des sociétés à risque illimité. Pour contourner cela, la jurisprudence utilise parfois le délit d’abus de confiance dans les sociétés à risque illimité.

SECTION III : La distinction des sociétés de personnes et des sociétés de capitaux

La distinction des sociétés de personnes et des sociétés de capitaux n’est que la suite logique de la distinction précédente (SARL et SARI). Lorsque la société est à risque illimité, il est évident que les associés ne souhaitent pas s’associer avec n’importe qui. Au contraire, dans les sociétés à risque limité, la personne du coassocié importe peu car ce qui compte c’est de savoir combien chaque associé est prêt à mettre dans la société. Ainsi, les sociétés à risque illimité sont en principe des sociétés de personnes tandis que les sociétés à risque limité sont en principe des sociétés de capitaux. Dans la société de personnes, il y a une sorte d’intuitus personae entre les associés. À l’opposé, dans les sociétés à risque limité, la considération de la personne n’existe pas.

           §1. L’intérêt de la distinction 

Le premier intérêt de cette distinction est que la nature des droits sociaux reçus en contrepartie de l’apport n’est pas la même suivant que l’on est dans une société de personnes ou de capitaux. Dans une société de personnes, les titres et droits sociaux reçus en contrepartie de l’apport sont des parts sociales. Dans les sociétés de capitaux, les titres reçus en contrepartie sont des actions. Les parts sociales et les actions ne sont pas soumises au même régime juridique. En particulier, la cession de ces titres ne fonctionne pas de la même façon. En effet, les parts sociales sont des titres négociables alors que les actions sont des titres non négociables. Cela signifie que les actions peuvent être en principe cédées librement, sans avoir à obtenir l’accord de la société ou des autres associés. À l’opposé, s’agissant de titres non négociables, la cession de parts sociales est soumise à une procédure d’agrément qui consiste pour les autres associés à se prononcer sur la cession. En fonction de la personne du cessionnaire, les autres associés peuvent donner l’agrément, auquel cas la cession a lieu ou le refuser auquel cas la cession n’a pas lieu. En effet, les parts sociales sont des titres de société de personnes. Par conséquent, la qualité de l’associé étant important aux yeux des associés, n’importe qui ne peut pas entrer dans la société.

Le deuxième intérêt de la distinction est que certains évènements qui affectent la personne des associés est susceptible de rejaillir sur la société mais uniquement s’il s’agit d’une société de personnes. Dans certains cas, il arrive que le décès ou l’incapacité d’un associé soit une cause de dissolution, en particulier dans la SNC, (prévue par la loi et supplétive de volonté). Généralement, dans le contrat de société, une clause prévoit que le décès ou l’incapacité d’un associé n’emporte pas dissolution de la société.

Le troisième intérêt de la distinction a trait au droit des régimes matrimoniaux. 95% des Français mariés sont sous le régime de la communauté légale dans laquelle on distingue les biens propres de l’époux, les biens propres de l’autre et les biens communs. Lorsque des parts sociales sont communes aux deux époux, l’un ne peut pas en disposer sans le consentement de l’autre (cogestion) alors que si des actions sont communes, un époux peut en disposer seul. Lorsqu’un époux utilise un bien commun pour acquérir des droits sociaux, il y a une différence de régime juridique selon qu’il acquiert des actions ou des parts sociales. S’il utilise un bien commun pour acquérir des parts sociales, il doit en informer son conjoint qui pourra revendiquer la qualité d’associé pour la moitié des parts acquises.

Enfin, les actions sont soumises à un corps de règles spécifiques (art.L.228-1 et s. c.com) Par exemple, en matière d’apport en numéraire, la contrepartie en actions génère certaines règles qui ne s’appliquent pas aux parts sociales. Autre exemple, au moment d’entrer en bourse, il faut forcément que les titres sociaux soient des actions.

          §2. Le tempérament de la distinction

Certaines sociétés sont difficilement classables dans cette distinction. Le premier tempérament concerne les sociétés en commandite. D’abord, la société en commandite simple est traitée par le législateur comme une société de personnes alors que la société en commandite par actions est traitée comme une société de capitaux. Ensuite, la SARL a été conçue par le législateur comme une société hybride (personnes et capitaux). Cette hybridation résulte de ce que, d’un côté, il s’agit d’une société à risque limité mais, d’un autre côté, les titres de cette société constituent des parts sociales.

Le second tempérament de la distinction concerne l’agrément. D’un côté, lorsqu’il s’agit de parts sociales, certaines cessions peuvent échapper à l’exigence d’agrément. Par exemple, dans la société civile, un parent peut librement céder ses parts à l’un de ses proches. D’un autre côté, les actions sont en principe librement négociables mais les statuts peuvent contenir des clauses d’agrément. En d’autres termes, la libre disposition des titres peut être tenue conventionnellement en échec afin d’exercer un contrôle sur les candidats cessionnaires. Cela est très fréquent dans les SAS. Néanmoins, la clause d’agrément est interdite dès lors que la société est cotée en bourse.

LEÇON III : L’ENTRÉE EN SOCIÉTÉ

INTRODUCTION

          §1. L’entrée en société par un acte ou un fait juridique 

L’entrée en société peut se faire par un acte juridique ou par un fait juridique. L’acte juridique qui permet à une personne d’acquérir la qualité d’associé peut prendre deux formes distinctes.

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La première possibilité est la souscription de droits sociaux qui consiste à acquérir auprès de la société les titres créés par cette dernière afin de récupérer l’apport qui lui est consenti. Cette souscription intervient nécessairement au moment de la constitution de la société puisque tous les associés doivent faire un apport à ce moment-là. Elle peut intervenir en cours de vie sociale puisque, même si la société est déjà créée, elle peut recevoir de nouveaux apports de la part d’un tiers ou d’un associé en échange desquels elle crée un nouveau titre à remettre à l’apporteur. Cette nouvelle souscription procède de ce que l’on appelle une augmentation de capital.

La deuxième possibilité consiste à acquérir des droits sociaux déjà créés mais qui appartiennent à d’autres personnes. La cession est le contrat par lequel les droits sociaux d’une personne seront transférés à une autre personne. Il existe des cessions de parts sociales et des cessions d’actions. Ces cessions peuvent avoir lieu à titre gratuit ou à titre onéreux. L’acquéreur devient associé sans pour autant entrainer une modification du capital de la société. En effet, l’apport qui correspond au titre cédé a déjà été souscrit par le passé. Le consentement de l’acquéreur à l’opération est double. L’acquéreur consent, d’un côté, à la cession et, de l’autre, au contrat de société. Le propre de cette cession est de faire adhérer l’acquéreur au contrat de société.

Dans tous les cas, l’entrée en société s’apparente à un acte de disposition. Cette qualification est parfois retenue expressément et impérativement par le législateur. Elle est d’autres fois simplement présumée lorsque le législateur ne dit rien. En revanche, la donation d’action s’apparente à un acte d’administration. En effet, le donataire acquiert à titre gratuit et les actions ne lui font pas courir un risque personnel.

Par ailleurs, l’entrée en société peut se réaliser par un fait juridique. Il en va déjà ainsi des sociétés créées de fait dans lesquelles les associés entrent dans une société sans s’en apercevoir. En outre, l’entrée en société peut se réaliser à travers une transmission successorale, le décès étant un fait juridique. En effet, il se peut que dans le patrimoine du défunt figurent des titres de société. Par conséquent, les héritiers acquerront les droits sociaux du défunt et entreront dans une société.

          §2. Le nombre minimum et maximum d’associés

La règle de principe est que, pour constituer une société, il faut la réunion de deux personnes. Par exception, il existe deux formes sociales qui peuvent ne compter qu’un seul associé, à savoir l’EURL et la SASU. De plus, en matière de commandite par actions (SCA), il existe une règle selon laquelle il faut que l’un des organes de direction de la société appelé conseil de surveillance comporte au moins trois commanditaires. Or, il faut également des commandités. Ainsi, pour une commandite par actions, il y aura au moins 4 personnes soit 3 commanditaires et un commandité.

Pendant longtemps, la société anonyme (SA) devait compter au moins 7 associés. Cette exigence a été supprimée en 2014 si bien qu’aujourd’hui, il faut être au moins deux. Par exception, lorsque la SA est cotée en bourse, il faut toujours au moins 7 associés.

En cours de vie sociale et en présence d’une SARL ou d’une SAS, tomber sous le minimum signifie qu’il n’y a plus qu’un seul associé. Dans ce cas, la société est transformée en EURL (si SARL) soit en SASU (si SAS). Pour les autres sociétés, il n’existe pas de textes particuliers. Mais lorsqu’une société ne compte plus qu’un seul associé, elle n’encourt plus la dissolution de plein droit. Elle peut donc continuer à exister. Néanmoins, tout tiers intéressé pourra en demander la dissolution.

Pour qu’un tiers demande la dissolution, il faut que la situation ait duré au moins 1 an. De plus, si le tiers demande la dissolution, le juge peut donner à la société un délai de 6 mois pour régulariser la situation. En toute hypothèse, si la situation est redevenue conforme au jour où le juge statue, il ne peut pas prononcer la dissolution. Dans le cas d’une société par actions simplifiée (SAS), la régularisation peut s’opérer par la cession d’une part à un tiers pour lui attribuer la qualité d’associé ou la création d’une SASU et lui donner une seule action.

Le nombre maximum d’associés se régule de façon naturelle. Dans une société de personnes, le nombre sera réduit. Dans une société de capitaux, le nombre sera plus ouvert. Pour les sociétés hybrides (SARL), le nombre d’associés ne peut excéder 100. Si la SARL franchit ce plafond, elle doit, dans le délai d’1 an, se transformer en une société par actions. À défaut, la SARL encourt une dissolution de plein droit que le juge se bornera à constater.

SECTION I : Le consentement pour entrer en société

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Par hypothèse, la question du consentement ne se pose que lorsque l’entrée en société se réalise par un acte juridique soit par souscription des titres, soit par cession des titres. Dans tous les cas, le nouvel entrant consent directement au contrat de société. Ce consentement suppose d’exister et d’être intègre.

          §1. L’existence du consentement

Le consentement est le véhicule de la volonté. En principe, il doit exister une concordance entre la volonté de la personne et le fait de consentir au contrat de société. Néanmoins, dans certains cas, on observe une discordance entre la volonté interne de la personne et le consentement qu’elle exprime dans deux hypothèses que sont la simulation et la fictivité.

                    A. La simulation

La simulation est l’opération par laquelle les parties à un acte dissimule leur véritable volonté derrière un autre acte. Dans la simulation, il existe deux actes juridiques différents que sont l’acte ostensible et la contre-lettre. L’acte ostensible est celui qui est rendu visible aux yeux des tiers mais il ne renferme pas la volonté des parties tandis que la contre-lettre qui incarne la véritable volonté des parties est cachée aux tiers. Cette simulation se rencontre fréquemment en droit des sociétés. Par exemple, deux personnes peuvent faire croire à une société alors qu’elles réalisent une donation, un prêt ou un contrat de travail.

                              1) La validité de la simulation

Par principe, la simulation est une opération valable. En revanche, elle cesse de l’être lorsqu’elle poursuit un but frauduleux (fraus omnia corrumpit). Par exemple, faire croire à une société pour réaliser un contrat de prêt avec des taux d’usure, un contrat de travail pour ne pas payer les charges sociales ou une donation qui porte atteinte à la réserve héréditaire.

                              2) Les effets de la simulation

         

Entre les parties, c’est leur volonté réelle qui prévaut, en l’occurrence la contre-lettre. À l’égard des tiers, tant que la simulation n’a pas été révélée à leurs yeux, seul l’acte ostensible doit être appliqué. Mais si la simulation a été révélée aux tiers, ceux-ci bénéficient d’une option. En effet, ils peuvent se prévaloir, à leur choix et selon leurs intérêts, soit de la contre-lettre, soit de l’acte ostensible.

                    B. La fictivité

La fictivité désigne l’hypothèse dans laquelle les parties au contrat entendent effectivement créer la société non pas pour se partager les bénéfices et les pertes mais dans un but frauduleux. Par exemple, l’organisation par l’un des associés de sa propre insolvabilité. On parle de société de façade. Certains auteurs considèrent que cette hypothèse doit être rapprochée de celle de la simulation, en tant que simulation de l’existence même du contrat. Cette analyse est erronée dans la mesure où dans une simulation, il existe toujours deux actes juridiques, l’un (acte ostensible) venant cacher l’autre (contre-lettre). Or, dans la fictivité, il n’y a qu’un seul acte juridique sans que les parties ne cherchent à cacher un autre acte. Le régime juridique applicable à la fictivité n’est pas celui de la simulation.

Pendant longtemps, la Cour de cassation considérait que la société de façade encourait la sanction de l’inexistence. Autrement dit, il s’agit d’une sanction qu’il suffisait de constater et non de prononcer. Cette constatation pouvait se faire sans aucun délai de prescription. Dans son arrêt Lumale de 1992, la Cour de cassation opère un revirement de sa jurisprudence et considère que la « société fictive est une société nulle et non inexistante » (Com., 16 juin 1992, Lumale). Désormais, la sanction de la fictivité ne réside plus dans l’inexistence mais dans la nullité. Cela emporte 3 conséquences. D’abord, cette sanction de la nullité ne doit pas être constatée mais prononcée par un juge. Ensuite, l’action en nullité est susceptible de prescription extinctive. En droit des sociétés, ce délai est de 3 ans. Enfin, cette nullité présente la particularité de ne pas être rétroactive.

          §2. L’intégrité du consentement

Pour qu’un consentement soit intègre, il faut qu’il soit à la fois éclairé et libre. Il cesse d’être intègre lorsqu’il souffre des vices d’erreur, du dol et de la violence. Ces vices du consentement ont vocation à jouer aussi bien sur l’acte constitutif de la société que sur les cessions de titres de la société.

                    A. L’erreur

L’erreur désigne une fausse représentation de la réalité. Conformément au droit commun des contrats, elle est sanctionnée lorsqu’elle tombe sur la personne ou les qualités essentielles de la prestation. L’erreur sur la personne n’est pertinente que dans

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les contrats intuitu personae. Par principe, l’erreur sur la personne ne peut jouer que dans les sociétés de personnes. Néanmoins, il peut arriver qu’une société de capitaux soit formée en considération de la personne des coassociés. Les qualités essentielles concernent généralement les caractéristiques principales de la société dont la forme, l’objet, le siège, le montant de son capital, ou l’apport effectué par les associés. Dans tout type de société, cette erreur sur les qualités essentielles peut conduire à la nullité aussi bien de l’acte constitutif que de l’acte de cession de la société.

                    B. Le dol

Le dol est une manœuvre frauduleuse destinée à induire un cocontractant en erreur. Ce vice n’est une cause de nullité que s’il émane du cocontractant ou d’un tiers qui obéit à ses ordres. Or, en matière de société, il existe plusieurs cocontractants. La jurisprudence n’a pas encore tranché la question. La doctrine, quant à elle, considère que, dans un tel cas, pour que le dol exercé à l’encontre d’un associé soit une cause de nullité, il doit émaner de l’ensemble des autres associés. A contrario, le dol commis par un seul pour tromper un autre serait uniquement sanctionné par la responsabilité civile.

Par ailleurs, en matière de cession de droits sociaux, ce dol n’est pas systématiquement pris en compte car, dans le monde des affaires, si l’une des parties doit être loyal, l’autre doit également préserver ses intérêts en se renseignant par lui-même.

                    C. La violence

La violence sur la constitution d’une société ou la cession de droits sociaux reste une hypothèse d’école qui ne se rencontre jamais en pratique.

SECTION II : La capacité 

           §1. La capacité civile 

Il existe deux types de capacité que sont la capacité de jouissance et la capacité d’exercice. La capacité de jouissance désigne l’aptitude à être titulaire de droits et d’obligations tandis que la capacité d’exercice est l’aptitude à exercer soi-même les droits et obligations dont on est titulaire.

                    A. La capacité de jouissance

La capacité de jouissance relève fondamentalement de la personnalité juridique. Ont cette capacité les entités dotées de la personnalité juridique. A contrario, ne peuvent être dans la société, des groupements dépourvus de la personnalité juridique. Puisqu’une indivision n’a pas la personnalité juridique, elle ne peut pas entrer en société. Cette capacité de jouissance peut profiter aussi bien à des personnes physiques que morales.

En effet, toute personne humaine a la personnalité juridique et par suite une capacité de jouissance qui lui permet de devenir associé d’une société. Le fait qu’une personne morale devienne associé d’une société explique des situations comme les groupes de sociétés, les sociétés holdings ou les cascades de sociétés unipersonnelles (une SASU devient actionnaire d’une autre SASU qui est actionnaire d’une SASU). Les sociétés holdings sont des sociétés dont l’objet est la détention et la gestion de titres d’autres sociétés. En vertu du principe de spécialité qui les caractérise, les personnes morales ne peuvent pas accomplir tout acte juridique mais seulement les actes conformes à la réalisation de leur objet. Par voie de conséquence, une personne morale a nécessairement une capacité de jouissance limitée. Dès lors, une société ne peut devenir associé d’une autre société qu’à la condition que cet engagement respecte son objet social.

Néanmoins, dans les sociétés à risque limité, l’acte qui dépasse l’objet social engage la société. Autrement dit, si une société devient associé d’une autre et son engagement n’est pas conforme à son objet, l’acte ne sera pas remis en cause. De plus, très souvent, dans l’objet des sociétés, il existe des clauses parapluie. La clause parapluie est une clause qui vise à rattacher à l’objet de la société un très grand nombre d’opérations notamment des opérations financières qui permettent de couvrir l’entrée en capital d’une autre société.

                    B. La capacité d’exercice

Par principe, une personne titulaire de la capacité de jouissance a également la capacité d’exercice. La capacité d’exercice est le principe et l’incapacité d’exercice l’exception. Une personne privée totalement ou partiellement de sa capacité de jouissance peut devenir associé mais ne peut le faire elle-même. Elle doit être tantôt représentée tantôt assistée. Le problème s’est posé en particulier à propos des mineurs. En effet, le mineur n’a pas la capacité d’exercice de sorte qu’il ne peut, par sa propre13

volonté, entrer en société. À cette fin, il peut se faire représenter par ses parents. Si le mineur veut entrer en société, le consentement de ses parents est suffisant. Néanmoins, lorsque l’entrée en société se fait par une souscription (par un apport consenti à la société au moment de sa constitution), il faudra regarder la nature du bien que le mineur apporte à la société. Lorsque l’apport porte sur certains biens tels un immeuble ou un fonds de commerce, les parents ne peuvent plus agir seuls, sans recueillir au préalable l’autorisation du juge des tutelles. De même, lorsque les parents veulent faire emprunter une somme d’argent à leurs enfants mineurs, ils doivent recueillir l’accord du juge des tutelles. Or, la société civile est à risque illimité de sorte que si elle est défaillante, les créanciers pourront saisir les biens de ses associés.

La Cour de cassation considère que la société civile a sa propre personnalité juridique si bien que son emprunt ne s’impute pas aux associés. Ainsi, la Cour de cassation considère que lorsque la banque accepte de consentir un prêt à la société civile, elle doit s’assurer de la protection des enfants mineurs. Concrètement, si la banque ne fait rien, elle commet une faute susceptible d’engager sa responsabilité civile. Si elle agit contre les mineurs, ces derniers agiront en responsabilité contre elle. Dans le contrat de prêt, pour éviter de commettre une faute, la banque renonce expressément à son action à l’encontre des associés mineurs en cas de défaillance de la société civile, en précisant qu’elle se retournera uniquement contre les associés majeurs. Néanmoins, force est de constater que la renonciation à la poursuite n’augmente pas la part du capital. Pour se prémunir contre l’insolvabilité de la société, la banque exige que les parents se portent solidairement caution de sorte qu’elle pourra se retourner contre l’un des parents pour réclamer la totalité de la dette.

          §2. La capacité commerciale 

La capacité commerciale est l’aptitude d’une personne à accomplir des actes de commerce et d’acquérir la qualité de commerçant. En principe, toute personne a la capacité commerciale. Simplement, il existe certaines causes d’incapacité commerciale. Sont privées de la capacité commerciale, les personnes frappées d’incapacité d’exercice, les personnes qui se trouvent en situation d’incompatibilité, les personnes ayant fait l’objet d’une interdiction, les personnes qui sont ressortissantes d’un pays extérieur à l’UE ou à l’EEE ainsi que certaines personnes morales comme les syndicats, les associations ou les sociétés civiles. L’incompatibilité tient à la noblesse de la profession exercée par la personne. Par exemple, les professions libérales (réglementées). L’interdiction est une peine qui vise à empêcher une personne de pratiquer le commerce pour protéger le commerce contre une personne peu recommandable.

La capacité commerciale pose deux difficultés. En premier lieu, dans certaines sociétés commerciales, le simple fait d’être associé de la société confère de plein droit la qualité de commerçant. Il en résulte que les personnes frappées d’incapacité commerciale ne peuvent devenir associées d’une telle société. Sont concernés les associés de SNC et les associés commandités dans les commandites simples ou par actions. Toute personne qui est responsable indéfiniment et solidairement d’une dette sociale a la qualité de commerçant. En revanche,

les autres associés des autres sociétés commerciales ne sont pas des commerçants. Par exemple, les associés d’une SA, d’une SAS, d’une SARL ou un associé commanditaire (non-commerçant). En second lieu, l’entrée en société commerciale s’analyse parfois en un acte de commerce. Or, pour pratiquer le commerce, il faut avoir la capacité commerciale.

                       A. L’entrée en société par un acte juridique

Lorsque l’entrée en société se fait dans une société non commerciale, on est en présence d’une société civile qui ne requiert pas la capacité commerciale. En revanche, pour l’entrée dans une société commerciale, il faudra distinguer selon qu’elle se fait par souscription ou acquisition de titres.

La souscription de droits sociaux d’une société commerciale constitue toujours un acte de commerce. Néanmoins, en vertu de la théorie de l’acte isolé, cet acte de commerce ne requiert pas nécessairement la capacité commerciale. Selon cette théorie, la personne qui n’accomplit pas habituellement des actes, même de commerce, n’a pas besoin d’être titulaire de la capacité commerciale. Par exemple, un avocat peut conclure un acte de commerce alors même qu’il est frappé d’incapacité commerciale.

En principe, la cession de droits sociaux est un acte de nature civile même si elle porte sur des titres d’une société commerciale. Il en va différemment dans les cessions de contrôle qui sont des cessions de droits sociaux ayant pour effet de conférer au cessionnaire la majorité des droits de vote dans la société. Par exemple, dans une société à trois associés, un associé titulaire d’une part d’1% cède sa part à un autre associé titulaire d’une part de 50% au détriment de l’autre associé qui dispose de 49% des parts. Dans ce cas, la cession de droits sociaux s’analyse en un acte de commerce alors qu’il aurait s’agit d’un acte de nature civile si la part d’1% avait été cédée à l’associé titulaire de 49% de parts. Encore une fois, a priori, une personne privée de la capacité commerciale ne peut pas devenir cessionnaire d’une cession de contrôle. Néanmoins, on applique encore la théorie de l’acte isolé. En dépit de cette théorie de l’acte isolé, une personne frappée d’incapacité commerciale ne pourra jamais devenir

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associé d’une SNC ou associé commandité.

                        B. L’entrée en société par voie successorale

L’entrée en société par voie successorale recouvre l’hypothèse où une personne titulaire de titres d’une société commerciale décède en laissant ses titres dans la succession ainsi que des héritiers mineurs. En principe, cette situation ne pose aucune difficulté puisque le fait d’être associé d’une société commerciale ne confère pas la qualité de commerçant. Puisqu’il existe des parts de SNC ou commanditée qui confèrent la qualité de commerçant, le législateur a prévu des règles qui visent à protéger simultanément l’héritier mineur, les créanciers de la société et les autres associés de la société.

1) La protection cumulative du mineur et des créanciers de la société

Au titre de cette protection cumulative, le mineur ne sera redevable du passif social qu’à concurrence des forces de la succession. De même, les créanciers pourront se faire payer sur les biens de la succession et non sur les biens personnels du mineur. D’un côté, le mineur est protégé car ses biens personnels ne sont pas saisissables. D’un autre côté, les créanciers sont protégés car leur droit de gage général n’est pas modifié en ce sens qu’ils pourront saisir les biens aussi bien avant qu’après le décès.

2) La protection cumulative des associés mineurs et les autres associés de la société

Cette règle oblige les associés de la société, à peine de dissolution, dans le délai d’1 an du décès d’un des leurs à transformer la société en une autre forme sociale pouvant accueillir le mineur sans lui conférer la qualité de commerçant et sans modifier le statut des autres associés. Dans le cas d’une SNC, elle deviendra une commanditée simple dans laquelle le mineur sera associé commanditaire (non commerçant) et les autres associés commandités.

SECTION III : Le pouvoir

            §1. Le pouvoir du représentant 

Il peut arriver qu’un associé ne puisse pas ou ne veuille pas exprimer lui-même son consentement pour entrer en société. Dans ce cas, le consentement de cet associé devra être exprimé par un représentant. Se pose la question de l’étendue du pouvoir de ce représentant pour engager valablement le représenté dans la société.

La représentation est subie lorsque l’associé n’a pas sa capacité d’exercice. Par exemple, les associés mineurs ou les associés sous tutelle. Dans cette situation, l’étendue du pouvoir du représentant est déterminée soit par la loi si la représentation a une origine légale, soit par un juge si la représentation a une origine judiciaire. Dans tous les cas, si le représentant dépasse son pouvoir, l’engagement dans la société sera inopposable au représenté et la société pourra en demander la nullité.

La représentation est voulue lorsque le futur associé, qui a sa pleine capacité d’exercice, souhaite exprimer son consentement à travers le représentant. Pour ce faire, le représentant et le représenté concluent un mandat. Le mandat est le contrat par lequel une personne (le mandant) donne pouvoir à une autre personne (le mandataire) de conclure des actes en son nom et pour son compte. Le mandat peut être général ou spécial.

Le mandat général est un pouvoir de conclure des actes juridiques de façon indéfinie tandis que le mandat spécial vise un acte juridique en particulier. Le mandat général ne couvre que les actes conservatoires et les actes d’administration à l’exclusion des actes de disposition. Pour accomplir un acte de disposition, le mandataire a besoin d’un mandat spécial. L’entrée en société, par souscription ou par cession de droits sociaux, constitue toujours un acte de disposition. Par voie de conséquence, si l’associé souhaite se faire représenter, il devra investir le mandataire d’un mandat spécial.

L’exigence de mandat spécial est prévue expressément en matière de SARL et de SA mais il vaut implicitement pour toutes les sociétés. Pour que le mandat confère au mandataire un pouvoir suffisant, il doit être extrêmement précis sur l’acte que doit passer le mandataire. Ainsi, pour une souscription, l’acte devra décrire à la fois l’ensemble des caractéristiques de la société mais aussi l’apport qui doit être effectué. Si tel n’est pas le cas, l’acte sera inopposable au mandant et la société pourra en demander la nullité.

            §2. Le pouvoir de la personne mariée 

Pendant très longtemps, deux époux n’avaient pas le droit d’être coassociés dans une même société en raison de la règle 15

d’immutabilité du régime matrimonial. Le législateur a craint qu’on puisse contourner cette règle par le jeu du contrat de société. L’entrée en société est soumise à des règles spécifiques lorsqu’elle est le fait d’un époux marié sous le régime de la communauté légale. Les biens propres désignent les biens qui appartiennent à chacun des époux avant leur mariage ainsi que les biens qu’ils ont acquis à titre gratuit pendant le mariage. Les biens communs désignent les biens acquis à titre onéreux pendant le mariage. À partir de là, deux hypothèses se distinguent suivant l’origine des biens qui servent à financer l’entrée en société, soit une souscription (apport) ou la cession (paiement du prix des droits sociaux).

                        A. L’entrée en société par emploi de biens propres

En principe, l’époux qui utilise ses biens propres n’a pas besoin du consentement de l’autre époux. Lorsqu’un des époux utilise une somme d’argent qui lui est propre, les titres de sociétés qu’il acquiert rentrent dans les biens communs mais la qualité d’associé n’appartiendra qu’à l’associé qui a agi. Par exception, si cet époux utilise les règles de l’emploi ou du remploi, il pourra faire en sorte que les titres remplacent la somme d’argent dans son patrimoine propre à condition d’en faire mention dans l’acte. Lorsque l’un des époux utilise un bien en nature, les titres acquis en contrepartie tombent mécaniquement dans son patrimoine propre par le jeu de la subrogation réelle.

                        B. L’entrée en société par emploi de biens communs

Lorsque les deux époux agissent ensemble, les titres reçus rentrent dans le patrimoine commun et la qualité d’associé se répartit par moitié entre les deux époux. Lorsque le bien commun est utilisé par un époux seul, il faut distinguer suivant que la société est par parts sociales ou une société par actions. Lorsque l’apport est fait à une société par actions, les titres tombent dans la communauté mais la qualité d’associé n’appartient qu’à l’époux qui a agi. Lorsque le bien commun est utilisé par un seul époux pour financer des parts sociales, il faut appliquer l’art.1832-2 c.civ qui posent 3 conditions. En premier lieu, le financement des titres doit se faire par des biens communs. En deuxième lieu, le financement doit être le fait d’un seul époux. En troisième lieu, les biens doivent être des parts sociales. Ce texte comporte alors deux effets.

D’une part, l’époux qui entend agir doit préalablement en informer son conjoint et mention de cette information doit être reproduite dans l’acte, à peine de nullité. Le conjoint, à compter de l’acte, dispose d’une option à trois branches. D’abord, il peut revendiquer immédiatement la qualité d’associé pour la moitié des parts acquises. Ensuite, le conjoint peut renoncer, et alors définitivement, à revendiquer la qualité d’associé. Dans ce cas, l’époux qui a agi aura seul la qualité d’associé. La Cour de cassation considère que la renonciation de la qualité d’associé peut être tacite. Enfin, le conjoint peut garder le silence. Dans ce cas, le conjoint conserve le droit de revendiquer la qualité d’associé pour la moitié des parts sociales jusqu’à la dissolution du régime matrimonial par décès ou par divorce.

D’autre part, pour acquérir des parts sociales, il faut être agréé par les autres associés. Lorsque le conjoint revendique la qualité d’associé, l’agrément vaut automatiquement pour l’autre conjoint. Lorsque le conjoint revendique la qualité d’associé plus tard, il peut être soumis à l’agrément des autres associés pourvu qu’une clause du contrat de société prévoit expressément l’hypothèse de la revendication.

LEÇON IV : LES APPORTS EN SOCIÉTÉ

Très souvent, dans le langage courant, le vocable « apport » est utilisé pour désigner le bien que l’associé met à la disposition de la société. Juridiquement, l’apport n’est pas un bien mais un acte juridique, l’engagement pris par un associé vis-à-vis des autres associés de mettre quelque chose à la disposition de la société. En outre, cet apport permet à la société de réaliser son objet social (ce pour quoi elle a été créée). À la fin de l’aventure sociale, ou en cours de vie sociale, l’apport a vocation, en nature ou en valeur, à être restitué à l’associé. Mais si la société a subi des pertes, l’associé ne récupérera jamais son apport en application de la contribution aux pertes inhérente aux mécanismes de la société.

Selon l’art.1832-2 c.civ, l’apport peut porter sur un bien ou sur l’industrie des associés. Les biens peuvent être des sommes d’argent ou tout autre bien en nature. L’industrie désigne une force de travail reposant sur une certaine compétence. Seule la valeur des biens entre dans le montant du capital social à l’exclusion des apports en industrie. À la différence de l’apport en bien,

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l’apport en industrie n’est pas saisissable par les créanciers de la société. Le capital social s’inscrit au passif de la société car il a vocation à être restitué aux associés.

Cet apport est essentiel pour conférer la qualité d’associé, que ce soit à l’entrée en société ou en cours de vie sociale. Dès lorsqu’il y a apport, la société émet des titres à remettre à l’associé apporteur. Par l’acquisition de la propriété des titres, l’acquéreur devient associé de la société et bénéficie de facto de toutes les prérogatives attachées à cette qualité. En revanche, il est permis d’hésiter en matière de cession de droits sociaux. À l’occasion d’une cession de droits sociaux, le cessionnaire devient propriétaire de titres, associé de la société, sans pour autant effectuer un apport à la société. En effet, lorsque le cessionnaire acquiert la propriété des titres, il devient créancier de la restitution de l’apport. À partir de là, il est désormais exposé au risque de ne plus le récupérer.

SECTION I : Les caractères généraux de l’apport

Peu importe l’apport en société, son objet, sa valeur ou son importance, il doit toujours obéir à trois exigences qui sont liées à son existence, à sa consistance et à sa pertinence.

            §1. La nécessité de l’apport 

Il ressort de l’art.1832 c.civ que l’apport est une condition essentielle du contrat de société à telle enseigne que si l’un des associés s’abstenait d’effectuer un apport, c’est toute la société qui encourrait la nullité. A contrario, si l’un des associés ne réalise pas d’apport, cela n’emporte pas seulement anéantissement de l’apport de l’associé mais également anéantissement de tous les apports. Cette exigence de l’apport est encore renforcée dans les sociétés où il existe un capital minimum (SA, SCA). Il ne faut pas confondre capital minimum et apport minimum. Il en résulte que non seulement les associés doivent faire un apport en société mais que l’apport de chacun doit être suffisant pour que le capital atteigne le montant minimum exigé. Il n’y a jamais eu de montant minimum exigé dans les sociétés à risque illimité et il n’y en a plus dans les SARL. L’apport peut donc être réduit à sa plus simple expression. Cela comporte une limite théorique et une limite pratique. La limite théorique est que la société doit être dotée d’un capital social même en l’absence d’apport minimum. En effet, il n’est pas possible de créer une société uniquement avec des apports en industrie. La limite pratique est que le capital social est un des éléments permettant de refléter la solvabilité de la société. Plus le capital est faible, moins la société pourra obtenir des crédits auprès des tiers.

            §2. La réalité de l’apport

L’hypothèse d’un associé qui serait dispensé de faire un apport est une hypothèse d’école. En revanche, il est des cas où l’apport effectué par l’associé manque de consistance et est qualifié d’apport fictif. Or, pour la Cour de cassation, l’apport fictif suit le même régime juridique que le défaut pur et simple d’apport. Autrement dit, toute la société encourt la nullité. L’apport fictif peut avoir deux origines.

La première origine de l’apport fictif est intrinsèque au bien apporté à la société. Il s’agit d’un apport portant sur un bien dépourvu de toute consistance. Par exemple, l’apport d’une créance d’argent sur un débiteur totalement insolvable, l’apport à une société d’un brevet tombé dans le domaine public ou encore l’apport d’un fonds de commerce qui n’est plus exploité (sans clientèle). La seconde origine de l’apport fictif est extrinsèque au bien apporté à la société. Ici, le défaut de consistance ne provient pas du bien lui-même mais du passif que l’associé fait reprendre à la société. En effet, l’opération d’apport peut être l’occasion pour l’associé de faire reprendre par la société l’une de ses dettes. Pour ce faire, on utilise le contrat de cession de dettes qui se définit comme le contrat par lequel un débiteur (cédant) transmet à une autre personne (cessionnaire) l’une de ses dettes avec le consentement du créancier (cédé) en plus de l’apport qu’il a consenti.

En cas d’apport en société doublé d’une dette, deux conditions doivent être réunies. En premier lieu, la dette (passif) reprise par la société doit avoir un lien avec le bien qui est apporté à la société. Par exemple, l’apport d’un immeuble avec reprise de ma dette de remboursement du prêt ayant servi à acquérir l’immeuble ou encore l’apport d’un fonds de commerce avec reprise par la société de toutes les dettes d’exploitation non encore payées. En second lieu, la valeur d’actifs nets doit nécessairement être une valeur positive. En d’autres termes, la soustraction de la valeur du passif à la valeur de l’actif apporté doit déboucher sur un résultat positif. La valeur du bien doit être supérieure à la valeur de la dette. À défaut, l’apport n’aurait aucune consistance et deviendrait fictif.

La valeur des biens a vocation à composer le capital. Or, lorsqu’il est réalisé un apport de bien avec reprise de dette, le montant du capital est déterminé par la valeur nette du bien. Si cette valeur est négative, le capital serait négatif et la société ne pourrait

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pas émettre de droits sociaux. C’est pour cela que la valeur de l’actif doit être supérieure à la valeur du passif. §3. L’utilité de l’apport 

Même s’il existe et porte sur un bien qui a une réelle consistance, l’apport peut encore être qualifié de fictif s’il apparait que le bien apporté n’est pas utile à la société. Ce critère de l’utilité se mesure par rapport à l’objet de la société. L’apport est utile s’il permet à la société de réaliser son objet social. En revanche, si le bien apporté ne concourt absolument pas à la réalisation de l’objet, il devient un apport inutile donc fictif.

SECTION II : La typologie des apports 

En matière d’apport en société, il est procédé classiquement à une distinction entre la souscription de l’apport et la libération de l’apport. Derrière ces termes se cache en réalité une technique du droit civil qui vise à distinguer la naissance de l’obligation et l’exécution de l’obligation. La souscription de l’apport désigne l’engagement pris par l’associé de réaliser son apport au profit de la société. La libération de l’apport désigne l’exécution de l’obligation, le fait pour l’associé de réaliser matériellement son apport. Or, il peut exister un certain délai entre le moment de la souscription et le moment de la libération. Parfois, l’exécution de l’obligation est quasiment concomitante à sa naissance mais d’autrefois elle est reportée dans le temps, ce qui apporte du crédit au débiteur.

            §1. L’apport en numéraire 

L’apport en numéraire désigne l’apport d’une somme d’argent. Il présente trois caractères généraux. D’abord, cet apport ne peut jamais être considéré comme fictif car une somme d’argent est toujours utile. Ensuite, cet apport se réalise toujours en pleine propriété. L’argent étant une chose consomptible, il n’est pas possible de conférer sa jouissance sans en transférer la propriété. Enfin, cet apport ne présente aucune difficulté d’évaluation. Par hypothèse, la valeur de l'apport est égale au montant de la somme d’argent allouée à la société.

L’origine des fonds que l’apporteur donne à la société n’a strictement aucune importance. Cet argent peut provenir des revenus de l’associé, du don d’un tiers ou d’un autre associé, ou encore d’un prêt. Néanmoins s’est posée la question de savoir si cette somme d’argent pouvait provenir de la société elle-même. La réponse est nuancée. D’un côté, une société n’a en principe pas le droit de participer directement ou indirectement au financement de ses propres titres. Dans les sociétés par actions, un tel financement constitue un délit pénal. Ainsi, la société ne peut en principe pas faire crédit à son associé. D’un autre côté, un tel crédit est concevable à l’occasion d’un apport en numéraire. Il s’agit pour la société de recevoir le paiement de l’apport à terme. Autrement dit, le crédit de la société repose sur une libération différée de l’apport en numéraire. Néanmoins, cette libération différée pose des difficultés dans les sociétés à risque limité. L’associé s’engage aujourd’hui à verser une somme d’argent mais la société ne sera payé que plus tard.

                        A. La libération immédiate de l’apport en numéraire dans les sociétés à risque limité

S’agissant de sociétés à risque limité, les créanciers sociaux n’ont de droit de gage général que sur les biens de la société. Ils ne peuvent pas poursuivre personnellement les associés. Dès lors, il est nécessaire que l’apport en numéraire soit libéré immédiatement d’une certaine fraction variable selon que l’on se trouve au moment de la constitution de la société ou en présence d’une augmentation de capital d’une société par actions ou d’une SARL. Au stade de la constitution de la société, la libération immédiate doit être au moins 50% du montant de l’apport dans une société par actions et d’au moins 20% du montant total de l’apport dans une SARL. Lors d’une augmentation de capital, il faut que 25% de l’apport soit libéré immédiatement. L’apport en numéraire doit être libéré totalement de façon immédiate. La libération différée doit intervenir dans un délai maximum de 5 ans. Néanmoins, les statuts peuvent aménager ce délai dans la limite des 5 ans.

Mais l’obligation de l’associé de libérer immédiatement son apport en numéraire suscite une difficulté lors de la constitution de la société. Par hypothèse, au moment où l’apport doit être réalisé, la société n’a pas encore la personnalité juridique et partant pas de patrimoine (réceptacle). Par conséquent, elle ne peut pas recevoir les fonds qui proviennent de la libération immédiate. Pour cela, le législateur organise une procédure de collecte de fonds préalablement à la constitution de la société. Ainsi, l’associé doit verser son apport en numéraire entre les mains du dirigeant de la société qui dispose d’un délai de 8 jours pour les remettre à un dépositaire qui peut être la caisse des dépôts et des consignations, un établissement de crédit, ou encore un notaire. Dans tous les cas, cette collecte de fonds est un préalable obligatoire pour signer les statuts de la société. À défaut, il n’est pas possible de les signer.

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Si la société est constituée, son dirigeant peut récupérer les fonds auprès du dépositaire au nom et pour le compte de la société. Si la société n’est pas constituée, au bout d’un délai de 6 mois, les associés qui ont libéré leur apport en numéraire disposent de deux procédures pour récupérer leurs fonds. D’une part, la procédure individuelle qui consiste pour un associé à demander en justice l’autorisation de récupérer ses fonds auprès du dépositaire. D’autre part, la procédure « collective » qui consiste pour l’ensemble des apporteurs en numéraire à donner mandat à l’un d’eux de récupérer tous les fonds au nom et pour le compte des apporteurs.

                        B. La libération différée de l’apport en numéraire dans les sociétés à risque illimité

S’agissant des sociétés à risque illimité, les créanciers sociaux n’ont pas besoin d’être protégés puisqu’ils peuvent saisir tous les biens aussi bien de la société que des associés au titre de leur droit de gage général. En ce cas, la libération différée n’obéit à aucune règle impérative. Elle peut porter sur tout ou partie de l’apport en numéraire sans être enfermée dans aucun délai. Néanmoins, cette libération différée comporte des avantages comme des inconvénients.

                        C. Les avantages de la libération différée de l’apport en numéraire

Premièrement, la libération différée permet à un associé de prendre une participation dans la société plus importante que ce que lui permettent ses liquidités disponibles.

Deuxièmement, la libération différée permet à l’associé de prendre une participation d’un certain montant sans jamais dépenser plus que la libération immédiate. Toute la partie de l’apport en numéraire qui fait l’objet de la libération différée peut ne jamais donner lieu au versement d’une somme d’argent à la société. La libération différée peut être effectuée aussi bien par un véritable paiement que par une compensation de dette avec la société. Par exemple, une société ne verse pas directement les dividendes en contrepartie de la dette que l’associé lui doit.

Enfin, troisièmement, la libération différée n’a pas pour effet de limiter les droits de l’associé. En effet, les droits de l’associé sont calculés par rapport au montant de la souscription et non par rapport à la libération. Mais, comme tout associé, il a le droit de céder ses titres à une tierce personne. En cas de cession de parts, qui du cédant ou du cessionnaire, doit libérer le reste de l’apport ? En principe, les dettes de l’auteur ne sont jamais transmissibles de plein droit à l’ayant-cause à titre particulier. Par exception, les parties conviennent en pratique de doubler la cession des titres par une cession de la dette. De plus, dans toutes les sociétés par actions, le législateur a prévu un mécanisme en vertu duquel tous les porteurs successifs des actions non libérées sont tenus solidairement par la dette de libération pendant un délai de deux ans. Concrètement, la dette de libération circule de plein droit avec la propriété des titres en vertu d’une transmission légale de dette.

                        D. Les inconvénients de la libération différée de l’apport en numéraire

La libération différée comporte au moins 5 inconvénients. Premièrement, dans les sociétés par actions, tant que les actions ne sont pas complètement libérées, elles doivent demeurer des actions nominatives, actions pour lesquelles la société connait l’identité du propriétaire. Deuxièmement, dans toutes les sociétés à risque limité, tant que les titres ne sont pas complètement libérés, la société n’a pas le droit de procéder à une augmentation de son capital par de nouveaux apports en numéraire. Si la société a besoin d’argent, elle doit s’adresser d’abord à ceux qui n’ont pas libéré leurs apports. Troisièmement, dans les sociétés soumises à l’IS (25%), il existe un taux réduit de 15% qui s’applique aux premiers 42 500 € de résultat fiscal. Si le capital social n’est pas complètement libéré, la société perd l’avantage du taux réduit. Quatrièmement, tant que le capital n’est pas complètement libéré, les intérêts des comptes courants ne sont pas déductibles fiscalement. Cinquièmement, la libération différée fait toujours courir à la société le risque de ne pas être payé, risque qui incombe à tout créancier. Ce risque de ne pas être payé peut avoir deux causes distinctes que sont le défaut d’appel de fonds et la défaillance pure et simple de l’associé.

En premier lieu, ce risque peut résulter d’un défaut d’appel de fonds. En effet, l’associé est tenu de libérer son apport en numéraire lorsque les dirigeants de la société lui réclament ce paiement. A contrario, l’associé ne doit pas libérer spontanément son apport en numéraire sans appel de fonds sous peine de voir la Cour de cassation considérer que son versement ne s’impute pas sur le capital social et ne constitue pas une libération de l’apport. Or, les dirigeants peuvent ne pas procéder à l’appel de fonds. En cas de carence de la direction dans l’appel de fonds, le législateur permet à tout tiers intéressé de demander en justice la condamnation sous astreinte du dirigeant à procéder à l’appel de fonds ou la nomination d’un mandataire ad hoc qui va lui-même réclamer la libération au nom et pour le compte de la société. Ce tiers intéressé n’a aucune action directe contre l’associé débiteur de l’apport car celui-ci n’est pas défaillant en l’absence d’appel de fonds. Néanmoins, la Cour de cassation admet que le tiers créancier de la société puisse pratiquer une saisie-attribution de la créance de la société contre son associé. La saisie-attribution emporte, au profit du saisissant, transfert de propriété de la créance saisie. Autrement dit, le saisissant devient le nouveau créancier à la place du saisi (la société).

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En second lieu, le risque peut provenir de la défaillance pure et simple de l’associé. Comme tout débiteur, il peut arriver que l’associé ne veuille pas ou ne puisse pas payer ce qu’il doit à la société. Dans ce cas, la société sera confrontée à la défaillance de l’associé. Elle pourra poursuivre son débiteur pour demander des intérêts moratoires qui courent de plein droit dès la défaillance et des dommages-intérêts compensatoires en cas de préjudice. Dans les sociétés par actions, la société peut adresser une mise en demeure à l’associé qui, si elle reste vaine, emporte certaines conséquences. D’une part, après 30 jours, la société peut décider de suspendre tous les droits de l’associé (vote à l’assemblée générale, droit aux dividendes, etc.). D’autre part, si la mise en demeure reste vaine pendant un mois, la société par actions a le droit, sans autorisation judiciaire préalable, de faire vendre elle-même les actions de son actionnaire.

L’apport en numéraire ne génère aucune fiscalité.

            §2. L’apport en nature 

L’apport en nature est un apport qui peut porter sur tous types de bien à l’exception de l’argent. Il peut s’agir de meubles ou d’immeubles, de choses fongibles ou de corps certains, de choses consomptibles ou de choses non consomptibles, de choses corporelles ou non corporelles. Parmi tous ces biens, seul le fonds de commerce est soumis à une règlementation spéciale.

                        A. L’apport d’un fonds de commerce

Pendant longtemps, la cession du fonds de commerce était entourée d’un lourd formalisme. Ce formalisme a été considérablement allégé par la loi Soilihi de 2019. Ce régime s’applique aussi bien aux fonds de commerce qu’aux opérations d’apport au fonds de commerce. C’est une variété de cession à titre onéreux. En cas de vente d’un fonds de commerce, les créanciers du vendeur bénéficient d’une certaine protection. En effet, le fonds de commerce constitue à la fois une universalité de fait et une source de revenus. En cas de cession du fonds de commerce, les dettes du cédant ne sont pas transmises au cessionnaire mais le cédant se prive d’une source de revenus qui auraient pu l’aider à payer ses dettes. Autrement dit, il existe un risque pour les créanciers du cédant. Lorsque le fonds est vendu, la protection des créanciers du vendeur passe par un droit d’opposition au paiement du prix par l’acquéreur. Le but de l’opération est que les créanciers opposants soient désintéressés sur le prix de vente pour éviter d’avoir à souffrir la défaillance de leur débiteur.

À la différence d’une vente, la contrepartie de l’apport n’est pas le prix mais une certaine quantité de droits sociaux. Par conséquent, la procédure d’opposition au paiement de prix n’est pas applicable dans le cadre d’un apport de fonds de commerce. C’est la raison pour laquelle les créanciers de l’apporteur du fonds de commerce jouiront d’une protection différente de celle des créanciers du vendeur du fonds de commerce.

L’apport du fonds de commerce doit faire l’objet d’une double publicité, dans un journal d’annonces légales (JAL) et au BODACC. À compter de la seconde publicité, s’ouvre un délai de 10 jours durant lesquels les créanciers de l’apporteur ont la possibilité de déclarer leurs créances au greffe du tribunal de commerce. Une fois ce délai expiré, s’ouvre un autre délai de 15 jours durant lesquels les autres associés de la société, au regard du passif déclaré, bénéficient d’une option à trois branches. D’abord, ils peuvent demander la nullité pure et simple de la société. Ensuite, ils peuvent demander la nullité de l’apport du fonds de commerce. Enfin, ils peuvent ne rien faire. Dans ce dernier cas, la société devient solidaire de l’apporteur pour toutes les dettes déclarées au greffe du tribunal de commerce, ce dont il résulte que les créanciers peuvent la poursuivre. Néanmoins, cette solidarité ne joue qu’au stade de l’obligation à la dette car la société qui a payé dispose d’un recours contre ses associés. Deux précisions complémentaires méritent d’être faites. En premier lieu, ce schéma est tenu en échec lorsque l’apport du fonds de commerce est doublé d’une reprise de dette. En second lieu, cette procédure de déclaration de créance est écartée lorsque l’apport ne porte pas uniquement sur le fonds de commerce mais sur la totalité de l’entreprise individuelle d’une personne physique. En effet, l’entreprise individuelle dispose d’un patrimoine propre constitué d’un actif et d’un passif et si elle est apportée, elle sera débitrice.

                        B. L’apport en pleine propriété

Très souvent, l’apport en nature est un apport en pleine propriété. Autrement dit, ce qui est apporté à la société est le droit de propriété sur une chose. Cette opération ressemble beaucoup à une vente car il s’agit d’un transfert de propriété à titre onéreux. Ainsi, l’apporteur est tenu vis-à-vis de la société des mêmes garanties qu’un vendeur vis-à-vis de l’acheteur (garantie de vices cachés et d’éviction). Mais l’apport en société n’est pas une vente car la contrepartie n’est pas un prix mais est une quantité de droits sociaux. Ainsi, en cas d’apport d’un immeuble, il n’est pas possible d’appliquer la rescision pour lésion des 7/12. De la même façon, lorsque le bien apporté à la société confère un droit de préemption à un tiers, ce droit de préemption ne joue pas car le tiers n’est jamais en mesure de fournir à l’apporteur la contrepartie qu’il attend. Par exception, lorsque le droit de

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préemption vise à protéger l’intérêt général, le législateur le rend applicable aux opérations d’apport. Le titulaire du droit de préemption pourra forcer le cédant à préférer un prix à des droits sociaux.

Par ailleurs, la jurisprudence admet que l’apport en nature puisse porter sur la nue-propriété d’une chose. Néanmoins, cette règle jurisprudentielle est contestable pour deux raisons. En premier lieu, pendant toute la durée de l’usufruit, il est possible de se demander si l’apport en nue-propriété est utile à la société. En second lieu, l’art.1843-3 c.civ dispose que l’apport en nature doit emporter mise à disposition effective des biens à la société. Or, en cas de nue-propriété, la mise à disposition n’est pas effective car le bien se trouve dans les mains de l’usufruitier.

                        C. L’apport en jouissance

L’apporteur peut conférer à la société la jouissance de la chose. Lorsque l’apport en jouissance porte sur des choses consomptibles, il est nécessairement translatif de propriété. Pour les choses non consomptibles, il existe deux façons de réaliser un apport en jouissance. En premier lieu, l’apport en jouissance peut prendre la forme d’un droit personnel, auquel cas l’associé s’engage personnellement à conférer à la société la jouissance d’une chose pendant un certain temps. L’opération s’assimile à un bail même si la contrepartie n’est pas un loyer. Cette opération a donc pour conséquence que l’apporteur en jouissance est tenu à l’égard de la société des mêmes garanties qu’un bailleur (vices cachés et éviction).

En second lieu, l’apport peut aussi prendre la forme d’un droit réel qui consiste à conférer à la société l’usufruit d’une chose. Il faut alors distinguer plusieurs hypothèses. Si l’apporteur est, à l’origine, le plein propriétaire de la chose, l’apport consistera à créer un droit d’usufruit au profit de la société qui, s’agissant d’une personne morale, ne peut excéder 30 ans. Si l’apporteur est usufruitier, l’apport de l’usufruit consiste en un transfert du droit d’usufruit du patrimoine de l’apporteur vers le patrimoine de la société. Or, nul ne peut transférer plus de droits qu’il n’en a lui-même. Ainsi, la durée de l’usufruit transféré à la société reste dépendante de la durée de vie de l’apporteur.

En tout état de cause, l’apport en nature présente la particularité de devoir toujours être libéré totalement de façon immédiate. Cela pose une difficulté car au moment de sa constitution, la société n’a pas encore la personnalité juridique. Ainsi, le législateur permet de faire publier l’acte d’apport portant sur des droits soumis à publicité avant même que la société acquière sa personnalité juridique. Une fois la société immatriculée, elle acquiert rétroactivement sa personnalité juridique.

                        D. L’évaluation de l’apport en nature

L’évaluation de l’apport en nature pose une difficulté. En effet, elle permet de quantifier le capital social et donc de déterminer le volume de droits sociaux attribués à l’apporteur. Cette évaluation peut se révéler dangereuse pour l’apporteur lui-même et les autres associés. Si le bien est sous-évalué, l’apporteur recevra une quantité de droits sociaux inférieure à ce qu’il aurait dû avoir. À l’inverse, la surévaluation du bien de l’apporteur préjudicie aux autres associés. Enfin, l’évaluation est dangereuse pour les tiers puisqu’elle reflète la solvabilité de la société. La surévaluation confère à la société une solvabilité apparente.

S’agissant des tiers, si l’apport en nature est fait au profit d’une société à risque illimité, le risque que fait courir l’évaluation sur la tête des créanciers est contrebalancé par l’obligation indéfinie au passif social. L’évaluation est donc libre. Si l’apport en nature est fait au profit d’une société à risque limité, le créancier se retrouvera démuni en cas de surévaluation. Ainsi, l’évaluation des apports doit être fait par un tiers indépendant appelé commissaire aux apports (expert judiciaire, commissaire aux comptes inscrits sur une liste établie par le H3C) désigné à l’unanimité par les associés ou à défaut par décision de justice. Le rôle du commissaire aux apports se limite à proposer une évaluation qui, par conséquent, ne lie pas les associés. En cas d’erreur, il en résulte plusieurs conséquences selon que les associés suivent ou non les propositions du commissaire aux apports. Si les associés suivent les évaluations, le commissaire aux apports sera responsable en cas d’erreur. À l’opposé, si les associés ne suivent pas les évaluations du commissaire aux apports, ils engagent leur responsabilité civile solidaire pendant 5 ans dans les SARL et 10 ans dans les sociétés par actions. Si les associés surévaluent l’apport dans un but frauduleux, ils commettent un délit de majoration frauduleuse d’apport puni de peines variables selon qu’il s’agit d’une SARL ou d’une société par actions.

Le commissaire aux apports coûte très cher. C’est la raison pour laquelle le législateur prévoit des cas où les associés pourront eux-mêmes évaluer l’apport sans courir le risque d’engager leur responsabilité, sauf majoration frauduleuse. Dans une société par actions, en ce compris les SAS, c’est la valeur de cotation officielle qui est retenue en cas d’apport d’instruments financiers faisant l’objet d’une cotation. Toujours dans ces sociétés, une exception concerne tous les biens qui ont fait l’objet d’une évaluation officielle dans les 6 mois précédant l’apport. Dans les SARL et les SAS, pour que cette exception soit applicable, il faut la réunion de deux conditions cumulatives. D’une part, il faut qu’aucun apport en nature consenti à la société dépasse 21

une valeur de 30 000 € et, d’autre part, il faut que la somme des apports en nature qui ne sont pas évalués par un commissaire aux apports ne dépasse pas la moitié du capital.

                        E. Le régime fiscal des apports en nature

Les apports en nature sont soumis à la fiscalité contrairement aux apports en numéraire. Premièrement, en cas d’apport d’immeuble, l’apporteur est assujetti à la contribution de sécurité immobilière représentant 0,1% de la valeur de l’apport. Deuxièmement, l’apporteur peut être soumis à un impôt sur la plus-value lorsque la valeur du bien apporté est supérieure à celle d’acquisition. Surtout, la société peut être soumise à des droits d’enregistrement. Il faut distinguer l’apport pur et simple et l’apport à titre onéreux. L’apport pur et simple est la valeur de l’apport qui entre effectivement au capital social. L’apport à titre onéreux est la valeur de l’apport qui correspond au montant du passif repris par la société. Le régime fiscal applicable à l’apporteur (IR ou IS) et à la société bénéficiaire de l’apport (IR ou IS) est différent.

Par principe, quel que soit le régime fiscal des parties, l’apport pur et simple est exonéré de droits d’enregistrement. Par exception, des droits d’enregistrement s’appliquent uniquement dans l’hypothèse où une personne assujettie à l’impôt sur le revenu apporte un fonds de commerce ou un immeuble à une personne soumise à l’impôt sur les sociétés. Pour la fraction d’apport à titre onéreux, on ne distingue pas suivant le régime fiscal des parties. La part d’apport à titre onéreux est exonérée sauf pour les fonds de commerce et immeubles, peu importe les régimes fiscaux.

Pour les apports purs et simples, on distingue les immeubles du fonds de commerce :

Pour les immeubles, sauf exonération, les droits applicables sont d’une valeur égale à 5% de la valeur de l’immeuble. Il est possible de s’exonérer de ces droits sous deux conditions cumulatives. En premier lieu, il faut que l’immeuble soit inclus dans une entreprise individuelle qui est apportée en totalité à la société. En second lieu, il faut que l’apporteur s’engage à conserver les titres qu’il a reçus pendant 3 ans.

Les mutations de fonds de commerce donnent lieu à un régime spécial appelé barème par tranche dont on impute un taux d’imposition (Pour une personne qui passe de IR à IS). La première tranche : de 0 à 23 000 €, le taux est de 0%. La seconde va de 23 000 € jusqu’à 200 000 €, le taux est de 3%. Enfin, après 200 000 €, le taux est de 5%. Si l’apporteur s’engage à conserver les titres pendant 3 ans, la société est exonérée des droits.

            §3. L’apport en industrie

L’apport en industrie consiste à apporter à la société une force de travail avec une certaine compétence et un certain savoir faire. Par définition, cet apport en industrie ne peut pas être libéré immédiatement ou à terme. On parle de libération successive. Cet apport ne peut porter sur n’importe quel travail. Il ne peut pas porter sur un travail sans qualification ou un travail à la chaîne. Il doit nécessairement porter sur un travail spécifique qui requiert des compétences particulières de la part de son auteur. Par ailleurs, la force de travail du débiteur n’est pas saisissable par un créancier. Ainsi, l’apport en industrie ne confère aucune solvabilité supplémentaire à la société, de sorte qu’il ne rentre pas dans le capital social et n’a pas à être évalué. L’apport en industrie est en principe interdit dans les sociétés à risque limité sauf pour les SARL et les SAS.

L’apporteur en industrie est un véritable associé et ne peut être confondu avec un salarié de la société, placé en état de subordination vis-à-vis de la société. Au contraire, l’apporteur en industrie est l’égal des autres associés. Par conséquent, il peut voter, percevoir un dividende et participer aux décisions collectives. La différence entre l’apporteur en industrie et le salarié réside dans l’exposition aux risques sociaux. D’une part, le salarié a le droit d’être payé même si la société fait des pertes. D’autre part, l’apporteur ne peut percevoir de rémunération sous forme de dividende que si la société réalise des bénéfices. Un certain nombre de ses prérogatives sont calculées au prorata des quoteparts des associés dans un capital social. Le législateur pose une règle en ce qui concerne la vocation de l’apporteur en industrie aux dividendes. Mais cette règle peut parfaitement jouer pour l’attribution du droit de vote. Sauf clause contraire, l’apporteur en industrie a droit à une part égale de celui qui a le moins apporté en capital.

L’apporteur en industrie n’est pas un associé comme les autres. Premièrement, il ne peut pas le droit de céder ses titres sociaux. En effet, on attend de l’apporteur en industrie qu’il réalise un travail spécifique qui relève de l’intuitus personae. Cependant, l’apporteur en industrie n’est pas prisonnier de ses titres. Il a la possibilité de faire racheter ses titres par la société elle-même qui procédera alors à leur annulation. Si les parties ne sont pas d’accord sur l’évaluation, elles peuvent faire nommer un expert sur le fondement de l’art.1843-3 c.civ. Si l’apporteur décède, les héritiers n’ont droit qu’à la valeur de ses titres qui doit être versée par la société. Deuxièmement, à la différence d’un apporteur de bien, l’apporteur en industrie est exceptionnellement soumis à une obligation de non-concurrence vis-à-vis de la société car il doit déployer son savoir-faire uniquement au profit de la société.

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Les apports en industrie ne sont pas soumis à fiscalité.

LEÇON V : LE CONTRAT DE SOCIÉTÉ

Pendant très longtemps, il n’a fait aucun doute que la société était un contrat et seulement un contrat. Ainsi, les rédacteurs du Code civil ont inséré la réglementation de la société dans le droit des contrats spéciaux. Cependant, pour expliquer le développement de l’ordre public sociétaire qui s’est manifesté à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, les auteurs français se sont inspirés de la doctrine allemande pour développer la théorie de l’institution. Selon cette théorie, la société ne serait pas seulement un contrat soumis au pouvoir des volontés individuelles mais aussi une institution dotée d’un carcan impératif. Cette théorie de l’institution a notamment été développée par Hauriou en droit public et par Thaller en droit privé. L’idée sous-jacente est que l’institution échappe à ses membres pour obéir à un régime propre qui ne correspond pas forcément à la volonté de ses membres. Aujourd’hui, les auteurs sont plus nuancés. Pour beaucoup, ils estiment que la société est d’abord et avant tout un contrat et que la part d’ordre public qui l’entoure n’a rien d’original. En effet, selon l’art.6 c.civ, tout contrat doit respecter les dispositions d’ordre public.

Il n’en demeure pas moins que certaines règles qui gouvernent les sociétés s’expliquent difficilement par la seule théorie contractualiste. Par exemple, le rôle joué par la volonté des associés respectivement dans la conclusion et dans la modification du contrat de société. Lors de sa conclusion, le contrat de société apparait effectivement comme un véritable contrat. Tous les associés doivent donner leur consentement et logiquement la même logique contractualiste devrait conduire à imposer la même unanimité pour toute modification du contrat de société en cours de vie sociale conformément à l’art.1836 c.civ.

Cependant, par exception à ce texte, dans beaucoup de sociétés, les décisions qui ont pour objet de modifier le contrat de société ne se prennent pas à l’unanimité mais à la majorité des associés. Certes, cette majorité doit souvent constituer une majorité qualifiée (2/3, 3/4) mais la solution reste contraire à la règle d’intangibilité du contrat qui subordonne toute modification du contrat au consentement unanime de toutes les parties selon les prescriptions de l’art.1193 c.civ. En principe, pour rompre un contrat de façon anticipée (mutuus dissensus), il faut l’accord unanime des parties. Pourtant, la dissolution anticipée de la société peut parfois être décidée à une simple majorité. De la même façon, l’analyse contractuelle de la société ne permet pas de rendre compte des pouvoirs des dirigeants de la société. Si la société n’était qu’un contrat, les associés seraient totalement libres d’aménager les pouvoirs du dirigeant comme tout mandant peut définir la mission de son mandataire. Or, les dirigeants sociaux jouissent d’un pouvoir qui est établi par la loi qui s’impose aux associés et que les statuts ne peuvent aménager qu’à la marge.

En définitive, il existe bien dans les sociétés, une dimension qui dépasse le seul rapport contractuel appelée dimension institutionnelle. Cette dimension institutionnelle, qui ne doit pas être exagérée, est rendue nécessaire pour les besoins de fonctionnement de la société laquelle, en plus d’être un contrat, constitue une véritable entité organisée. Dès lors, entre le contrat et l’institution, la vérité est sans doute à mi-chemin. C’est la raison pour laquelle la jurisprudence ne s’est jamais ralliée à l’une ou à l’autre de ces conceptions.

À l’exception des sociétés créées de fait qui puisent leur source dans un fait juridique, toutes les sociétés sont instituées par un contrat ou, pour les sociétés unipersonnelles, par un acte juridique unilatéral qui emprunte, en tant que de raison, son régime au contrat. Ce contrat s’appelle les statuts de la société. En premier lieu, tout ce qui vaut pour la conclusion du contrat vaut normalement de la même façon pour les décisions qui emportent sa modification en cours de vie sociale. En second lieu, les statuts de la société sont souvent complétés en pratique par des conventions extrastatutaires entre tout ou partie des associés. Si la société constitue un contrat, ne serait-ce qu’en partie, il ne s’agit pas d’un contrat comme tous les autres et ce pour trois raisons.

D’abord, le contrat de société, au regard de l’art.1108 c.civ, constitue un contrat aléatoire. Certes, l’art.1832 c.civ prévoit que le contrat de société est conclu dans le but de partager un bénéfice ou de profiter d’une économie. Mais l’art.1832 c.civ prévoit également que tous les associés s’engagent à contribuer aux pertes. Autrement dit, si la société fait des pertes, ce sont les associés qui les assumeront au moins à hauteur de leur apport qu’ils ne pourront pas récupérer.

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Ensuite, le contrat de société est très éloigné d’un contrat de vente, de bail ou encore d’un contrat de donation. Dans ces différents contrats, ce que l’une des parties gagne l’autre le perd. Ce sont des contrats commutatifs. Au contraire, dans un contrat de société, l’intérêt des parties n’est pas un intérêt antagoniste mais un intérêt totalement convergent. Tous les associés poursuivent ensemble le même but. Ils gagnent ensemble et perdent ensemble. De tels contrats appelés contrats-organisation ou contrats-alliance sont marqués par une forte logique organisationnelle qui va précisément permettre de gagner ensemble ou de perdre ensemble.

Cette analyse du contrat de société trouve une assise théorique dans l’art.1833 c.civ, aux termes duquel « la société est constituée dans l’intérêt commun des associés ». Il en résulte que le comportement adopté par les associés, tout comme l’action qui est menée par les dirigeants doivent en principe être dictés par cet intérêt commun. Par exemple, c’est au regard de cet intérêt commun que la jurisprudence accepte de sanctionner les abus de droit de vote dans les assemblées générales. Néanmoins, cet intérêt commun doit s’articuler avec d’autres impératifs de sorte qu’il n'est pas toujours strictement respecté. Ainsi, il doit s’articuler avec l’intérêt social, étant entendu que celui-ci n’est pas égal à la somme des intérêts des associés. La société, dit on, a son propre intérêt qui se distingue de celui de ses membres. De même, l’intérêt des associés doit s’articuler avec la sécurité juridique des tiers de sorte qu’un acte conclu par la société au détriment de l’intérêt commun des associés n’encourt pas nécessairement la nullité. L’acte ne peut pas être annulé pour protéger la sécurité juridique du tiers.

Enfin, le contrat de société est un contrat qui a vocation à évoluer avec le temps. En effet, tous les contrats peuvent être modifiés par les parties au cours de leur exécution. Mais le contrat de société, qui a parfois vocation à durer très longtemps, est plus souvent soumis à la nécessité de l’adapter et de le modifier. En effet, en cours de vie sociale, le contrat de société peut être amené à évoluer très régulièrement.

Du point de vue de son processus de formation, le contrat de société est comparable à n’importe quel autre contrat. Autrement dit, il obéit au droit commun des contrats. Généralement, le contrat de société donne lieu, au préalable, à des négociations ayant pour but d’établir l’intérêt commun, l’engagement de chacun associé dans la société ainsi que ses caractéristiques essentielles. Parfois, la conclusion du contrat de société est précédée de la conclusion d’un avant-contrat et en particulier de promesses de société. Les négociations comme les avant-contrats de société sont soumis au droit commun des contrats. Par exemple, pour être valables, les promesses de société doivent comporter tous les éléments nécessaires à la conclusion du contrat de société lui-même comme la forme de la société, son capital ou le montant de ses apports.

Une fois le contrat de société conclu, il doit donner lieu à certaines formalités. D’abord, les associés doivent faire publier dans un journal d’annonces légales (JAL) un avis de constitution assorti de mentions obligatoires telles que prévues à l’art.22 du décret du 3 janvier 1978. Par ailleurs, si les apports donnent lieu à versement de droits d’enregistrement, le contrat de société doit être enregistré auprès de l’administration fiscale. Ensuite, le contrat doit être déposé au centre de formalités des entreprises qui a vocation à transmettre le contrat de société à tous les services concernés et en particulier au greffe du tribunal de commerce aux fins d’immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés (RCS). C’est cette immatriculation au RCS qui permet de conférer à la société sa personnalité juridique. Le greffier du tribunal de commerce doit faire publier un avis de constitution au BODACC.

Les dispositions du Code de commerce applicables à toutes les sociétés commerciales (art.L.210-1 et suivants) sont très largement redondantes des dispositions du Code de civil qui sont applicables à toutes les sociétés sans distinction.

SECTION I : Les conditions du contrat de société

            §1. Les conditions de droit commun

Comme tout contrat, le contrat de société doit respecter les conditions de validité prévues par le Code civil que sont le consentement, la capacité et le contenu licite et certain. Il doit respecter les art.1128 et suivants c.civ. D’abord, à ce titre, les associés doivent exprimer une volonté sincère et lucide de participer sur un pied d’égalité à une entreprise commune en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter tout en acceptant par avance de contribuer aux éventuelles pertes. Ensuite, sauf à être représentés ou assistés, les associés doivent être dotés de la capacité d’exercice et si d’aventure la qualité d’associé confère de plein droit la qualité de commerçant, ils doivent également avoir la capacité commerciale (par exemple pour entrer en SNC). Enfin, les associés doivent s’entendre sur un contenu licite et certain qui s’évince de l’entreprise commune qu’ils choisissent.

            §2. Les conditions spéciales

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Au-delà de ces conditions de droit commun, le contrat de société obéit à des conditions plus spécifiques qui résultent de l’art.1835 c.civ aux termes duquel « les statuts doivent être établis par écrit. Ils déterminent outre les apports de chaque associé, la forme, l’objet, l’appellation, le siège social, le capital social, la durée de la société et les modalités de son fonctionnement ». Cet article prévoit que les statuts doivent être établis par écrit. Au demeurant, ils doivent comporter un certain nombre de mentions obligatoires. Pour autant, le contrat de société n’est pas un contrat solennel mais consensuel. Autrement dit, la rédaction d’un écrit assortie de différentes mentions n’est pas requise à peine de nullité du contrat. En tant que contrat consensuel, le contrat de société est valablement formé par le seul échange des consentements qui peut parfaitement avoir lieu de façon verbale.

Cependant, si le contrat de société verbal est parfaitement valable, il se heurtera toujours à deux obstacles. En premier lieu, l’absence d’écrit rendra impossible l’immatriculation de la société au RCS. Or, c’est cette immatriculation qui conditionne l’attribution de la personnalité juridique. Si le contrat de société est verbal, la société demeura dépourvue de sa personnalité morale et constituera toujours une société en participation. En second lieu, lorsque la société est en participation, l’absence d’écrit rendra difficile voire impossible la preuve de l’existence et du contenu du contrat de société. Par exception au droit commun de la preuve, la preuve du contrat de société en participation peut toujours être rapportée par tous moyens (art.1871 c.civ). L’art.1835 c.civ oblige les statuts à déterminer les apports de chaque associé, la forme, l’objet, l’appellation, le siège social, le capital social, la durée de la société et les modalités de son fonctionnement. Ces 8 mentions sont obligatoires.

                        A. Les apports des associés

Selon l’art.1835 c.civ, le contrat de société doit déterminer les apports de chaque associé. En effet, l’apport est élément essentiel de la qualification de la société. Le contrat de société ne fait que mentionner l’apport réalisé par chaque associé. Cependant, le contrat d’apport est un contrat différent de celui de la société et intervient avant la signature des statuts qui ne font que relater les apports. Dans les sociétés à risque limité, l’apport en numéraire doit être remis entre les mains d’un dépositaire avant la signature des statuts par les associés. Dans les sociétés par actions, le dépositaire doit établir un certificat de remise des fonds pour que les statuts puissent être signés.

                        B. La forme de la société

C’est la forme de la société qui commande les risques encourus par la société, sa nature civile ou commerciale, son régime fiscal ou la possibilité pour la société de faire admettre ses titres sur un marché réglementé. Dans le choix de la forme sociale, les associés doivent faire attention à certains éléments. D’abord, ils doivent veiller à ce que la forme choisie permette effectivement d’exercer l’activité souhaitée. Si une société commerciale peut avoir une activité civile, la réciproque n’est pas vraie. De même, une société agricole ne peut pas non plus avoir une activité commerciale.

Ensuite, les associés doivent faire attention aux incidences que pourrait leur conférer la qualité d’associé en fonction de la forme choisie. Ainsi, dans une SNC, les associés ont de plein droit la qualité de commerçant d’où la nécessité de s’assurer qu’ils aient tous la capacité commerciale. Dans les sociétés civiles professionnelles (SCP), tous les associés doivent exercer leur profession au sein de la société d’où la nécessité de vérifier que tous les associés remplissent les conditions nécessaires pour exercer cette profession et au sein de la société.

Enfin, les associés doivent également veiller à la place laissée à la liberté statutaire dans l’organisation de la société. En effet, certaines sociétés sont très réglementées où la marge de manœuvre de statuts est particulièrement limitée (SARL ou SA). Le fonctionnement de ces sociétés est dicté par le législateur, ce dont il résulte que les volontés individuelles ont un rôle très faible à jouer. À l’opposé, d’autres sociétés laissent une marge de manœuvre beaucoup plus importante aux statuts, en particulier la SAS. Selon que les parties veulent ou ne veulent pas une marge de manœuvre, il faudra choisir telle ou telle forme.

                        C. L’objet social

L’objet social désigne l’activité que les associés veulent voir exercer par la société. Une société est constituée pour exercer une activité qui correspond à l’entreprise commune des associés se traduisant par l’objet social. Cet objet social est tellement important que sa réalisation ou son extinction en cours de vie sociale constitue une cause de dissolution de la société conformément à l’art.1844-7, 2° c.civ.

Cet objet social doit être licite et déterminé. La condition de licéité de l’objet social est posée à l’art.1833 c.civ. Si l’objet est prohibé, la société ne peut pas l’exercer. La condition de détermination de l’objet est très importante car les personnes morales sont assujetties au principe de spécialité qui leur interdit de pouvoir pratiquer toute activité et les oblige à ne pratiquer que l’activité pour laquelle elles ont été créées. Il en résulte que l’objet social doit être circonscrit à une ou plusieurs activités

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seulement. Cette détermination est essentielle dans la mesure où elle délimite le champ d’action des dirigeants lorsqu’ils engagent la société auprès des tiers.

D’un côté, un objet social étroit oblige systématiquement les associés à se réunir pour autoriser un acte qui s’avérerait nécessaire mais qui n’entre pas dans l’objet social. Autrement dit, un objet social trop étroit entraine des lourdeurs dans le fonctionnement de la société. D’un autre côté, un objet social trop large permettrait au dirigeant d’engager la société au-delà de ce qu’ont voulu les associés. Dès lors, la détermination de l’objet doit reposer sur un point d’équilibre entre ces deux impératifs contraires et dépend du régime des actes qui dépassent l’objet, lui-même dépendant de la forme de la société.

Dans les sociétés à risque illimité, l’acte du dirigeant qui dépasse l’objet social n’engage pas la société. Dès lors, puisque la société n’est pas engagée, les associés ne le sont pas non plus, ceux-ci ne répondant que des actes qui lient effectivement la société. Pour se prémunir contre des actes qu’ils n’auraient pas souhaités, les associés ont plutôt intérêt à rédiger un objet social de façon restreinte mais sans trop brider l’activité des dirigeants.

À l’opposé, dans les sociétés à risque limité, les associés sont d’ores et déjà protégés par la limitation de leur responsabilité à leur seul apport. C’est la raison pour laquelle, le législateur a préféré protéger les tiers, pourvus qu’ils soient de bonne foi. Ainsi, les actes passés par le

dirigeant en dépassement de l’objet engagent néanmoins la société. Dès lors, dans ces sociétés à risque limité, l’objet social peut être rédigé de façon très large car la société sera en tout état de cause engagé par l’acte du dirigeant. En pratique, l’objet social des sociétés à risque limité est très souvent assorti d’une clause-parapluie qui vise toutes les activités commerciales, industrielles et financières qui se rattachent directement ou indirectement à l’objet social.

En pratique, il arrive qu’une société accomplisse une activité qui soit sensiblement différente de celle prévue au statut entrainant une discordance entre l’objet statutaire de la société et son activité réelle. Dans ce cas, la question se pose de savoir s’il faut privilégier l’objet statutaire ou l’activité réelle. En effet, lorsque cette question n’est pas réglée par loi, elle a tendance à diviser la jurisprudence. Ainsi, la Cour de cassation a décidé que pour l’application d’une convention collective, il faut se référer à l’activité réelle et non à l’objet social (Soc., 16 novembre 1993). En sens inverse, la jurisprudence communautaire décide que pour déterminer si l’objet est licite, il faut se référer uniquement à l’objet social tel qu’il est défini dans les statuts et non pas à l’activité réelle de la société (CJCE, 13 novembre 1990, Marleasing).

                        D. L’appellation de la société

L’appellation de la société peut prendre deux formes que sont la raison sociale ou la dénomination sociale. La raison sociale est constituée par le nom de tous les associés ou par le nom d’un ou plusieurs associés assortie de la mention « et compagnie ». Par exemple, Martin Durand et compagnie. La dénomination sociale peut être toute appellation librement choisie par les associés. Ce peut être le nom d’un ou plusieurs associés ou encore un nom totalement fantaisiste. Cette liberté de choix ne connait que deux limites que sont d’une part, l’ordre public, d’autre part, les droits des tiers. Par exemple, un tiers pourrait faire interdire une dénomination sociale si celle-ci constitue un acte de concurrence déloyale.

Pendant très longtemps, cette distinction entre raison sociale et dénomination sociale était importante car certaines sociétés étaient dans l’obligation d’avoir un objet social. Par exemple, la SNC. La raison sociale permettait ainsi aux tiers d’identifier immédiatement les associés qui se trouvent derrière la société. Aujourd’hui, le législateur a largement abandonné la raison sociale de sorte que la très grande majorité des sociétés peuvent bénéficier d’une dénomination sociale. Concrètement, l’appellation de la société peut être librement choisie par les associés quelle que soit la forme de la société sous la double limite de l’ordre public et des droits des tiers.

Néanmoins, lorsque la société utilise sa dénomination sociale, elle est tenue d’adjoindre sa forme soit en sigle soit en toutes lettres. Ainsi, le sigle peut être utilisé pour la SNC, la SARL, la SA, le GIE et toutes les formes de SEL. Au contraire, la forme doit être mentionnée en toutes lettres pour l’EURL, la SAS, la SASU, la SCS, la SCA et la SC. Une fois attribuée, la dénomination sociale devient l’objet d’une propriété incorporelle au profit de la société. La société peut donc protéger sa dénomination contre les actes de concurrence ou l’exploiter sous la forme d’une marque. Il en va ainsi en ce compris lorsque la dénomination contient le nom d’un ou plusieurs associés. En effet, même si le nom des personnes physiques est indisponible, la Cour de cassation admet que le nom de la personne physique se détache de cette dernière de telle sorte qu’elle ne peut pas, lorsqu’elle quitte la société, reprendre son nom en interdisant à la société de continuer à l’utiliser (Com., 12 mars 1985, Bordas). De même, la Cour de cassation décide que la société peut déposer le nom de son associé qui lui sert de dénomination à titre de marque sans avoir à recueillir le consentement de l’intéressé à moins que celui-ci soit notoirement célèbre (Com.,

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6 mai 2003, Ducasse).

                        E. Le siège social

Le siège social équivaut, pour les sociétés, au domicile des personnes physiques. Il s’agit du lieu du principal établissement de la société, lieu où elle gère ses principaux intérêts. Ce lieu peut être librement choisi par les associés. Il peut s’agir du lieu où la société est effectivement exploitée mais aussi d’un autre lieu partagé par plusieurs entreprises ou, à certaines conditions, le domicile du dirigeant social. Les enjeux qui s’attachent au siège social sont particulièrement importants.

D’abord, comme le prévoit l’art.1837 c.civ, si le siège social est situé en France, la société relève de l’application du droit français en particulier du droit fiscal français. C’est la raison pour laquelle certaines sociétés installent leur siège dans un pays où la fiscalité est attractive. Ensuite, le siège social est ce qui permet de déterminer le greffe compétent pour publier les actes relatifs à la société. En outre, c’est également au siège social que les associés peuvent prendre connaissance de certains documents sociaux ou remettre contre récépissé un exemplaire de leur cession de parts sociales afin de la rendre opposable à la société. Par ailleurs, le siège social permet de déterminer le tribunal territorialement compétent pour connaître du litige dans lequel la société est assignée. Ainsi, lorsque la société est défenderesse à l’action, elle doit être assignée devant le tribunal dans le ressort duquel se trouve son siège. Néanmoins, il faut tenir compte d’un infléchissement jurisprudentiel incarné dans la jurisprudence des gares principales. Cette jurisprudence a été initiée par un arrêt de la chambre des requêtes du 19 juin 1876. Lorsque la société défenderesse dispose de plusieurs succursales, le demandeur peut introduire son instance devant le tribunal dans le ressort duquel se trouve l’une de ses succursales pourvu que le litige se rattache effectivement à cette dernière. Cette solution permet au demandeur d’être jugé plus près de son domicile et de désencombrer les juridictions d’Île-de-France où de très nombreuses sociétés ont leur siège social.

En pratique, il peut exister une discordance entre le siège statutaire (celui qui est prévu dans le contrat de société) et le siège réel (lieu où se prennent effectivement les principales décisions sociales). En ce cas, l’art.1837, al.2 c.civ offre aux tiers le choix en fonction de leurs intérêts entre le siège statutaire et le siège réel au titre du siège social de la société. Néanmoins, cette option n’appartient qu’aux tiers et en aucun cas, la société ne pourrait prétendre exercer cette option au détriment d’un tiers (option à sens unique).

Enfin, en cours de vie sociale, une société peut parfaitement changer de siège social entrainant une modification du contrat de société. Ce changement de siège social qui s’analyse en une modification du contrat de société n’est pas forcément décidé par la collectivité des associés. Dans certains cas, à certaines conditions, ce sont les dirigeants de la société qui peuvent décider du changement du siège social avec une simple ratification par les associés. Le contrat est donc modifié par des personnes qui n’y sont pas parties. Il en va ainsi en matière de SARL aux conditions de l’art.L.223-18 c.com et en matière de SA aux conditions de l’art.L.225-36 c.com.

                        F. Le capital social

Le capital social est constitué par la somme de la valeur de tous les biens apportés à la société à l’exclusion des apports en industrie. En lui-même, le capital social constitue une dette de la société puisque chaque bien qui lui a été apporté a vocation à être restitué à la société soit en nature soit en valeur. Lorsqu’on dit souvent que le capital social constitue la première richesse de la société, il s’agit en réalité d’un simple raccourci de langage signifiant que le capital correspond à des valeurs d’actifs que les créanciers peuvent saisir pour se faire payer. Au demeurant, en pratique, le capital social n’est nullement représentatif de la valeur réelle de la société. En effet, si la société a réalisé des bénéfices et les a conservés, elle a une valeur plus importante que ce qu’indique le capital. En sens inverse, si la société a accumulé des pertes, sa valeur est moindre que le capital social. C’est la raison pour laquelle les créanciers ne s’arrêtent pas seulement sur le montant du capital pour consentir du crédit de la société mais regardent aussi la valeur réelle de la société. Pour les créanciers, le capital est nécessaire car il exprime toujours la valeur que les associés ont accepté d’exposer à l’aléa social. Grâce au montant du capital, on peut voir si les associés ont accepté de courir un risque très important ou très faible. Plus les associés ont accepté de courir un risque important, plus les créanciers seront incités à les suivre dans leurs démarches.

Le capital social est soumis à la règle d’intangibilité. Cette règle d’intangibilité n’interdit pas, en cours de vie sociale, de modifier le capital soit par des augmentations soit par des réductions. Néanmoins, elle emporte 2 interdictions. En premier lieu, la règle d’intangibilité du capital interdit aux associés de disposer du capital en votant sa mise en distribution sous forme de dividendes. La distribution du capital sous forme de dividendes pourrait être constitutive du délit de distribution de dividendes fictifs applicable dans les SARL et dans les sociétés par actions. En second lieu, cette règle interdit aux associés de sortir librement de la société en demandant, en cours de vie sociale, le remboursement de leur apport. Ici, la règle d’intangibilité

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rejoint le principe de force obligatoire du contrat. Néanmoins, cette seconde interdiction ne s’applique pas rigoureusement dans les sociétés à capital variable qui ont pour caractéristique de permettre de façon relativement libre l’entrée et la sortie des associées tout au long de la vie sociale. Or, à l’exception de la SA, toutes les sociétés peuvent être à capital variable pourvu que cette spécificité soit mentionnée dans ses statuts et indiquée sur tout document émanant de la société.

L’interdiction de sortir de la société de façon prématurée concerne uniquement les sorties décidées unilatéralement par un associé. Au contraire, les sorties prématurées sont tout à fait envisageables lorsqu’elles sont décidées collectivement par l’ensemble des associés. Ainsi, lorsque la forme sociale l’autorise, le retrait d’un associé peut permettre à celui-ci de sortir de la société en cours de vie sociale en se faisant racheter ses droits par la société. De même, en cas de cession de parts sociales, si le cessionnaire n’est pas agréé par les associés, le cédant peut se faire racheter ses droits sociaux par la société. Dans tous les cas, les rachats des droits sociaux par la société se traduisent par un remboursement anticipé de l’apport et par suite une réduction de capital.

Au demeurant, en dehors du retrait et du défaut d’agrément, il est tout à fait imaginable que la collectivité des associés décide une réduction de capital réservée à un seul associé. Dans ce cas, l’apport va être remboursé de façon anticipée à cet associé parce que la décision a été prise collectivement.

                        G. La durée de la société

Puisque les statuts doivent comporter une mention relative à la durée de la société, cela signifie que la société constitue toujours un contrat à durée déterminée. La durée est fixée librement par les associés mais ne peut excéder 99 ans selon les prescriptions de l’art.1838 c.civ. Ainsi, certaines sociétés ont une durée de vie très courte, en particulier lorsqu’elles ont été constituées pour réaliser une seule opération. Au contraire, d’autres sociétés peuvent avoir une durée de vie très longue dans la limite des 99 ans. Pour ces sociétés, se pose la question de savoir ce qui advient à l’expiration de la durée pour laquelle elles ont été constituées. En principe, la société a vocation à disparaitre par l’arrivée de son terme qui est une cause de dissolution de la société conformément à l’art. 1844-7 c.civ.

Néanmoins, le législateur autorise les associés à échapper à cette disparition en prenant la décision de proroger la société conformément à l’art.1844-6 c.civ. En principe, la décision de prorogation doit être prise au moins un an avant l’arrivée du terme. Mais si le dirigeant ne réunit pas la collectivité des associés pour prendre cette décision, tout associé, dans la dernière année de vie de la société, peut demander en justice la nomination d’un mandataire spécialement chargé de provoquer la consultation des associés. À défaut d’une telle décision avant l’arrivée du terme, la loi Soilihi du 19 juillet 2019 permet dans l’année qui suit l’arrivée du terme de faire constater judiciairement qu’une prorogation tacite de la société a lieu. Dans tous les cas, si la société est prorogée, c’est le même contrat de société qui continue de s’appliquer, ce dont il résulte que la société conserve sa personnalité juridique.

En revanche, si la société n’est pas prorogée ni expressément ni tacitement, elle est dissoute et les associés doivent procéder à sa liquidation. Si malgré tout, la société continue son activité, la Cour de cassation considère que la société est devenue une société de fait. Néanmoins, elle considère assez curieusement que les relations entre les associés continuent d’être régies par le contrat de société (1re Civ, 13 décembre 2005).

                        H. Les règles de fonctionnement de la société

Les règles de fonctionnement de la société ne sont pas abandonnées à la liberté statutaire de la même façon dans toutes les sociétés. En effet, certaines règles de fonctionnement sont impératives tandis que d’autres n’existent pas ou sont supplétives de volonté. Plus il existe de règles impératives, moins les statuts peuvent fixer les règles de fonctionnement. À l’opposé, plus les règles sont supplétives voire inexistantes, plus la liberté statutaire peut s’exprimer. En réalité, tout dépend de la forme sociale.

En effet, certaines sociétés ont un carcan impératif très important telles la SARL ou la SA. Dans de telles sociétés, peu de règles de fonctionnement peuvent être stipulées dans les statuts. À l’opposé, d’autres sociétés comme la SAS ou la SC jouissent d’une très grande liberté statutaire si bien que les statuts peuvent comporter un très grand nombre de règles relatives au fonctionnement de la société. Il n’en demeure pas moins que, dans tous les cas, les statuts qui aménagent les règles de fonctionnement doivent toujours respecter l’ordre public général et en particulier l’ordre public sociétaire. Ainsi, par exemple, il est impossible pour les statuts d’alourdir les engagements d’un associé sans son consentement. De même, il est interdit aux statuts de priver un associé de son droit de vote ou de sa vocation à participer aux résultats. Enfin, de même, il est interdit aux statuts de modifier le pouvoir de représenter la société à l’égard des tiers puisque ce pouvoir est obligatoirement dévolu au représentant 28

légal de la société.

SECTION II : La sanction des conditions de formation du contrat de société

En principe, les conditions de formation d’un contrat sont sanctionnées par sa nullité. À une certaine époque, on opposait à la nullité la sanction dite de l’inexistence. Concrètement, pour les vices de formation les plus graves, il était considéré que le contrat n’avait pas pu être formé de sorte qu’il n’y avait rien à annuler. Le contrat était considéré comme purement et simplement inexistant. En droit des sociétés, la sanction normale des conditions de formation du contrat réside également dans la nullité.

Mais dans le cas particulier des sociétés fictives constituées sans réelle volonté de la part des associés et qui sont le plus souvent frauduleuses, la question de la nature de la sanction a suscité un débat. Il était en effet question de savoir si une société fictive doit être annulée ou si elle est purement et simplement inexistante. Les intérêts qui s’attachent à cette question sont relativement importants. En effet, de la nature de la sanction dépend des conséquences pratiques en ce qui concerne la prescription, l’effet rétroactif ou l’opposabilité aux tiers de la sanction. Ainsi, l’inexistence, en ce qu’elle constitue un état de fait, doit simplement être constatée par un juge. Elle n’est soumise à aucun délai de prescription et produit un effet rétroactif total. En outre, parce qu’elle est un état de fait, l’inexistence s’impose à tous (erga omnes).

À l’opposé, la nullité constitue une sanction prononcée par le juge. En tant que telle, elle est soumise à la prescription extinctive et son effet rétroactif est annihilé par l’art.1844-15 c.civ. La nullité, en ce qu’elle constitue une sanction judiciaire peut être également rendue inopposable aux tiers de bonne foi par la voie de la tierce opposition. À une certaine époque, la Cour de cassation a considéré que les sociétés fictives n’encourent pas la nullité mais sont inexistantes (Cass., 8 janvier 1975 ; Cass.,22 juin 1976). En plus de nullité, l’inexistence avait une place pour sanctionner les sociétés fictives.

Mais la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en décidant désormais que la société fictive est une société nulle et non pas inexistante (Com.,16 juin 1992, Lumale). Elle a déduit que la nullité peut être rendue inopposable à l’administration fiscale qui était de bonne foi. À la suite de cet arrêt, la Cour de cassation a maintenu la sanction de la nullité (Cass.,22 juin 1999) en décidant que la nullité de la société fictive n’est pas rétroactive et permet de laisser subsister les actes passés par la société.

Aujourd’hui, toutes les conditions de formation du contrat de société sont par principe sanctionnées par la nullité. Cependant, en droit des sociétés, par rapport au droit commun des contrats, la nullité présente de très fortes originalités. En effet, le contrat de société donne naissance à un être nouveau ce qui implique nécessairement des tiers. Ce n’est pas un contrat comme les autres de sorte que la nullité prononcée après un certain temps de fonctionnement de la société peut être source de nombreux inconvénients parmi lesquels l’insécurité juridique. Autrement dit, on ne remet pas en cause un contrat de société de la même manière qu’on remet en cause un contrat de vente. Les intérêts qui sont impliqués, dans et à travers la société, sont beaucoup trop nombreux pour cela. C’est la raison pour laquelle le droit français comme le droit européen sont relativement hostiles à l’égard de la nullité des sociétés. Cette hostilité se remarque aussi bien en ce qui concerne les causes de nullité que le régime de l’action en nullité ou encore ses effets.

            §1. Les causes de nullité

La nullité constitue la sanction normale des conditions de formation d’un contrat. Par voie de conséquence, la logique intellectuelle et la rigueur juridique voudraient que toutes les conditions du contrat de société soient sanctionnées par la nullité. Pourtant ce n’est pas le cas. En droit des sociétés, les causes de nullité du contrat sont limitativement énumérées par l’art.1844-10 c.civ et l’art.L.235-1 c.com.

Selon l’art.1844-10 c.civ, la société ne peut être annulée qu’en cas de violation des articles 1832, 1832-1, al 1er et 1833, al. 1er du Code civil ou pour toute cause tirée du droit commun des contrats. Au titre de l’art.1832 c.civ, sont des causes de nullité, l’absence d’apport, l’absence d’entreprise commune et le nombre insuffisant d’associés. On aurait pu songer à l’absence de participation aux résultats mais les clauses qui ont un tel objet appelées clauses léonines n’emportent pas nullité totale mais simplement nullité partielle. En ce cas, seule la clause est annulée, le contrat de société demeure pour le surplus.

Aujourd’hui, il ne résulte de l’art.1832-1 c.civ aucune cause de nullité puisque ce texte, après avoir été modifié, ne comporte plus de conditions de validité du contrat de société. Il se borne à indiquer que les époux peuvent seuls ou avec d’autres constituer une29

société. La violation de l’art.1832-1 c.civ est donc impossible. Au titre de l’art.1833, al.1er c.civ, l’illicéité de l’objet social est une cause de nullité du contrat. À ces causes spécifiques tirées du droit des sociétés, il faut ajouter les causes de nullité tirées du droit commun des contrats qui sont relatives au consentement, à la capacité ou au contenu licite et certain encore que cette dernière rejoint celle de l’objet social. En fin de compte, l’art.1844-10 c.civ limite considérablement les causes de nullité.

Il en va de même de l’art. L.235-1 c.com, propre aux sociétés commerciales, qui indique que la nullité de la société ne peut résulter que d’une disposition expresse du livre II du Code de commerce ou des lois qui régissent la nullité des contrats. Ce texte appelle trois observations.

Premièrement, le livre II du Code de commerce auquel il est fait référence ne comporte qu’une seule cause de nullité expresse prévue à l’art. L.235-2 c.com. En l’occurrence, cette cause de nullité résulte du défaut d’accomplissement des formalités de publicité dans les SNC et les SCS. Cette nullité n’est que facultative pour le juge qui est libre de ne pas la prononcer s’il ne constate aucune fraude de la société.

Deuxièmement, reprenant une directive européenne du 9 mars 1968, l’art.L.235-1 c.com ajoute que dans les SARL et dans les sociétés par actions, les vices du consentement et les causes d’incapacité des associés n’emportent nullité de toute la société que s’ils affectent l’ensemble des associés. Si le vice du consentement ou l’incapacité n’affecte qu’un ou plusieurs associés, seul l’engagement de ceux-ci doit être annulé, la société demeurant pour les autres pourvu qu’ils soient suffisamment nombreux (cas d’exigence d’un nombre minimal d’associés)

Troisièmement, enfin, les causes de nullité des sociétés par actions et des SARL, toujours au regard de la directive de 1968, doivent être entendues de façon stricte (CJCE, 13 novembre 1990, Marleasing). Dans cet arrêt, la CJCE considère que les causes de nullité des sociétés par actions (SA) et des SARL présentent un caractère limitatif et doivent donc être interprétées de façon stricte. De façon générale, les causes de nullité du contrat de société sont parfaitement circonscrites. Cependant, se pose la question de savoir comment sont sanctionnées les autres conditions du contrat de société. Si elles ne sont pas sanctionnées par la nullité, quelle sanction est alors applicable ?

En réalité, trois sanctions sont possibles. D’abord, la nullité partielle dans la mesure où il est possible d’annuler une clause qui contrevient à une condition du contrat de société et de maintenir le contrat de société pour le reste (art.1844-1 c.civ à propos de clauses léonines). Ensuite, lorsque les statuts ne comportent pas l’une des mentions prévues à l’art.1835 c.civ ou si une formalité n’a pas été accomplie, tout intéressé comme le ministère public, peuvent demander en justice à ce que la situation soit régularisée par les associés. Cette action se prescrit par trois ans à compter de l’immatriculation de la société et lorsqu’elle aboutit le juge peut assortir sa condamnation d’une astreinte. Ce mécanisme est prévue à l’art.1839 c.civ et à l’art.210-7 c.com. Enfin, toutes les règles qui gouvernent la constitution des sociétés peuvent donner lieu à responsabilité civile des associés fondateurs et des premiers dirigeants. En l’occurrence, cette responsabilité est solidaire, y compris lorsque la société est de nature civile et se prescrit par dix ans à compter de l’immatriculation de la société (art.1840 c.civ et L.210-8 c.com).

            §2. Le régime de l’action en nullité 

L’action en nullité du contrat de société présente des originalités qui tiennent essentiellement à l’hostilité du droit français vis-à vis de la nullité de sociétés. Cette hostilité explique le régime de l’action en nullité et la large ouverture faite à la régularisation de la cause de nullité. Seule la détermination des titulaires de l’action est conforme au droit commun des contrats.

                        A. Les titulaires de l’action en nullité

Comme en droit commun des contrats, la détermination des titulaires de l’action en nullité dépend du point de savoir si la nullité relative ou absolue. En présence d’une nullité relative, le titulaire de l’action est toujours un associé. Au contraire, si la nullité encourue est absolue, l’action appartient autant aux associés qu’à des tiers à la société (créanciers de la société, créanciers personnels des associés ou encore les dirigeants de la société). Encore faut-il que la personne qui agit soit effectivement une personne intéressée (Cass., 7 octobre 1997). Dans cette décision, la Cour de cassation considère qu’un commissaire aux comptes évincé à la suite d’une fusion de sociétés n’a pas intérêt à agir en nullité.

                        B. La prescription de l’action en nullité

Jusqu’à la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, il était nécessaire de distinguer selon que la 30

nullité était relative ou absolue. Avant cette loi, en droit commun, l’action en nullité relative se prescrivait par 5 ans et la nullité absolue par 30 ans. Cette loi a unifié les délais de prescription de sorte qu’en droit commun des contrats, l’action en nullité se prescrit toujours par 5 ans, qu’elle soit relative ou absolue. Mais la loi du 17 juin 2008 n’a pas modifié le droit spécial des sociétés. Pour éviter la nullité des sociétés, le législateur prévoit un délai de prescription plus bref qui est de 3 ans (art.1844-14 c.civ et art. L. 235-9 c.com). Comme en droit commun, l’exception de nullité (invoquée en défense) est perpétuelle, ce dont il résulte qu’elle n’est soumise à aucune prescription pourvu néanmoins que le contrat n’ait reçu aucun commencement d’exécution (hypothèse d’école).

                        C. La régularisation de la cause de nullité

La régularisation de la cause de nullité vise à limiter les hypothèses d’annulation effective des sociétés. C’est la raison pour laquelle cette régularisation est très largement admise. En droit commun des contrats, seules les nullités relatives peuvent être couvertes par une confirmation. En droit des sociétés, ce régime était applicable dans la loi de 1966 mais une première loi de 1967 puis une seconde de 1978 ont finalement retenu de solutions différentes.

Désormais, la possibilité de régulariser la cause de nullité de la société est plus largement ouverte qu’en droit commun. Il résulte des art.1844-11 c.civ et L.235-3 c.com que l’action en nullité est éteinte lorsque la cause de nullité a cessé d’exister au jour où le juge statue sur le fond en première instance. Ce texte autorise implicitement les parties en cours de procédure et jusqu’au jour du jugement à régulariser toutes les causes de nullité. Les textes ne distinguent pas selon que la nullité encourue est une nullité absolue ou relative. Seul le vice d’illicéité de l’objet ne peut être régularisé.

Mais dans les SARL et les sociétés par actions, ce vice d’illicéité doit être recherché uniquement dans l’objet statutaire et non dans l’objet réel (CJCE, 13 novembre 1990, Marleasing). Pour donner le maximum de relief à cette régularisation avant que le juge statue, les art.L.235-4 c.com et 1844-13 c.civ ajoutent que le tribunal saisi d’une action en nullité d’un contrat de société ne peut pas se prononcer moins de deux mois après sa saisine. L’idée est de laisser le temps aux associés de procéder à la régularisation s’ils le souhaitent.

Au demeurant, le juge peut de lui-même et d’office fixer un délai pour permettre la régularisation. En outre, ces textes prévoient que si la cause de nullité doit être régularisée par une assemblée générale des associés et si elle a été convoquée mais qu’elle ne s’est pas encore réunie, le juge, au lieu de statuer, peut décider d’accorder le délai nécessaire pour que se tienne l’assemblée générale. Tout est fait pour que les associés puissent régulariser la cause de nullité. Les arts. L.235-6 et 1844-12 c.civ permettent également à toute personne intéressée d’enjoindre à l’associé incapable ou victime d’un vice du consentement de régulariser la situation ou s’il ne le veut pas, d’agir en nullité dans un délai de 6 mois à peine de forclusion. Il s’agit d’une action interrogatoire comme celle qui existe en droit commun des contrats.

Mais en droit des sociétés, l’action interrogatoire existe depuis beaucoup plus longtemps que l’ordonnance de 2016 qui l’a introduite en droit commun des contrats. Cette action interrogatoire vise à protéger les tiers contre l’incertitude qui entoure l’exercice de l’action en nullité relative par son titulaire. Au demeurant, l’intérêt des autres associés ou de la société elle-même n’est pas complètement négligé. Les textes prévoient en effet que dans le même délai de 6 mois, ils peuvent soumettre au tribunal toute mesure destinée à faire disparaitre l’intérêt du demandeur en nullité notamment en rachetant les droits sociaux. Le tribunal est libre de faire droit à ces mesures ou de prononcer la nullité.

            §3. Les effets de la nullité 

En principe, ce qui est nul ne produit aucun effet. C’est la raison pour laquelle l’on attache un effet rétroactif à la nullité lorsque le contrat a reçu tout ou partie de son exécution. La rétroactivité doit remettre les parties dans l’état qui aurait été les leurs si le contrat n’avait jamais été conclu. Cette rétroactivité, qui est inhérente à la notion de nullité, présente un inconvénient essentiel en ce qui concerne la nullité des sociétés. Cet inconvénient réside dans l’insécurité juridique car la rétroactivité conduirait à remettre en cause tous les contrats et tous les actes que la société a pu passer jusqu’à son annulation. Tous les liens que la société a entretenu avec des tiers devraient disparaitre rétroactivement.

Pour éviter une telle conséquence qui serait absolument dramatique, le législateur a décidé qu’en matière de société, la nullité ne produit pas d’effet rétroactif. Il résulte de l’art.1844-15 c.civ que « lorsque la nullité de la société est prononcée, elle met fin sans rétroactivité à l’exécution du contrat ». Autrement dit, la société nulle cesse d’exister pour l’avenir mais elle demeure ce qu’elle était pour le passé. Pour expliquer cette situation, on dit parfois que la société nulle est une société devenue de fait. Avec la nullité, la société irrégulière laisse la place à une société de fait, ce qui justifie que les actes accomplis par la société soient

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maintenus. Les effets futurs de la nullité sont prévus aux art.1844-15 c.civ et L.235-10 c.com, aux termes desquels la nullité produit sur la société l’effet d’une dissolution. Il est donc nécessaire de procéder à la liquidation de la société.

À la nullité peut s’ajouter la responsabilité personnelle des associés lorsque l’origine de la nullité leur est imputable. Le régime de l’action en responsabilité est déterminé par l’art.1844-17 c.civ et l’art. L.235-13 c.com. Cette action en responsabilité, comme l’action en nullité, se prescrit par 3 ans mais à compter de la date à laquelle le jugement d’annulation est passé en force de chose jugée ou à compter du jour la nullité a été couverte puisque la régularisation n’exonère pas les associés de leur responsabilité si elle laisse subsister un préjudice.

LEÇONS VI : LA REPRISE DES ACTES

La reprise des actes est un mécanisme intrinsèquement lié à la personnalité juridique des sociétés. La personnalité juridique donne lieu à deux grandes théories que sont la théorie de la réalité et la théorie de le fiction. Suivant la théorie de la réalité, la personnalité peut être attribuée à un groupement dès lorsqu’il poursuit un intérêt distinct de celui de ses membres. Au contraire, dans la théorie de la fiction, la personnalité ne peut être attribuée à un groupement que sur décision du législateur. Au demeurant, les lois qui attribuent la personnalité morale doivent être interprétées strictement.

Le droit français n’a pas fait de choix de l’une ou de l’autre théorie. D’un côté, la Cour de cassation a consacré la théorie de la réalité (2e Civ., 28 janvier 1954, Comité d’établissement de Saint-Chamond) en considérant qu’un groupement pouvait être doté de la personnalité morale quand bien même le législateur ne l’aurait pas prévu. Mais, d’un autre côté, pour les personnes morales, qui sont les plus importantes, c’est bien la théorie de la fiction qui s’applique. C’est le cas des associations ou les sociétés dans lesquelles le législateur pose les conditions nécessaires à l’acquisition de la personnalité morale. Cette condition réside dans l’immatriculation de la société au RCS. Concrètement, la société qui n’est pas immatriculée n’a pas la personnalité juridique et lorsqu’elle est immatriculée, n’acquiert sa personnalité qu’au moment de l’immatriculation. A contrario, entre la signature des statuts et le moment de l’immatriculation, la société existe mais n’a pas encore sa personnalité morale. Mais avant l’immatriculation de la société, il peut être indispensable de conclure un certain nombre d’actes juridiques afin de préparer la future activité de la société. Par exemple, il peut être nécessaire d’emprunter une somme d’argent, d’embaucher des salariés ou de prendre un local commercial à bail. D’un côté, la société doit conclure des actes mais d’un autre côté, elle ne peut pas le faire car elle n’a pas encore la personnalité juridique.

C’est la raison pour laquelle le législateur a mis en place un mécanisme appelé la reprise des actes. Ce mécanisme consiste, pour les associés fondateurs, à conclure eux-mêmes les contrats nécessaires à la société et à faire en sorte que ces contrats passent sur la tête de la société une fois que celle-ci sera immatriculée.

SECTION I : Les conditions de la reprise 

En premier lieu, la reprise ne peut porter que sur des actes juridiques, donc des contrats. À l’opposé, ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’une reprise toutes les créances et les dettes de nature extracontractuelle, celles qui naissent d’un fait juridique (délit, quasi-délit ou quasi-contrat). En second lieu, cet acte juridique doit comporter une mention selon laquelle l’acte est conclu pour le compte de la société en formation. Ce n’est pas une formule obligatoire et sacramentelle de sorte qu’il est possible de la remplacer par une formule du même type. Par exemple, sont acceptées des formules telles que « pour le compte de la société en voie de constitution » ou encore « pour le compte de la société en cours d’immatriculation ». Le but de cette formule est d’avertir le tiers contractant que potentiellement son véritable cocontractant ne sera pas la personne qui passe l’acte mais la société qui a repris l’acte. Sur cette formule, il faut faire très attention car il existe d’autres façons de conclure l’acte mais qui ne permettent pas la reprise d’acte.

D’abord, la reprise d’acte est paralysée lorsque la personne qui passe l’acte conclut cet acte en son propre nom et pour son propre compte. Le contrat ainsi conclu est parfaitement valable mais ne pourra engager que la personne qui a conclu l’acte. Cet acte ne pourra pas être repris par la société. Le seul moyen de refaire basculer le contrat est de passer par la cession de contrat.

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Ensuite, la reprise d’acte est paralysée lorsque le contrat a été conclu au nom et pour le compte de la société mais sans préciser qu’elle est en formation. En ce cas, le contrat encourt la nullité absolue car le contrat a été conclu au nom d’une entité qui n’a pas la personnalité juridique.

Enfin, la reprise d’acte ne peut s’opérer que si la société est en formation. La société en formation est une société qui n’a pas encore débuté son activité. A contrario, ne constitue pas une société en formation une société en participation qui a déjà fonctionné. La société en participation peut fonctionner sans la personnalité juridique. Si elle décide de s’immatriculer, elle ne sera pas regardée comme une société en formation car elle a déjà fonctionné par le passé.

SECTION II : Les modalités de la reprise

S’agissant des modalités de la reprise, il faut distinguer la reprise automatique de la reprise volontaire. La reprise automatique constitue une reprise qui intervient de plein droit par le seul effet de l’immatriculation de la société. Au contraire, la reprise volontaire intervient, non pas de plein droit mais, grâce à une décision collective des associés adoptée après l’immatriculation de la société. Cette reprise volontaire s’appelle aussi reprise-balai en ce sens qu’elle concerne tous les actes qui n’ont pas pu faire l’objet d’une reprise automatique.

Pour pouvoir bénéficier de la reprise automatique, il faut respecter certaines modalités dont le non-respect fait basculer sur la reprise volontaire. Ces modalités dépendent du moment auquel l’acte a été conclu. Par hypothèse, l’acte a été conclu avant l’immatriculation de la société. Mais avant cette immatriculation, il est possible de distinguer deux périodes. D’une part, la période qui s’écoule avant la signature des statuts et, d’autre part, celle qui s’écoule entre la signature des statuts et l’immatriculation de la société.

            §1. L’acte conclu avant la signature des statuts

Pour un acte conclu avant la signature des statuts, la reprise automatique suppose que l’acte soit annexé aux statuts et que les statuts soient adoptés par les associés. Par hypothèse, si les statuts sont signés avec les annexes, cela veut dire que tous les associés sont d’accord sur les annexes. Il en résulte qu’ils étaient forcément tous d’accord pour que l’acte soit repris.

            §2. L’acte conclu entre la signature des statuts et l’immatriculation de la société

Entre la signature des statuts et l’immatriculation de la société, il n’est plus possible d’annexer l’acte aux statuts. L’acte ne peut être repris automatiquement que si tous les associés ont donné leur consentement à cet acte. En premier lieu, tous les associés peuvent conclure l’acte. En deuxième lieu, les associés peuvent donner mandat à l’un d’entre eux pour conclure les actes en cause. Ce mandat doit être spécial et décrire la nature et les éléments caractéristiques du contrat. Par exemple, pour un emprunt, le mandat doit préciser le montant emprunté et une fourchette de taux d’intérêt. Pour un bail commercial, le mandat doit préciser le type de local, la surface et le loyer. En troisième lieu, la Cour de cassation admet que l’associé puisse conclure l’acte seul sans aucun mandat, auquel cas les autres associés peuvent ratifier cet acte a posteriori. Néanmoins, cette ratification ne peut intervenir après l’immatriculation.

            §3. La sanction des modalités de la reprise

Lorsque les modalités de reprise ne sont pas respectées, l’immatriculation de la société ne permettra pas la reprise automatique. Néanmoins, la reprise pourra intervenir de façon volontaire. La reprise volontaire procède d’une décision de la collectivité des associés réunis en assemblée générale statuant à la majorité absolue. En d’autres termes, la modalité de la reprise volontaire est plus souple que celle de la reprise automatique. Par définition, cette assemblée générale ne peut se tenir qu’après immatriculation de la société.

Toutes ces modalités de la reprise sont nécessaires parce que la Cour de cassation, sauf dans un seul arrêt, refuse traditionnellement la reprise tacite. La reprise tacite serait une reprise qui procèderait uniquement du comportement adopté par la société après son immatriculation. Dans ce cas, les associés qui ont agi seront seuls tenus par l’acte.

SECTION III : Les effets de la reprise

Lorsque la reprise intervient soit par l’effet de l’immatriculation ou la décision de l’assemblée générale, elle a pour effet de mettre le contrat sur la tête de la société. Il s’opère un changement de contractant sans avoir à recueillir l’accord du cocontractant. En effet, le cocontractant a déjà accepté ce changement de contractant puisque l’acte a été, à l’origine, conclu

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pour la société en formation. Mais deux questions subsistent.

La première question est celle de savoir si le changement de contractant opère pour le futur ou rétroactivement. Il y a lieu de répondre que la reprise des actes produit un effet très énergique puisqu’elle conduit à considérer que la société a la qualité de contractant non pas à compter de la reprise mais à compter de la date de l’acte. Concrètement, la reprise des actes produit un effet rétroactif et revient à anticiper la personnalité juridique de la société. La reprise des actes suit la logique de l’adage l’infans conceptus…À l’origine, ce sont les personnes qui ont donné leur consentement à l’acte qui sont tenus par cet acte. Puis, avec la reprise, c’est la société qui est désormais tenue par l’acte.

La seconde question est celle de savoir si les associés fondateurs restent tenus de l’acte en qualité de garants ou bien s’ils sont libérés de l’acte par l’effet de la reprise. Il y a lieu de répondre que la reprise a pour effet de libérer de plein droit les personnes qui avaient consenti à l’acte aussi bien pour l’avenir que pour le passé. Or, la cession de contrat n’opère que pour le futur et ne libère pas le cédant.

LEÇON VII : LES ASSOCIÉS

SOUS-LEÇON I : LE STATUT JURIDIQUE DES ASSOCIÉS

La qualité d’associé est faite d’un faisceau de prérogatives et de devoirs. Néanmoins, les prérogatives sont plus nombreuses que les devoirs.

SECTION I : Les devoirs de l’associé

L’associé a six devoirs. Premièrement, l’associé est celui qui est exposé à l’aléa social et qui risque de ne pas récupérer l’apport en échange duquel les titres lui ont été remis par la société. Deuxièmement, dans les sociétés à risque illimité, les associés doivent répondre des dettes de la société sur leur patrimoine personnel si celle-ci est défaillante. Troisièmement, l’associé doit respecter l’intérêt social et être loyal envers la société. À partir du moment où une personne a décidé de s’associer avec d’autres personnes dans un intérêt commun, elle ne peut privilégier ses intérêts individuels au détriment de l’intérêt de la société. Quatrièmement, l’associé, le cas échéant, est tenu de respecter les exigences d’agrément en cas de cession de droits sociaux. Autrement dit, il doit se faire agréer pour entrer dans la société et faire agréer le cessionnaire lorsqu’il veut sortir de la société. Cet agrément peut avoir une source légale (sociétés par parts sociales) ou une origine statutaire (autres sociétés). Cinquièmement, l’associé doit respecter le régime des conventions réglementées qui sont des contrats conclus entre la société et l’un des proches de la société. De telles conventions font planer un risque de conflits d’intérêts justifiant la mise en place de certaines procédures. Elles doivent faire l’objet d’une procédure de contrôle au sein de la société et l’associé peut être contraint de respecter cette procédure. Sixièmement, l’associé est parfois également tenu d’une obligation de non-concurrence vis-à-vis de la société. En principe, l’associé n’est pas tenu d’une telle obligation envers la société. Par exception, les apporteurs en industrie et les associés des sociétés civiles professionnelles sont tenus de plein droit d’une obligation de non-concurrence. Une telle obligation de non-concurrence mise à la charge des associés peut résulter des statuts même de la société.

De façon générale, l’associé est tenu de respecter tous les engagements pris vis-à-vis de la société. Par exemple, l’apporteur en numéraire qui n’a pas libéré son apport est tenu de le libérer. En revanche, l’associé ne peut pas être contraint d’accepter de nouveaux engagements. Toutes les décisions de la société qui ont pour objet ou pour effet d’alourdir les engagements des associés doivent être obligatoirement adoptés avec le consentement de cet associé conformément aux prescriptions de l’art.1836 al.2 c.civ. Si la société ne peut pas alourdir les engagements d’un associé sans son consentement, elle peut en revanche réduire les droits d’un associé sans son consentement.

SECTION II : Les prérogatives de l’associé 

Les prérogatives de l’associé sont extrêmement diverses et variées mais, de façon générale, peuvent être regroupées en deux catégories. D’une part, les prérogatives non-pécuniaires qui permettent à l’associé de participer à la vie de la société et, d’autre part, les prérogatives pécuniaires qui permettent à l’associé de participer aux résultats de la société.

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            §1. Les prérogatives non-pécuniaires de l’associé

Les prérogatives non-pécuniaires qui permettent à l’associé de participer à la vie de la société sont relatives au fonctionnement de la société. Certaines d’entre elles sont diverses et variées. Par exemple, un associé a le droit d’engager la responsabilité civile des dirigeants de la société en cas de faute. Pour ce faire, il dispose de deux types d’actions que sont l’action personnelle et l’action sociale ut singuli. D’une part, l’associé peut exercer l’action personnelle qui vise à réparer un préjudice subi personnellement par l’associé. D’autre part, il peut exercer l’action sociale ut singuli qui permet de réparer un préjudice souffert par la société elle-même.

Par ailleurs, l’associé peut avoir le droit de demander en justice la nomination d’un mandataire ad hoc pour répondre à l’inertie des dirigeants. Par exemple, le dirigeant ne réclame pas la libération de l’apport en numéraire. En outre, l’associé peut également demander en justice la dissolution anticipée de la société pour juste motif ou encore la nomination d’un commissaire aux comptes lorsque celui-ci n’est pas obligatoire (par exemple dans les SARL). Inversement, l’associé peut demander, dans toutes les sociétés, la récusation d’un commissaire aux comptes pour juste motif. Au-delà de ces exemples, les grandes prérogatives non pécuniaires résident dans le droit à l’information et dans les droits politiques de l’associé.

                        A. Le droit à l’information

D’abord, l’information dont il est question peut porter sur tout élément relatif à la société tel la composition de la société, l’identité des dirigeants sociaux, la vie sociale en général et/ ou les actes conclus par la société. Ensuite, ce droit à l’information doit respecter un certain équilibre. D’un côté, il est nécessaire de permettre à l’associé d’accéder aux informations utiles et ce, d’autant plus qu’au moins dans les grandes sociétés, les dirigeants ont toujours tendance à confisquer cette information par crainte de révocation. D’un autre côté, le droit à l’information de l’associé ne doit pas entraver le fonctionnement de la société. Lorsqu’un associé demande la communication d’un document, ce sont les dirigeants qui doivent le lui fournir. Or, par hypothèse, ces dirigeants doivent faire fonctionner la société au quotidien. Il ne faut pas qu’ils soient submergés par les demandes d’information.

Enfin, le droit à l’information de l’associé varie dans son étendue et dans son intensité suivant l’époque à laquelle on se trouve. De façon générale, tout au long d’un exercice, l’associé a un droit minimal à l’information qu’il peut faire valoir à tout instant. Avant la tenue de l’assemblée générale, le droit à l’information de l’associé est renforcé afin de lui permettre de voter en pleine connaissance de cause.

                                    1) Le contenu du droit à l’information

 

En premier lieu, le droit à l’information de l’associé lui permet de prendre connaissance d’un certain nombre de documents relatifs à la société. Il peut s’agir par exemple des rapports d’activités et de gestion établis par les dirigeants, des comptes annuels, du bilan, de l’inventaire de la société, des procès-verbaux et feuilles de présence d’assemblée générale, des rapports des commissaires aux comptes, de la liste des actionnaires, de la liste des dirigeants ou encore de la liste des commissaires aux comptes, etc. Dans la même veine, avant la tenue de l’assemblée générale, l’associé doit obtenir communication des projets de vote de résolution à l’assemblée générale ainsi que de tous les documents nécessaires qui permettent sa parfaite information.

En deuxième lieu, le droit à l’information permet aux associés de poser des questions aux dirigeants. Puisque ce sont les dirigeants qui font fonctionner la société, l’associé peut avoir besoin de réponse sur ce fonctionnement. Ce droit de poser des questions se manifeste généralement au cours de l’assemblée générale par la voie d’une interpellation adressée aux dirigeants. Dans certaines sociétés, les associés ont également le droit d’adresser en cours d’exercice des questions écrites.

En troisième lieu, dans les sociétés à risque limité (sociétés par actions et SARL), les associés ont le droit de demander en justice la nomination d’un expert de gestion à condition de détenir au moins 10% du capital (SARL) ou au moins 5% du capital (sociétés par actions). L’expert de gestion est une personnalité qualifiée désignée pour juger de la pertinence d’un acte de gestion accompli par un dirigeant.

                                    2) Les modalités de l’information

La fréquence et la période d’exercice de ce droit à l’information sont susceptibles de varier en fonction de la forme de la société et de la nature de la décision à prendre. S’agissant de la forme de la société, l’associé a le droit de poser des questions aux dirigeants une fois par an dans les sociétés civiles et deux fois par an dans les SNC. La fréquence et la période d’exercice du droit à l’information dépendent aussi de la nature de la décision qui doit être prise. Le droit à l’information sera renforcé au moment

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de la tenue de l’assemblée générale. Il faut également tenir compte des stipulations statutaires qui peuvent aménager ce droit à l’information et ce, dans le respect de l’ordre public.

Par ailleurs, lorsque l’associé demande la consultation d’un certain nombre de documents relatifs à la société, cette consultation peut se faire sur place au siège social ou par envoi postal ou électronique. Lorsque la communication se fait sur place, l’associé a le droit d’être assisté par une personne qualifiée et a le droit de prendre une copie du document. Néanmoins, il doit se déplacer en personne sans pouvoir se faire représenter.

                        B. Les droits politiques

Il ressort de l’art.1832 c.civ que les associés doivent participer à l’entreprise commune. À ce titre, les associés doivent participer à la prise des décisions collectives. De façon générale, la collectivité des associés est compétente pour adopter deux types de décisions. En premier lieu, elle est compétente pour adopter les décisions que la loi réserve expressément aux associés. Par exemple, toutes les décisions qui visent à modifier les statuts de la société. En second lieu, elle est compétente pour adopter les décisions qui excèdent les pouvoirs des autres organes de la société et en particulier les dirigeants. Pour toutes ces décisions, chacun des associés aura le droit de participer.

                                    1) L’organisation des décisions collectives

En principe, l’organisation des décisions collectives incombe aux dirigeants de la société. Il leur appartient de déterminer la date et le lieu des assemblées générales, de fixer l’ordre du jour de l’assemblée générale, de convoquer les associés aux assemblées générales. Mais, à certains égards, il peut arriver que les associés prennent part à l’organisation des décisions collectives. Là encore, les prérogatives des associés dépendent de la forme de la société et de la nature de la décision envisagée. Par exemple, dans certaines sociétés, un ou plusieurs associés peuvent demander aux dirigeants de provoquer une assemblée générale sur une question importante. Lorsque le dirigeant n’organise pas une décision collective, un associé peut demander en justice la nomination d’un mandataire ad hoc pour pallier l’inertie de la direction. D’autrefois, il arrive que l’associé lui-même convoque une assemblée générale et fixe son ordre de jour. Dans ce cas, l’associé se substitue purement et simplement à la direction. Il en va ainsi en cas de vacance de la direction. Lorsque la société n’a pas de dirigeant, l’associé pourra convoquer l’assemblée générale en cas de nécessité.

Par ailleurs, l’associé peut demander au dirigeant d’inscrire une question à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale (SARL). Les associés peuvent être plus ou moins associés à l’organisation des décisions collectives. Parfois, la qualité d’associé suffit mais, d’autrefois, il faut détenir une certaine fraction du capital. Par exemple, en matière de SARL, l’inscription d’une question à l’ordre du jour peut être demandée par un ou plusieurs associés détenant la moitié des parts sociales ou par 10% des associés détenant 10% des parts.

                                    2) La participation aux décisions collectives

À titre préalable, en principe, les décisions collectives des associés sont prises dans les assemblées générales. Dans les petites sociétés, pour plus de souplesse, il est possible de passer par la consultation écrite des associés. D’une part, les dirigeants peuvent poser une question par courrier aux associés, lesquels répondent également par courrier. D’autre part, il est possible de recueillir dans un acte unique le consentement unanime des associés en évitant ainsi les lourdeurs des assemblées générales.

                                                a) Le droit d’être convoqué aux assemblées générales

Tous les associés doivent obligatoirement être convoqués aux assemblées générales en principe par les dirigeants de la société. Si d’aventure un ou plusieurs associés n’étaient pas convoqués ou l’ont été irrégulièrement, les décisions adoptées par l’assemblée générale seront susceptibles de nullité. Ces convocations doivent mentionner la date et le lieu de l’assemblée générale, l’ordre du jour, les projets de résolution qui seront soumis au vote et tous les documents nécessaires à la bonne information des associés.

L’ordre du jour est essentiel car il permet de circonscrire la compétence de l’assemblée générale. En principe, l’assemblée générale ne peut pas adopter des décisions en dehors de ce qui est prévu à l’ordre du jour. Ainsi, une décision adoptée en dehors de l’ordre du jour encourt la nullité. La convocation doit être adressée personnellement aux associés et par voie postale. Par exception, la voie postale peut être remplacée par la voie numérique si l’associé a accepté cette modalité, auquel cas il recevra sa convocation par mail. Pour convoquer personnellement l’associé, encore faut-il que la société connaisse son identité. Ainsi, dans les sociétés par actions, la convocation des détenteurs d’actions au porteur doit être publiée au BODACC et dans un journal d’annonces légales (JAL).

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Enfin, la convocation doit toujours être adressée aux associés dans un certain délai avant la tenue de l’assemblée générale. Ce délai dépend de la forme de la société et de la nature de la décision qui sera prise (décision ordinaire ou extraordinaire).

                                                b) Le droit d’accès aux assemblées générales

Il ne suffit pas d’être convoqué à l’assemblée générale, encore faut-il pouvoir y accéder. Il est arrivé que des associés soient privés d’accès au lieu où devait se tenir l’assemblée générale. Ceux qui empêchent l’associé d’accéder à l’assemblée générale commettent un délit d’entrave.

                                                c) Le droit de participation aux assemblées générales

Le droit de participer aux assemblées générales se manifeste de 3 façons. D’abord, l’associé peut être présent ou représenté lors de l’assemblée générale. D’une part, il peut être présent physiquement ou réputé présent lorsqu’il participe à l’assemblée générale par un système de visioconférence. D’autre part, il peut se faire représenter par une tierce personne. Suivant la forme de la société et les prévisions statutaires, la représentation est parfois libre mais d’autrefois encadrée. Dans les sociétés anonymes, seul un associé ou le conjoint de l’associé peut le représenter.

Ensuite, l’associé a le droit de s’exprimer oralement et de poser des questions aux dirigeants de la société. Les dirigeants doivent y répondre. Enfin, l’associé peut provoquer des incidents de séance. L’incident de séance est la situation dans laquelle les associés vont s’autosaisir d’une question qui n’est pas inscrite à l’ordre du jour. La seule question susceptible d’une auto-saisine des associés concerne la révocation des dirigeants. En effet, l’ordre du jour est rédigé par les dirigeants de la société. Or, par hypothèse, il est inimaginable qu’ils inscrivent eux-mêmes à l’ordre du jour leur révocation.

                                                d) Le droit de vote aux assemblées générales

                                                            i. Le caractère impératif du droit de vote

Le droit de vote de l’associé est considéré par la Cour de cassation comme un droit fondamental de l’associé qui présente un caractère impératif. Il arrive, dans certains cas, que le législateur prive un associé d’un droit de vote à propos d’une décision pour laquelle l’associé serait en conflit d’intérêts. Néanmoins, il est des cas où le conflit d’intérêts est réel mais le législateur n’empêche pas l’associé de voter. La question est de savoir si les statuts de la société peuvent se substituer au législateur et stipuler une interdiction de voter pour une décision dans laquelle l’associé sera en conflit d’intérêts. La Cour de cassation répond par la négative et considère que le droit de vote de l’associé est fondamental de sorte qu’il ne peut en être privé que dans les cas prévus par la loi (Com., 9 février 1999, Château d’Yquem). Autrement dit, les clauses statutaires qui privent l’associé d’un tel droit sont réputées non- écrites.

Cela étant, il existe des associés qui n’ont pas le droit de vote. Dans les sociétés par actions, la société peut émettre des actions de préférence qui sont des titres de capital assortis d’un droit particulier. Ce droit particulier n’est pas forcément un droit ou un avantage mais peut également constituer un inconvénient. Il est possible de créer de telles actions pour suspendre voire neutraliser le droit de vote de l’associé. Les titulaires de ces actions de préférence sont de véritables associés mais privés de leur droit de vote.

                                                            ii. Les règles d’attribution du droit de vote

Ce droit de vote est attribué de plusieurs façons. En premier lieu, il est possible d’attribuer à l’associé un droit de vote uniquement en sa qualité (vote par tête) ou un droit de vote proportionnel au nombre de droits sociaux qu’il détient dans la société (vote par titre). Dans certaines sociétés, il est possible de créer des droits de vote multiples. Dans d’autres sociétés, une clause statutaire peut prévoir des règles de plafonnement du droit de vote afin de limiter la quantité de droits d’un associé et éviter ainsi qu’il écrase les associés minoritaires. Par exemple, un associé qui a 90% de parts n’aura que 60% de parts au moment de voter.

​    ​           ​           ​           ​                  iii. Les règles de majorité

Les règles de majorité dépendent à la fois de la forme de la société, des statuts de la société et surtout de la nature de la décision. Au cours de l’assemblée générale, les associés sont susceptibles de prendre deux types de décisions. D’un côté, les décisions ordinaires qui concernent le fonctionnement de la société et qui ont pour particularité de ne pas toucher aux statuts de la société. De l’autre côté, les décisions extraordinaires qui ont pour objet ou pour effet de modifier les statuts de la société. Généralement, les règles de majorité sont plus exigeantes pour les décisions extraordinaires que pour les décisions ordinaires. Cela étant, il existe plusieurs façons de calculer des majorités pour savoir si la décision est adoptée ou rejetée.

En premier lieu, la décision peut être adoptée à l’unanimité. Si la décision requiert l’unanimité, il faut l’accord de tous les associés pour qu’elle puisse être adoptée. À défaut, elle est rejetée. En deuxième lieu, la décision peut être adoptée à la majorité. Cette majorité peut se déterminer soit par tête, soit par titre, soit à la fois par tête et par titre. En troisième lieu, les majorités peuvent s’apprécier par rapport à la totalité des associés ou à la totalité des titres de la société, auquel cas certains associés peuvent pratiquer la politique de la chaise vide (absentéisme visant à faire obstacle à la prise des décisions) ou par rapport au nombre d’associés ou au nombre de titres représentés au cours de l’assemblée générale, auquel cas la politique de la chaise vide est neutralisée puisque c’est la majorité des associés présents qui est prise en compte pour l’adoption de la décision.

En quatrième lieu, les règles de majorité peuvent être doublées de règles de quorum. Les règles de quorum sont des règles qui exigent qu’un certain nombre d’associés soient présents pour que l’assemblée générale puisse délibérer valablement. En cinquième lieu, il peut arriver que les décisions soient soumises à des règles de double convocation, mécanisme par lequel si la décision n’a pas été adoptée sur la première convocation, va être envoyée une seconde convocation pour que l’assemblée générale se prononce à nouveau.

​           ​           ​           ​           ​           iv. L’abus du droit de vote

Selon la jurisprudence, depuis les années 1960, le droit de vote, comme tous les droits, est susceptible d’abus. Il y a abus de droit de vote lorsque l’associé exerce son droit de vote dans son propre intérêt et au détriment des autres associés. L’associé doit jouer collectif et à défaut il commet un abus de son droit de vote.

Il existe 3 types d’abus de vote. D’abord, l’abus de majorité qui consiste pour l’associé majoritaire à imposer sa décision aux autres. Ensuite, l’abus de minorité par lequel l’associé minoritaire va empêcher que soit adoptée la décision. Cet abus suppose que le vote se fasse à l’unanimité ou à la majorité qualifiée. Enfin, l’abus d’égalité qui se rencontre lorsqu’une société est constituée par deux personnes et que l’un d’entre eux dispose de la moitié des voix. Dans ce cas, l’un des associés peut empêcher la prise de décision parce qu’avec sa majorité, il empêche la prise de décision à la majorité simple, à la majorité qualifiée et même à l’unanimité.

​           ​           ​           ​           ​           v. La sanction de l’abus du droit de vote

Il faut distinguer selon que l’abus permet d’imposer la décision aux autres associés ou empêche que la décision soit adoptée. Lorsque l’abus permet d’imposer la décision (possible seulement dans l’abus de majorité), il est sanctionné par la nullité de la décision. Lorsque l’abus (majorité, minorité, égalité) empêche la prise de décision, il n’y a rien à annuler puisqu’il n’y a pas de décision. À cet égard, la nullité est une sanction rigoureusement inapplicable. En 1993, la jurisprudence décide que la sanction de ce type d’abus passe par la nomination en justice d’un mandataire ad hoc pour remplacer l’associé coupable d’abus lors de la prochaine assemblée. Si le juge a le pouvoir de nommer ce mandataire ad hoc, il n’a pas en revanche le pouvoir d’ordonner à ce mandataire le sens du vote. Ce mandataire votera dans le sens qui lui paraitra le plus opportun, que ce soit dans un sens contraire ou dans le même sens que l’auteur de l’abus.

​           ​           ​           ​           ​           vi. Les conventions de vote

En principe, les accords de volontés entre le associés qui concernent le droit de vote ne sont pas prohibés. Par voie de conséquence, les conventions conclues relativement au droit de vote sont en principe valables. Néanmoins, certaines conventions sont interdites. En premier lieu, il est interdit de dissocier par contrat le droit de vote et les droits sociaux. Un associé ne peut pas céder son droit de vote de façon isolée. En second lieu, sont interdites les conventions par lesquelles les associés s’engagent à voter dans un certain sens moyennant rémunération de l’autre partie. C’est un trafic de voix constitutif d’un délit pénal. À l’inverse, est valable le contrat par lequel un associé s’engage à voter dans le sens d’un autre associé sans rémunération. Cependant, cette convention, quoique valable, peut se révéler inefficace. En effet, en vertu de l’effet relatif des contrats, une telle convention ne peut produire des effets qu’entre les associés qui y ont consenti, à l’exclusion de la société elle-même qui est un tiers. Concrètement, si l’un des associés viole la convention, les autres associés ne pourront pas obtenir la nullité de la décision. Demander la nullité serait l’imposer à la société qui est un tiers au contrat. Par conséquent, la seule sanction possible réside dans la responsabilité contractuelle.

​           ​           ​           3) La nullité des délibérations sociales

 

En rappel, le droit des sociétés est relativement hostile aux nullités. Cette même hostilité se retrouve également à l’égard de la nullité des délibérations sociales. En effet, cette nullité peut se révéler source d’insécurité juridique. C’est la raison pour laquelle les causes de nullité sont strictement encadrées par l’art.1844-10 c.civ et par l’art. L.235-1 c.com. Ces deux textes prévoient que les décisions adoptées en assemblée générale peuvent toujours être annulées pour l’une des causes de nullité tirées du droit commun des contrats (vice d’incapacité ou vice de consentement).

Pour le reste, il faut opérer une distinction. D’un côté, les décisions qui modifient les statuts d’une société commerciale, et d’un autre côté, les décisions qui ne modifient pas les statuts d’une société commerciale et toutes les décisions ordinaires et extraordinaires des sociétés civiles.

​           ​           ​           ​           a) Les décisions modifiant les statuts d’une société commerciale

La nullité des décisions modifiant les statuts d’une société commerciale doit nécessairement reposer sur la violation d’une disposition expresse du livre II du Code de commerce. La nullité n’est encourue que si un texte de ce livre la prévoit expressément. À défaut, elle ne peut être encourue.

​           ​           ​           ​           b) Les décisions ordinaires des sociétés commerciales et toutes les décisions des sociétés civiles

Pour les décisions ordinaires des sociétés commerciales ainsi que toutes les décisions des sociétés civiles, la nullité ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative du titre IX du livre III du Code civil ou du livre II du Code de commerce. La nullité est encourue dès lors que l’assemblée générale a méconnu une telle disposition. Il n’est pas besoin que le texte prévoit expressément la nullité. La seule violation du texte est susceptible d’emporter nullité de la décision. Certaines règles concernant les délibérations sociales sont impératives mais ne sont pas prévues dans le titre IX du livre III du Code civil et livre II du Code de commerce. Ces règles se trouvent dans les dispositions réglementaires ou statutaires.

​           ​           ​           ​           ​           i. La violation d’une disposition réglementaire

Les délibérations sociales sont soumises à des règles prévues dans le décret de 1978 sur les sociétés civiles, soit dans la partie réglementaire du Code de commerce sur les sociétés. La jurisprudence décide en 2005 que la nullité de la délibération sociale n’était encourue que si la violation de la disposition réglementaire cause un grief à quelqu’un (Chambre mixte, 16 décembre 2005, Lustig c./ Sté Champaubert). La Cour de cassation parle de nullité en cas de grief. Si la violation de la disposition réglementaire nuit à quelqu’un, la nullité est encourue. Si la violation de la disposition ne nuit pas à quelqu’un, la nullité n’est pas encourue. En tout état de cause, il y aura une sanction qui ne résidera pas dans la nullité.

​           ​           ​           ​           ​           ii. La violation d’une disposition statutaire

Il arrive que les statuts prévoient leurs propres règles relatives aux délibérations sociales. D’une part, les règles statutaires qui viennent organiser ou aménager des règles légales impératives. D’autre part, les règles créées ex nihilo qui viennent organiser les délibérations sociales. En l’occurrence, la jurisprudence réserve un sort différent à la violation de l’une ou de l’autre règle. Si la règle statutaire violée par l’assemblée générale n’est que l’aménagement d’une règle légale impérative, la violation statuaire est sanctionnée par la nullité puisque la violation de la règle impérative elle-même emporte nullité. À l’inverse, si la règle statutaire violée par l’assemblée générale est une règle créée ex nihilo, la sanction ne peut résider dans la nullité de la délibération sociale.

Lorsque la nullité d’une délibération sociale est effectivement encourue, elle obéit au droit commun et se distingue de la nullité du contrat de société. Concrètement, les titulaires de l’action et l’éventuelle confirmation dépendent du point de savoir si la nullité est relative ou absolue. Contrairement à la nullité des sociétés, la nullité des délibérations sociales produit un effet rétroactif. Cependant, le délai de prescription de l’action en nullité d’une délibération sociale suit le régime prévu en droit des sociétés qui est de 3 ans contrairement au droit commun qui est de 5 ans.

​           §2. Les prérogatives pécuniaires de l’associé

Les prérogatives pécuniaires vont permettre à l’associé de participer aux résultats d’exploitation de la société. À ce titre, il pourra bénéficier des enrichissements réalisés par la société grâce à son activité. Ces enrichissements sont retrouvés dans le bilan de la société dans les capitaux propres (passif). Plus les capitaux propres augmentent, plus la société vaut cher. Les associés bénéficient immédiatement de cette richesse car plus la société vaut cher, plus les titres de la société valent cher. Inversement, plus les capitaux propres augmentent, plus les associés bénéficient d’une plus-value sur leurs titres. Cette plus value est latente en ce sens que tant que l’associé ne revend pas ses droits sociaux, il n’encaisse pas le profit. Si par la suite, la société réalise des pertes, cette plus-value latente qui a pu exister pourrait finir par disparaitre. Les associés peuvent donc avoir intérêt à liquider ces richesses de la société pour s’en emparer immédiatement. Mais, si l’on retire les richesses de la société pour les attribuer aux associés, on va mécaniquement appauvrir la société et donc réduire la valeur des droits sociaux.

Une société a un capital de 100 000€ qui correspond à 10 000 actions que se répartissent les actionnaires (1 action = 10€). La société réalise un bénéfice de 200 000€ qui viennent s’ajouter au montant du capital social (1 action = 30€). Si l’associé ne vend pas ses titres, il ne se passe rien, et si la société fait des pertes le cours de l’action va dégringoler. Pour cela, on va sortir les 200 000€ sousforme de dividendes.

 

La société étant un contrat aléatoire, il faudrait en théorie attendre la fin du contrat de société pour savoir si la société a fait des bénéfices ou des pertes. Mais comme la durée de vie de la société est prorogeable, attendre la fin reviendrait à dissuader les investisseurs.

​           ​           A. Les droits pécuniaires en cours de vie sociale

 

D’un côté, les richesses accumulées par la société peuvent être distribuées aux associés mais, d’un autre côté, ces mêmes richesses peuvent également être capitalisées par la société.

​           ​           ​           1) La distribution de richesses

Lorsque la société distribue ses richesses à ses associés, elle le fait sous la forme de dividendes. Cela relève de la compétence de la collectivité des associés, et plus précisément de l’assemblée générale. La Cour de cassation considère que le droit au dividende n’existe qu’avec la décision de l’assemblée générale, ce dont il résulte que même si la société a réalisé des bénéfices, l’associé n’est pas créancier de la société en l’absence de décision de distribution. Sans cette décision, l’associé n’a qu’un droit futur et éventuel et non un droit actuel et certain de percevoir des dividendes.

Lorsqu’un associé cède ses titres à une personne, la question qui se pose est celle de savoir qui, du cédant ou du cessionnaire, a droit aux dividendes. À partir du moment où le droit au dividende prend naissance avec la décision de distribution prise par l’assemblée générale, c’est celui qui a la qualité d’associé à cette date qui a le droit de recevoir le dividende.

​           ​           ​           ​           a) La nature juridique du dividende

Quelle est la nature juridique du dividende ? Intuitivement, le dividende ressemble à un fruit et plus précisément à un fruit civil car il s’agit d’un revenu financier tiré de l’exploitation d’un bien. Mais à l’analyse, on se rend compte que le dividende n’est pas exactement un fruit ni toujours un fruit.

Le fruit civil présente la particularité de se percevoir prorata temporis, au jour le jour. Or, le dividende se perçoit en une seule fois au moment où l’assemblée générale décide la mise en distribution. Ainsi, le dividende ressemble plus à des fruits naturels ou industriels mais ne peut pas se confondre avec ces fruits qui sont produits par l’effet de la nature (spontanément ou avec intervention de l’homme). Par conséquent, les dividendes ne correspondent à aucune catégorie de fruits connus par le Code civil. La Cour de cassation considère alors que les dividendes participent de la nature des fruits. Concrètement, les dividendes sont, certes, des fruits mais des fruits sui generis.

Dans certains cas, les dividendes vont s’apparenter, non pas à des fruits, mais à produits. Il va être prélevé sur un poste comptable des capitaux propres, et suivant le poste, il ne va pas recevoir la même qualification. S’il est prélevé sur le résultat d’exercice, le dividende est un fruit. S’il est prélevé sur un poste de réserve, le dividende est un produit.

​           ​           ​           ​           b) La quotité distribuable de dividendes

Quelle quotité de dividendes doit être versée à chacun des associés ? En principe, la part de chaque associé dans les dividendes est égale à la part qu’il détient dans le capital social et en présence d’un apporteur en industrie, il a le droit à une part égale à la plus faible des parts de ceux qui ont apporté en capital. Cette répartition n’est pas d’ordre public, ce dont il résulte qu’elle peut être aménagée par les statuts d’une société. Par exemple, il est possible de trouver une clause de traitement inégal qui consiste à donner à un associé plus de dividendes que sa part dans le capital et pour les associés, moins de dividendes que leurs parts dans le capital. On peut aussi trouver des dividendes majorés (on rajoute une fraction de dividende au dividende normal) ou des dividendes minorés (part normale à laquelle on va retrancher une partie).

Cette liberté statutaire trouve une limite qui réside dans la prohibition des clauses léonines. L’art.1844-1 c.civ prévoit qu’une clause est léonine dans 4 hypothèses. Une clause est léonine lorsqu’elle prévoit que tout le bénéfice reviendra à un seul associé, que l’un des associés n’aura pas droit au bénéfice, qu’un associé ne contribuera pas aux pertes, ou qu’un associé contribuera seul aux pertes de la société.

Le critère essentiel pour savoir si une clause est léonine est la portée de la clause au regard du caractère aléatoire du contrat de société. Lorsque la clause a pour effet d’alléger ou d’alourdir l’aléa pour un ou plusieurs associés, elle est forcément une clause léonine. Par exemple, une clause d’intérêt fixe qui prévoit la rémunération annuelle d’un associé, quels que soient les résultats de la société. La clause léonine ne figure pas forcément dans les statuts. En effet, une clause peut être qualifiée de léonine dans des actes extrastatutaires, y compris dans des actes auxquels tous les associés ne sont pas parties. La seule hypothèse dans laquelle il ne peut pas y avoir de clause léonine est lorsque le contrat est conclu non pas entre deux ou plusieurs associés, mais entre un associé et un tiers car le tiers ne peut pas contrevenir au caractère aléatoire du contrat dès lors qu’il n’est pas partie au contrat de société.

En présence d’une clause léonine, la sanction n’est pas la nullité de tout le contrat mais uniquement la nullité de la clause léonine. Ainsi, lorsque la clause léonine est contenue dans les statuts de la société, le fait d’annuler la clause n’emportera pas disparition du contrat de société. Il s’agit d’une nullité partielle. Si une clause est annulée, il y a répartition proportionnelle du capital social.

Il existe des règles spécifiques aux sociétés commerciales qui ne se retrouvent pas dans les sociétés civiles. En effet, il ne peut y avoir de décision de distribution de dividendes que si l’assemblée générale constate l’existence d’un bénéfice distribuable (ce qu’il reste après comblement des pertes antérieures, et après la constitution de la réserve légale). À défaut de cela, on serait en présence d’un bénéfice fictif qui constitue un délit pénal puni par 5 ans d’emprisonnement et 375 000€ d’amende. Pour l’associé qui touche le dividende, il peut être tenu de le restituer à la société, à condition qu’il ait été de mauvaise foi en sachant que le dividende était fictif.

La société dispose d’un délai de 9 mois pour verser le bénéfice distribuable à l’associé, soit en versant du numéraire, soit en lui transférant la propriété d’un bien (si l’associé l’accepte), soit en lui conférant de nouvelles actions de la société (gratuites) et dans ce cas, la distribution du dividende du nombre d’actions va se doubler d’une augmentation du capital de la société.

​           ​           ​           2) La capitalisation des richesses

La richesse de la société figure dans ses capitaux propres. On peut choisir de capitaliser les richesses de la société, en faisant remonter les capitaux propres vers le capital social. Cette opération a vocation à profiter à tous les associés proportionnellement aux droits qu’ils détiennent dans la société. La capitalisation des richesses peut consister, d’une part, à créer de nouveaux titres en conservant le même nominal que les anciens ou, d’autre part, à ne pas créer de nouveaux titres mais à augmenter le nominal des titres anciens. Quelle que soit la méthode retenue, l’augmentation de capital profite à tous les associés.

Par exemple, la société a un capital de 100 000€ divisé en 1000 actions (1 action = 100€) L’associé A est titulaire de 500 actions correspondant à 50% du capital ; l’associé B est titulaire de 300 actions correspondant à 30% du capital ; l’associé C est titulaire de 200 actions correspondant à 20% du capital. La société a réalisé un bénéfice de 60 000€ (1 action = 160€) et les associés vont porter ce bénéfice dans le capital social. Le bénéfice est égal à 0€ mais le capital social est égal à 160 000€.

Il y a alors deux options. Dans la première option, les associés conservent le même nominal que les anciens titres et vont pouvoir créer 600 actions nouvelles (1000 anciennes). Ces 600 actions vont être attribuées aux associés en proportion des droits qu’ils détiennent dans la société. L’associé A a 300 actions, l’associé B dispose de 180 actions et l’associé C de120 actions. Dans la seconde option, l’on modifie le nominal des titres sans créer des titres nouveaux, ce qui donne toujours 1000 actions avec un montant nominal de 160€.

​           ​           B. Les droits pécuniaires à la liquidation de la société

Lorsqu’on liquide une société, il est procédé par étapes. D’abord, la réalisation de l’actif qui consiste à dresser l’inventaire des actifs de la société et évaluer ces actifs pour les vendre pour dégager des liquidités. Ensuite, le paiement du passif externe. Enfin, la restitution ou le remboursement des apports réalisés par les associés.

À l’issue de ces trois étapes, l’actif restant (s’il y en a) prend le nom de boni de liquidation. Ce boni de liquidation a lui aussi vocation à être reversé aux associés. La répartition du boni de liquidation s’opère en principe en fonction de la participation au capital social, mais les statuts peuvent prévoir une répartition différente de ce boni, pourvu néanmoins que cette répartition ne soit pas léonine.

SOUS-LEÇON II : LA QUALITÉ D’ASSOCIÉ

 

A priori, doit disposer de la qualité d’associé celui qui a eu la volonté d’entrer dans la société. Il importe peu qu’il y soit rentré à la constitution ou en cours de vie sociale, qu’il y soit rentré par la souscription de titres de la société ou par l’acquisition de titres auprès d’une autre personne. On retient la  volonté. 

Ce critère de la volonté fonctionne relativement bien lorsqu’on est en présence d’une personne seule qui a la pleine propriété des titres sociaux. En revanche, ce critère se complexifie considérablement dès lors que l’on est en présence d’une concurrence de droits sur les titres sociaux qui appartiennent à des personnes différentes. La deuxième difficulté est de savoir comment se perd la qualité d’associé.

SECTION I : L’acquisition de la qualité d’associé

 

Quelles personnes disposent effectivement de la qualité d’associé ? Il y a trois hypothèses où plusieurs personnes sont titulaires de droits sur les mêmes titres de la société que sont l’indivision de droits sociaux, l’usufruit de droits sociaux et les droits sociaux appartenant à un couple marié. 

​           §1. L’indivision de droits sociaux

 

L’indivision est la situation dans laquelle plusieurs personnes sont titulaires de droits de même nature sur une même chose. Cette indivision peut naitre d’un acte juridique (volonté) ou d’un fait juridique (décès). Elle peut s’appliquer sur tous types de biens, donc aussi sur des droits sociaux, qu’il s’agisse de parts sociales ou d’actions.

Lorsque les droits sociaux sont en indivision, la Cour de cassation considère par principe que chacun des indivisaires dispose de la qualité d’associé. La raison en est que tous les indivisaires sont exposés à l’aléa social. En effet, si la société s’enrichit, ils pourront tous s’enrichir tandis que si elle s’appauvrit, tous les indivisaires s’appauvrissent. À ce titre, ils méritent tous la qualité d’associé.

Cette solution de principe souffre un tempérament, en particulier dans les indivisions successorales. En effet, il peut arriver que la loi ou les statuts soumettent à l’agrément des associés, l’entrée des héritiers dans la société. Ainsi, tant que les héritiers n’ont pas été agréés, ils n’ont pas la qualité d’associé. Les droits sociaux sont dans l’indivision mais uniquement pour leur valeur. Une fois que cet agrément est donné, les indivisaires acquièrent la qualité d’associé seulement pour l’avenir. Autrement dit,  l’agrément n’a pas d’effet rétroactif. 

Mais, il peut arriver que l’agrément ne soit que partiel, c’est-à-dire que certains héritiers vont être agréés tandis que d’autres ne le seront pas. Dans ce cas, seuls les héritiers agrées bénéficient de la qualité  d’associé, ce dont il résulte qu’au moment du partage de l’indivision, les droits sociaux indivis devront leur être attribués de façon préférentielle.

L’indivision de droits sociaux suppose de savoir comment elle fonctionne du point de vue de la société. Comment s’exercent les prérogatives d’associés lorsque les droits sociaux sont indivis ? Sur ce point, il existe un grand principe du droit des sociétés anonymes qui réside dans l’indivisibilité des droits sociaux indivis vis-à-vis de la société. Cette règle conduit à traiter les droits sociaux indivis comme un tout appartenant à une seule et même personne. Les deux principales manifestations de cette règle sont, d’une part, l’exercice du droit de vote et, d’autre part, l’exercice des prérogatives requérant une détention minimum du capital social. 

​           ​           A. L’exercice du droit de vote

 

Puisque les droits sociaux sont indivisibles, chacun des indivisaires ne peut pas exprimer son propre vote. Les indivisaires doivent nommer parmi eux ou en dehors d’eux, un mandataire commun qui exercera le droit de vote pour la totalité des titres indivis. A contrario, chaque indivisaire ne vote pas à concurrence des droits qu’il tient dans l’indivision. En premier lieu, le mandataire commun doit toujours être désigné à l’unanimité. Par exception, il n’est pas fait application de la règle de majorité des 2/3 en matière d’indivision concernant les actes d’administration. En cas de blocage, le mandataire commun doit être désigné en justice, le juge étant saisi par le plus diligent des indivisaires. En second lieu, la règle relative à l’exercice du droit de vote ne constitue pas une règle d’ordre public, ce dont il résulte que les statuts peuvent prévoir qu’en cas d’indivision des titres de la société, chacun des indivisaires pourra voter à proportion des droits qu’il détient dans l’indivision.

​           ​           B. L’exercice des prérogatives requérant une détention minimum du capital social

 

Pour demander la nomination d’un expert de gestion, il faut détenir 10% du capital dans une SARL ou 5% du capital dans une société par actions. Dans l’indivision de droits sociaux, on se demande si chaque indivisaire peut être regardé comme ayant la totalité des droits sociaux indivis ou s’il doit être regardé comme n’ayant que la quote-part qui lui appartient dans les droits indivis. Sur ce point, la Cour de cassation a considéré que puisque les droits sociaux sont indivisibles à l’égard de la société, chacun des indivisaires est regardé comme étant à la tête de la totalité des droits sociaux indivis. Par conséquent, si la quantité de droits sociaux indivis est suffisante pour atteindre le minimum requis, un indivisaire seul pourra exercer la prérogative.

Par ailleurs, en ce qui concerne les droits sociaux indivis, il faut faire une observation sur les prérogatives financières qui ont toutes, lorsqu’elles sont exercées, vocation à accroitre la masse indivise. 

Par exemple, si la société verse un dividende, il tombera dans l’indivision. Si elle verse des parts gratuites, elles vont tomber dans l’indivision. Si la société verse un dividende sous forme d’immeuble, l’immeuble tombe dans l’indivision. L’indivision a vocation à profiter des enrichissements de la société.

Il faut rappeler qu’en droit de l’indivision, chacun des indivisaires peut demander sa part annuelle dans les bénéfices de l’indivision, ce qui veut dire que si la société verse un dividende qui accroit la masse indivise, chacun des indivisaires peut demander sa part dans ce dividende. On en tiendra compte au partage global.

​           §2. L’usufruit de droits sociaux

La question est aujourd’hui brûlante et beaucoup d’arrêts ont été rendus. Le problème est que les droits qui vont s’exercer sur les droits sociaux sont des droits de nature différente. D’un côté, l’un (nu propriétaire) va exercer un droit de propriété et, d’un autre côté, l’autre (usufruitier) va exercer un droit d’usufruit. En matière d’usufruit, qui du nu-propriétaire ou de l’usufruitier a la qualité d’associé ? On ne peut apporter véritablement de réponse.

​           ​           A. La qualité d’associé entre le nu-propriétaire et l’usufruitier

 

D’un strict point de vue théorique, il y a trois modèles qui permettent de déterminer la qualité d’associé. D’abord, seul le nu-propriétaire est associé. Ensuite, seul l’usufruitier est associé. Enfin, la qualité d’associé se répartit entre le nu-propriétaire et l’usufruitier qui auraient chacun cette qualité ou du moins un morceau. Entre ces modèles, les textes du Code civil n’apportent pas de réponse certaine. Deux enseignements peuvent être tirés. 

En premier lieu, selon l’art.1844-5 c.civ, le nu-propriétaire a incontestablement la qualité d’associé. En effet, l’article prévoit que « lorsque l’usufruit de tous les titres de la société appartient à une même personne, la société ne peut pas être dissoute pour cause d’unicité d’associé ». Il en résulte que le ou les nus-propriétaires ont forcément la qualité d’associé. Mais on ne sait pas s’il l’a ou s’il la partage. 

En second lieu, l’art. 1844 c.civ prévoit que l’usufruitier bénéficie d’un certain nombre de prérogatives essentielles de l’associé. L’usufruitier a ainsi un droit de vote dans la société et depuis la loi Soilihi de 2019, il a également le droit de participer à toutes les décisions collectives. Par ailleurs, au regard de l’art. 578 c.civ définissant l’usufruit, l’usufruitier a également le droit aux dividendes versés par la société. L’usufruitier a toutes les apparences d’un véritable associé. Les textes ne disent rien d’autre. En effet, le législateur n’a pas eu le courage de dire si l’usufruitier est un associé ou non. En résumé, le Code civil nous dit que, d’un côté, le nu-propriétaire a la qualité d’associé et d’un autre côté, que  l’usufruitier a des prérogatives essentielles de l’associé mais on ne sait pas entre les deux. 

Pendant très longtemps, la Cour de cassation a en quelque sorte esquivé le problème. Elle a refusé de  44

dire clairement si l’usufruitier a ou non la qualité d’associé. On ne le savait que plus ou moins par interprétation des arrêts. Au demeurant, la jurisprudence était incohérente parce que de certaines décisions, on pouvait croire que l’usufruitier était associé, ou non suivant d’autres décisions. Puisque le législateur n’a pas pris ses responsabilités en 2019, la 3e chambre civile de la Cour de cassation en 2021 a été saisie d’un problème d’usufruit de droits sociaux et a sollicité un avis de la chambre commerciale.

Com., avis, 1er décembre 2021 (confirmé par un arrêt du 16 février 2022) : saisie de la question, la chambre commerciale a énoncé deux propositions. D’une part, elle considère que l’usufruitier n’étant pas le propriétaire des titres, mais ayant simplement un droit de jouissance sur la chose d’autrui, n’a pas la qualité d’associé. M. Christophe Juillet pense que la qualité d’associé se répartit entre l’usufruitier et le nu-propriétaire du fait de l’article 621 c.civ. Pour lui, en cas de cession simultanée du droit d’usufruit et du droit de nue-propriété à une même personne, le prix a vocation à se répartir proportionnellement entre le nu-propriétaire et l’usufruitier (chacun à concurrence de la valeur de son droit). Si on applique ce mécanisme sur la cession de droits sociaux, si la société a fait des pertes, le prix obtenu est un prix faible en ce sens que tant le nu-propriétaire que l’usufruitier vont souffrir de la situation. Par conséquent, l’usufruitier est exposé à l’aléa social comme n’importe quel associé (critère de l’exposition à l’aléa social).

D’autre part, la chambre commerciale considère que ce même usufruitier a le droit d’exercer toutes les prérogatives qui sont susceptibles d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance.  L’usufruitier est donc un non-associé qui a des prérogatives d’associé.

​           ​           B. Les prérogatives de l’usufruitier expressément prévues par la loi

 

L’usufruitier va pouvoir exercer les prérogatives qui lui sont expressément reconnues par le législateur. Il s’agit du droit de participer aux décisions collectives (se rendre aux AG, y poser des questions...), le droit de vote et le droit aux dividendes.  

​           ​           ​           1) Le droit de participer aux décisions collectives

Le droit de participer aux décisions collectives a été reconnu à l’usufruitier par la loi Soilihi de 2019 car la Cour de cassation avait auparavant considéré qu’une assemblée générale ne peut pas être annulée, au motif que l’usufruitier n’a pas été convoqué. Concrètement, l’usufruitier n’avait pas un droit à participer aux décisions collectives.

​           ​           ​           2) Le droit de vote

Concernant le droit de vote, l’art.1844 c.civ opère une répartition du droit de vote entre le nu propriétaire et l’usufruitier. Ce dernier a le droit de vote pour les décisions relatives à l’affectation du résultat social. En revanche, pour toutes les autres décisions, le droit de vote appartient au nu propriétaire. Mais, cette répartition souffre deux séries d’exceptions. En premier lieu, il existe une  exception légale s’agissant des sociétés anonymes. Lorsque l’usufruit de droits sociaux porte sur des actions de SA, la répartition du droit de vote est différente. Dans les SA, l’usufruitier a le droit de vote dans les  assemblées générales ordinaires, le nu-propriétaire a le droit de vote dans les assemblées générales extraordinaires.

En second lieu, il existe une exception conventionnelle car la répartition de l’art. 1844 c.civ n’est pas totalement d’ordre public, ce dont il résulte que les statuts de la société peuvent répartir le droit de vote de façon différente. D’un côté, le droit de l’usufruitier de voter l’affectation du résultat social a été considéré par la jurisprudence comme étant d’ordre public. Dès lors, il n’est pas possible de conférer ce droit de vote au nu-propriétaire. D’un autre côté, la Cour de cassation a admis que les statuts de la société confèrent à l’usufruitier tout le droit de vote qui doit normalement revenir au nu-propriétaire. Il est possible donc de se retrouver avec une société où l’usufruitier exerce la totalité du droit de vote, ce qui pose trois difficultés. 

D’abord, le nu-propriétaire est un associé contrairement à l’usufruitier. Par voie de conséquence, la clause conférant tout le droit de vote à l’usufruitier revient à priver un associé de son droit de vote, ce qui contrevient à la jurisprudence qui résulte de l’arrêt Château d’Yquem. Ensuite, on imagine mal que l’usufruitier puisse voter des décisions qui augmentent les engagements des associés. Il ressort de l’art.1836  c.civ que les engagements des associés ne peuvent être augmentés que de leurs consentements unanimes. Peut-on imaginer que l’usufruitier non-associé vote une augmentation des engagements s’appliquant au nu-propriétaire ? Enfin, l’usufruitier a le devoir de respecter la substance de la chose.  Peut-il voter des décisions portant atteinte à la substance des droits sociaux ? Par exemple, le vote de la dissolution anticipée de la société.

​           ​           ​           3) Le droit aux dividendes

Pour le droit aux dividendes, en matière d’usufruit, l’usufruitier a le droit aux fruits de la chose tandis que les produits doivent revenir au nu-propriétaire. En cette matière, la Cour de cassation a créé la dualité de nature du dividende entre les fruits et les produits. Elle a décidé que si le dividende est prélevé sur le résultat courant, il doit revenir à l’usufruitier en pleine propriété. À l’opposé, si le dividende est  prélevé sur un poste de réserve, il doit revenir au nu-propriétaire. 

La difficulté est que lorsque le dividende est prélevé sur ce poste de réserve et qu’il doit donc revenir au nu-propriétaire, les chambres de la Cour de cassation ne sont pas d’accord sur le moment auquel le dividende revient au nu-propriétaire. D’un côté, la 1e chambre civile a considéré que le dividende prélevé sur les réserves doit être versé directement entre les mains du nu-propriétaire. C’est immédiatement que le nu-propriétaire touche son dividende, sauf convention contraire. À l’opposé, la chambre commerciale a décidé que le dividende prélevé sur les réserves doit être versé entre les mains de l’usufruitier pour qu’il puisse exercer un quasi-usufruit (choses consomptibles à charge de les rendre). Le nu-propriétaire touche le dividende mais ne le perçoit qu’à l’expiration du droit d’usufruit. En réalité, derrière se trouve un enjeu fiscal et la chambre commerciale s’est montrée clémente envers le contribuable. En effet, lorsque l’usufruitier parent du nu-propriétaire exerce un quasi-usufruit sur une somme d’argent, la dette de restitution à l’expiration de l’usufruit (décès de l’usufruitier) grève sa succession et limite donc les droits de succession qui pourraient être payés par l’usufruitier.

Avant l’avis, on voulait savoir si l’usufruitier était associé pour savoir s’il pouvait exercer des prérogatives. Aujourd’hui, on sait qu’il ne l’est pas mais toujours pas quelles sont les prérogatives qu’il peut exercer.

​           ​           C. Les prérogatives de l’usufruitier non prévues par la loi

Il existe des prérogatives non prévues par la législation telles la demande d’inscription à l’ordre du jour ou la nomination d’un mandataire ad hoc. Selon la Cour de cassation, les autres prérogatives d’associé ne peuvent être exercées par l’usufruitier qu’à la condition qu’elles puissent exercer une influence directe sur le droit de jouissance de l’usufruitier. Aujourd’hui, la seule chose est que si l’influence doit être directe, cela veut dire que l’usufruitier ne peut pas exercer les prérogatives qui n’exerceraient aucune influence sur son droit de jouissance ou seulement indirecte. Il est impossible de savoir précisément quelles sont ces prérogatives.

​           §3. Les droits sociaux appartenant à un couple marié 

Il faut opérer une distinction entre les couples mariés sous un régime séparatiste et les couples mariés sous un régime communautaire. S’agissant des couples mariés sous un régime séparatiste, chaque époux est propriétaire de ses propres biens et il n’existe pas de biens communs. Dans le meilleur des cas, il peut exister entre les époux des biens indivis, auquel cas on applique le régime de l’indivision. Ainsi, si les droits sociaux appartiennent privativement à l’un des époux, seul cet époux a la qualité d’associé, ce dont il résulte que seul cet époux peut exercer les prérogatives attachées à cette qualité. 

S’agissant des couples mariés sous un régime communautaire, chacun des époux est à la tête de ses biens propres, mais entre les deux, il y a des biens communs. Ainsi, les droits sociaux peuvent être soit dans le patrimoine propre d’un époux, soit dans le patrimoine commun. Lorsque les droits sociaux sont dans le patrimoine propre d’un époux, il est le seul propriétaire des titres. Il a seul la qualité d’associé et peut par suite exercer seul les prérogatives qui y ont attachées. Cependant, il faut faire attention à une règle selon laquelle, dans le régime de la communauté, les revenus tirés des biens propres tombent dans la communauté. Par voie de conséquence, les dividendes versés par la société, même si les titres sont propres, ne vont pas tomber dans le patrimoine propre mais commun. 

Lorsque les droits sociaux sont dans le patrimoine commun (communauté) des époux, la qualité d’associé peut appartenir à l’un des époux ou aux deux. Quand elle appartient à un seul, lui seul peut exercer les prérogatives. Toutefois, tous les droits financiers tirés de la société vont mécaniquement tomber dans la communauté et profiter aux deux époux. La qualité d’associé peut aussi appartenir aux deux époux. Par exemple, les époux apportent ensemble un bien commun à la société. Il faut faire attention car chacun peut exercer les prérogatives d’associé mais pas de concert avec son conjoint, plutôt de façon individuelle. En particulier, en ce qui concerne le droit de vote, chacun des époux, pour la part qui lui revient, peut voter dans le sens de son choix.

SECTION II : La perte de la qualité d’associé

De façon générale, la qualité d’associé peut se perdre par la transmission à une autre personne ou par son extinction pure et simple. 

​           §1. La perte de la qualité d’associé par transmission

Les droits sociaux constituent fondamentalement des biens et, à ce titre, sont soumis au principe de libre disposition (sous réserve des agréments). Ils peuvent être transmis à titre onéreux ou gratuit, entre vifs ou à cause de mort, à titre particulier (isolé) ou à titre universel ou de façon universelle. En cas de transmission de droits sociaux, la qualité d’associé va passer de la tête de l’auteur sur la tête de l’ayant cause. Elle ne s’éteint pas mais change de tête. Mais, la libre disposition de droits sociaux souffre de deux types de restrictions. En premier lieu, une restriction volontaire peut procéder d’une clause statutaire ou d’un contrat conclu entre les associés. En l’occurrence, cette restriction est la clause d’inaliénabilité. En matière de SAS, les actions peuvent être rendues inaliénables par la volonté des parties, pendant une durée maximale de 10 ans. Dans toutes les autres sociétés, il peut être fait application du droit commun des clauses d’inaliénabilité en vertu duquel la clause doit être justifiée par un intérêt légitime et limitée dans le temps (art. 900-1 c.civ). En second lieu, des restrictions légales s’appliquent dans des sociétés dans lesquelles un associé n’a pas le droit de céder ses titres mais est obligé légalement de les conserver. D’une part, dans les SNC, lorsque le candidat cessionnaire n’est pas agréé par les autres associés, la cession ne peut pas avoir lieu. Par voie de conséquence, le cédant est tenu de conserver ses titres et ne peut pas sortir de la société. D’autre part, dans les SARL, le cessionnaire n’est pas agréé mais aussi à la condition que le  cédant détienne ses parts sociales depuis moins de deux ans.

​           §2. La perte de la qualité d’associé par extinction 

La perte de la qualité d’associé par extinction est l’hypothèse où une personne qui est associée cesse 48

de l’être sans qu’aucune autre ne vienne la remplacer. Pour que ce cas se rencontre, il faut nécessairement que la société elle-même acquiert les titres de son associé. En principe, une société n’a pas le droit de détenir ses propres titres. Elle ne peut pas être son propre associé. Si d’aventure elle le devient, il y a deux possibilités. D’une part, elle rétrocède les titres à une tierce personne, auquel cas la qualité d’associé va se transmettre. D’autre part, elle annule les titres qu’elle a reçus et réduit par conséquent le montant de son capital social. Puisque les titres sont annulés et qu’on procède à la réduction du capital, la qualité d’associé attachée à ces titres va mécaniquement disparaitre. Une telle situation peut se rencontrer en cas de défaut d’agrément, de retrait et d’exclusion. 

​           ​           A. Le défaut d’agrément

En dehors de la SNC et de la SARL, lorsque la société refuse d’agréer le cessionnaire, elle est  tenue de formuler au cédant une offre de rachat par les autres associés, un tiers qu’ils ont choisi ou par la société elle-même. Dans ce dernier cas, la qualité d’associé va s’éteindre lorsque la société va annuler les titres rachetés et réduire le montant de son capital.

​           ​           B. Le retrait

Le retrait est l’opération par laquelle un associé est autorisé, en cours de vie sociale, à sortir de la société en se faisant racheter ses titres par la société. C’est une sorte de faculté de résiliation puisque, du jour au lendemain, un associé demande à rompre son engagement dans la société. Cela explique que cette  faculté de retrait n’est admise que sur le fondement d’un texte spécial et seulement dans certaines sociétés (sociétés civiles, SEL). Dans les autres cas où le retrait n’est pas autorisé, il est possible de  parvenir au même résultat par une autre opération de réduction de capital non-motivée par des pertes et  réservée à un seul associé. Dans ce cas, il faut respecter toute la procédure des réductions de capital.

Ce retrait présente une nature juridique incertaine. En effet, on pourrait penser qu’il s’agit d’une  cession de droits sociaux. L’associé retrayant cède ses titres à la société pour qu’elle les annule. Mais, fiscalement, le retrait n'est pas traité comme une cession. On aurait aussi pu penser qu’il constitue une sorte de partage partiel anticipé. En effet, l’associé en se retirant demande sa part dans la société comme si elle était partagée de façon anticipée. Mais cela ne fonctionne pas car ni civilement, ni fiscalement, l’opération de retrait n’est traitée comme un partage, du moins partiel. C’est fondamentalement un 

mécanisme autonome, sui generis. Le retrait ne peut pas être imposé par l’associé ni à la société, ni aux autres associés. Il doit être demandé par l’associé et autorisé par la collectivité des associés. Le cas échéant, dans les sociétés civiles, si la collectivité des associés refuse le retrait, l’associé peut encore en faire la demande en justice pour juste motif. Une fois que la décision de retrait est prise par la collectivité des associés ou par la voie judiciaire, l’associé a droit, de la part de la société, au remboursement de ses droits sociaux. 

La Cour de cassation considère que la valorisation des droits sociaux doit se faire à une date la plus proche possible du jour où intervient ce remboursement. Le problème est qu’entre la date de décision de  49

retrait et de remboursement effectif de l’associé, peut s’écouler un laps de temps excessivement long. Pour protéger l’associé retrayant, la Cour de cassation a considéré qu’il ne perd sa qualité d’associé qu’au jour où il est effectivement remboursé par la société. Autrement dit, ce n’est pas la décision de retrait qui fait perdre la qualité d’associé mais le paiement des titres. La conséquence est qu’entre la date de la décision de retrait et la date de remboursement, puisque le retrayant a toujours la qualité d’associé, il peut toujours exercer des prérogatives d’associé. En particulier, si dans ce laps de temps est votée une distribution de dividendes, l’associé retrayant a droit à sa part. La Cour de cassation dit même qu’il peut demander la dissolution de la société si ce paiement n’a pas lieu.

​           ​           C. L’exclusion

Depuis quelques années, la Cour de cassation a consacré le droit pour chacun des associés de conserver cette qualité. Par principe, il n’est pas possible de forcer un associé à perdre sa qualité. Il en résulte, d’une part, que le juge ne peut pas régler une mésentente entre associés en décidant d’exclure l’un d’entre eux, et, d’autre part, que la collectivité des associés ne peut pas ex nihilo décider d’exclure l’un des leurs. Néanmoins, ce droit pour l’associé de conserver sa qualité n’est pas un droit absolu. Il est possible de prévoir dans les statuts de la société une clause d’exclusion. Lorsque l’exclusion de l’associé est décidée sur le fondement d’une telle clause, elle devient possible. Dans ce cas, il est possible de forcer un associé à céder ses titres de société de sorte que la société annulera le titre et réduira le montant de son capital social. 

Ces clauses sont prévues par le législateur dans certaines formes de société notamment dans les SAS. En effet, le législateur autorise les statuts à stipuler des clauses d’exclusion. Ces clauses peuvent être stipulées dans n’importe quelle société. Même si le législateur ne la prévoit pas pour telle ou telle société, la  clause est néanmoins valable. Dans toutes les sociétés, il peut y avoir des clauses d’exclusion. Cela étant, la validité de la clause d’exclusion est subordonnée à certaines conditions. En premier lieu, la clause doit  viser les motifs qui peuvent justifier l’exclusion d’un associé. En deuxième lieu, la clause doit décrire la procédure d’exclusion qui doit respecter obligatoirement le principe du contradictoire. Autrement dit, le candidat à l’exclusion doit toujours être en mesure de faire valoir ses propres observations. En troisième lieu, la clause d’exclusion doit identifier l’organe compétent pour prononcer l’exclusion. L’organe compétent n’est pas nécessairement la collectivité des associés. Par exemple, la Cour de cassation a reconnu valable une clause d’exclusion qui conférait le pouvoir d’exclure, non pas à la collectivité des associés, mais aux dirigeants de la société. 

Toutefois, l’exclusion va avoir pour effet de forcer l’un des associés à se dépouiller de la propriété de ses titres. L’exclusion renferme une forme d’atteinte au droit de propriété et s’analyse en une  expropriation. C’est la raison pour laquelle les clauses d’exclusion doivent être normalement adoptées et modifiées, le cas échéant, à l’unanimité des associés. Si l’associé a consenti à la clause, l’atteinte à son droit de propriété est justifiée par le respect de sa volonté. En doctrine, on considère que l’adoption ou la modification des clauses en cours de vie sociale constitue une augmentation des engagements de l’associé qui doit se faire à l’unanimité des associés. 

Cependant, la loi Soilihi a modifié les arts. L.227-16 et L.227-19 c.com relatifs aux clauses d’exclusion dans les sociétés par actions simplifiée. Jusqu’à cette loi, les clauses d’exclusion ne pouvaient être adoptées ou modifiées qu’à l’unanimité des associés. Désormais, l’adoption ou la modification de la clause peut avoir lieu à la majorité. Il en résulte qu’un associé de SAS peut être exclu sur le fondement d’une clause à laquelle il n’a pas consentie. 

Ces dispositions légales ont fait l’objet d’une QPC transmise par la Cour de cassation au Conseil constitutionnel qui a contrôlé leur conformité au bloc de constitutionnalité. Saisie de la QPC, le CC a considéré que les nouveaux textes sur l’exclusion dans les SAS sont conformes au bloc de constitutionnalité et ne portent pas atteinte au droit à la propriété. D’une part, désormais dans les SAS, les clauses d’exclusion ne reposent plus sur le principe d’unanimité. D’autre part, potentiellement, dans les autres formes de sociétés (SNC, SARL), il est possible d’avoir des clauses non adoptées à l’unanimité mais à la majorité. En dehors de ces textes, le principe d’unanimité continue de s’appliquer.

LEÇON VIII : LES DIRIGEANTS SOCIAUX

Dès lors que la société est immatriculée au RCS, elle est dotée de la personnalité juridique. Par voie de conséquence, elle dispose de la capacité de jouissance qui lui permet d’accomplir des actes juridiques en son nom et pour son compte. La société, même immatriculée, reste une personne morale qui en soi n’a pas de volonté propre. Elle ne peut exprimer elle-même sa volonté. C’est la raison pour laquelle, ce sont d’autres personnes qui exprimeront la volonté de la société et la feront fonctionner tant dans l’ordre interne à l’égard des associés que dans l’ordre externe vis-à-vis des tiers. Ce sont les dirigeants sociaux.

Les dirigeants sociaux répondent obligatoirement à une qualification légale variable en fonction de la forme de la société. Dans les SC, les SNC, les SCS et les SARL, le dirigeant de la société a le titre de gérant. Dans la SAS, le dirigeant a le titre de président et il est possible d’adjoindre à ce président d’autres dirigeants que sont les directeurs généraux ou les directeurs généraux délégués. On étudiera les SA qui présentent la particularité d’avoir une pluralité de dirigeants. 

La SA peut présenter deux formes différentes. D’une part, la forme classique et d’autre part, la forme nouvelle. Dans les SA à forme classique, les dirigeants sont d’un côté le CA composé de plusieurs administrateurs et qui est dirigé par un président. D’un autre côté, on a un directeur général auquel peuvent être adjoints des directeurs généraux délégués. Pendant très longtemps, les fonctions de président de conseil d’administration et de directeur général devaient être exercées par la même personne appelée le président-directeur général, en abrégé PDG. Mais depuis 2003, les fonctions de président de conseil d’administration et de directeur général peuvent être exercées par des personnes différentes. La forme moderne de la SA est issue d’un texte de 1966. Dans ce modèle, la société est gouvernée par deux organes collégiaux. D’une part, le directoire composé de directeurs (membres du directoire) et, d’autre part, le conseil de surveillance. 

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La SCA est dirigée d’un côté par le gérant et, de l’autre, un conseil de surveillance. Pour la totalité des dirigeants, ils sont investis d’un pouvoir légal. En effet, même s’ils sont nommés par un organe interne à la société, les dirigeants tirent leur pouvoir de la loi elle-même. L’organe qui nomme le dirigeant n’a  pas la possibilité de définir l’étendue des pouvoirs des dirigeants. A contrario, ce pouvoir de représenter la société est un pouvoir que la loi n’attribue qu’aux personnes qui sont effectivement investies du titre de dirigeant, lequel varie en fonction de la société. Le seul moyen de savoir avec certitude si une personne a la qualité de dirigeant de société est de demander au RCS de délivrer un extrait K-bis. Sur cet extrait sont mentionnés les dirigeants de la société. 

Mais il peut arriver que des personnes se comportent factuellement comme les dirigeants sans en avoir le titre. De telles personnes sont susceptibles d’être qualifiées de dirigeants de fait. Or, ce qui caractérise le dirigeant de fait est qu’il sera soumis à toutes les contraintes liées à la qualité de dirigeant sans pouvoir bénéficier des avantages qui en découleraient. Généralement, on va aller le rechercher lorsqu’une société fait l’objet d’une procédure collective. L’associé majoritaire, le conjoint du dirigeant ou un  établissement de crédit peuvent être qualifiés de dirigeants de fait. 

SECTION I : La détermination de la qualité de dirigeant

​           §1. L’acquisition de la qualité de dirigeant 

​           ​           A. Les conditions d’acquisition de la qualité de dirigeant

​           ​           ​           1) Organe unique ou organe collégial

Les dirigeants constituent-ils un organe unique ou un organe collégial ? Certains dirigeants sont des  personnes seules (gérant) tandis que d’autres sont collégiaux. Le conseil d’administration, le directoire et le conseil de surveillance sont des organes collégiaux. Certaines conditions ne sont applicables qu’au sein des organes collégiaux. Cela étant, ce n’est pas parce que les fonctions de dirigeant sont en principe incarnées par une personne seule qu’elles ne peuvent pas être incarnées par plusieurs personnes. Ainsi, la gérance de la SC, de la SNC, de la SCS, de la SARL et de la SCA peut être exercée par plusieurs gérants simultanément. Dans ce cas de figure, vis-à-vis des tiers, chacun des gérants est regardé comme investi de la totalité des pouvoirs. Toutefois, certaines fonctions ne peuvent être exercées que par une seule personne telle le président de SAS, de SA ou du directeur général de SA.

​           ​           ​           2) Personne physique ou personne morale

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Le dirigeant de la société peut-elle être indistinctement une personne physique ou une personne morale ? En effet, le dirigeant de la société peut aussi bien être une personne physique qu’une personne morale. Lorsqu’il s’agit d’une personne morale, ce sont les dirigeants qui vont exercer les fonctions de direction de la personne morale dirigée. Lorsque les personnes morales sont nommées dirigeantes d’un organe collégial, elles doivent désigner en leur sein un représentant permanent qui exercera les fonctions du dirigeant. Le but est d’assurer une continuité de la direction. Ce représentant n’est pas un dirigeant mais il est soumis à toutes les obligations du dirigeant. Par exception, le dirigeant de certaines sociétés est obligatoirement une personne physique. Doivent obligatoirement être une personne physique le gérant de la SARL, le président et le directeur général de la SA ainsi que les membres du directoire de la SA. 

​           ​           ​           3) La nécessité de la qualité de dirigeant

Les rapports entre associés et dirigeant sont ambigus. En principe, le dirigeant de la société n’a pas besoin d’être un associé de cette société. Dans certaines sociétés, des associés ne peuvent pas être dirigeants. Ainsi, dans les sociétés en commandite, les associés commanditaires ne peuvent pas être gérants de la société. À l’inverse, dans les commandites par actions, il faut au moins 3 associés commanditaires dans le  conseil de surveillance. En pratique, il est très fréquent, pour les petites structures, que le dirigeant de la société soit l’associé majoritaire. Dans certaines sociétés, le législateur prévoit qu’en principe, sauf prévision statutaire, tous les associés de la société ont la qualité de dirigeant notamment dans les SNC. 

​           ​           ​           4) La capacité d’exercice du dirigeant

Les dirigeants sociaux sont fondamentalement des mandataires nommés pour représenter la personne morale. Or, en droit commun du mandat, rien n’interdit que le mandant désigne une personne incapable comme un mandataire. Il est possible d’imaginer la nomination, comme dirigeant, de personnes privées de tout ou partie de leur capacité d’exercice. En pratique, il est évident que l’on ne nommera pas une telle personne. Mais le dirigeant peut être frappé en cours de vie sociale d’une mesure d’incapacité. La Cour de cassation considère que la mesure d’incapacité qui s’applique au dirigeant personne physique ne constitue pas un obstacle à la poursuite de ses fonctions de direction. 

Ce principe souffre d’un double infléchissement qui ne concerne que l’hypothèse où le dirigeant est  placé dans un régime de tutelle. Dans les SARL, la mise sous tutelle est un juste motif de révocation du dirigeant. Dans ce cas, un associé peut provoquer une décision collective à l’effet de révoquer le dirigeant et de nommer son remplaçant. A contrario, si le dirigeant n’est pas révoqué, sa mise sous tutelle ne constitue pas un obstacle à l’exercice de ses fonctions. En matière de SA, quelle que soit sa qualité, la mise sous tutelle du dirigeant personne physique va avoir pour effet de le réputer démissionnaire d’office. Autrement dit, la tutelle emporte cessation de plein droit des fonctions de direction. Toutes les rémunérations perçues par le dirigeant postérieurement à la cessation de ses fonctions sont sujettes à répétition. En revanche, toutes les décisions prises sont maintenues au nom de la sécurité juridique. 

​           ​           ​           5) La capacité commerciale

 

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Faut-il avoir la capacité commerciale pour diriger une société ? La question ne se pose que pour les  fonctions de dirigeant dans les sociétés commerciales. La capacité commerciale n’est pas une condition  requise pour acquérir la qualité de dirigeant de sorte qu’une personne sans capacité commerciale peut diriger une société commerciale. Deux tempéraments doivent être apportés à ce principe. D’une part, dans une SNC, tous les associés sont gérants de la société sauf prévision statutaire. Or, les associés de SNC sont commerçants de plein droit et doivent avoir la capacité commerciale. D’autre part, certaines causes d’incapacité commerciale sont susceptibles de rejaillir sur les fonctions de direction d’une société commerciale. En effet, de même qu’elles privent une personne de la capacité commerciale, l’incompatibilité (protection d’une personne contre le commerce) et l’interdiction (protection du commerce contre une personne peu recommandable) empêchent de devenir dirigeant d’une société commerciale. 

​           ​           ​           6) Le sexe du dirigeant

La question se pose pour les organes collégiaux. Pendant très longtemps, les sièges de ces organes étaient essentiellement sinon exclusivement occupés par des hommes. C’est la raison pour laquelle il existe des règles visant à assurer un minimum de parité entre les deux sexes. Si la société est de petite taille, le législateur émet une simple recommandation dont le non-respect n’emporte aucune sanction. Mais dans les sociétés plus grandes, la parité minimale est une obligation. Si l’obligation n’est pas respectée, la  nomination sera purement et simplement annulée. 

​           ​           ​           7) L’âge du dirigeant

Le dirigeant d’une société est un mandataire, ce dont il résulte qu’il n’a pas le statut de salarié. Par conséquent, les limites d’âge pour les salariés ne s’appliquent pas au dirigeant social. Néanmoins, le législateur a estimé que la gérontocratie pouvait avoir des effets néfastes sur le fonctionnement de la société. Pour cela, dans les organes collégiaux, le législateur a prévu des limites d’âge dans les SA et les SCA. Ces  limites d’âge ne sont pas impératives, ce dont il résulte que les statuts peuvent y déroger. À défaut de prévision statutaire, les limites légales s’appliquent. La nomination d’un dirigeant qui a déjà atteint la limite d’âge encourt la nullité. Si tous les dirigeants ont été nommés dans la limite d’âge mais passent la barrière au cours de l’exercice de leurs fonctions, ceux qui ont dépassé l’âge après leur nomination seront réputés démissionnaires et devront rendre les rémunérations perçues au-delà de la limite. En revanche, les actes qu’ils auront passés sont maintenus au nom de la sécurité juridique. 

​           ​           ​           8) Le cumul des fonctions de direction dans des sociétés différentes

En principe, une même personne peut diriger une pluralité de sociétés. Néanmoins, dans les grandes sociétés (SA et SCA), le législateur a prévu des règles de cumul de mandats sociaux qui interdisent d’exercer plus d’un certain nombre de mandats. 

​           ​           ​           9) L’articulation entre la qualité de dirigeant de la société et la qualité

Le dirigeant de la société est un mandataire social, ce qui exclut la qualification de salarié. En tant que tel, le dirigeant n’a pas la qualité de salarié. Néanmoins, le dirigeant de la société peut-il cumuler ses  fonctions de direction avec un contrat de travail ? 

En principe, un dirigeant, à certaines conditions, peut également être salarié de la société. Pour ce faire, trois conditions doivent être réunies. D’abord, il faut que les fonctions de salariés correspondent à un  travail effectif. Ensuite, il faut que ce travail soit distinct des fonctions de direction. Par exemple, je dirige la société mais je suis le comptable. Pour prouver la distinction des tâches, le meilleur moyen est de prouver l’existence de deux rémunérations différentes. Enfin, il faut que le dirigeant, en sa qualité de salarié, soit en état de subordination vis-à-vis de la société. Or, c’est le dirigeant qui embauche les salariés dans une société. Il est inconcevable que le dirigeant se licencie lui-même. Cet état de subordination peut néanmoins exister mais dépend du point de savoir si le dirigeant, en sa qualité de salarié, est amovible ou  inamovible. S’il ne peut pas être révoqué de sa fonction, il ne peut y avoir de subordination. S’il peut être facilement révoqué, le lien de subordination est caractérisé par le fait que son remplaçant pourra le licencier en cas de révocation. Si le dirigeant est associé majoritaire, il est difficilement amovible et il ne peut y avoir de rapport de subordination. Si le dirigeant est associé minoritaire ou non actionnaire, le rapport de subordination est caractérisé. Dans les SCA, il existe des règles permettant de cumuler les fonctions de dirigeant et celles de salarié. 

​           ​           B. Les modalités d’acquisition de la qualité de dirigeant social 1) La titularité du pouvoir de nommer le dirigeant

Le pouvoir de nomination appartient en principe à la collectivité des associés à l’unanimité. Dans certaines sociétés, si ce pouvoir n’est pas exercé, il sera fait de plein droit par les associés. Il existe des exceptions légales et conventionnelles à ce principe. Pour certains dirigeants, la loi confère le pouvoir de nomination à un autre organe que la collectivité des associés. Il en va ainsi en matière de SA puisque dans la forme classique, si les associés nomment les administrateurs, il appartient ensuite au CA de nommer le président et le directeur général. De même, dans les SCA, ce sont les associés qui nomment les membres du conseil de surveillance, lequel nommera ensuite les gérants. Par ailleurs, lorsque la loi le permet, les statuts peuvent conférer le pouvoir de nomination à un autre organe que la collectivité des associés. Le  pouvoir de nomination est impératif dans les SARL mais peut être aménagé par les statuts dans les SAS. 

​           ​           ​           2) La source du pouvoir de nomination

Lorsque le pouvoir de nommer appartient à la collectivité des associés, ce pouvoir peut s’exprimer dans deux sources distinctes. Les associés peuvent nommer le dirigeant soit directement dans les statuts de la société, soit par un acte extrastatutaire. Si le dirigeant est nommé par les statuts de la société, son inamovibilité se trouve renforcée. En effet, sa révocation constitue une modification des statuts qui relève de la compétence l’assemblée générale extraordinaire avec des règles de majorité plus élevées que dans les assemblées générales ordinaires. À l’opposé, une nomination extrastatutaire simplifiera la révocation 55

puisqu’elle pourra se faire à la majorité.

​           ​           ​           3) Les mesures de publicité

Le dirigeant social est investi de façon quasi monopolistique d’un pouvoir légal. Dès lors, les tiers sont particulièrement intéressés de savoir qui est le dirigeant de la société lorsqu’ils souhaitent contracter. La nomination des dirigeants intéresse aussi bien les associés que les tiers à la société. Ainsi, elle doit faire l’objet de plusieurs mesures de publicité. En premier lieu, la nomination d’un dirigeant doit être publiée dans un JAL et au BODACC. En second lieu, la nomination d’un dirigeant doit être publiée au RCS de sorte que le K-bis comportera désormais le nom du nouveau dirigeant social. 

L’opposabilité aux tiers de la nomination d’un dirigeant social est subordonnée aux mesures de publicité. D’une part, tant que la nomination n’a pas été publiée, elle est inopposable aux tiers. En revanche, une fois la nomination publiée, elle devient pleinement opposable aux tiers. Dès lors, en l’absence de mesures de publicité, les tiers sont fondés à croire que le dirigeant n’est pas un dirigeant de la société. Cette inopposabilité, en l’absence de mesure de publicité, est subordonnée à la bonne foi du tiers. En effet, s’il est prouvé que le tiers a une connaissance personnelle de la nomination du dirigeant, elle lui devient opposable alors même qu’elle n’a pas encore été publiée. 

Une fois la nomination publiée, elle est de plein droit purgée de tous ses vices. Il en résulte que si, par extraordinaire, il y avait une cause de nullité dans la nomination, elle disparait avec la publicité. En effet, le dirigeant va accomplir des actes juridiques à l’égard des tiers. L’annulation de la nomination devrait par contagion frapper de nullité les actes conclus par le dirigeant au nom et pour le compte de la société. 

​           §2. La perte de la qualité de dirigeant 

 

​           ​           A. Les causes

Les causes sont les évènements qui peuvent mettre fin aux fonctions d’un dirigeant social. Elles sont au nombre de six, à savoir le décès du dirigeant, l’expiration de la durée de nomination du dirigeant, la  démission, la révocation, la révocation judiciaire et la dissolution de la société. 

​           ​           ​           1) Le décès du dirigeant

En cas de décès, le dirigeant perd sa qualité de dirigeant. Dans les SAS, il est possible prévoir dans les statuts une présidence héréditaire. Le décès ne concerne que les personnes physiques et la dissolution ne concerne que les personnes morales. Il ne faut pas confondre le décès du dirigeant avec des causes d’empêchement. Par exemple, le placement du dirigeant dans le coma n’est pas en soi une cause de cessation de ses fonctions. 

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​           ​           ​           2) L’expiration de la durée de nomination du dirigeant

 

Toute nomination d’un dirigeant est forcément à durée déterminée. La seule question qui se pose est de savoir la source de la durée. En premier lieu, la durée peut être prévue par la loi. En effet, le législateur prévoit que certaines fonctions de mandataire social sont exercées pour une certaine durée, spécialement dans les organes collégiaux des SA et des SCA. En second lieu, sauf disposition législative contraire, les statuts peuvent prévoir la durée des fonctions de dirigeant. En troisième lieu, l’acte de nomination des dirigeants peut prévoir la durée de la fonction. En quatrième lieu, en l’absence de prévision légale, statutaire ni de mention dans l’acte de nomination, le dirigeant est présumé avoir été nommé pour la durée de vie de la société. À l’expiration de la société, les fonctions du dirigeant cessent de plein droit. 

​           ​           ​           3) La démission

Deux types de démission sont possibles. En premier lieu, la démission qui repose sur la volonté du dirigeant lui-même, auquel cas elle prend la forme d’un acte juridique unilatéral par lequel le dirigeant décide de mettre fin prématurément à ses fonctions. Cette volonté doit être expresse et non équivoque. En second lieu, la démission peut avoir lieu d’office. Dans ce cas, la cessation des fonctions intervient sur 

ordre de la loi et non plus sur la base de la volonté du dirigeant. En présence d’un démissionnaire d’office, s’il a continué de percevoir des rémunérations, il devra les rembourser mais les actes qu’il a conclus sont maintenus au nom de la sécurité juridique. 

​           ​           ​           4) La révocation

​           ​           ​           ​           a) Les modalités de la révocation

En principe, le pouvoir de révoquer des dirigeants appartient à l’organe qui a eu le pouvoir de le nommer. Le plus souvent, le pouvoir de révoquer appartient à la collectivité des associés. Mais lorsque les dirigeants sont nommés par un autre organe, c’est celui-ci qui sera investi du pouvoir de les révoquer.  C’est une sorte de parallélisme des formes. Néanmoins, en matière de SNC, il faut distinguer plusieurs hypothèses. De la qualité et de la façon dont a été nommé le dirigeant dépend la façon dont il pourra être révoqué. Si les gérants sont des associés et nommés par les statuts, ils ne peuvent être révoqués qu’à  l’unanimité des associés. Cette règle est impérative. Si les gérants de la SNC sont associés et nommés par un acte extrastatutaire, ils sont révocables à l’unanimité de la collectivité des associés. L’unanimité n’est que supplétive car les statuts peuvent la remplacer par une règle de majorité. Si les gérants ne sont pas des associés, ils sont révocables à la majorité absolue mais les statuts peuvent prévoir une majorité plus forte pouvant aller jusqu’à l’unanimité.

​           ​           ​           ​           b) Les motifs de la révocation 

En droit commun du mandat, il est une règle essentielle selon laquelle le mandataire est librement  57

révocable par le mandant. Cependant, en présence d’un mandat salarié en vertu duquel le mandataire n’agit pas bénévolement mais de façon intéressée, il ne peut être révoqué que pour un juste motif à défaut duquel le mandant engage sa responsabilité vis-à-vis du mandataire. 

Il existe deux modes de révocation. En premier lieu, la révocation pour juste motif est la révocation de principe qui n’ouvre droit au versement d’aucune indemnité. Le dirigeant social ne peut en principe pas être révoqué sans juste motif. Le juste motif peut résider dans un empêchement ou une faute. Néanmoins, le dirigeant reste librement révocable, même en l’absence de juste motif. L’absence de juste motif ne fait pas obstacle à la révocation mais conduit à l’indemnisation du dirigeant révoqué. 

En second lieu, la révocation ad nutum est une révocation sans préavis et sans indemnité. Le simple fait de perdre la confiance en le dirigeant permet de le révoquer. Le cas échéant, les statuts peuvent prévoir une indemnisation ou un délai de préavis. 

​           ​           ​           5) La révocation judiciaire

La révocation judiciaire est la révocation d’un dirigeant prononcée par le juge. Elle est prévue dans les SARL et les SC. En effet, dans ces sociétés, si le dirigeant est l’associé majoritaire, il devient inamovible au sein de la société. C’est la raison pour laquelle le législateur a prévu la révocation judiciaire. Elle n’est possible que s’il existe un motif légitime. Il ne faut pas confondre le juste motif et le motif légitime. Dans le cadre de la révocation judiciaire, le juge ne peut décider la révocation en l’absence de motif légitime. Ce motif légitime peut se rapporter à la direction de la société (faute) ou encore à la situation personnelle du dirigeant (placement sous tutelle). Néanmoins, la jurisprudence reconnait la révocation judiciaire dans le cas de la SNC. 

​           ​           ​           6) La dissolution de la société

Lorsque la société est dissoute, elle est vouée à disparaitre. Au moment de la disparition s’ouvre une  phase de liquidation, qui si elle n’est pas clôturée, la société continue d’exister. Il n’en demeure pas moins que dès la date de la dissolution, les dirigeants sociaux perdent leurs fonctions. La dissolution emporte de plein droit cessation des fonctions des dirigeants. Il faut alors nommer un liquidateur qui peut être le dirigeant qui exercera alors une autre fonction que la direction. 

​           ​           B. Les conséquences de la cessation des fonctions de dirigeant

De façon générale, la cessation des fonctions emporte trois conséquences. D’abord, la perte du pouvoir légal du dirigeant, ensuite, la possible indemnisation du dirigeant révoqué et enfin le  remplacement du dirigeant révoqué. 

​           ​           ​           1) La perte du pouvoir légal du dirigeant

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À compter du jour où cessent ses fonctions de direction, le dirigeant perd son pouvoir légal. Cette perte est immédiate dans l’ordre interne de la société. En revanche, à l’égard des tiers à la société, il est  nécessaire que la perte de pouvoir leur soit rendue opposable. C’est la raison pour laquelle, comme pour la nomination, la cessation doit faire l’objet d’une triple publicité au JAL, au BODACC et au RCS. Tant que la cessation de la fonction n’a pas été publiée, elle est inopposable au tiers. Mais l’inopposabilité de la cessation des fonctions non publiée peut être couverte par la mauvaise foi du tiers. Si le tiers a une connaissance personnelle de la cessation des fonctions, elle lui devient opposable quand bien même cette cessation des fonctions n’a pas encore été publiée. 

​           ​           ​           2) L’indemnisation du dirigeant

Il faut distinguer deux types d’indemnités que le dirigeant est susceptible d’obtenir en cas de révocation. Ce sont, d’un côté, l’indemnité fondée sur le principe de révocation et d’un autre côté, l’indemnité fondée sur les circonstances de la révocation. 

​           ​           ​           ​           a) L’indemnité fondée sur le principe de révocation

En principe, l’indemnité fondée sur le principe de la révocation dépend de la nature de la révocation. Si la révocation est pour juste motif, l’indemnité est due dès lorsqu’il n’y a pas de juste motif. En revanche, s’il y a un juste motif, l’indemnité n’est pas due. Si la révocation est ad nutum, il n’y a  aucune indemnité. Ces solutions de principe peuvent être aménagées conventionnellement soit par les  statuts de la société, soit par l’acte de nomination. Ces conventions peuvent fixer le montant de l’indemnité et prévoir le versement d’indemnité dans des cas où il ne devrait pas y en avoir. Par exemple, la révocation pour juste motif. Ces clauses sont en principe valables. 

Néanmoins, la Cour de cassation considère que la clause d’indemnisation ne doit pas par son objet ou par son effet constituer une entrave au droit de révoquer les dirigeants. Lorsqu’une indemnité est due au dirigeant sur ordre de la loi ou par convention, il revient à la société d’indemniser son ex-dirigeant. Or, il se peut que la société ne soit pas capable de verser une indemnité au risque de disparaître. Dans ce cas, la clause peut constituer une entrave à la révocation puisque la société hésitera à révoquer le dirigeant compte tenu du montant de l’indemnité. 

​           ​           ​           ​           b) L’indemnité fondée sur les circonstances de la révocation

En matière de révocation, en particulier pour la révocation ad nutum, la Cour de cassation a considéré que si la révocation est, en principe, libre, les circonstances de la révocation peuvent être fautives, auquel cas elles ouvrent droit à une indemnisation du dirigeant. Cette indemnité repose sur des fautes extracontractuelles, ce dont il résulte que la responsabilité qui en découle est extracontractuelle et d’ordre public. Elle est insusceptible d’être aménagée. 

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​           ​           ​           3) Le remplacement du dirigeant évincé

 

Lorsqu’un dirigeant cesse ses fonctions, il doit en principe être remplacé par un autre dirigeant sauf si la cessation repose sur la dissolution de la société. Cependant, souvent, le pouvoir de nomination appartient à la collectivité des associés. Or, la collectivité ne peut s’exprimer que pour autant qu’elle a été convoquée par le dirigeant. Dans ce cas, il y a deux issues possibles. En premier lieu, un associé a le pouvoir de provoquer lui-même la décision collective (cas dans les SARL). En second lieu, lorsque le législateur n’a rien prévu, l’associé, le plus diligent, peut demander la nomination en justice d’un mandataire ad hoc qui prononce lui-même la décision. En pratique, dans toutes les sociétés où il existe des gérants sans organes collectifs, pour éviter des situations de blocage, il est recommandé de nommer des cogérants pour qu’en cas d’empêchement de l’un, l’autre puisse continuer à agir. 

SECTION II : La portée de la qualité de dirigeant

 

​           §1. Le statut civil du dirigeant

Les dirigeants de société sont parfois qualifiés de mandataires sociaux. À ce titre leur situation juridique, au regard du droit civil, s’apparente à celle d’un mandataire.

​           ​           A. Les pouvoirs des dirigeants

​           ​           ​           1) Les modalités d’exercice du pouvoir

​           ​           ​           ​           a) La classification des dirigeants

Les dirigeants de société peuvent être regroupés en deux grandes catégories. D’un côté, les dirigeants opérationnels et, de l’autre, les dirigeants non opérationnels. Les dirigeants opérationnels sont des dirigeants dont les missions consistent à administrer la société de façon quotidienne. Il en va ainsi de tous les  gérants, du président de la SAS ou du directeur général de la SA. Les dirigeants non opérationnels 

exercent leurs fonctions de façon plus ponctuelle en définissant les grandes orientations sur la politique sociale ou en exerçant un contrôle sur les dirigeants opérationnels. Dans cette catégorie se trouvent les  administrateurs, les membres du conseil de surveillance d’une SA ou d’une SAS. 

La différence entre les dirigeants opérationnels et non opérationnels est absolument essentielle. En  60

effet, seuls les dirigeants opérationnels disposent du pouvoir de représenter la société à l’égard des tiers. Ils sont seuls à être véritablement des mandataires sociaux. 

En outre, la gouvernance de la société peut être organisée de deux façons différentes. Certains organes de direction sont des organes collégiaux, ce dont il résulte que les pouvoirs dévolus à ces organes  doivent nécessairement être exercés de façon collégiale. Ainsi, toutes les décisions arrêtées par cet organe doivent être précédées d’une discussion et la décision ainsi prise est la décision de l’organe collégial lui

même et non la somme des décisions des membres qui composent cet organe. 

À l’opposé, certains dirigeants sociaux exercent leur pouvoir de façon solitaire. Dans certains cas, le caractère solitaire du pouvoir est imposé par le législateur. Par exemple, dans une SAS, il ne peut exister qu’un seul président. Dans une SA, il ne peut exister qu’un seul directeur général. Certes, ces personnes peuvent être épaulées par des directeurs généraux délégués, lesquels doivent cependant lui être  hiérarchiquement inférieurs. 

La gérance est un mode de gouvernance en principe solitaire mais pas obligatoirement. Il est en effet possible de nommer plusieurs cogérants. Chacun des cogérants est regardé comme investi de la totalité du pouvoir légal. Il ne s’agit pas d’un fractionnement mais d’une démultiplication du pouvoir.

​           ​           ​           ​           b) L’étendue des pouvoirs des dirigeants 

L’étendue des pouvoirs des dirigeants opérationnels se déploie aussi bien dans l’ordre interne qu’externe à la société. Dans l’ordre interne, les dirigeants de société ont le pouvoir d’arrêter les grandes décisions relatives au fonctionnement quotidien de la société. Par exemple, la politique commerciale, financière, environnementale de la société. Ce sont également les dirigeants qui ont le pouvoir d’organiser les décisions collectives des associés. Dans l’ordre externe, ils ont le pouvoir de conclure tous les actes juridiques au nom et pour le compte de la société. En matière de représentation de la société à l’égard des tiers, les dirigeants disposent d’un monopole. Il en résulte que nul, autre que les dirigeants sociaux, ne peut accomplir de tels actes. Ainsi, le dirigeant a seul le pouvoir pour conclure des contrats avec les établissements de crédit, les fournisseurs, les clients, les salariés, les bailleurs, etc. A contrario, un associé, même ultra majoritaire, dépourvu de la qualité de dirigeant, ne peut pas agir au nom de la société. 

Mais le dirigeant opérationnel ne peut pas être partout à la fois. Parfois, il peut et doit être assisté par les autres dirigeants de la société qui se trouvent dans une position subalterne. Il peut s’agir de personnes qui n’ont pas la qualité de dirigeant de la société. En effet, le dirigeant peut déléguer une fraction de son pouvoir à une autre personne qui peut être un simple salarié de la société. 

​           ​           ​           ​           c) La délégation 

En matière de délégation, il faut distinguer la délégation de pouvoir et la délégation de signature.  61

La délégation de pouvoir consiste pour le dirigeant de la société à conférer à une autre personne une partie du pouvoir en agissant en représentation de la société. C’est comme si c’était la société elle-même qui conférait le pouvoir au délégataire. Le délégataire tient son pouvoir non pas du dirigeant mais de la société. Au contraire, dans une délégation de signature, le dirigeant confère en son propre nom son pouvoir au délégataire. Le délégataire tient son pouvoir directement du dirigeant. Cela a une incidence en cas de cessation de la fonction de dirigeant. 

En cas de délégation de pouvoir, la cessation des fonctions du dirigeant délégant ne remet pas en cause les pouvoirs du délégataire. Le dirigeant passe mais le lien est maintenu. En cas de délégation de signature, la cessation des fonctions du dirigeant délégant emporte caducité de la délégation de signature.  En tout état de cause, la délégation est toujours temporaire et surtout révocable. À tout moment, le délégant peut toujours mettre fin à une telle délégation. 

​           ​           ​           2) Les limites au pouvoir

​           ​           ​           ​           a) La loi et les règlements d’ordre public

Un dirigeant, même investi d’un pouvoir légal, ne peut, dans l’exercice de ses fonctions,  méconnaitre les lois et les règlements. À ce titre, il incombe au dirigeant de procéder au nom et pour le compte de la société à toutes les déclarations sociales et fiscales. Il lui appartient également de souscrire les assurances obligatoires. De plus, et surtout, le dirigeant doit s’abstenir de tout acte qui viendrait empiéter sur les pouvoirs légalement dévolus à un autre organe de la société. Ainsi, il ne peut pas se substituer à un commissaire aux comptes ou encore à la collectivité des associés pour toutes les décisions qui relèvent de sa compétence. Il existe des cas où le dirigeant peut modifier les statuts mais cela est prévu par la loi.

​           ​           ​           ​           b) La clause relative à l’objet social

Les sociétés sont régies par le principe de spécialité, ce dont il résulte qu’elles ne peuvent accomplir que ce pour quoi elles ont été créées. Or, l’étendue de la capacité de la société est déterminée par l’objet social. Il en résulte que les dirigeants sociaux doivent obligatoirement respecter les limites de l’objet social. Mais il arrive que certains actes du dirigeant dépassent l’objet social. Dans ce cas, en principe, le dirigeant doit s’abstenir de passer l’acte et doit en demander l’autorisation à la collectivité des associés qui peut faire trois choses. 

D’abord, la collectivité des associés peut refuser. Ensuite, elle peut modifier les statuts afin d’étendre l’objet social de sorte qu’il absorbe l’acte que le dirigeant peut passer. La procédure peut se révéler assez lourde. Par conséquent, l’assemblée générale peut autoriser le dirigeant à passer ponctuellement l’acte qui dépasse l’objet social. Enfin, si le dirigeant passe un acte en méconnaissance de l’objet social, il encourt des sanctions selon que l’on se trouve dans l’ordre interne ou externe à la société. 

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Dans l’ordre interne, le dirigeant qui a outrepassé l’objet social est regardé comme fautif. Cette faute peut engager la responsabilité civile du dirigeant ou conduire à sa révocation. Dans l’ordre externe, il faut distinguer selon qu’il s’agit d’une société à risque limité ou à risque illimité. La société à risque illimité est dangereuse pour les associés car toutes les dettes qui pèsent sur la société sont susceptibles d’être recouvrées sur le patrimoine personnel des associés. Dès lors, l’acte qui dépasse l’objet social n’engage pas la société. Dans les sociétés à risque limité, les associés sont protégés en tout état de cause. En aucun cas, le créancier de la société ne peut poursuivre personnellement les associés en cas de défaillance de la société. Ici, le législateur a préféré protéger la sécurité juridique. Ainsi, même si l’acte dépasse l’objet social, la société est liée par cet acte. 

La seule limite dans cette règle réside dans la mauvaise foi du tiers. Lorsque le tiers savait que l’acte excédait les limites de l’objet social, il ne mérite plus protection de sorte que l’acte n’engage pas la société. En matière de sociétés, les statuts font l’objet d’une publication au RCS. L’objet social est une donnée publique de sorte que les tiers peuvent savoir si l’acte respecte ou dépasse l’objet social. Cette publication devrait avoir pour conséquence de rendre de mauvaise foi tous les tiers. C’est la raison pour laquelle la mauvaise foi du tiers ne peut jamais résulter de la seule publication des statuts.

​           ​           ​           ​           c) Les clauses limitatives de pouvoir 

Les clauses limitatives de pouvoir sont des clauses contenues dans les statuts et qui ont pour objet d’entraver le pouvoir légal du dirigeant. Par exemple, la clause par laquelle, pour les actes les plus graves, le dirigeant ne pourra les passer qu’avec l’accord préalable de la collectivité des associés (vente d’un immeuble ou d’un fonds de commerce). Autre exemple, en cas de cogérance, les actes les plus graves doivent être passés par tous les deux. 

Quoique parfaitement valables, ces clauses ne doivent pas viser un nombre trop important d’actes. D’une part, cela entraverait l’activité du dirigeant. D’autre part, les associés pourraient être regardés comme des dirigeants de fait. En cas de violation de cette clause, la clause est, en tout état de cause, inopposable aux tiers. Il en résulte que l’acte conclu en méconnaissance de la clause est valable et engage la société. Les seules sanctions valables sont celles encourues dans l’ordre interne que sont la révocation ou la  responsabilité civile du dirigeant. 

​           ​           ​           ​           d) L’intérêt social

L’intérêt social constitue une notion relativement mal définie. C’est une forme de standard juridique qui permet d’apprécier au cas par cas si un acte du dirigeant va dans le sens des intérêts de la société ou à rebours des intérêts de la société. La seule chose que l’on sait est qu’elle ne se confond pas avec la somme des intérêts individuels des associés. La société a son propre intérêt. Les dirigeants doivent donc respecter ce standard juridique. 

Dans les textes, ce critère de l’intérêt social a uniquement vocation à intervenir dans l’ordre  63

interne de la société. Si l’acte du dirigeant ne respecte pas l’objet social, l’acte est valable dans l’ordre externe et engage la société. Dans l’ordre interne, le dirigeant encourt la révocation ou l’engagement de sa responsabilité civile. En matière de sûreté pour autrui, la Cour de cassation a décidé d’externaliser l’intérêt social pour en faire une condition de validité de l’acte sanctionnée par la nullité. En effet, lorsque la société consent une sûreté pour autrui, la validité de la sûreté est subordonnée au fait qu’elle soit conforme à l’intérêt social. À défaut, elle encourt la nullité. La solution est devenue incertaine depuis la loi PACTE du 22 mai 2019 qui a ajouté un nouvel alinéa à l’art. 1843 c.civ qui précise que « la société est gérée dans son intérêt social » mais la loi a également modifié l’art.1844-10 c.civ, lequel dispose désormais que  « la violation de l’art.1833 alinéa 2 n’est pas sanctionnée par la nullité ». Autrement dit, lorsque le dirigeant social passe un acte au mépris de l’intérêt social, cet acte ne peut pas être annulé. Il est pleinement valable. En matière de sûreté pour autrui, on ignore si la Cour de cassation va revirer sa jurisprudence. 

​           ​           ​           ​           e) Les enjeux sociaux et environnementaux

L’obligation pour les dirigeants de respecter les enjeux sociaux et environnementaux relève plus de l’affichage politique que de la technique juridique. Il peut arriver que l’acte d’un dirigeant social soit conforme à l’intérêt social mais soit contraire aux enjeux sociaux et environnementaux. La méconnaissance de ces enjeux sociaux et environnementaux ne peut être sanctionnée par la nullité de l’acte. Cette limite peut produire un effet dans l’ordre interne dans la société mais ne peut pas en produire dans l’ordre externe. 

​           ​           ​           ​           f) La raison d’être de la société

 

La raison d’être a été créée par la loi PACTE du 22 mai 2019 et figure à l’art.1835 c.civ. L’art.1835  c.civ énumère toutes les mentions obligatoires des statuts des sociétés. Désormais, ce texte prévoit une autre mention facultative qui réside dans la raison d’être. L’art.1835 c.civ dispose que « les statuts peuvent préciser une raison d’être constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité ». Concrètement, il s’agit pour une société de dire qu’elle va œuvrer pour la bonne cause. Or, cela existait avant la loi PACTE. En effet, la société n’est pas là pour suivre une raison philanthropique mais pour faire du profit. La raison d’être n’est qu’un argument purement commercial. Cette raison d’être doit orienter les actions des dirigeants de la société. 

Lorsque le dirigeant social ne respecte pas cette raison d’être, on ne connait pas la sanction.  L’art.1835 c.civ n’est pas visé par l’art.1844-10 c.civ. On se demande aussi si la violation de la raison d’être est susceptible de produire des effets dans l’ordre externe de la société. 

​           ​           ​           ​           g) Les conflits d’intérêts

 

Lorsque le dirigeant représente la société à l’égard des tiers, il peut être amené à conclure des contrats avec des proches de la société ou du dirigeant lui-même. Dans toutes ces situations, il existe un  risque de conflit d’intérêts, car il n’est pas certain que le dirigeant préserverait l’intérêt de la société. En raison du conflit d’intérêts, l’acte peut se révéler nuisible pour la société. Ce sont les conventions suspectes

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qui sont encadrées uniquement dans la société à risque limité. En effet, dans les sociétés à risque illimité, tous les tiers sont protégés par l’obligation indéfinie au passif social. Dans les sociétés à risque limité, la société risque de ne pas pouvoir payer ses créanciers. Dans ce cas, lorsque la convention est suspecte, elle peut obéir à trois régimes juridiques différents. D’abord, il existe des conventions interdites qui encourent la nullité absolue. C’est le cas où le dirigeant utilise le crédit de la société dans son propre intérêt. 

Ensuite, il existe des convention réglementées qui ne sont pas interdites mais sont soumises à une  procédure de contrôle au sein de la société. Suivant la forme de la société, cette procédure peut prendre deux formes différentes. Dans les SA, le contrôle s’opère a priori. En effet, la convention doit être  préalablement autorisée par un organe de la société pour pouvoir être conclu valablement. La convention conclue sans autorisation ou au mépris d’un refus d’autorisation encourt la nullité. Dans le contrôle a posteriori, il s’agit simplement de faire approuver la convention par un organe de la société. Si la convention est approuvée, elle est valable et n’engage pas la responsabilité de son auteur. Si la convention n’est pas approuvée, elle est valable mais son auteur est exposé à un risque de responsabilité civile vis-à-vis de la société. 

Enfin, il existe des conventions libres qui sont des conventions qui relèvent normalement du domaine des conventions réglementées mais qui échappent à la procédure de contrôle au motif qu’il s’agit d’un acte courant conclu à des conditions normales. 

​           ​           ​           ​           h) Les sûretés pour autrui

 

C’est l’hypothèse où le dirigeant fait souscrire par la société soit un sûreté personnelle (cautionnement, garantie autonome, lettre d’intention) ou une sûreté réelle pour autrui (gage, nantissement, fiducie). 

Lorsque la sûreté a été souscrite par une société à risque illimité, la Cour de cassation décide qu’elle  doit être conforme à l’intérêt social sinon le contrat doit être annulé. En outre, la sûreté doit rentrer dans les prévisions de l’objet social lorsque la société à risque illimité ne prévoit pas la constitution d’une sûreté pour autrui. Dans le silence de l’objet social, cette condition peut encore être remplie par le consentement unanime des associés. À défaut du consentement, la condition est remplie lorsqu’existe une communauté d’intérêts entre la société qui a souscrit la sûreté et la société débitrice principale. Néanmoins, depuis la loi PACTE du 22 mai 2019, la méconnaissance de l’intérêt social ne doit plus être sanctionnée par la nullité de l’acte. Désormais, seule la seconde condition doit être respectée. 

Lorsque la sûreté est souscrite par une société à risque limité, il faut distinguer selon la personne qui bénéficie de la sûreté. Lorsque le débiteur principal est proche de la société, on tombe dans le domaine des conventions interdites de sorte que la sûreté est atteinte de nullité absolue. En revanche, lorsque le débiteur principal n’est pas l’une des personnes visées par le législateur, la sûreté est en principe valable. Néanmoins, dans les SA, la sûreté pour autrui doit faire l’objet d’une autorisation préalable, soit 

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du CA ou du conseil de surveillance à défaut de laquelle, elle n’engage pas la société. Pour plus de souplesse, le CA et le conseil de surveillance peuvent donner au directeur général une enveloppe globale  pour les sûretés pour autrui et donner un plafond par engagement pour chacune des sûretés qui seront constituées. Dans un tel cas de figure, la société est tenue par toute sûreté constituée au profit d’un créancier de bonne foi. À chaque fois que le créancier était fondé à croire que la sûreté n’excédait pas l’enveloppe globale et le plafond, la société est engagée. 

​           ​           B. La responsabilité civile des dirigeants

Pour comprendre le régime de la responsabilité civile des dirigeants sociaux, il faut savoir qui souffre le préjudice. En effet, le dirigeant est susceptible de causer un préjudice à la société, à un tiers à la société, à un ou plusieurs associés. En fonction de la qualité de la victime, le régime de responsabilité ne serait pas le même. Il faut distinguer la responsabilité civile du dirigeant dans l’ordre interne et dans l’ordre externe. 

​           ​           ​           1) La responsabilité civile du dirigeant dans l’ordre interne

 

Dans l’ordre interne, le dirigeant engage sa responsabilité pour toutes les fautes. La faute peut résider dans la violation des lois et règlements, des statuts ou toutes les fautes de gestion. Le dirigeant est susceptible de causer un dommage soit à la société elle-même soit à l’associé. Lorsque le dirigeant cause un dommage à la société, ce dommage a nécessairement vocation à se répercuter sur les associés. En revanche, il peut arriver que les associés souffrent d’un préjudice qui n’est pas consécutif au préjudice de la société. Lorsque le préjudice causé par le dirigeant est spécifique à certains associés et qui ne découle pas d’un préjudice social, l’associé ou les associés victimes peuvent engager la responsabilité civile du dirigeant en leur propre nom et pour leur propre compte. Ils exercent alors l’action personnelle. 

Lorsque le dirigeant cause un dommage à la société qui se répercute ensuite sur les associés, les associés ne peuvent pas exercer l’action personnelle. Le législateur prévoit qu’il appartient à la société d’obtenir la réparation de son dommage pour que cesse ensuite le dommage des associés. Or, le dirigeant est la seule personne qui a le pouvoir d’agir en justice au nom et pour le compte de la société. On imagine mal un dirigeant agir contre lui-même en responsabilité. C’est la raison pour laquelle cette action en responsabilité se décline sous deux façons différentes. 

En premier lieu, cette action sociale peut être exercée ut universi lorsque les dirigeants de la société agissent en représentation de la société pour obtenir réparation auprès du dirigeant fautif. C’est l’hypothèse où un dirigeant est révoqué et son successeur agit contre lui ou un cogérant recherche la responsabilité de l’autre. Le dirigeant fautif n’est pas toujours révoqué et parfois il est seul. Dans ce cas,  l’action sociale ut universi ne pourra jamais être exercée. C’est la raison pour laquelle l’action sociale peut également être exercée ut singuli au nom et pour le compte de la société non pas par le dirigeant mais par un associé. L’associé qui n’a pas le pouvoir va agir exceptionnellement au nom et pour le compte de la société contre le dirigeant social. Pour exercer cette action sociale ut singuli, il faut et il suffit d’avoir la 66

qualité d’associé indépendamment de sa part dans le capital. Cette action sociale ut singuli est d’ordre public, ce dont il résulte que les statuts ne peuvent ni l’écarter ni l’aménager. C’est une action subsidiaire car elle ne peut être mise en œuvre qu’en cas d’impossibilité de l’action sociale ut universi. Traditionnellement, les dirigeants souscrivent une assurance professionnelle permettant de couvrir les condamnations qui seront prononcées à leur encontre. 

​           ​           ​           2) La responsabilité civile du dirigeant dans l’ordre externe

C’est l’hypothèse où le dirigeant, par sa faute, cause un dommage à un tiers à la société. Dans l’ordre externe, il existe une règle essentielle selon laquelle le dirigeant social bénéficie d’une immunité de responsabilité. En effet, lorsqu’il agit dans l’ordre externe, il agit au nom et pour le compte de la société. Par conséquent, toutes les fautes qu’il peut commettre ne sont pas regardées comme personnelles mais imputables à la société. Ainsi, le tiers victime n’a pas d’action en responsabilité contre le dirigeant lui même mais uniquement contre la société qui est regardée comme l’auteur du fait générateur de la responsabilité. 

Cette immunité de responsabilité est complètement paradoxale. En effet, si la faute du dirigeant commise dans l’ordre externe peut être regardée comme une faute dans l’ordre interne à la société, il en résulte que la société, après avoir indemnisé le tiers, peut se retourner contre le dirigeant dans l’ordre interne de sorte que le poids final de la dette n’incombe pas à la société mais au dirigeant. Vis-à-vis de la victime est seul tenu à réparation un débiteur qui n’est pas le débiteur final de la dette. Cette immunité va à contre-courant de la protection de la victime lorsque la société n’est pas solvable. 

Cependant, dans certains cas, le tiers victime du dommage pourra agir en réparation directement contre le dirigeant fautif. Il en va ainsi à chaque fois que la faute du dirigeant peut être qualifiée de faute séparable de ses fonctions. Pendant longtemps, la faute séparable des fonctions n’était assez définie. Dans un arrêt de 2004, la Cour de cassation définit la faute séparable des fonctions comme une faute intentionnelle d’une particulière gravité et incompatible avec l’exercice normal des fonctions de direction. Ainsi, la victime ne peut agir que contre le dirigeant fautif. Si le dirigeant fautif est condamné, il n’aura aucun recours contre la société. Toutes les fautes pénales intentionnelles sont séparables des fonctions. Par exemple, la non-souscription des assurances obligatoires. 

​           §2. Le statut fiscal du dirigeant 

 

À titre préalable, il faut observer que les fonctions de dirigeant peuvent être exercées de façon  bénévole ou rémunérée. Lorsque le dirigeant exerce à titre bénévole, la question de la fiscalité ne se pose pas. Mais lorsque le dirigeant perçoit une rémunération pour cette fonction de direction, la question est de savoir dans quelle catégorie fiscale rentre cette rémunération. 

La rémunération constitue une charge qui vient minorer le résultat d’exploitation. Mais, la  67

tentation pourrait être grande de verser au dirigeant une très grosse rémunération pour minorer à l’excès le résultat et par suite l’imposition sur ce résultat. Pour cela, le législateur prévoit des limites de déductibilité fiscale de la rémunération des dirigeants sociaux. Au-delà, la part de la rémunération doit être réintégrée dans le résultat de la société pour le calcul du résultat fiscal. 

S’agissant du dirigeant qui perçoit la rémunération, il faut distinguer suivant le régime fiscal du dirigeant lui-même. En premier lieu, lorsque le dirigeant est une personne soumise à l’impôt sur les sociétés, la rémunération perçue sera traitée comme un produit.

Mais lorsque le dirigeant est une personne assujettie à l’impôt sur le revenu, il faut distinguer selon le régime fiscal de la société qui verse la rémunération. Lorsque la société qui verse la rémunération est une société translucide, ce sont les associés qui paient les impôts sur les résultats de la société. Il faut encore distinguer selon que le dirigeant est un associé ou un non-associé. Lorsque le dirigeant est associé de la société qui lui verse la rémunération, sa rémunération s’analyse en un complément de résultat. Sur la rémunération qu’il touche, il paiera le même impôt que celui qu’il paie sur le résultat de la société. Si la société a une activité industrielle et commerciale, la rémunération rentre dans la catégorie des BIC. Si la société a une activité libérale, la rémunération rentre dans la catégorie des BNC. Lorsque le dirigeant n’est pas un associé, sa rémunération ne saurait être un complément de résultat et doit être déclarée dans la  catégorie des traitements et salaires. 

Lorsque la société qui verse la rémunération est soumise à l’IS (cas de la SARL), il faut distinguer selon qu’il s’agit d’un dirigeant opérationnel ou non opérationnel. La rémunération perçue par un dirigeant opérationnel est imposée dans la catégorie des traitements et salaires alors que la rémunération perçue par un dirigeant non opérationnel est imposée dans la catégorie des capitaux mobiliers (par exemple, le dividende). 

​           §3. Le statut social du dirigeant 

Il existe en France trois régimes de couverture sociale. D’abord, la mutuelle sociale agricole. Ensuite, la sécurité sociale des indépendants. Enfin, le régime général des salariés. À peu de choses près, la protection sociale du dirigeant de société dépend de la nature de la rémunération qu’il perçoit. 

Lorsque la société qui verse la rémunération est une société translucide, il faut distinguer selon que le dirigeant est associé ou non associé. Lorsque le dirigeant est associé, la rémunération qu’il perçoit s’analyse en un complément de résultat. Par conséquent, il est traité fiscalement comme s’il était entrepreneur individuel et relève de la sécurité sociale des indépendants. À l’opposé, lorsque le dirigeant est un non associé, sa rémunération relève des traitements et salaires. Par conséquent, sa protection sociale relève du régime général des salariés. 

Lorsque la société qui verse la rémunération est soumise à l’IS, les dirigeants opérationnels  68

perçoivent une rémunération fiscalement assimilée aux traitements et salaires. Par conséquent, leur protection sociale relève du régime général des salariés. Pour les dirigeants non opérationnels, leur rémunération relève des revenus de capitaux mobiliers. Or, ces revenus sont des revenus non professionnels. Il en résulte qu’ils n’auront pas de protection sociale. 

En principe, le gérant majoritaire perçoit une rémunération regardée comme étant des traitements et salaires et devrait relever du régime général de la sécurité sociale. Par exception, le gérant majoritaire de SARL (soumise à l’IS) relève obligatoirement du régime social des indépendants. Pour savoir si un gérant de SARL est majoritaire, il faut prendre en compte non seulement les parts des sociétés qui lui appartiennent mais aussi les parts qui appartiennent au cogérant, à son conjoint et à ses enfants mineurs non émancipés. Il en résulte qu’un gérant, au sens social du terme, peut être considéré comme majoritaire alors qu’il n’a qu’un pourcentage minime dans le capital. 

De façon générale, la sécurité sociale des indépendants coûte beaucoup moins chère en cotisation que le régime général des salariés mais protège beaucoup plus moins. Un président de SAS est forcément affilié au régime général des salariés. 

LECON IX : LA CESSION DE DROITS SOCIAUX

Les droits sociaux sont les titres dont les associés sont investis. Il s’agit de parts sociales dans les sociétés de personnes et d’actions dans les sociétés de capitaux. Ces droits sociaux sont fondamentalement des choses sans doute incorporelles, fongibles s’agissant des actions mais ce sont des choses. À ce titre, ils doivent être rangés dans la catégorie des meubles et plus précisément des meubles par détermination de la loi. Il s’agit de meubles incorporels. 

À partir du moment où les droits sociaux sont des choses qui appartiennent privativement à une personne, ils relèvent du principe de libre disposition. Concrètement, le propriétaire des droits sociaux peut accomplir des opérations juridiques relatives à ces titres. Par exemple, le propriétaire des droits sociaux peut les prêter, les louer ou encore constituer des sûretés réelles sur ces titres. Parmi toutes ces opérations juridiques, la cession des droits sociaux est la plus importante. La cession de droits sociaux est une  opération translative de propriété en ce sens qu’elle consiste, pour le propriétaire de titres, à en transférer la propriété à une autre personne. Mais le principe de libre disposition souffre un certain nombre de tempéraments que l’on retrouve en matière de droits sociaux. D’abord, certains droits sociaux sont  rigoureusement incessibles et à ce titre échappent au principe de libre disposition. Ils sont incessibles par 

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prévision légale ou statutaire. Ensuite, les parts d’industrie ne peuvent pas être cédées puisque l’apporteur en industrie doit fournir au profit de la société un travail spécifique que ne pourrait pas accomplir une autre personne. En effet, l’éventuel cessionnaire ne pourra pas accomplir le travail promis par le cédant. Enfin, parfois, la convention peut restreindre la libre disposition des titres. Il en va ainsi lorsque les statuts de la société ou un acte extra-statutaire contient une clause d’inaliénabilité. La clause d’inaliénabilité ne peut excéder 10 ans pour les SAS et pour les autres sociétés, la clause relève du droit commun et doit être justifiée par un intérêt légitime et limitée dans le temps. 

La clause d’inaliénabilité peut tenir à la spécificité de la société. En effet, il faut distinguer les  sociétés de capitaux et les sociétés de personnes. Le critère de distinction tient à l’intuitus personae qui caractérise les sociétés de personnes que l’on ne retrouve pas dans les sociétés de capitaux. Les titres de sociétés de personnes constituent des parts sociales, lesquelles ne sont pas librement négociables. Le propriétaire peut en disposer mais avec l’accord des autres associés qui se dénomme agrément. Il peut arriver que l’intuitus personae existe dans les sociétés de capitaux. Ce sont alors les statuts qui imposeront l’exigence d’agrément. En tout état de cause, ce ne sont que des tempéraments de la libre disposition. Le principe reste la liberté de céder ses droits sociaux. 

La cession de droits sociaux peut être assortie ou non d’une contrepartie. Lorsque la cession a lieu  sans contrepartie, il s’agit d’une donation. Dans le même esprit, il existe dans cette catégorie, des cessions de droits sociaux à titre fiduciaire. Par exemple, la constitution d’une sûreté sur un titre. À l’opposé, lorsque la cession est a lieu avec contrepartie, en fonction de la contrepartie, la qualification juridique variera. Si la contrepartie est un prix, il s’agit d’une vente. Si la contrepartie est un autre bien, il s’agit d’un contrat d’échange. Si la contrepartie est un titre social, on est en présence d’une opération d’apport. 

Par ailleurs, l’acte de cession lui-même peut tantôt être qualifié d’acte de nature civile, tantôt d’acte de nature commerciale. Par principe, la cession de droits sociaux constitue un acte civil y compris lorsque les droits sociaux sont ceux d’une société commerciale. Néanmoins, dans trois hypothèses, l’acte de cession peut recevoir la qualification d’acte de commerce. D’abord, lorsque la cession de droits sociaux est  pratiquée de façon habituelle et dans un but lucratif, il s’agit d’un acte de commerce par nature soumis au régime des actes de commerce. Ensuite, lorsque l’acte de cession est accompli par un commerçant dans le cadre de son activité commerciale, la cession reçoit automatiquement la qualification d’acte de commerce. Enfin, lorsque la cession a pour effet de conférer au cessionnaire le contrôle de la société commerciale, elle s’analyse en un acte de commerce. La cession de contrôle ne se définit pas par son objet  mais par son effet. La question est de savoir si à l’issue de l’opération le cessionnaire a acquis le contrôle. En tout état de cause, à chaque fois que la cession de droits sociaux reçoit la qualification d’acte de commerce, elle est assujettie au régime des actes de commerce (liberté de preuve l’égard du commerçant, compétence des tribunaux de commerce, solidarité de plein droit entre les parties). Malgré tout, il est possible d’identifier un régime élémentaire qui se structure autour des conditions de la cession et des effets de la cession. 

SECTION I : Les conditions de la cession

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La cession obéit à deux séries de conditions. D’une part, les conditions qui tiennent à la validité de la cession sanctionnées par la nullité de l’acte. D’autre part, les conditions qui ont trait à l’opposabilité de la cession sanctionnées par l’inopposabilité aux tiers. 

​           §1. Les conditions de validité

S’agissant de sa nature, la cession de droits sociaux constitue un contrat, qui en tant que tel, obéit au droit commun des contrats et le cas échéant au droit spécial des contrats (donation, fiducie, etc.). Par son objet, la cession porte sur des titres de sociaux. C’est la raison pour laquelle certaines conditions de validité proviennent directement du droit des sociétés. 

​           ​           A. Les conditions de droit commun

Par principe, la cession de droits sociaux obéit au principe du consensualisme, ce dont il résulte qu’elle n’a pas besoin de respecter une quelconque forme pour être valable. Néanmoins, ce principe du consensualisme souffre deux infléchissements. En premier lieu, même si l’écrit n’est pas exigé à peine de nullité, il est nécessaire pour rendre la cession opposable aux tiers. La cession qui n’est pas constatée par écrit sera tout de même valable mais ne sera pas opposable aux tiers. Dans certains cas, l’écrit est  exceptionnellement requis à peine de nullité de la cession. C’est le cas où la cession réalise une opération juridique pour laquelle l’écrit est obligatoire (donation ou fiducie). L’art.1128 c.civ, dans la partie droit commun des contrats, fixe les conditions de validité qui tiennent au consentement libre et éclairé, à la  capacité des parties et au contenu licite et certain. 

​           ​           ​           1) Le consentement libre et éclairé

Pour qu’un contrat soit valablement formé, le consentement doit être libre et éclairé. En effet, le consentement des parties doit être lucide. Or, cette lucidité est susceptible d’être mise à mal par deux vices de consentement que sont l’erreur et le dol. En matière de cession de droits sociaux, on retrouve également le vice de dol et le vice d’erreur. 

​           ​           ​           ​           a) L’erreur 

L’erreur est une fausse représentation de la réalité et n’est une cause de nullité du contrat que si elle tombe sur une qualité essentielle de la prestation. Quelles sont les qualités essentielles des titres d’une société ? Cette expression renvoie aux caractéristiques propres des titres qui font l’objet de la cession. Ainsi, il y aurait erreur si une personne croit acquérir des actions alors qu’il s’agit de parts sociales, de même si elle croit acquérir des parts de SARL alors qu’il s’agit de parts de SAS. Lorsqu’une qualité tient à la situation particulière de la société, la Cour de cassation considère que constitue une qualité essentielle,  l’aptitude pour la société à réaliser son objet social. Lorsqu’une circonstance particulière empêche la société de réaliser son objet, il y a erreur sur les qualités essentielles. En revanche, la Cour de cassation 

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rejette l’erreur sur les qualités essentielles dès lors que la société n’est pas empêchée de réaliser son objet social. La plupart du temps, l’erreur tombe sur la valeur de la chose. Or, l’erreur sur la valeur ne constitue jamais une cause de nullité du contrat. 

​           ​           ​           ​           b) Le dol 

Le dol constitue des manœuvres intentionnelles dans le but de surprendre le consentement d’une partie au contrat. Le dol peut être constitué par un simple silence. En matière de droits sociaux, cette réticence dolosive est souvent invoquée et pose des difficultés. Il faut distinguer selon que la réticence dolosive émane du cédant ou du cessionnaire. En droit commun des contrats, lorsque la réticence émane du cédant, la réticence dolosive est une cause de nullité. Cependant, en matière de cession de droits sociaux, la réticence dolosive peut conduire à une nullité qui n’est pas systématique. Dans la cession de droits sociaux, le cessionnaire a toujours le devoir de se renseigner par lui-même en procédant à un audit de la société. Lorsque le cessionnaire aura ignoré une information, il ne pourra pas en faire le reproche au cédant car cette ignorance provient de sa propre faute. 

Il arrive que ce soit le cessionnaire qui, par son silence, trompe le cédant sur sa propre prestation. En droit commun des contrats, la réticence dolosive ne permet pas d’obtenir la nullité du contrat (1re civ., 2 mai 2000, Baldus). Cependant, en matière cession de droits sociaux, il en va autrement lorsque le cessionnaire est le dirigeant de la société. En 1996, la Cour de cassation consacre à la charge des dirigeants de sociétés une obligation de loyauté envers la société et envers les associés (Com., 27 février 1996,  Vilgrain). Ce devoir de loyauté impose au dirigeant cessionnaire de divulguer toutes les informations qui sont à sa disposition au cédant. Si le cessionnaire n’informe pas suffisamment le cédant, il peut y avoir réticence dolosive. 

​           ​           ​           3) Le prix

Il s’agit des cessions de droit sociaux à titre onéreux. En matière de droits sociaux, la cession obéit au droit commun des contrats. Pour être valable, elle doit être assortie d’un prix déterminé ou déterminable. À défaut, elle encourt la nullité. Lorsque le prix est déterminable, il doit renvoyer à des  éléments objectifs, c’est-à-dire qui ne dépendent pas de la volonté future des parties. Serait atteinte de nullité, la cession qui prévoit que le prix sera fixé ultérieurement par un nouvel accord de volontés. Il est possible de stipuler une clause d’earn out qui prévoit le prix dont le montant sera fixé par les résultats futurs de la société. 

​           ​           ​           ​           a) L’évaluation 

La valeur des titres d’une société dépend d’un grand nombre de paramètres. C’est la raison pour laquelle il est difficile de se faire une idée de leur valeur. Il existe de grandes méthode d’évaluations, certaines étant plus simples que d’autres. Quelle que soit la méthode utilisée, le prix reste la chose des parties. La méthode se borne à fournir une estimation. La méthode la plus simple et la plus répandue est la méthode patrimoniale. 

Par exemple, deux associés A et B apportent respectivement 150 000 € et 50 000 €. On a un actif de 200 000 € et un passif de 200 000 €. La société vaut 200 000 € et le capital contient 2000 parts. Une action vaut 100 € (200 000 € % 2000). Quelques années plus tard, le bilan de la société comporte un actif composé d’un immeuble A (450 000 €), un immeuble B (350 000 €), un fonds de commerce (200 000 €), un placement financier (150 000 €) et une trésorerie (250 000 €). Au passif (1 450 000 €) on a le capital de 200 000 €, une réserve de 500 000 €, les résultats courants (250 000 €), une dette bancaire (350 000 €), un compte courant d’associé (150 000 €). Dans le passif interne, on a les capitaux propres (argent à reverser aux associés, richesse collective de la société) qui sont constitués par le capital, les réserves et les résultats courants. Dans le passif externe (argent à verser aux tiers), on a la dette bancaire et le compte courant d’associé. La valeur de la société est égale à la valeur des capitaux propres, soit 950 000 €. Or, on a 2000 actions. On divise 950 000 € par 2000 actions, ce qui donne 475 €. Chaque action vaut 475 euros. Le portefeuille de l’associé A a 1500 actions. On multiplie le nombre d’actions (1500) par la valeur d’une action (475 €), ce qui donne un portefeuille d’une valeur égale à 712 500 €. Le portefeuille de l’associé B a 500 actions. On multiplie le nombre d’actions (500) par la valeur d’une action (475 €), ce qui donne un portefeuille d’une valeur égale à 237 500 €. La valeur des actifs ne correspond pas à la véritable valeur des biens car elles sont susceptibles d’être plus élevées ou plus basses. En effet, on peut avoir des plus-values et des moins-values qui n’apparaissent pas dans le bilan. Or, la valeur véritable se détermine par rapport à la vraie valeur des choses. L’immeuble A a une vraie valeur de 500 000 € (plus-value latente de 50 000 €). Mais l’immeuble B ne vaut pas 350 000 € mais 450 000 € (plus-value latente de 100 000 €). Le fonds de commerce ne vaut pas 200 000 € mais 250 000 € (plus-value latente de 50 000 €). Le placement financier ne vaut pas 150 000 € mais en réalité 100 000 € (moins-value latente de 50 000 €). Par rapport au bilan, l’actif a une valeur de 150 000 €. À l’arrivée, la vraie valeur de la chose est la somme des 950 000 € et des 150 000 €, ce qui donne 1 100 000 €. C’est la valeur de 2000 actions. La valeur d’une action est obtenue en divisant la vraie valeur de la chose (1 100 000 €) par le nombre d’actions (2000), ce qui donne 550 €. Le portefeuille de A aujourd’hui a toujours 1500 actions. On va multiplier le nombre d’actions (1500) par la valeur d’une action (550 €), ce qui donne 825 000 € alors que le portefeuille de B qui a 500 actions sera désormais de 275 000 € (500x550 €). C’est la valeur normale en cas de cession. L’associé B qui a acquis son action à 50 000 € pourra les revendre à 275 000 € et réaliser une plus-value de 225 000 €. Or, la plus value est imposée à 30% (225 000x30% =67500 €). On va donc soustraire 67 500 € au 225 000 €, ce qui donne 157 500 €.

​           ​           ​           ​           b) Les cessions rendues obligatoires

Dans certains cas, il arrive que le principe de la cession s’impose aux parties soit par ordre de la loi soit par ordre des statuts. Par exemple, le principe de cession est obligatoire en cas de retrait d’un associé. Dans ce cas, la société doit racheter son titre. La cession est obligatoire en cas d’exclusion d’un associé. Il appartient aux parties de fixer la valeur du prix de la cession. Si le prix est la chose des parties, il arrive qu’elles ne parviennent pas à se mettre d’accord sur le prix. Cela donne lieu à une impasse car, d’un côté, il faut une cession mais de l’autre, le prix est nécessaire. Dans cette hypothèse, il est possible de sortir de l’impasse en faisant fixer le prix par un tiers (expert) selon les modalités prévues à l’art.1843-4  c.civ. Pendant très longtemps, la Cour de cassation a totalement dévoyé cet article car elle permettait à l’expert de fixer un prix sans tenir compte des règles d’évaluation que les parties avaient pu prévoir dans les statuts ou dans un acte extra-statutaire. Autrement dit, il était possible de s’affranchir de la force obligatoire des contrats. Cet article a été réformé en 2014 et comporte deux alinéas visant des hypothèses différentes. Le premier alinéa vise l’hypothèse où la cession est rendue obligatoire par le législateur et que le législateur renvoie à l’art. 1843-4 c.civ. En l’absence d’accord entre les parties, celles-ci peuvent demander la désignation d’un expert qui aura l’obligation de respecter les règles d’évaluation prévues dans les statuts. La décision de l’expert s’impose aux parties comme au juge, sauf erreur manifeste. Le second alinéa vise l’hypothèse dans laquelle la cession est rendue obligatoire par l’effet des statuts. Par exemple, la mise en œuvre d’une exclusion. Si les parties ne se mettent pas d’accord sur le prix, l’expert peut être désigné à condition que le prix ne soit pas déterminé ni déterminable. S’il existe des règles, l’expert doit les respecter. La décision de l’expert s’impose aux parties comme au juge, sauf erreur manifeste

​           ​           B. Les conditions propres au droit des sociétés

La cession a pour conséquence de faire rentrer une nouvelle personne au sein de la société. Or, à chaque fois qu’existe dans la société un certain intuitus personae, l’entrée d’un tiers dans la société ne peut se faire sans une procédure de contrôle préalable. Le cédant ne peut pas imposer un nouvel associé à ses coassociés. C’est la raison pour laquelle, la cession de droits sociaux est soumis à une procédure préalable appelée procédure d’agrément. À chaque fois qu’existe une procédure d’agrément, son non-respect est une cause de nullité de la cession. 

Cependant, certaines sociétés sont structurellement plus fermées (que d’autres) que sont les sociétés de personnes, celles dont les titres constituent des parts sociales. Dans ces sociétés, l’exigence d’agrément est directement posée par le législateur (agrément légal). Les sociétés de capitaux sont structurellement ouvertes, avec des titres librement négociables et dans lesquels il n’existe pas d’agrément légal. Pour autant, les associés peuvent choisir de refermer la société en stipulant des clauses d’agrément (agrément conventionnel ou statutaire). Par principe, toutes les sociétés de capitaux peuvent avoir de tels agréments, à l’exclusion des sociétés cotées en bourse.

​           ​           ​           1) Les sociétés de capitaux

 

Dans les sociétés de capitaux, les clauses d’agrément sont soumises à un régime juridique général,  simplement tenu en échec dans les SAS. 

​           ​           ​           ​           a) Le régime général de la clause d’agrément

Les clauses d’agrément ne peuvent jamais s’appliquer sur des cessions intrafamiliales. C’est le cas lorsque la transmission procède d’une succession, d’une liquidation de régime matrimonial, d’une cession à  74

un conjoint, à un ascendant ou à un descendant. En revanche, elles s’appliquent aux cessions consenties à un tiers ou à un autre associé de la société. Il appartient à la clause de définir les opérations visées. La clause peut ne viser que certains modes de transmission des actions ou tous les modes de transmission qu’ils soient à titre onéreux, à titre particulier ou à titre universel. 

​           ​           ​           ​           b) Le régime spécial de la clause d’agrément 

Cependant, la clause d’agrément ne s’applique pas lorsque la cession des titres ne porte pas sur les titres de la société dans les statuts de laquelle existe la clause d’agrément mais d’une société actionnaire de la première. Néanmoins, si l’entrée dans la société est frauduleuse (le concurrent entre dans la société actionnaire qui a une clause de participation dans la société), elle encourt la nullité car la fraude corrompt tout. 

Dans les SAS, les associés peuvent concevoir la clause d’agrément comme ils le veulent. Les clauses peuvent inclure les cessions intrafamiliales ou indiquer l’organe compétent et toute la procédure d’agrément au sein de la société. 

​           ​           ​           ​           c) La procédure de cession 

L’associé qui souhaite céder son titre doit notifier son projet de cession à la société. L’organe compétent de la société dispose d’un délai de 3 mois pour répondre à la demande d’agrément. À partir de là, 3 possibilités. Si la société ne répond pas dans les délais, l’agrément est réputé acquis. Si la société donne son agrément, la cession peut intervenir. Si la société refuse l’agrément, elle doit dans un nouveau délai de 3 mois faire au cédant une nouvelle offre de rachat de son titre. Cette offre de rachat peut émaner d’un tiers choisi par les autres associés, des autres associés eux-mêmes et, à défaut, de la société qui annulera les titres et réduira son capital. En toute hypothèse, le candidat cédant trouvera une porte de sortie.

​           ​           ​           2) Les sociétés de personnes

Les sociétés de personnes sont des sociétés fermées. Il existe toujours un agrément légal qui n’est pas systématiquement requis, en fonction de la qualité du cessionnaire mais les statuts peuvent introduire l’exigence d’agréement.

​           ​           ​           ​           a) La société en nom collectif

C’est le cas le plus simple car pour qu’il y ait cession de droits sociaux dans une société en nom collectif, il faut impérativement l’agrément de tous les associés. Cette exigence d’agrément est requise,  quelle que soit la qualité du cessionnaire. C’est ce qui explique qu’il n’y a pas de procédure d’agrément dans les SNC. Si l’un des associés refusent l’agrément, le cédant ne peut pas céder ses titres et est obligé de rester dans la société malgré lui. 

​           ​           ​           ​           b) La société civile

La société civile est moins fermée que la SNC. Lorsque la cession doit intervenir au profit d’un tiers à la société, l’agrément légal est obligatoire. Lorsqu’elle intervient au profit du conjoint de l’associé ou d’un autre associé, l’agrément légal est requis mais les statuts peuvent prévoir une dispense (facultatif). Lorsqu’elle intervient au profit d’un ascendant ou d’un descendant, il n’y a pas d’agrément légal mais les statuts peuvent instituer un tel agrément. 

Le projet de cession doit être notifié à la société et à tous les autres associés. La société dispose d’un délai de 6 mois pour se prononcer sur l’agrément et le cas échéant sur les suites de l’agrément. La décision d’agrément appartient à la collectivité des associés et le candidat cédant n’est pas privé de son droit de vote. En principe, le vote se fait à l’unanimité mais les statuts peuvent prévoir un vote à la majorité. Si l’assemblée générale ne statue pas sur l’agrément, celui-ci est réputé acquis. Si l’assemblée générale donne l’agrément, la cession a lieu. Si l’assemblée générale refuse l’agrément, les autres associés doivent formuler au cédant une offre de rachat, qui peut émaner d’un tiers choisi par eux, d’eux-mêmes ou de la société elle-même en vue d’annuler les titres et de réduire le montant de son capital. Le cas échéant, les autres associés peuvent décider de la dissolution de la société. 

​           ​           ​           ​           c) La SARL

La SARL est moins fermée car elle est à risque limité. Pour cela, certaines cessions échappent à l’agrément légal que sont les cessions aux autres associés, aux conjoints, aux descendants et aux ascendants. L’agrément n’est requis qu’à l’égard des tiers. Le projet de cession doit être notifié à la société et aux associés et la collectivité des associés dispose d’un délai de 3 mois pour se prononcer. L’agrément doit être donné à une double majorité en ce sens que la majorité des associés qui représente au moins la moitié des parts sociales est requise. L’associé cédant n’est pas privé de son droit de vote. Si l’assemblée générale ne statue pas sur l’agrément, celui-ci est réputé acquis. Si l’assemblée générale donne l’agrément, la cession peut valablement avoir lieu. Si l’assemblée générale refuse l’agrément, en principe les autres associés doivent formuler une offre de rachat dans un délai de 3 mois, par un tiers, par les associés ou par la société. Si l’offre d’achat n’est pas émise dans les 3 mois, l’agrément est réputé acquis.  Par exception, l’offre d’achat n’est pas obligatoire lorsque le cédant détient ses parts sociales depuis moins de deux ans de sorte qu’il restera prisonnier de ses titres.

​           §2. Les conditions d’opposabilité

 

L’opposabilité a pour finalité de contraindre les tiers à tenir compte de l’existence d’un acte juridique et des effets qu’il produit entre les parties. En principe, le contrat est opposable de plein droit. Par exception, la cession de droits sociaux n’est pas opposable de plein droit car son opposabilité dépend de l’accomplissement de certaines formalités qui varient selon qu’il s’agit de cession d’actions ou de parts sociales. 

​           ​           A. L’opposabilité de la cession d’actions

 

Pour rendre une cession d’actions opposable aux tiers, il faut que le registre des actionnaires de la société désigne le cessionnaire comme propriétaire des actions. C’est un simple jeu d’écriture en compte. Cette inscription en compte produit un effet entre les parties (transfert de propriété) et un effet à l’égard des tiers (opposabilité). Il existe une simultanéité parfaite entre le transfert de la propriété et l’opposabilité à l’égard des tiers. 

​           ​           B. L’opposabilité de la cession de parts sociales

L’opposabilité de la cession des parts sociales est à double détente. Dans un premier temps, il est nécessaire de rendre la cession opposable à la société elle-même. À défaut, elle ne peut pas être opposable aux tiers. Pour ce faire, il faut respecter les modalités de l’art. 1690 c.civ. En premier lieu, il faut que la société, par l’intermédiaire de son représentant, accepte la cession dans un acte authentique. En second lieu, il faut notifier à la société la cession par un exploit d’huissier. C’est la raison pour laquelle, il existe une autre formalité qui tient à la publicité. Il faut distinguer selon que la cession porte sur des parts de société civile ou commerciale. 

S’agissant des sociétés civiles, il faut publier l’acte de cession au RCS. Lorsque la cession porte sur des parts d’une société commerciale, pendant longtemps, la publicité requise était celle relative à la publication de l’acte de commerce. Mais en 2014, le législateur a modifié les règles et considère que pour rendre opposable aux tiers la cession de parts de société commerciale, il faut publier, non pas l’acte de cession, mais les statuts de la société mis à jour avec le nom du nouvel associé. Cet acte de cession peut être publié par les parties. Mais la mise à jour des statuts relève de la compétence des dirigeants de société. Or, les dirigeants de société n’ont pas forcément intérêt à faire publier les statuts. Ils ont autre chose à faire. Pour éviter que les parties ne soient bloquées, le pouvoir réglementaire est intervenu. Désormais, lorsque le dirigeant de société ne procède pas à la publication des statuts mis à jour, les parties peuvent le mettre en demeure de les publier. Parallèlement, les parties peuvent saisir le juge ou déposer au RCS un exemplaire de l’acte de cession pour procéder à une publicité provisoire qui a vocation à durer jusqu’à ce que le juge statue sur l’éventuelle condamnation du dirigeant.

SECTION II : Les effets de la cession

​           §1. Les effets principaux

Quel que soit le moule juridique dans lequel elles se fondent, les cessions emportent toujours transfert de propriété du titre de propriété. Dès lors, il s’établit un rapport d’auteur à ayant cause. Le cas échéant, lorsqu’elle est à titre onéreux la cession de droits sociaux oblige également le cessionnaire à  fournir la contrepartie promise. Cette contrepartie pourra être un prix (vente) ou des droits sociaux (apport en société des titres) ou tout autre bien (échange). Ce sont les principaux effets civils. Mais il existe également des effets fiscaux. 

​           ​           A. Les effets civils

La cession de droits sociaux emporte des conséquences tant pour le cédant que pour le cessionnaire. Le cédant, en effet, perd sa qualité d’associé ou alors s’il ne transmet qu’une fraction de ses titres (cession partielle), il souffrira une diminution de sa participation dans la société. À l’inverse, le cessionnaire, s’il n’est pas déjà associé, le deviendra et, s’il est déjà associé, il accroitra sa participation dans la société. 

À compter de la cession de droits sociaux, sous réverse de l’opposabilité aux tiers, le cessionnaire a désormais la qualité d’associé à concurrence de tous les titres qui lui ont été transmis. Cette qualité d’associé emporte des conséquences tant au regard des prérogatives qu’au regard des devoirs des associés. 

​           ​           ​           1)Les prérogatives de l’associé cessionnaire

Puisque le cessionnaire acquiert la qualité d’associé, il est investi de toutes les prérogatives attachées à cette qualité. À compter de la cession, le cessionnaire pourra faire valoir le droit à l’information, demander la nomination d’un mandataire ad hoc, exercer l’action sociale ut singuli ou être convoqué aux assemblées générales, y accéder, y participer et surtout y voter. Par-dessus tout, à compter de la cession, le cessionnaire a droit au dividende. En effet, la nature juridique des dividendes est relativement incertaine. S’il ressemble à des fruits civils, ils ne sont pas soumis à leur régime. En effet, les dividendes sont bien des revenus financiers tirés d’un bien qui ne s’acquièrent pas au jour le jour mais en une seule fois au moment où l’assemblée générale décide la mise en distribution. En cas de cession de droits sociaux, le droit au dividende appartient à celui qui a la qualité d’associé au moment de la décision de distribution. À partir de là, si la décision a été prise avant la cession, le dividende appartient au cédant. Si la décision a été prise après la cession, le dividende revient au cessionnaire. Cette solution peut apparaitre surprenante lorsque la décision de distribution est prise après la cession. Dans ce cas, la société devra distribuer au cessionnaire des richesses qu’elle a pu accumuler lorsque le cédant avait la qualité d’associé. On a le sentiment que le cédant est en quelque sorte spolié. En réalité, cette solution s’explique parfaitement bien. En effet, les richesses accumulées par la société sont traduites comptablement au niveau des capitaux propres de la société. Tous les résultats bénéficiaires augmentent les richesses de la société. Or, les capitaux propres servent à valoriser la société. Plus ils sont importants, plus les titres valent cher. Dès lors que la richesse n’a pas été distribuée avant la cession, le cédant pourra en profiter de façon indirecte par un prix plus élevé de ses titres. À l’inverse, si les richesses avaient été distribuées avant, elles auraient profité au cédant, mais en échange, la valeur des capitaux propres aurait diminué, entrainant la baisse des prix de la cession. 

Ces solutions de principe sont susceptibles d’être tempérées par le pouvoir de la volonté. La volonté peut exercer une double incidence. D’une part, l’incidence peut être indirecte puisque les parties pourront  prendre en compte l’état de la société pour la détermination du prix de cession. D’autre part, l’incidence peut être directe puisque les parties peuvent décider de répartir entre elles les éventuelles distributions de dividendes qui précèdent ou suivent la cession. Par exemple, le cessionnaire peut s’engager envers le cédant à lui reverser une partie des dividendes qu’il pourrait percevoir après la cession. 

Il arrive souvent que le cédant des titres sociaux soit également le titulaire d’une créance de compte courant d’associé. La question est celle de savoir ce qu’il advient de cette créance au moment de la cession des titres. Il est possible de considérer que la créance se transmet de plein droit avec la propriété des titres ou qu’à l’inverse la créance ne se transmet pas de plein avec la propriété des titres. En d’autres termes,  la créance de compte courant est-elle l’accessoire de la cession de titres sociaux ? La Cour de cassation répond par la négative et considère que la cession des titres de la société n’emporte pas de plein droit transmission de la créance de compte courant. Deux remarques méritent d’être faites à ce propos. Premièrement, cette solution est parfaitement conforme à l’analyse comptable et financière. Du point de vue de la société, le compte courant d’associé représente une dette et plus précisément une dette externe. Or, cette dette aura pour conséquence de minorer la valeur de la société et par suite la valeur des titres cédés. Concrètement, en raison du compte courant, le cédant recevra un prix moindre s’il n’existait pas de compte courant d’associé. Pour ne pas être spolié, il est nécessaire que le cédant conserve la créance de compte courant d’associé. 

Aussi juste soit elle, cette solution pose un problème pratique. En effet, du point de vue du cessionnaire, lorsqu’il acquiert les titres du cédant, il ne souhaite pas que le cédant reste dans la société. Or, si le cédant conserve sa créance de compte courant, il garde un pied dans la société. C’est la raison pour laquelle, pour faire sortir le cédant complètement de la société, il est d’usage de doubler la cession des droits sociaux d’une cession de la créance du compte courant d’associé. Il est aussi possible d’intégrer la créance de compte courant dans le capital. 

​           ​           ​           2) Les devoirs de l’associé cessionnaire

 

Logiquement, en ce que la cession de droits sociaux attribue au cessionnaire la qualité d’associé,  c’est désormais lui qui est assujetti à tous les devoirs incombant aux associés. À compter de la cession, le cessionnaire peut être soumis au régime juridique des conventions suspectes. De même, à compter de la cession, c’est le cessionnaire qui est exposé à l’aléa. En effet, le cessionnaire, en vertu de la cession est devenu le créancier de la restitution de l’apport. Si au moment venu, la société n’est pas en mesure de restituer l’apport, c’est le cessionnaire qui subira la perte. 

Dans les sociétés à risque illimité, les associés sont personnellement tenus des dettes de la société.  En cas de cession de droits sociaux, qui, du cédant ou du cessionnaire, peut être poursuivi par le créancier de la société ? Il faut distinguer suivant que la dette est née postérieurement ou antérieurement à la cession. 

Lorsque la dette est née après la cession, seul le cessionnaire peut être poursuivi par le créancier social. Pour les dettes nées avant la cession, en théorie, la cession de droits sociaux devrait être sans effet à l’égard du créancier de la société. C’est une simple application du principe de l’effet relatif en vertu duquel le contrat ne peut pas modifier la situation juridique des tiers. 

Si la dette est née avant la cession, le créancier de la société devra poursuivre le cédant et non le cessionnaire. En droit positif, il faut distinguer suivant que la société est civile ou commerciale. Lorsque la société est civile, le législateur prévoit que celui qui peut être poursuivi par le créancier social c’est celui qui a la qualité d’associé non pas au jour où la dette a pris naissance mais au jour où elle devient exigible. Si la cession est intervenue entre la date de naissance de la dette et sa date d’exigibilité, la cession aura pour conséquence de modifier la situation juridique du créancier social. 

Dans les sociétés commerciales, c’est celui qui a la qualité d’associé au jour de la cession qui peut être poursuivi par le créancier social. Autrement dit, si la dette est née avant la cession, le créancier social conserve le droit d’agir contre le cédant. Cependant, la Cour de cassation a également décidé que le cessionnaire est également redevable de la dette. Dès lors, la cession de droits sociaux procure au créancier social un véritable effet d’aubaine. Or, l’obligation au passif social est solidaire dans les sociétés commerciales de sorte que le créancier social peut s’adresser, à son choix, aussi bien au cédant qu’au  cessionnaire pour réclamer la totalité de sa dette. 

En principe, l’ayant-cause à titre particulier ne recueille jamais de plein droit les dettes de son auteur. Autrement, la dette ne circule pas avec la propriété des titres. Par exception, lorsque les titres non libérés sont des actions, la dette de libération de l’apport en numéraire circule de plein droit avec la propriété des actions de sorte que chaque porteur reste solidaire de la dette pendant une durée de deux ans. 

​           ​           B. Les effets fiscaux

La cession des droits sociaux est un terrain fertile pour le trésor public. Elle rapporte beaucoup d’impôts. En effet, elle donne lieu à deux impositions différentes que sont une imposition qui incombe au cédant (plus-value) et une imposition qui incombe au cessionnaire (droits d’enregistrement). 

​           ​           ​           1) L’imposition des plus-values incombant au cédant

Il y a plus-value dès lors que le prix de cession est plus élevé par rapport au prix d’acquisition. Il existe plusieurs régimes d’impositions de plus-value mais celui qui est le plus fréquemment appliqué est le  prélèvement forfaitaire unique (PFU), autrement appelé flat tax. L’impôt consiste à prélever sur le montant de la plus-value, un total de 30% dont 12,8% de prélèvements fiscaux et 17,2 % de prélèvement sociaux (CSG, CRDS, etc.). 

​           ​           ​           2) Les droits d’enregistrement incombant au cessionnaire

Si la cession abrite une donation, le donataire doit payer les droits de mutation à titre gratuit. Lorsque la cession abrite une vente, quatre taux sont applicables. 

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