Droit administratif
Première partie : la juridiction administrative.
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Chapitre premier : le statut de la juridiction administrative.
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I) La lente consécration d’une juridiction administrative indépendante
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A) Le règlement du contentieux administratif est confié à l’administration elle-même
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Sous l’Ancien régime, les Parlements (juridiction) s’étaient mis à publier des actes réglementaires. En réponse (Jacques Chevallier) les 16 et 24 août 1790 fut votée une loi interdisant aux juges de troubler « de quelque manière que ce soit » les opérations des corps administratifs. Ne trouvant pas à qui confier la charge de juge le contentieux administratif, l’administration l’obtint par défaut au cours des mois de septembre et octobre 1790. Les directoires de département spécialement créés sont placés sous le regard du Roi, « chef de l’administration générale », compétent pour statuer sur les « réclamations d’incompétence à l’égard des corps administratifs » par la loi des 7 et 14 octobre 1790. Ces attributions contentieuses seront transférées par la loi des 27 avril 25 mai 1791 à un Conseil d’état composé du roi et ses ministres qui, en plus, obtient un pouvoir de juridiction sur les questions relevant des administrateurs locaux et sur « toutes les autres parties de l’administration générale ». Le Conseil d’état devient le TA de droit commun pour tout ce qui n’est délégué localement. A l’époque, cette sujétion des juges administratifs ne pose de problème car, élus on pense que, comme les juges judiciaires, ils sauront trancher justement.
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B) L’apparition d’organes juridictionnels spécialisés et indépendants au sein de l’administration
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La Constitution du l’an VIII crée le CE, chargé de proposer au chef de l’administration des jugements pour les litiges le mettant en cause (justice retenue jusqu’en 1872). Les Conseils de Préfecture sont créés le 28 pluviôse de la même année, juridiction rendant des décisions revêtues de l’ACJ. Mais, parce que présidés par le Préfets, ils manquent d’indépendance de plus, la compétence générale appartient toujours au ministre, l’administration est juge de droit commun. Henrion Pansay disait, au début de la Restauration « juger l’administration c’est encore administrer ». Au total, les organes administratifs gardent d’importantes fonctions juridictionnelles, le ministre apparait notamment comme un juge de droit commun dont la saisine est obligatoire chaque fois que la loi n’a pas attribué à un tribunal spécial.
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C) L’apparition de juridictions administratives.
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1) La montée en puissance du CE.
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La loi du 24 mai 1872 consacre le droit, pour le CE, de statuer « souverainement sur les recours en matière contentieuse administrative et sur les demandes pour excès de pouvoir, formées contre les actes des différentes autorités administratives ». La justice est désormais déléguée. Pour Raudot, le CE ne devrait être compétent qu’en matière d’excès de pouvoir au titre que le contentieux administratif concernant les personnes devraient advenir aux tribunaux judiciaires. L’arrêt CE 1889 Cadot place le CE comme juge de droit commun et met partiellement fin à la théorie du ministre-juge. Avant lui, sauf texte spécial accordant compétence à une juridiction, un litige opposant un particulier à l’administration devait être porté devant le ministre lequel était juge de première instance (la décision préalable en est une survivance).
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2) L’attribution d’une double compétence
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En vertu de la loi du 24 mai, le CE détient tant la compétence de statuer sur les recours en matières contentieuse que ceux pour excès de pouvoir. La première vise les litiges dans lesquels le justiciable peut invoquer un droit subjectif (contrat, responsabilité) que l’administration aurait méconnu.
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3) La multiplication des juridictions locales.
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Durant le XXe, les réformes créent des intermédiaires entre individus et CE pour traiter la masse toujours plus grandissantes de requêtes (Gaudemet : leur nombre double tous les 10 ans). Un décret-loi de 1953 remplace les Conseils de préfecture par les Tribunaux administratifs, le CE devient principalement juge d’appel (sauf pour les actes du Président et ministres : 1er et dernier ressort) et son président juge de cassation pour les juridictions spécialisées (cour des comptes). Le 31 décembre 1987 le CE recul d’un niveau avec les Cours administratives d’appel dont certaines reçoivent la charge du monopole d’un domaine spécifique (Nantes : contentieux sur les éoliennes en mer). Enfin, depuis le 7 janvier 2009, les président des TA jugent les affaires de moins de 10.000e seuls en 1er et dernier ressort ainsi que le contentieux de la situation individuelle des fonctionnaires ou agents de l’état et des autres personnes ou collectivités publiques, ainsi que des agents ou employés de la Banque de France à l’exception de ceux concernant l’entrée au service, la discipline et la sortie du service. Un décret du 13 août 2013 multiplie les hypothèses de juge unique (pas d’appel, qu’une cassation) dont, le contentieux du permis de conduire.
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D) La Constitutionnalisation de la juridiction administrative.
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1) Dans son existence…
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La DC 22 juillet 1980 avait affirmé l’obligation d’indépendance entre justice administrative et judiciaire mais, à l’époque, la doctrine avait affirmé que cela ne s’opposait à sa disparition en ce que la juridiction administrative devait seulement présenter toutes les garanties d’une juridiction tant qu’elle existe mais le législateur aurait bien pu la supprimer, sans heurter aucun principe. Y revenant, la DC 1987 Conseil de la concurrence reconnu comme PFLR la compétence du CE à juger des recours sur l’annulation des actes administratifs unilatéraux et donc, son existence. Ceci marque un changement drastique, auparavant, le CE n’était protégé que par des lois, de Gaulle ayant même presque signé sa fin en 1963 suite à l’arrêt Canal du 19 octobre 1962 qui ne le satisfaisait pas. Pour se décider le CC s’était fondé sur la loi de 1872 et non sur celle de 1790 puisqu’alors prise sous une monarchie.
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2) … comme dans son objet d’étude.
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a) Contestations
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La décision régla également en partie la question du domaine de compétence en affirmant qu’il l’était pleinement concernant l’annulation des actes administratifs unilatéraux, sans pour autant en dire plus sur la matière contentieuse administrative, pouvant être alors, attribuée par la loi, au juge judiciaire. Cette idée vint de Vedel, juge constitutionnel qui, en 1954, avait alors affirmé que le juge administratif devait se limiter des affaires ou le litige regardait une activité du pouvoir exécutif faisant usage d’une prérogative de service public, celui-ci se plaçant en continuité de l’école de l’école de prérogative de puissance publique (Toulouse, Hauriou), laquelle le limitait aux cas ou l’administration usait de pouvoir qu’elle seule détenait et en opposition avec celle du service public (Bordeau, Duguit) qui, dont la thèse était de se réserver les affaires ou un but de service public était pourchassé (moyens contre objectif). Gaudemet, quant à lui, y voyait la porte ouverte à une politique des blocs de compétence s’opérant au détriment du juge administratif (le contentieux de la responsabilité n’est pas cité, le législateur pourrait l’attribuer au juge judiciaire).
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b) Portée profonde
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La signification réelle de la décision de 1987 se retrouve dans la volonté de protéger à tout prix le contrôle de légalité qu’on trouvait déjà dans les arrêts CE 1947 d’Aillières et CE 1950 dame Lamotte dans lesquelles le CE neutralise des lois qui excluaient tout recours contre les décisions de juridiques et d’autorités administratives. Il estime que cela ne peut exclure la possibilité d’une cassation ou d’un recours pour excès de pouvoir. Si le législateur veut y contrevenir, il doit alors le faire expressément chose impossible aujourd'hui depuis que le Conseil constitutionnel a constitutionnalisé le droit au recours.
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II) La confrontation de la juridiction administrative aux exigences externes
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A) Le droit national menacé par celui conventionnel
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Ratifiant la CEDH en 1974, la France accorde en 1981 le droit aux justiciable de faire recours devant sa Cour. Les décisions internes devront se conformer aux grands principes du texte dont : l’indépendance, l’impartialité, des délais raisonnables, une procédure équitable et un jugement public (art. 6). Jusque dans les années 1990 le CE ne se senti pas concerné, affirmant que ces points ne devaient toucher que juge pénal et civil, opinion que rejeta la CEDH au titre de la capacité du CE à sanctionner par des amendes. Dans le même temps, la France s’impliquant de plus en plus en l'UE, elle dut introduire dans ses lois des règles communautaires et les faire respecter au risque de sanction de la CJUE.
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B) La pluralité des fonctions exercées par le Conseil d’état.
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Conseiller du gouvernement (décrets d’application & projets de loi du gouvernement) et juge administratif, le CE est amené, dans les recours pour excès de pouvoir, à juger des décrets sur lesquels il a donné son avis. Celui-ci, en effet, a la charge de participer, lorsque saisi par le 1er ministre, à la confection des lois et ordonnances, à donner son avis et préparer des textes lorsque cela est prévu constitutionnellement, légalement, réglementairement, ou lorsque le gouvernement en fait la demande mais aussi intervenir comme consultant à l’initiative des ministres (le Préfet peut le faire avec les tribunaux administratifs) et même pointer, de manière autonome, les réformes qui lui sembleraient le plus juste. Or l’arrêt CEDH 1995 Procola dénonça le fait que 4 juges sur 5 aient eu connaissance du dossier comme conseiller (on annule pas un acte pour lequel on s’est déjà prononcé pour). Cependant en France, la même chose n’était pas possible puisque, même si depuis 1963 les membres du CE devaient être à la fois juge et conseiller, la coutume avait fait en sorte d’installer le principe selon lequel un membre ne pouvait juger une affaire dont il avait eu connaissance. Le 6 mars 2008 le CC força le CE à écrire la règle. Toutefois, une QPC de 2017 jugea inconstitutionnel le fait, pour le CE, d’être, dans le cadre de l’application de la loi d’urgence, en capacité à la fois d’autoriser prorogation des mesures d’assignation à résidence (juge des référés du CE) et à la fois, en charge du contrôle en dernier lieu de l’acte (qu’il a préalablement autorisé).
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C) Le rapporteur public.
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Jusqu’au début des années 2000, celui qui avait pour rôle d’exposer « publiquement et en tout indépendance, son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu’elles appellent » prenait concrètement la parole à la fin des audiences pour suggérer aux juges une décision (conclusions) puis se retirait avec eux. Or, au nom de la théorie de l’apparence et du principe d’égalité des armes, la France fut condamnée par l’arrêt CEDH 2001 Kress. Le requérant dénonçait l’impossibilité de répondre aux conclusions, leur non communication avant procès et la participation du commissaire au délibéré. Si les deux premiers points lui furent rejeté, les avocats pouvant demander le sens (ce à quoi il va conclure, obligatoire) et la teneur (arguments dont la transmission est facultative : CE 2013 Martigues) des conclusions avant le procès et les parties pouvant leur répondre par une note écrite, le second, lui, fut retenu. Le CE, qui avait tenté dans l’arrêt Esclatines 1998 de justifier sa position, voulu distinguer entre assister aux délibérations et y participer (il n’y votait pas car principe de secret des votes), ce à quoi la CEDH se refusa (CEDH 2005 Loyen, CEDH 2006 Martinie). Par les décrets de 2006 et 2009, il fut ainsi décidé que le Commissaire devrait (1) changer de nom (apparence), (2) transmettre ses conclusions au moins 3 jours à l’avance aux parties, (3) cesser de participer aux délibérés et (4) n’assister aux audiences hors du CE que si aucune partie n’émette d’objection à cela. Cela s’est accompagné d’une diminution de son importance : il connait de moins en moins d’affaires (décret de 2011 lui permet d’être dispensé pour ne se concentrer que sur les affaires d’ampleur).
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D) La lutte contre la lenteur de la justice administrative.
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1) La lenteur de la justice administrative constitue une faute.
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La multiplication des niveaux ayant ralenti la justice administrative, l’arrêt CE 2002 Magiera dit qu’il résultait « de l’article 6 de la CEDH, lorsque le litige entre dans le champs d’application ainsi que dans tous les cas des principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives, que les justiciables ont le droit à ce que la requête soit jugée dans un délais raisonnable » sans quoi la responsabilité étatique serait engagée. Aucun temps maximal n’est fixé, une affaire pouvant durer du fait de sa complexité ou des perturbations des parties. C’est un revirement de jurisprudence vis-à-vis de l’arrêt Darmont du 29 décembre 1978 dans lequel il avait été dit que seule une faute lourde pouvait rendre responsable l’état (en 40 ans aucune faute lourde n’avait été trouvée, raison de sa condamnation CEDH Lutz 2002). Désormais, même une simple (lenteur), peut être sanctionnée. A ce propos l’arrêt CE 2006 SARL Potchou autorisa l’indemnisation d’une affaire pendante et l’arrêt CE 2006 Mangot rendit obligatoire une décision préalable de rejet de la part du garde des sceaux avant l’ouverture d’une affaire en responsabilité pour lenteur.
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2) Sanctionner des décisions contraires aux droits des particuliers.
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Darmont n’acceptait pas de rendre responsable l’état sur le contenu de la décision pour ne pas désacraliser l’ACJ ni créer une voie de recours supplémentaire. Seuls les référés ou des préjudices naissances des circonstances (lenteur) pouvaient être attaqués. L’arrêt CJCE 2003 Kobler affirma qu’une décision violant manifestement le droit communautaire porterait atteinte au droit des particuliers. L’arrêt CE 2008 Gestas autorisa alors réparation dans ce cas au vu des moyens en possession du juge national de ne pas se tromper (question préjudicielle). Le rapporteur public de l’époque proposa de faire de même pour le droit constitutionnel (QPC) mais ne fut pas suivi.
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3) Le renforcement des procédures d’urgence
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1) La procédure antérieure.
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Avant la loi du 30 juin 2000 le justiciable recourant pour excès de pouvoir pouvait demander un sursis à l’exécution de l’acte que le juge pouvait autoriser si un moyen sérieux était invoqué (on peut douter de la légalité avant même un examen approfondit) et que les conséquences étaient difficilement réparables (pas par de l’argent mais tout est réparable par de l’argent). Or, dans les rares cas ou les deux conditions étaient réunies, l’arrêt CE 1976 Association de sauvegarde du quartier Notre-Dame, avait affirmé que si la requête pouvait être rejetée si l’administration avait intérêt à voir son acte exécuté directement.
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2) Depuis la loi du 30 juin 2000.
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Le référé suspension fut ouvert aux cas où « l’urgence le justifia et qu’il était fait été d’un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision ». Le juge des référés (président du TA) ne peut suspendre les actes que dont il est compétent à annuler (CE 2002 Société Eurovia : la sous-traitance dans les marchés publics résulte du juge des contrats). Selon le privilège du préalable, il ne peut apprécier que les actes dont il est saisi (présomption de légalité au profit de l’administration) en effet, l’administration détient le pouvoir réglementaire, elle n’a pas à attendre l’autorisation des juges pour l’exercer (CE 1913 Préfet de l’Eure). L’arrêt CE 2001 Confédération nationale des radios libres autorisa la suspension d’un acte pouvant être compensé financièrement. L’arrêt CE 2001 Préfet des Alpes-Maritimes dit qu’il fallait aussi bien apprécier l’urgence à suspendre (justiciable) et celle à maintenir (administration) et faire le poids entre les deux pour choisir. Parfois, il existe une présomption d’urgence notamment en matière d’expulsion du territoire (CE 2001 Mesbahi) et de permis de construire (CE 2001 Commune de Tulle) qui cependant reste simple. Également, depuis l’arrêt CE 2000 Ouatah (repris dans la loi), une décision de rejet peut être suspendue (permission temporaire), capacité qui avait été rejeté par l’arrêt CE 1970 Amoros se refusant un droit d’injonction de faire à l’administration. De surcroit, il est possible de moduler la suspension à certains effets (autorisation de construire une maison mais pas un balcon) et même, depuis l’arrêt CE 2001 Société Produits Roche, de statuer sans avoir à attendre la décision préalable de rejet (il faut seulement qu’elle ait été engagée par le justiciable). Cependant, il lui est impossible de statuer sur les affaires nécessitant un contrôle de conventionalité sur la loi en ce qu’étant juge de l’évidence, il ne peut se pencher sur des questions aussi complexes (CE 2005 Association Aides) en revanche il peut le faire pour les actes réglementaires s’il existe un doute sérieux (CE 2005 Mann Singh). Enfin, concernant le référé liberté l’arrêt CE 2010 Diakité autorise le contrôle de conventionalité de la loi vis-à-vis du droit communautaire (alors que CE 2005 Allouache l’avait interdit) et l’arrêt CE 2016 Gonzalez l’étend à la CEDH.
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Chapitre second : la compétence du juge administratif
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(Introduction)
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Le DC 23 janvier 1987 Conseil de la Concurrence donne compétence au juge administratif sur l’annulation des textes administratifs. Pourtant, le législateur n’hésite pas à faire intervenir le judiciaire alors même que l’état est impliqué (contentieux automobile global 31 décembre 1957, AAI, police judiciaire, 5 juillet 2011 recours contre internement préfectoraux en hôpitaux psychiatriques et depuis 1810 les contestation d’expropriation). Le TC même fait quelques écarts au principe, ainsi, après l’arrêt CE 1951 Baud dans lequel il se déclare incompétent pour statuer sur les litiges relatifs au fonctionnement du service public judiciaire (au nom de l’indépendance des ordres), l’arrêt TC 1952 Préfet de Guyane, le confirme et lui attribue le contentieux tiré de l’organisation d’icelui. Ces deux décisions seront reprises par l’arrêt Ccass 1956 Dr Giry. C’est ainsi que le CE se déclara compétent pour apprécier une décision rendue par le Conseil supérieur de la magistrature (CE 1969 L’Etang) et pour connaitre d’un régime de fouille intégrale d’un détenu à chaque fois qu’il allait être présenté devant le juge d’instruction (CE 2008 M.E.S). Il fut précisé par l’arrêt TC 2015 M. Hoareau qu’une mesure d’organisation était ce qui ne se rattachait pas à la fonction juridictionnelle des magistrats et qui n’aurait pas d’influence sur le rendu final d’une décision (agréer tel auto-école pour les stages du permis de conduire). Lorsque l’administration agit comme un particulier, rien ne s’oppose ce que le judiciaire juge, de même, en cas de violation grave, il parait raisonnable que l’administration perde son privilège de juridiction, existe-t-il alors des critères pour systématiser la compétence des juges ?
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I) Le critère jurisprudentiel.
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A) Le droit administratif, un droit jurisprudentiel.
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Le droit administratif n’est pas contenu dans un code mais dans la jurisprudence. Où alors trouver les articles fondateurs. Pour René Chapus on les reconnait à la formation qui les rend (Section du contentieux & Assemblée du Contentieux). On peut aussi les trouver dans les grands recueils comme le Lebon ou le GAJA. Mailerai observe cependant un effort de codification dans le domaine, cela porté notamment par une impulsion lancée par le CE au titre du principe d’accessibilité et d’intelligibilité du droit.
B) L’école de la prérogative de puissance publique et celle du service public
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1) L’école de la prérogative de puissance publique (moyens).
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Maurice Hauriou donne le principal tenant de sa théorie en l’idée selon laquelle lorsque l’état met en œuvre des prérogatives de puissance publique (dont il est le seul détenteur), le droit administratif rentre en œuvre et on déroge au droit commun. Le juge judiciaire jugeant des intérêts privés et individuels ne peut être compétent lorsque l’état intervient puisqu’il ne s’agit alors plus d’un intérêt individuel mais général (principe consacré par Jean Ribéreau).
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2) L’école du service public (but).
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Celle-ci, menée par Léon Duguit, Roger Bonnard et Gaston Jèze affirme quant à elle que si un litige touche de près ou de loin à l’exécution d’un service public on est face au droit administratif. Un service public serait alors une activité d’intérêt général exercée par, ou pour, une personne public. Au total, d’après Jèze, le service public c’est toute l’activité dont l’accomplissement doit être assurée par les gouvernants, puisqu’étant de telle nature qu’elle ne pourrait être réalisée complètement que par l’intervention de la force gouvernante.
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3) Une réponse partielle.
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L’arrêt TC 1873 Blanco affirma que l’état ne peut pas être régit par les principes du Cciv « pour les rapports de particuliers à particuliers » mais bien par des « règles spéciales qui varient suivant les besoins du service » (adoption du critère de Duguit). Le droit administratif existe alors lorsque l’état est partie au litige et le droit auquel il est soumis est autonome.
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C) L’autonomie du droit administratif.
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L’autonomie signifie que le juge n’est pas tenu d’appliquer le code civil mais, si la règle est bonne et adaptée, rien ne l’empêche de l’appliquer. Autonomie n’implique pas originalité. Dans l’arrêt CE 1973 Dame Peynet on est allé chercher l’interdiction de licencier une femme enceinte dans le code du travail pour l’appliquer à une agent non titulaire du service public en la qualifiant de « principe général du droit » simplement réexprimé par le code. Même chose pour le SMIC dans l’arrêt CE 1982 Mme Aragnou. Également, dans l’arrêt CE 1996 Lambda, le juge annule le décret nommant à la tête du Crédit foncier l’ancien contrôleur responsable de l’entreprise, non pas sur le fondement simple de l’article 432-12 qui ne fait que donner une sanction à un acte mais bien parce que, le pouvoir de nomination des ministres ne saurait s’étendre jusqu’à la transgression du droit pénal. De ce fait, le Cpen ne s’applique pas entièrement, le CE contrôle. En 1986 une ordonnance réprimait les pratiques anticoncurrentielles et les abus de position dominante. A partir de l’arrêt CE 1999 Société Million et Marais les actes administratifs qui vont à son encontre peuvent être annulé car ils mettraient ceux qui y seraient soumis sous le coup des sanctions prévues par l’ordonnance précitée.
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D) Exemple : le service public industriel et commercial.
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1) Notion de SPIC
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D’après l’arrêt CE 1921 Bac d’Eloka, un SPIC (nom créé par TC 1921 Société générale d’armement) est constitué lorsqu’une autorité publique administre une activité habituellement prise en charge par les entreprises (caractère accidentel) et pour laquelle elle tire rémunération. Mater, commissaire au gouvernement avait alors ajouté que certains services relevaient de nature de l’état (régalien) et d’autres aux entreprises (vision libérale). L’arrêt TC 1903 Terrier avait conclu que lorsque « l’administration est réputée agir dans les mêmes conditions qu’un simple particulier, elle se trouve soumise aux règles du droit privé et à la compétence du juge judiciaire ». L’arrêt CE 1912 Société granit des porphyroïdes avait, quant à lui, distingué entre gestion publique et privée. Bac d’Eloka ne ferait alors qu’affirmer qu’un service, dans son ensemble, pourrait être soumis à la gestion privée. Le TC, plus tard, tentera de créer la catégorie des services publics sociaux (22 janvier 1955 Naliato) mais l’abandonnera rapidement (Gambini 1983) car non suivi.
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2) Critères de distinction
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a) Formulation des critères.
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L’arrêt CE 1956 Union syndicale des industries aéronautiques lista trois points où l’administration devait agit comme une entreprise pour se dire face à un SPIC : l’objet (habituellement à la charge du privé), la rémunération et le mode de fonctionnement. Ainsi, la Caisse de Compensation s’avéra être une SPA (dont la suppression relevait du pouvoir unilatéral du ministre) puisque distribuant des subventions (objet) grâce à l’argent prélevé via un pourcentage sur les ventes dans la filière (financement) et dont les décisions importantes devaient recevoir l’aval du ministre (modalité de fonctionnement).
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b) Application des critères.
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Les critères étant jurisprudentiels, le juge administratif ne leur accorde pas une portée absolue. Ainsi l’arrêt TC 1990 Thomas qualifie de SPIC le service de distribution d’eau dont la somme forfaitaire acquittée par les usagers est inférieure au cout réel de la prestation. De même l’arrêt CE 2009 Mlle Beaufils qualifie de SPIC la station de ski exploitée en régie par la commune dont l’utilisation des pistes est gratuite. Dans une autre idée, le TC 2006 Escota désigna l’entreprise gestionnaire d’autoroutes (pourtant soumise à la TVA depuis une directive européenne l’obligeant pour les activités industrielles et commerciales) de SPA, puisqu’étant en charge des voiries « siège des libertés fondamentales ». La qualification peut également varier, soit en fonction du temps les bacs sont en 1921 des SPIC et, avec l’arrêt CE 1974 Denoyez Chorques des SPA (n’étant gérés plus que par l’état), soit en fonction de l’organisation interne : une commune subventionnant le traitement des eaux usées par redevance (devant être équivalente aux couts réels sinon contestation) est à la charge d’une SPIC (CE 1998 commune de la Bénisson-Dieu), celle par une taxe à la charge d’une SPA.
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C) Régime juridique : conséquence de la qualification de SPIC.
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Lorsqu’un SPIC cause dommage à un de ses usager, le juge judiciaire est compétent. Il n’y a aucune exception (TC 1962 Dame Bertrand), même lorsque l’usager n’est que potentiel (CE 1961 Dame veuve Agnesi : refus du gestionnaire de raccorder au réseau d’eau). Lorsqu’un tiers est préjudicié lors de l’exercice d’une prérogative de puissance publique, c’est le juge administratif qui reprend la main (CE 1970 Farsat : droit d’exproprier) de même que si le dommage causé l’a été en raison du fonctionnement d’un ouvrage public ou à l’occasion de travaux publics (CE 1958 Dame veuve Barbaza). Lors des actions contre les agents des SPIC, le juge judiciaire est compétent, sauf lorsqu’il s’agit du plus haut gradé ou d’un comptable public (CE 1957 Jalenques de Labeau) et, depuis l’arrêt TC 1968 époux Barbier, dès lors qu’il s’agit d’un acte réglementaire portant organisation du service public, seul le juge administratif est compétent. Cette décision est utilisée par les tenants du service public : lorsqu’il s’agit d’un acte du service public, même lorsqu’il s’agit d’un SPIC, ça revient au juge administratif. Cependant, tous les actes réglementaires relatifs aux SPIC ne sont pas administratifs, il faut qu’ils portent sur son organisation et qu’ils s’agisse d’une disposition générale comme, par exemple, le règlement fixant les modalités de calcul de la redevance (CE 2003 M. Peyron).
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II) La compétence subsidiaire du juge judiciaire à l’égard des actes administratifs.
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A) Les pouvoirs du juge judiciaire à l’égard des actes administratifs varient s’il s’agit du juge pénal ou civil.
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1) Règle commune et principe administratif : l’exception d’illégalité.
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En principe, le juge judiciaire ne peut ni à interpréter, ni apprécier la légalité d’un acte administratif (il doit poser une question préjudicielle). Cependant, lors d’un litige, il est possible de soulever « l’exception d’illégalité d’un acte administratif » qui s’appliquerait au requérant. Différent de la voie de contestation de principe (recours devant le JAdmin dans les 2 mois suivant la publication), l’exception est de règle générale sans délais. Ainsi, depuis l’arrêt CE 1902 Sieur Avézard, un justiciable peut demander l’annulation, par un recours pour excès de pouvoir, d’un acte que le CE 1967 Société des établissements Petitjean précise doit être d’application, d’un autre plus ancien si celui-ci est jugé illégal. Cependant, l’arrêt CE 2018 CFDT pose la réserve selon laquelle on ne peut, après 2 mois, contester la légalité d’un acte réglementaire pour un vice de forme ou de procédure ou au sujet d’un acte individuel (nomination). L’exception d’illégalité ne fait pas revivre rétroactivement les dispositions abrogées par le texte contesté (CE 1980 Bargain), en matière d’urbanisme l’annulation d’un acte fait revivre celui antérieur. Dans ce domaine, les règles changent, c’est ainsi que la contestation d’un POS ou PLU n’entraine pas la nullité de tous les permis de construire pris en son application, à moins qu’ils contreviennent à ceux antérieur (CE 1986 Gepro). Pour un acte individuel, l’exception d’illégalité n’est ouverte que tant qu’il n’est pas devenu définitif (CE 1997 Arfaoui).
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2) Juge pénal
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L’article 111-5 du Cpen affirme que « les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs, réglementaires ou individuels et pour en apprécier la légalité lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis ». Ainsi, la mesure d’assignation à résidence ayant entrainée perquisition (du fait de son nom respect) au domicile et trouvaille de stupéfiants pourra voir sa légalité appréciée (Ccass 3 mai 2017).
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3) Juge civil
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L’arrêt TC 1923 Septfonds n’accorde qu’un droit d’interprétation sur les actes administratifs réglementaires. Tout le reste doit passer par une question préjudicielle. L’arrêt Ccass 1975 Jacques Vabres permet ainsi un contrôle de conventionalité des lois, mais toujours par des règlements. De ce fait, la décision TC du 19 mars 2007 ne permettait à la Ccass d’apprécier une affaire que parce que l’acte contesté, à l’origine une ordonnance (CNE) avait été « implicitement ratifiée » par le législateur, lequel l’avait modifié postérieurement. Pour se libérer les bras, l’arrêt Ccass 1996 France télécom qu’en tant que juge d’application du droit européen il n’était plus tenu par l’arrêt Septfonds. L’arrêt TC 1998 Union Française de l’express le contredit au titre que l'UE reposerai, certes, sur le principe de primauté des textes mais également sur celui d’autonomie institutionnelle des états membres selon lequel les états membres doivent faire prévaloir la primauté, dans le respect de leurs règles internes. Cependant, la Ccass ne démenti pas et recommença par l’arrêt Ccass 2007 Somazzi. L’arrêt TC 2011 SCEA du Chéneau reconnu finalement le droit à la Ccass de réaliser un contrôle de conventionalité (uniquement droit de l'UE) vis-à-vis des actes réglementaires mais aussi de légalité à la condition unique que la question se base sur une jurisprudence manifestement établie (au nom du délais raisonnable). C’est ainsi que l’arrêt TC 2011 Green Yellow autorisa la Ccass à ne pas poser de question préjudicielle sur la base de la jurisprudence de la non rétroactivité des actes administratifs posée par l’arrêt CE 1948 Société du journal l’Aurore. L’arrêt CE 2012 Fédération Sud Santé sociaux l’adapta pour le cadre inverse du juge administratif sur le droit privé.
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B) Le cas où l’autorité administrative a gravement méconnu ses compétences (voie de fait).
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1) Fondement
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Traditionnellement, le juge judiciaire se positionne comme le gardien des libertés individuelles et de la propriété. Ce second rôle remonte à la loi du 8 mars 1810 sur les expropriation, en effet, au début du XIXe siècle, le juge administratif étant partie de l’administration, seul le juge judiciaire pouvait garantir un jugement fiable. Enfin, avant 2000, le juge judiciaire étant le seul à propose une voie de procédure expresse laquelle peut, d’autant plus, ordonner à l’administration de faire. Toutefois, le référé liberté étant présent depuis la loi du 30 juin dans la justice administrative, la voie de fait perd de son importance, bien que subsistant.
2) Les conditions de la voie fait
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a) Règle générale
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Après la loi du 30 juin, l’arrêt TC 2000 Boussadar donna comme condition à la voie de fait soit que l’administration ait porté atteinte au droit de propriété ou à une liberté fondamentale en procédant irrégulièrement à l’exécution forcée d’une décision (même régulière), soit qu’elle use d’un pouvoir qu’elle n’a manifestement pas. L’arrêt TC 1935 Action française affirme qu’il n’y a voie de fait que si, la propriété ou une liberté fondamentale est atteinte. L’arrêt TC 2013 Bergoend le restreint à l’extinction du droit de propriété (CAA Marseille 2014 : destruction rendant impossible récupération) et à l’atteinte d’une liberté individuelle (inverse de sureté). C’est ainsi que l’arrêt Ccass 2019 Vincent Lambert se déclare incompétent pour la violation du droit à la vie. Sur l’extinction de la propriété, l’arrêt TC 2013 Panizzon le réduisit encore plus en disant qu’elle devait résulter d’une action de l’administration au caractère gravement illégal, de l’usage d’un pouvoir qu’elle n’a manifestement pas ou de l’exécution forcée dans les cas ou elle ne le peut.
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b) Série d’exemples
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i) Usage d’un pouvoir manifestement insusceptible de se rattacher à l’administration
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L’arrêt CE 1946 Carlier précise que la saisie des photographies de l’extérieur de la cathédrale de Chartres d’un architecte par la police, lors de son arrestation injustifiée représente à la fois une violation de la propriété privée et de celle d’aller et venir.
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ii) Exécution forcée irrégulière et exécution d’office.
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Normalement, lorsque l’administration prend une décision, elle ne peut l’exécuter d’office si son destinataire se montre récalcitrant. Ce principe est tiré de l’arrêt TC 1902 Société immobilière Saint-Just. En dehors des cas où la loi l’autorise, l’administration peut cependant se passer du juge lorsque la situation porte atteinte à l’ordre public ou s’il y’a extrême urgence à faire cesser quelque chose. La décision du Maire d’Agde de faire détruire un restaurant illégalement situé en zone maritime de grande rafale était ainsi valide (CAA Marseille 2010). Enfin, lorsqu’il n’y a ni texte, ni urgence, l’exécution d’office est possible lorsque (1) l’administration n’ait aucune sanction à sa disposition, (2) que l’opération à exécuter ait sa source dans un texte de loi précis, (3) qu’il y’ait au mauvaise volonté du destinataire, (5) que l’exécution n'aille pas au-delà de ce qui est strictement nécessaire et enfin (4) que l’administration n’ait aucune voie de droit.
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3) Conséquence de la voie de fait.
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Depuis l’arrêt TC 1966 Guigon, juges administratif et judiciaire sont compétent pour constater la voie de fait, seul le dernier l’est cependant pour la réparer. Enfin, avec l’arrêt CE 2013 Chirongui, le juge administratif peut, par le biais du référé-liberté, réparer ce qui pourrait tomber dans les caractères de la voie de fait.
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C) Le référé liberté
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L’article L521-2 du CJA dispose lorsque l’administration ou une entreprise privée chargée de la gestion d’un service public porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, le juge des référés doit agir sous 48h. L’appel, si demandé, se fait devant le CE. Les référés sont ouverts lorsqu’il y’a urgence et atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Une ébauche de liste d’icelles peut être faite : droit à la vie (CE 2018 Quadaih), droit de propriété (CE 2001 Hyères-les-Palmiers), liberté d’aller et venir (CE 2001 Deperthes), droit d’asile (CE 2001 Hyacinthe), libre expression des suffrages (CE 2001 Pointe-à-Pitre), droit de mener une vie familiale normale (CE 2001 Mme Tliba), assistance d’une personne en détresse ou sans-domicile (CE 10 février 2012). Toutefois, en tant que juge de l'urgence, il ne peut statuer que sur les affaires où la situation illégale peut être réglée rapidement, sinon il doit se dessaisir (CE 2015 Section français de l’observatoire des prisons). De plus, l’offense doit être précise et suffisamment caractérisée : une réunion interdite aux blancs dont ni la date, ni le lieu, ni le contenu n’est fixé n’a pas a être interdite (CE 2017 Dupont-Aignan).
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III) L’état d’urgence
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A) Notions
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Créé le 3 avril 1955 pour répondre aux débuts de la guerre d’Algérie, l’état d’urgence a été à plusieurs reprises instauré en France. En 1985 le Conseil constitutionnel eut à se prononcer sur sa constitutionnalité vis-à-vis de l’article 36 et « l’état de siège » et affirma qu’il n’avait pas abrogé celui d’urgence. Celui-ci est déclaré « soit en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public, soit en cas d’évènements présentant par leur nature et leur gravité le caractère de calamité publique », en Conseil des ministres par un décret qui en fixe le territoire d’application, décret qui pour être prolongé après 12 jours, devra être approuvé par le vote d’une loi qui en déterminera sa durée. Vis-à-vis de la CEDH, en 1974 lors de sa ratification, Alain Poher avait émis une réserve selon laquelle, comme le dit Vincent Couronne « que lorsque la France proclame l’état d’urgence, elles ne doit respecter les stipulations de l’article 15 (guerre, danger public) mais celles prévues dans la loi de 1955 ». En effet l’article 15 dispose qu’il serait possible de déroger aux principes de la Convention (sauf le droit à la vie prévu en son article 2 renforcé par le protocole n°13 de 2002 sur l’abolition de la peine de mort) « en cas de guerre ou en cas d’autre dangers publics menaçant la vie de la nation […] dans la stricte mesure où la situation l’exige (ce qui implique le contrôle de proportionnalité du juge administratif) et à la condition que ces mesures ne soient pas en contradiction avec les autres obligations découlant du droit international ». En effet, la loi de 1955 a pour effet de confier à l’administration des compétences qui normalement appartiennent au juge judiciaire comme le droit :
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D’assigner à résidence une personne pour 12h maximum lorsqu’il y’a des raisons sérieuses de penser qu’elle représente une menace pour la sécurité et l’ordre public. Cela peut s’accompagner d’une obligation de pointer 3 fois par jours, sans pour autant pouvoir mener à la « création de camps ou seraient détenues les personnes assignées ».
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D’ordonner la fermeture provisoire de salles de spectacle, débits de boisson & lieux de réunion (dont de culte) où seraient tenus des propos provoquant à la haine, le terrorisme ou en faisant l’apologie.
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De perquisitionner en tous lieux, y compris au domicile, « lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’ils seraient fréquentés par une personne » menaçant la sécurité et l’ordre public.
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D’instituer des zones à l’intérieur desquelles les contrôles seront renforcés
Le contentieux lié à l’état d’urgence ressort du juge administratif. Au départ, cela provoqua la colère de certains, dont Bertrand Louvel, premier président de la Ccass au titre du rôle de gardien des libertés individuelles du juge judiciaire, ce à quoi le Conseil constitutionnel répondit en 1999 que l’article 66 le fondant visait, par liberté individuelle, le seule contraire de la détention (au-delà de 12h), toutes les autres libertés, (dont celle d’aller et venir en cause de la décision sur le contentieux des permis de conduire), pouvant échoir au juge administratif.
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B) La loi du 30 octobre 2017
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En 2017, une loi vint résoudre le paradoxe : état d’urgence provisoire qui se prolonge. Celle reprend une partie des dispositions de la loi de 1955 en la nuançant. De ce fait, l’administration dispose de pouvoirs toujours élargis, mais moindres. A ce propos, le Conseil constitutionnel décida le 29 mars 2018, en réponse à une QPC qu’elle était conforme à la constitution
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Instituer des périmètres de protection sur les lieux et évènements dont la nature et l’ampleur font courir un risque terroriste dans lesquels polices et agents de sécurité pourront palper le corps, fouiller les sacs durant maximum un mois.
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Fermer pour 6 mois les lieux de culte où sont tenus des propos provoquant à la haine, au terrorisme ou en faisant l’apologie. Cela pourra se faire de force si après 48h les occupants ne se sont pas exécutés ou n’ont pas saisi le juge des référés qui fera sursoir la décision le temps de décider de la tenue d’une audience et, si elle est décidée, le temps de que le juge statue. Auparavant il n’était possible de fermer un lieu de culte que durant le temps du trouble à l’ordre public, maintenant c’est étendu pour laisser le temps de régler effectivement les soucis.
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Mettre en place des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance pour 3 mois reconductible une fois, sur les personnes menaçant la sécurité et l’ordre public rentrée en relation de manière habituelle avec des personnes et organisations terroristes ou le soutenant, ou en faisant l’apologie consistant, notamment à se présenter périodiquement aux services de polices (une fois par jour maximum), ne pas se déplacer en dehors d’un certain périmètre (au minimum la commune) lui permettant cependant de poursuivre une vie familiale et professionnelle, déclarer son lieu d’habitation et tout changements d’icelui.
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Rendre des « visites » aux personnes menaçant l’ordre public et rentrée en contact avec des personnes ou organisations terroristes ou le soutenant, ou en faisant l’apologie, similaire aux perquisition à la différence qu’elles doivent être autorisée a priori par le juge des liberté et de la détention du tribunal de grande instance de Paris
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Chapitre troisième : le règlement des conflits.
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I) Présentation du tribunal des conflits
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Avant la création du TC, les conflits de compétence entre les ordres de juridiction étaient confiés au CE lui-même. La loi du 24 mai 1872 rétablissant le TC, une première fois créée en 1848 changea les choses. Celui-ci est constitué de 4 juges du CE, et 4 de la Ccass auxquels s’ajoutait, jusqu’en 2015, le Garde des Sceaux qui le présidait symboliquement dont la présence n’était en réalité requise qu’en cas d’égalité. Cela changea pour être conforme aux exigences découlant de la théorie de l’apparence européenne, la loi du 16 février lui supprima effectivement ce rôle pour le faire tourner alternativement parmi les 8 juges élus pour 3 ans. Celle-ci lui confia en plus le rôle de statuer sur les actions en responsabilité du fait d’un délai de justice déraisonnable, y compris en cas d’auto saisie, et changea son commissaire du gouvernement en un rapporteur public. L’existence du TC se justifiait à l’origine par la volonté d’éviter que le juge judiciaire ne s’immisce dans les affaires administratives, raison pour laquelle il existe un droit d’élévation des conflits au profit du juge administratif mais pas de mécanisme analogue pour l’organe judiciaire (mise à part le droit du garde des sceaux de dessaisir le CE, jamais utilisé et fait en réalité pour éviter que celui-ci connaissance des actes de gouvernement plus qu’autre chose).
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II) Différentes hypothèses litigieuses
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A) Le conflit positif
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Si le juge judiciaire rejette l’adresse émise par le préfet par le biais d’un déclinatoire de compétence rendu au Procureur de la République, celui-ci peut, dans la quinzaine de réception, élever le conflit devant le TC. Cela ne peut se faire en matière pénale ou lorsqu’il y a eu atteinte à une liberté individuelle ou une inviolabilité du domicile, ni après que des jugements définitifs ou en dernier ressort (ou acquiescés). Au contraire, cela sera possible en appel, même lorsque cela l’a déjà été irrégulièrement en première instance après les délais précités. L’arrêté de conflit sera annulé au moment où le juge judiciaire admettra explicitement ou implicitement sa compétence par une décision définitive. Une fois saisi, le TC dispose de 3 mois pour statuer, délai après lequel le juge judiciaire pourra juger, après avoir attendu un mois supplémentaire, sur l’affaire en cause (en pratique il ne le fait pas et le TC juge en principe à temps).
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B) Le conflit négatif
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Dès qu’un justiciable reçoit deux déclaration d’incompétences (décret du 26 octobre 1849), il peut saisir, même sans avoir épuisé l’intégralité des voies de recours des deux ordres, le TC qui déclarera non avenue la décision de la juridiction qu’il juge s’être trompée. Il faut en effet que l’une des deux se soit déclarée incompétente à tort, il ne peut y avoir conflit négatif si le litige ne relève d’aucune d’elles (en matière constitutionnelle notamment). Pour éviter les conflits, la loi du 16 févier 2015 prévoit la possibilité pour toute juridiction, de poser une question de compétence, chose nouvelle en ce que ce n’était auparavant possible qu’aux juridictions souveraine (CE, Ccass).
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C) Le déni de justice.
Au titre d’une loi du 20 avril 1932, le TC est compétent pour statuer sur le fond lorsque le justiciable « n’a définitivement plus de chance de voir les juges régler son litige », il doit être saisi dans les deux mois suivant le rendu des décisions. Dans l’arrêt TC 14 févier 2000 M. Ratinet, le patient d’une clinique privé ayant réalisé une prise de sang dont un internet, dépendant de l’hôpital public s’occupant des analyses, interverti les résultats avec ceux d’un autre se vit refuser le soutien du TGI au motif que le dommage eut été subit dans un EP, ainsi que celui du juge administratif qui ne lui répara qu’un tiers du préjudice au motif que l’EP n’était responsable qu’à un tiers. Le patient saisi alors le TC qui lui rembourse les deux tiers restants. Cependant, dans l’arrêt du 19 décembre 1988, il a été jugé qu’il n’y avait pas contrariété conduisant à un déni de justice dans les décisions du juge judiciaire de refuser d’indemniser un enseignant s’étant blessé en revenant d’une réunion préparant les échanges linguistiques franco-anglais en ce que sa qualité de fonctionnaire l’empêchait de bénéficier du code du travail et du juge administratif refusant de l’indemniser car plus en service au moments des faits. En effet, on peut être fonctionnaire, sans être en service. Le 6 juillet 2009 Mario Bonato, le TC précisa qu’il n’était plus obligatoire de recueillir deux décisions contradictoires au fond en acceptant de juger une affaire après qu’un justiciable, professeur, mis à disposition d’une association ne l’ayant pas payé le saisi après s’être vit refuser justice par le tribunal administratif en vertu du fait que l’état ne serait responsable à la place de l’association.
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Deuxième partie : les normes de contrôle
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Chapitre premier : la Constitution.
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I) La constitution comme norme fondamentale.
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A) Suprématie de la Constitution sur les engagements internes.
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1) L’article 55 ne consacre pas la supériorité des traités sur la Constitution.
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Par l’arrêt CE 1998 Sarran, le juge administratif refuse de contrôler la conformité de la Constitution à un traité. L’arrêt CE 2001 Syndicat national de l’industrie pharmaceutique l’étend aux engagements européens. Dans le prolongement, le CE s’assure que l’administration respecte à la lettre la Constitution, notamment en lui interdisant le droit de prendre des actes administratifs contraires à une loi en vigueur, au nom du droit communautaire (CE 1999 Président de l’assemblée nationale) ou encore à intervenir dans des domaines réservés par la Constitution au législateur (CE 2003 Association avenir de la langue française).
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2) Le Conseil d’état ne contrôle pas le respect par les traités de la Constitution
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Le contrôle de constitutionnalité des traités se fait, quant à lui, au nom de l’article 54 de la Constitution, par le Conseil constitutionnel. L’arrêt CE 2002 Porta le dessaisi du contrôle de conventionalité du traité nouveau, de sa conformité à la DDHC ni même de donner son avis sur le bien fondé de celui-ci, cela relevant à nouveau du Conseil constitutionnel depuis la DC du 17 juillet 1980 qui peut le faire à l’occasion d’une saisine contre la loi autorisant ratification. Cette position de dessaisissement a été confirmée par l’arrêt CE 2010 fédération nationale de la Libre-pensée alors même que le rapporteur public proposait d’évoluer. Toutefois, l’arrêt CE 2011 Kandyrine de Brito Paiva prévoit qu’il puisse contrôler la conventionalité d’un acte réglementaire appliquant les dispositions d’un traité avec les autres engagements internationaux. L'arrêt CE 2009 Association des américains accidentels affirme, quant à lui, que le CE assure le respect des engagements internationaux avec le règlement de l’Union européenne alors même que de coutume, le traité le plus récent et le moins général devrait prévaloir.
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3) Le Conseil d’état contrôle la constitutionnalité des actes administratif de transposition des directives
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a) Position initiale du CE.
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Depuis l’arrêt CE 2007 Arcelor, le CE accepte de contrôler la constitutionnalité des actes administratifs de transposition des directives communautaires et se donne le droit de l’annuler. Indirectement, s’il juge inconstitutionnel un acte administratif se bornant à reprendre l’acte international, c’est-ce dernier qu’il juge inconstitutionnel. Cependant, une directive ne pouvant être annulée que par la CJUE et l’article 88-1 posant une obligation constitutionnelle de transposition des directives, il y’a un soucis.
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b) Solution au dilemme du CE.
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L’arrêt CJUE 22 juin 2010 prévoit que soit le droit européen garantit le principe constitutionnel supposément violé et le CE doit poser une question préjudicielle à la CJUE, soit le droit européen ne le fait pas et il doit apprécier l’acte réglementaire de transposition directement à la lumière de la Constitution (car relevant de l’identité constitutionnelle du pays). Pour Arcelor, le CE posa la question à la CJUE si le règlement contesté violait le principe d’égalité, celle-ci répondit que non, le recours fut rejeté. Contrairement au CC, le CE juge de la constitutionnalité directe des directives à l’occasion de leur transposition par le pouvoir réglementaire. Cependant, depuis la jurisprudence Arrighi, le CE refuserait de contrôler la constitutionnalité d’un règlement d’application d’une loi de transposition de directive en ce que la loi s'interposant ferait écran au contrôle. Le CE pourrait alors, par le biais d’une QPC, interroger le CC qui lui, serait compétent pour juger de la loi. L’arrêt CE 2012 Société Air Algérie confirme cette position. L’arrêt CE 2008 Conseil national des barreaux admet qu’une directive puisse être contrôlée par rapport à la CEDH et « aux droit fondamentaux garantis par ses stipulations » cela parce que depuis l’arrêt CEDH 1999 Matthews, un état peut être condamné pour violation de la convention même s’il ne fait qu’appliquer une disposition communautaire.
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c) Vision du Conseil constitutionnel.
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Depuis la DC 1975 IVG le Conseil constitutionnel s’interdit de contrôler la conventionalité des lois. Toutefois, la DC du 30 mars 2006 pose la réserve selon laquelle il peut contrôler la conformité de la loi de transposition à sa directive (il en censura une par la DC 30 novembre 2006), celle-ci ne devant pas être « manifestement incompatible ». Lors d’une QPC, le justiciable ne peut demander le contrôle d’une loi de transposition en ce que le respect de la directive ne relève pas des « droits et libertés que la Constitution garantit » qui peuvent ouvrir une QPC (DC 12 mai 2010). Également, une loi de transposition contraire à la Constitution peut être annulée (DC 10 juin 2004), même si elle se borne à reprendre la directive. La DC du 12 juin 2018 quant à elle pose le principe selon lequel la loi adaptant le droit interne à un règlement européen doit être conforme à « l’identité constitutionnelle de la France » mais aussi celui selon lequel le contrôle de conventionnalité de la loi en question ressort des juridictions administratives et judiciaires. Concrètement, à moins que la loi de transposition ne méconnaisse spécifiquement « l’identité constitutionnelle de la France », ce qui rend compétent le juge constitutionnel, c’est à la CJUE de statuer sur la requête (CE 8 juillet 2015). Également, lorsqu’il y’a un doute d’interprétation de la norme européenne à transposer, le Conseil constitutionnel ne s’interdit pas de poser une question préjudicielle à la CJUE (QPC 4 avril 2013).
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B) La suprématie de la Constitution sur la loi
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L’arrêt CE 2005 Ministre des Affaires sociales prévoit qu’une loi contraire à la constitution et antérieure à celle-ci a été abrogée implicitement à la date de son entrée en vigueur. A l’inverse, l’arrêt 1936 Arrighi rejette la capacité de contrôler la constitutionnalité des lois postérieures, autorisant les décrets en application d’icelles (théorie de la loi-écran). La réforme de 2008 introduisant la QPC précise les modalité du renvoi. La loi doit porter atteinte aux droits et libertés garantis par la constitution, la question peut être soulevée dans n’importe quelle juridiction des deux ordres, laquelle doit faire un examen préalable de la question avant de la transmettre (sous 3 mois). Elle est transmise si elle pose un problème niveau, sérieux et si l’issu du litige dépend de la réponse. Lorsque un principe est à la fois garanti par les traités et la Constitution, le juge doit d’abords se poser la question de la constitutionnalité de la disposition, puis sa conventionalité pour que celui-ci ne la rejette pas de lui-même au lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel. Le législateur tente de protéger le rôle du second.
II) Les bases constitutionnelles du droit administratif
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A) Le domaine du règlement
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L’arrêt CE 1956 Annamites pose le principe selon lequel un acte administratif anticonstitutionnel peut être annulé. Contrairement aux régimes antérieurs marqués par un législateur omnipotent, la Ve République liste, restrictivement, les domaines d’attribution laissés à la loi. Cela fait alors du Premier ministre (article 37) le détenteur d’un pouvoir réglementaire de droit commun et autonome. L’arrêt CE 1959 Syndicat général des ingénieurs-conseils affirme qu’un règlement autonome, pris sur le fondement d’aucune loi, sera contrôlé par le CE par rapport aux « principes généraux du droit » qu’il s’autorise à découvrir. Au-delà, pour toucher à un de ces principes, un règlement ne suffit, pas (puisque supra-réglementaire), il faut nécessairement l’intervention du législateur (CE 1974 Dame David & DC 1969 Protection des sites & DC 28 novembre 1973). Lorsqu’une loi intervient dans le domaine réglementaire, deux cas s’opposent. Si elle est antérieur à 1958, l’on considère qu’elle n’est plus une loi de puis l’entrée en vigueur de la Constitution, le gouvernement peut la modifier par décret après avis du CE. Si elle lui est postérieure en revanche, le Conseil constitutionnel doit être saisi pour déclarer sa délégalisation. Cependant, la DC 1982 Blocage des prix précise qu’une loi empiétant dans le domaine réglementaire n’est pas automatiquement anticonstitutionnelle, elle peut être réformée uniquement à la demande du gouvernement qui, de ce fait, peut faire le choix de ne pas y toucher.
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B) Les titulaires du pouvoir réglementaire
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1) Compétence de principe du premier ministre
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Au titre l’article 21 de la Constitution, le 1er ministre « assure l’exécution des lois » et « exerce le pouvoir réglementaire » lorsque la loi le prévoit ou qu’il s’en avère nécessaire. Celui-ci est titulaire du pouvoir réglementaire (21 et 37) sous réserve, cependant, du pouvoir réglementaire que la Constitution confie expressément au Prés
ident de la république. En pratique, celui-ci signe 90% des décrets.
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2) Compétence subsidiaire du président de la République
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a) La diversité des décisions prises par le président de la République
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L’article 13 dispose que « le Président de la république signe les ordonnances et les décrets délibérés en Conseil des ministres ». L’arrêt CE 1992 Meyet affirme que, même si la Constitution ne le prévoit pas, le Président peut faire voter en conseil des ministre n’importe quel règlement et donc, exercer son droit de veto (sa signature étant obligatoire). L’arrêt 1962 Sicard prévoit quant à lui qu’un décret signé par le Président en dehors du conseil des ministres était en réalité un acte du 1er ministre dont la ratification présidentielle n’est en fait que superfétatoire. Depuis sa création, le CE s’est attaché à faire passer sous son contrôle l’ensemble des actes administratifs de l’exécutif. Cependant, depuis toujours, il se refuse à le faire pour les actes de gouvernement (pris par l’exécutif dans ses rapports avec les autres pouvoirs ou la conduite des relations internationales). Cette deuxième fonction, différente de celle administrative avait déjà été citée par Hauriou, Carré de Malberg ou encore Favoreu. C’est ainsi que le CE s’est déclaré incompétent pour statuer sur les décrets de promulgation de loi (CE 1933 Desreumeaux), de soumettre un projet de loi au référendum (CE 1962 Brocas), de dissoudre l’assemblée nationale (CE 1989 Alain) ou encore ceux, pris en application de l’article 16 (pouvoirs de crise) qui entrerait dans le domaine législatif (CE 1962 Rubin de Servens), de reprendre les essais nucléaire (CE 1995 Greenpeace), de s’engager militairement en Yougoslavie (CE 2000 Mégret), de donner l'autorisation aux avions militaire américains et britannique accomplissant des missions durant la guerre d’Irak d’emprunter l’espace aérien national (CE 2003 Comité contre la guerre en Irak), de suspendre l’application d’un traité international (CE 1992 Mahmedi), d’interdire l’organisation de l’élection présidentielle pour la diaspora en France (CE 2014 Daoud), de refuser le rapatriement d’une femme de djihadiste et de ses trois enfant de Syrie (CE 23 avril 2019). Un acte de gouvernement ayant pour conséquence l’impossibilité de demander indemnité pour ses conséquences (CE 3 octobre 2018). Au contraire, par l’arrêt CE 1962 Canal, le juge se reconnait compétent pour contrôler et annuler une ordonnance prise sur le fondement d’une loi référendaire en ce qu’elle ne lui délègue pas le pouvoir législatif mais lui autoriserait simplement exceptionnellement à exercer son pouvoir réglementaire, en la matière législative. De même, une décision violant une mesure communautaire est obligatoirement administrative (CE 7 novembre 2008). A l’inverse, le CE se refuse de contrôler l’acte de nommant un juge constitutionnel (CE 1999 Mme Ba), sans doute dans le même optique de non-ingérence dans le fonctionnement du juge judiciaire.
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b) Les ordonnances
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Une ordonnance est un acte administratif jusqu’à ce qu’elle soit expressément ratifiée par le Parlement. Celle-ci, cependant, est spéciale en ce que le CE ne la contrôle que par rapport à la loi d’habilitation, la Constitution et les « principes généraux du droits » (à moins que la loi d’habilitation ne l’en affranchisse CE 1958 Syndicat des propriétaires de fortes de chênes-lièges d’Algérie). Également, celle-ci ne peut faire l’objet d’une QPC (CE 2016 Syndicat national des entreprises des loisirs marchands) Lorsque qu’à la date fixée, l’ordonnance a été déposée au Parlement, bien que demeurant réglementaire puisque pas encore ratifiée, seul le législateur peut la modifier (CE 2006 CNLM) et le gouvernement ne peut faire droit à une demande d’abrogation d’une ordonnance intervenue dans le domaine législatif (sur le fondement de la jurisprudence CE 1989 Alitalia). Au contraire, les décret-loi de la IIIe et IVe République peuvent, eux, être touchés par le gouvernement (CE 2003 Gisti).
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C) Le refus d’octroyer un pouvoir réglementaire autonome à d’autres autorités administratives
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Le pouvoir réglementaire autonome dans le silence des lois confié au Premier ministre est interprété restrictivement par le CE en ce qu’il considère que le choix, par les constituants, de ne faire mention, que du seul Premier ministre, est la preuve de sa volonté de l’interdire aux les autres autorités administratives. C’est ainsi que l’arrêt CE 1969 Distillerie Brabant et Cie annule le refus d’agréer une société en vertu de règles posées de manière autonome par un règlement du ministre des finances, sans qu’une loi ne le lui autorise. A l’inverse, lorsqu’une loi donne un pouvoir réglementaire discrétionnaire à une autorité administrative, l’arrêt CE 18 mai 2018 permet l’organisation d’un tirage au sort, si rien ne l’interdit. L’arrêt CE 2017 Association SOS éducation précisa que cette pratique devait rester exceptionnelle en l’interdisant pour la sélection à l’entrée de filières universitaires sous tension. Le ministre dispose, comme tout chef de service, d’un pouvoir d’organisation de son service à la condition qu’aucun texte supérieur ne fixe de règle (subsidiarité). Les « directives » ou « lignes directrices », créées par l’arrêt CE 1970 Crédit foncier de France, permettent au chef d’un service public d’imposer une manière de faire, générale et impersonnelle sans qu’elle soit considérée comme acte réglementaire, et donc épargnée par le recours pour excès de pouvoir (CE 2016 Société Fairvesta : sauf pour celle définissant les conditions de mise en œuvre des prérogatives dont l’AA est investie) dans la mesure ou l’autorité administrative puisse se réserver le droit d’y déroger en fonction des circonstances particulières dont le requérant aura la charge d’avancer. Toutefois, à l’inverse, un individu rentrant dans les lignes directrices et se voyant refuser un avantage peut se prévaloir d’icelles pour forcer l’administration à lui accorder. Cela devant être différencié des « mesures gracieuses » par lesquelles un ministre octroie un avantage à un individu ne respectant pas les condition fixées par la loi pour l’obtenir.
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III) Modalités d’exercice du pouvoir réglementaire
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A) Principe général
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En principe « une lois, une fois promulguée, devient exécutoire à partir du moment ou sa promulgation est connue » (CE 2001 Labourère). Il y’a donc présomption d’applicabilité, que le CE peut cependant renverser si la loi n’apparait pas claire, suffisamment précise (CE 1961 Union départementale des associations familiales de la Haute-Savoie). Enfin, même si la loi prévoit l’intervention de décrets d’application, le CE peut décider que certaines dispositions de la loi sont suffisamment précises pour être appliques sans attendre l’intervention du décret (CE 1971 Ministre de la Santé publique).
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B) L’obligation de prendre le règlement d’application de la loi.
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L’arrêt CE 2000 Association France nature environnement prévoit que lorsqu’un règlement est nécessaire pour qu’une loi soit applicable, le pouvoir réglementaire a l’obligation de le prendre dans un délai raisonnable sans quoi, la responsabilité de l’état serait engagée (CE 1965 Dame Veuve Renard). Cela valant aussi, au nom du principe d’égalité précise l’arrêt CE 2002 Villemain, lorsqu’une loi intervient et qu’elle nécessite une adaptation du droit réglementaire : quand le PACS a été créé, le Premier ministre du permettre aux fonctionnaires publics pacsés de bénéficier des mêmes avantages que ceux du privé.
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C) Obligation pour le pouvoir réglementaire de prendre des mesures transitoires.
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La DC 1998 Molfessis autorisant la remise en cause des contrats passés par une loi nouvelle à la condition que les motifs de l’évolutions relève d’un intérêt général suffisant, le CE considère qu’un règlement peut aussi le faire dans les cas où le pouvoir réglementaire aurait été habilité spécialement par le législateur. Ainsi, lorsqu’une loi intervient, le pouvoir réglementaire peut être investie du rôle de préparer la transition du droit antérieur à celui positif. Pour en déterminer la douceur, il doit faire la balance entre la nécessité d’appliquer immédiatement la loi (si l’ordre public est en jeu il n’y aura pas ou peu de mesures transitoires) et l’importance des droits remis en cause, l’étendue du bouleversement et la difficulté pratique à l’application immédiate. Enfin, est précisé qu’un règlement ne peut différer l’application d’une directive européenne au-delà du délai de transposition qu’elle pose.
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Chapitre second : la norme internationale
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I) La vérification des conditions d’insertion du traité dans l’ordre juridique français.
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A) Vérification des conditions de l’approbation ou de la ratification
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D’après l’article 55 de la Constitution, « les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie ». A partir de l’arrêt CE 1965 Société Navigator, le juge administratif vérifie, qu’en plus d’avoir été publié, les traités ont effectivement été ratifié ou approuvé régulièrement (la ratification résultant du Président de la République alors que l’approbation du ministre des affaires étrangères). De ce fait, un traité ayant simplement été approuvé, alors qu’il aurait dû recevoir l’aval du Parlement par une loi, est invalide. Concernant les réserves, le CE depuis l’arrêt CE 2018 Supercoiffeur, considère qu’elles font partie à part entière de la conduite des relations internationales, acte de gouvernement donc qu’il se refuse à contrôler.
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B) Les conditions de publication
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Dans l’arrêt CE 1987 Procopio, le juge administratif affirme que les « conventions une fois publiées doivent être appliquées dans toutes leurs dispositions, y compris celles qui leur confère un caractère rétroactif ». Cependant, l’arrêt CE 2000 Fédération nationales des associations tutélaires, il revint sur cette jurisprudence en supprimant le caractère rétroactif de la publication.
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C) Vérification de la condition de réciprocité
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A l’origine, le juge administratif se refusait à contrôler la réalité de la réciprocité. C’est ainsi que dans l’arrêt CE 1999 Chevrol-Benkeddach, il se contente de reprendre la constations faite du ministre des affaires étrangère déclarant que l’état cotraitant ne l’appliquait pas. Cependant, en vertu du droit à un procès équitable, l’autorité administrative disposant du droit de donner sa propre interprétation d’un texte dont dépendait l’issu du litige auquel elle était partie, l’arrêt CEDH 2003 Chevrol c/ France censura la jurisprudence. A partir de là, le CE s’obligea à confronter, à la déclaration du ministre des affaires étrangères, les observations de l’état étranger, le forçant de fait à motiver son avis avec conviction (comme il le fera dans l’arrêt CE 2009 Association des américains accidentels)
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D) L’interprétation du traité
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Depuis l’arrêt CE 1823 Veuve Murat, le juge administratif, lorsqu’un traité (peu clair) devait être interprété, opérait un renvoi au ministre des affaires étrangères afin que celui-ci donne son interprétation, assimilant la réponse à un acte de gouvernement non détachable des relations internationales, revêtu de la force obligatoire (le liant) et insusceptible de recours contentieux (CE 1931 Sieurs Karl et Toto Samé). Cette jurisprudence ayant été dénoncée par l’arrêt CEDH 1994 Beaumarrin c/ France au titre du fait que l’administration était sollicité par le juge, alors qu’elle était partie au litige et que le CE n’avait pas pleine juridiction (puisque se dessaisissant du pouvoir d’interprétation), la situation changea avec l’arrêt CE 1990 GISTI à partir duquel le CE s’autorise à directement interpréter un traité. Cela ne veut cependant pas dire qu’il s’interdit de demander des éclaircissements sur la portée d’un traité au gouvernement, simplement sa réponse ne le liera plus.
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E) Les conditions posées pour qu’un particulier puisse se prévaloir du traité
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L’arrêt CE 1997 GISTI pose une présomption d’applicabilité direct aux conventions régulièrement publiées. Cependant, jusqu’il y’a peu, le CE considérait qu’un traité pouvait ne pas s’appliquer aux particuliers si celui-ci, dans son ensemble, semblait s’adresser aux états. De ce fait, même si dans certain article il posait une règle claire, ils devaient être remis en contexte avec les autres qui adressaient des recommandations aux états (CE 2007 Ligue pour la préservation de la faune sauvage et la défense des non-chasseurs). Cette jurisprudence sera abandonnée par celle du CE 2012 GISTI qui prévoit que le CE vérifiera simplement que le traité crée un « droit objectif » dont les particuliers peuvent se prétendre bénéficiaire et que l’existence de stipulations destinées aux états ne l’en empêche pas. Enfin, le juge administratif considère que pour s’appliquer directement, les clauses du traités doivent être suffisamment claires et précises pour ne pas requérir l’intervention d’un acte complémentaire de l’état signataire.
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II) Les règles coutumières
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L’ordre international n’est pas exclusivement composé des traités, la coutume y joue un grand rôle. L’arrêt CE 1997 Aquarone cependant, considère que celle-ci n’a pas une valeur supérieure à la loi, mais bien, comme le précise l’arrêt CE 2011 Saleh, « infra-législative ». Ce qui vaut pour la coutume vaut aussi pour les principes généraux du droit international (CE 2000 Paulin).
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Chapitre troisième : l’ordre juridique européen
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Introduction
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Dès 2004, le Conseil constitutionnel affirmait « l’existence d’un ordre juridique communautaire intégré à l’ordre juridique internet et distinct de l’ordre juridique international ». Cette place particulière du droit le l'UE, dont les première traces remontent à l’arrêt CE 1964 Costa, lequel affirme sa primauté sur le droit interne a été grandement élargi au fil du temps au point ou, l’arrêt CJCE 17 décembre 1970 affirmera que « l’invocation d’atteintes portées aux droits fondamentaux tels qu’ils sont formulés par la constitution d’un état membre […] ne saurait effacer la validité d’un acte Communautaire ou son effet ». Depuis l’arrêt CJCE 1964 Van Grend en Loos, il est de surcroit reconnu au droit communautaire des effets direct à la condition que celui-ci soit clair, précis, énonce un caractère inconditionnel et puisse « produire ses effets en l’absence de toute mesure nationale ou communautaire complémentaire » (CJCE 1963). Ce rôle, le juge administratif eu longtemps du mal à l’assumer et il fallut attendre l’arrêt CE 2009 Perreux pour qu’il se reconnaisse finalement juge de droit commun de l’application du droit communautaire. Dans ce domaine il n’est pas absolument autonome, en effet, par le biais de la question préjudicielle il peut demander à la CJUE de statuer sur l’interprétation d’un traité ou des actes pris par les institutions de l’union. Au départ, celui-ci considérait que les conclusions ne l’obligeaient pas en dehors des la question posée par le juge (CE 1985 ONIC) mais il revint dessus (CE 2006 Société de Groot). Concernant les juridictions suprêmes (Ccass, CE), celles-ci ont l’obligation de poser une question préjudicielle lorsqu’il y’a doute (si elles ne le font pas l’état peut être sanctionné comme le sera la France en 2018) sauf lorsque la réponse à la question posée « s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse place à aucun doute raisonnable » (CJCE 1982 Cilfit).
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I) La consécration progressive de la primauté du droit de l'UE
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L’arrêt CE 1968 Semoules, fidèle au principe de la loi écran, refusait de contrôler la conformité d’une loi postérieure avec un traité (antérieure il acceptait : CE 1978 Croissant) cela dans l’optique de respecter la séparation des pouvoirs, ne pas concurrencer le monopole du Conseil constitutionnel sur le contrôle des lois et entretenir de bonnes relations avec le législateur. L’arrêt DC 1975 IVG l’incita à revenir dessus ce qu’il fit par l’arrêt CE 1989 Nicolo, le contrôle de conventionalité s’arrêtant cependant aux motifs de fond : l’arrêt CE 2015 Allenbach affirmant qu’un vice de forme ou procédure ne pouvant pas faire écarter la loi. Quoi qu’il en soit le CE s’attacha à travers plusieurs arrêt de rendre supérieur les normes européennes à celles nationales que ce soit les règlements (CE 1990 Boisdet), les directives (CE 1992 Rothmans International) et même les principes généraux du droit de l’Union (CE 2004 Syndicat national de l’industrie pharmaceutique). Toutefois, l’inconventionnalité d’une loi ne relevant pas de l’ordre public, le CE ne s’autosaisira pas (CE 1991 Société Morgane). Dans une autre idée, parce que les principes protégés par le droit européen l’est aussi souvent par le droit constitutionnel, lorsque le juge national effectue un contrôle de conventionalité, il peut, dans une certaine mesure, en réaliser un constitutionnel dans le même temps. Pour ne pas dessaisir le Conseil constitutionnel de son rôle, une ordonnance de 2009 obligea CE et Ccass à faire prévaloir QPC sur le contrôle de conventionalité.
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II) L’effet direct des directives
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A l’origine, les directives étaient pensées comme des recommandations aux états ne pouvant avoir d’effet sans transposition. C’est-ce qu’affirmait du moins l’arrêt CE 1978 Cohn Bendit. Mais, parce que dans la pratique elles devirent de plus en plus précises, l’arrêt CJCE 1970 Société SACE considéra qu’un particulier pouvait s’en prévaloir dans un litige lorsque, après que le délai de transposition soit passé, l’état ne l’aurait toujours pas transposé et qu’elle eut été claire et précise. L’arrêt CE 2009 Perreux revint sur Cohn Bendit en affirmant que la transposition étant obligatoire par l’article 88 de la Constitution et que le juge administratif, en tant que juge de droit commun de l’application du droit de l'UE, reconnaissait la possibilité aux justiciables de demander l’annulation des dispositions réglementaires contraires aux objectifs des directives à la condition qu’elles aient un effet direct (sans transposition elle ne peut ni être invoquée par l’état, ni par les particuliers : CE 1995 SA Lilly France). A ce sujet, l’arrêt CE 1989 Compagnie Alitalia permet aux justiciable de demander à l’autorité administrative d’abroger d’elle-même un acte réglementaire illégal (soit depuis l’origine, soit l’étant devenu du fait d’un changement de circonstances) donc, notamment, par rapport au droit de l'UE, et, en cas de refus, le déférer au juge administratif. Même avant que le délai de transposition ne soit écoulé, une directive produit des effets de droit. Ainsi, l’autorité administrative ne peut prendre des mesures qui compromettrait l’application de la directive durant ce délai (CJCE 1997 Inter-Environnement Wallonie).
Chapitre quatrième : les principes généraux du droit
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I) Notion
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Au sortir du Régime de Vichy, les juristes se rendent compte que la loi, sacralisée sous la IIIe république, peut se révéler attentatoires aux libertés. Seule, elle n’apporte plus de garanties suffisantes contre les abus de l’autorité administrative. Le CE développa ainsi, les « principes généraux du droits », règles non-écrites à valeur supra-réglementaire. Dans l’arrêt CE 1944 Dame Trompier-Gravier, le Conseil d’état annule une décision administrative ne respectant pas, alors qu’aucun texte ne l’obligeait, les droits de la défense. Il fallut attendre l’arrêt CE 1946 Aramu pour que le juge administratif nomme pour le première fois les « principes généraux du droit ». Inspirés par divers sources (Préambule de 1946, Codes du travail, pénal, etc.), il n’est pas possible d’en faire la liste exhaustive, la catégorie évoluant au gré des décisions juridictionnelles. Il est cependant envisageable d’en distinguer deux types. Ceux de la première génération (les « grands principes » d'égalité devant les charges publiques, devant le service public ou encore celui de liberté de l’enseignement) de ceux de la seconde, moins généraux (CE 1973 Dame Peynet – interdiction de licencier une femme enceinte non-titulaire de l’administration sans faute grave ; CE 1982 Aragnou – interdiction de payer moins du SMIC un agent non-titulaire de l’administration ; CE 1948 Berre l’Etang – obligation pour l’administration de protéger ses agents non-titulaires lorsque victimes d’attaque alors qu’ils n’ont fait qu’exécuter la mission qui leur était confiée). Sur les second, Didier Linotte déplorera la tendance du CE de se contenter désormais de « solution d’espèce » et de s’éloigner de la nature première des PGD comme « règle fondamentale qui commande d’autres plus particulière et dont le degré d’abstraction permet de recevoir un grand nombre d’application ».
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II) La place des principes généraux du droit dans la hiérarchie des normes.
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Dans l’arrêt CE 1959 Syndicat général des Ingénieurs-conseils, le juge administratif affirme le caractère supra-réglementaire des PGD en en appliquant une disposition aux décrets autonomes. Par cette décision celui-ci règle la question du contrôle de cette catégorie de règlements pris en absolue indépendance de la loi. Toutefois, parce que les règlements autonomes, pris en application de l’article 37, étaient appelés à prendre la place des loi dans ces domaines, certains ont considéré qu’il fallait considérer les PGD comme supra-législatifs pour pouvoir les leur appliquer. A cela, René Chapus critiqua que, selon lui, les principes que le juge découvre ont une place commandée par la place du juge dans les institutions (serviteur de la loi et censeur du règlement). De ce fait, ils sont, par nature, infra-législatifs et supra-réglementaires. Il faut noter néanmoins que certaines règles non-écrites reconnues par le juge administratif peuvent ne pas être impérativement respectées par l’autorité administrative (en particulier les « règles générales de procédure ») cela parce qu’ils n’ont de valeur que ce que le CE va leur accorder (il peut les déclarer impératifs ou supplétifs).
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III) Principes généraux du droit et principes à valeur constitutionnelle
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Il n’est pas rare que les PGD que le CE reconnaisse soit identiques à ceux à valeur constitutionnelle du CC. René Chapus avait alors soutenu que les deux étaient de nature différentes en ce que les uns étaient tirés du Préambule de la Constitution tandis que les autres découverts par le juge administratif : bien que leur contenu eut été semblable, ils demeureraient indépendants. Cependant, comparé à l’article 62 de la Constitution lequel fait s’imposer les décisions du CC à toutes les juridictions, cette position semblait peut stable. Louis Favoreu tout comme Bruno Genevois contestait cette idée, le second affirmait que « un PGD ne change ni de nature, ni de valeur juridique selon l’instance qui en assure le respect. Les principes généraux qui ont valeur constitutionnelle l’ont aussi bien pour le CC que pour le CE ». Cela conduisit le juge administratif par l’arrêt CE 1954 Barel à donner raison aux partisans de l’unité de l’ordre juridique et, par l’arrêt CE 1985 Outters, à reconnaitre l’autorité de la chose jugée pour les DC. Le schéma évolutif du droit à une vie familiale normale est significatif de l’ensemble. Au départ, le CE l’appliquait vis-à-vis d’un PGD (CE 1978 GISTI) puis, à partir des années 1990, il commence à le faire par rapport au principe exprimé dans le Préambule de 1946 selon quoi « la Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » (CE 1990 UNAF), enfin, dans un troisième temps, il s’appuie sur l’article 8 de la CEDH en vertu duquel « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance » (CE 1991 Beldjoudi). Si l’influence du CC vers le CE est réelle, celle du CE vers le CC n’est pas moins vraie non plus : il arrive que des PGD soient devenues des principes à valeur constitutionnelle par la jurisprudence du CC. Dans la même idée, depuis l’arrêt CE 1996 Koné, le CE se reconnait compétent pour « découvrir » lui aussi des principes à valeur constitutionnelle. Dans cette affaire, un ressortissant malien frappé d’une mesure d’expulsion le contestait au titre que la requête de l’état malien se fondait sur des motivations politiques, chose défendue par une loi du 10 mars 1927 mais non prévue par le traité d’extradition entre la France et le Mali. Or, depuis l’arrêt Nicolo, les traités ayant autorité supérieure aux lois, le CE ne pouvait en écarter l’application à moins de trouver un principe supra-conventionnel, chose qu’il fera en puisant dans la loi un PFLR (interdiction d’accepter l’extradition lorsque demandée dans un but politique). Bien qu’il l’ait déjà fait sous la IVe République, en ce temps, le CC n’existait pas. Son autorité est désormais concurrente de celle du second. Reste à savoir ce qu’il aurait fait s’il avait considéré la convention internationale comme manifestement contraire à un principe constitutionnel qu’il aurait découvert.
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Troisième partie : les personnes participant à l’action administrative
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Chapitre premier : l’état : le pouvoir hiérarchique
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I) Le pouvoir hiérarchique
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Au sommet de l’administration se trouve le 1er ministre lequel dispose d’un pouvoir hiérarchique d’annulation, réformation, instruction et substitution sur l’ensemble des actes pris par les échelons inférieurs. En effet, à moins d’être une AAI, chaque organe est contrôlé par la tête au moins selon un pouvoir de tutelle. Seuls les ministres y échappent (CE 1965 Compagnie marchande de Tunisie). Pour contester un acte, les particuliers peuvent faire un recours hiérarchique devant l’autorité supérieure, même lorsqu’aucun texte ne le prévoit (CE 1930 Quéralt), il a pour effet d’interrompre le délai de recours juridictionnel. L’arrêt CE 2009 Ouahrirou prévoyant qu’en cas d’introduction conjointe de recours gracieux et hiérarchique, le délai en question ne commence à s’écouler que lorsque les deux demandes ont été rejetées. Le contentieux administratif ayant augmenté depuis que l’administration se mis à respecter son obligatoire d’avertir les destinataires de ses décisions de refus en leur indiquant les délais et voies de recours (l’absence empêchant le délai de recours contentieux de courir CE 1991 Abit), dans l’optique de désencombrer les juridictions, le législateur prévoit de plus en plus de recours hiérarchiques obligatoires. Au départ, l’arrêt CE 2005 Louis obligeait aussi bien ceux ne figurant pas dans la liste des personnes devant présenter recours obligatoires mais ayant intérêt à contester la décisions mais, par l’arrêt CE 2006 Société Leroy-Merlin elle affirma qu’en dehors des recours devant les ordres professionnels, l’obligation de recours ne devait s’appliquer qu’aux personnes « expressément énumérées par les dispositions qui en organisent l’exercice ». Si le silence de l’administration vaut normalement acceptation, en cas de recours, passé deux mois, il vaut refus. Qu’elle soit positive ou non, la nouvelle décision se substitue à l’ancienne, c’est elle qu’il faudra déférer au juge (CE 1979 Clinique chirurgicale Francheville) et l’exercice du recours hiérarchique dessaisit l’AA initiale (CE 2005 Ministre de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées). La décision soumise à un recours obligatoire peut faire l’objet d’un référé suspension (CE 2001 Produits Roche). Lorsque le recours n’est pas obligatoires, l’arrêt CE 1947 County prévoit que la motivation ne l’est pas non plus. Pour Bonichot, la jurisprudence du CE 1953 Intercopie ne s’applique pas au recours administratif. Celle-ci prévoit que lors d’un excès de pouvoir, un justiciable n’ayant présenté lors de ses délai que des moyen de légalité externe, ne peut ensuite présenter des internes. De même, s’il fait un recours administratif, il est lié par l’objet du litige s’il veut se présenter devant le juge et ne peut changer que des moyens invoqués.
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II) Les autorités administratives indépendantes.
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Apparues à partir des années 1970 avec la CNIL puis s’étant développées sous influence européenne (mouvement de libéralisation), les AAI n’ont été codifiées par le législateur organique qu’en 2017. Celles-ci ne disposent pas de personnalité morale et, malgré leur indépendance vis-à-vis de l’exécutif, peuvent compter sur le patrimoine de l’état pour répondre de leurs erreurs. Plusieurs questions se sont posés suite à leur mise en place. Tout d’abords on se demanda s’il était obligatoire de leur confier un pouvoir de décision unilatérale, le législateur répondit non en créant des AAI à la magistrature purement morale ne s’exerçant que par voie de recommandation et rapports publics. Dans une autre idée, l’indépendance vis-à-vis du gouvernement posa des question par rapport à l’article 20 de la Constitution qui donne à ce dernier le contrôle sur l’administration, base du contrôle parlementaire. A cela la DC du 18 septembre 1986 répondit que le gouvernement contrôlait toujours puisqu’ayant la possibilité d’introduire un recours devant un juge. La question du pouvoir réglementaire donné par l’article 21 au premier ministre, ce fois, posa aussi problème. La même DC y répondit en accordant le pouvoir au législatif de confier à une AA, autre que le premier ministre, un pouvoir réglementaire, à condition que celui respecte les loi et règlements, le CE n’hésitant pas par la suite à annuler des actes administratifs des AAI contrevenant à des règlements CE 1990 SA La Cinq. Sur le pouvoir de sanction, pour finir, l'on vit des AAI être dotées de pouvoir de punition très forts et, dans les décisions CE 1989 CSA et CE 1989 COB, le CE jugea que les AAI pouvaient faire des sanctions si non privatives de libertés et prises dans le conditions assurant droits et libertés constitutionnellement garantis en observant les mêmes obligations que le juge pénal (droit de la défense, non rétroactivité, LDP, nécessité de la sanction, etc.). Sur l’application de l’article 6 de la CEDH, quant à lui, longtemps le CE considéra que les AAI en étaient exempts mais il changea d’avis. La CEDH considérait elle qu’il suffisait simplement que la décision finale de l’AAI puisse faire l’objet d’un contrôle de pleine juridiction par une juridiction respectant l’article 6 sauf si l’inobservation initiale d’une garantie de l’article 6 risquerait gravement de compromettre le caractère équitable du procès. Le CE, depuis exige que les AAI pouvant être regardés comme des tribunaux suivant leur composition et attributions doivent offrir les mêmes garanties d’impartialités que prévoit l’article 6 sauf la publicité des audiences.
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Chapitre second : les collectivités territoriales
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I) La notion de compétence générale
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Créées par la loi du 2 mars 1982, l’origine des collectivités territoriales remonte au XIXe siècle et le mouvement de décentralisation entrepris par l’état. Ces dernières, malgré leurs formes diverses, présentent des traits commun : un organe délibérant, un exécutif, une compétence générale et l’usage de la délibération. La notion de compétence générale veut que la collectivité territoriale soit compétente dans tous les domaines d’intérêt public communal n’ayant pas été expressément délégué par la loi à l’état ou d’autres personnes publiques (CE 1985 Ville de Cayenne) et n’empiétant pas sur les champs d’attribution conférés au maire (CE 2001 commune de Mons-en-Barœul). Ainsi, malgré que l’état ait confié la charge du RMI aux département, la commune peut instaurer des aides d’insertion supplémentaires pour ses habitants. Au contraire, l’arrêt CE 1996 Ville de Nice affirme qu’une CT ne peut prendre en charge des intérêts purement privé : l’absence d’intérêt communal rend illégal la délibération à moins qu’une loi ne le lui autorise expressément (CE 1993 commune de Chauriat). C’est en ce sens que par l’arrêt CE 2018 Association centre LGBT, le juge annula la subvention donnée à une association militant pour la GPA au titre, que ce don « ne peut être regardé comme exempt de tout motif d’ordre politique ». Néanmoins, le don à un syndicat n’est pas totalement interdit, l’arrêt CE 2005 commune d’Argentan le permettant à la condition de s’assurer que l’argent ne finance pas d’activité politique mais, en l’espèce, des formation sur le droit social. Dans une même idée, sans que la loi le lui autorise, parce que c’était dans l’intérêt communal, l’arrêt CE 1995 commune de Villeneuve d’Ascq pu octroyer une bourse à deux étudiants étrangers venant de villes jumelles. Pour résoudre le soucis de l’enchevêtrement de compétence des CT, la loi du 16 décembre 2010 intervint en limitant quelques peu celles du département et de la région en affirmant que « le conseil général règle par ses délibérations les affaires […] dans les domaines de compétence que la loi lui attribue » (L3211-1 CGCT). L’article L3111-1 dispose quant à lui que « le conseil régional ou départemental peut en outre, par délibération spécialement motivée, se saisir de tout objet d’intérêt régional ou départemental pour lequel la loi n’a donné compétence à aucune autre personne publique ». Pour la commune, les choses étaient identiques jusqu’en 2014 où elle a été rétablie, puis resupprimée en 2015, une DC de 2016 ayant affirmé que l’article 72 de la Constitution portant sur la libre administration des collectivités territoriales ne justifiait en rien que la commune puisse se saisir de compétences que la loi n’a attribué à aucune autre collectivité.
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II) La distinction avec l’établissement public.
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A l’origine, alors que la CT avait une compétence générale, l’établissement public lui en avait une spéciale. Mais, depuis la création des Etablissement Public de Coopération Intercommunale, créés pour regrouper les communes cette distinction n’est plus pertinente. En effet, au départ il n’était confié à celle-ci que la gestion d’un ou deux service public mais aujourd'hui elles ont des missions aussi diversifié que le développement économique ou l’aménagement de l’espace. André de Laudabère met en avant le rapprochement entre CT et EPCI. Pour lui, ce qui semble distinguer les deux c’est qu’en principe, l’EPCI ne bénéficie pas de compétences variées. Pour lui également, la CT est là seule à rassembler sa population par le biais d’organes élus, chose fausse depuis que les organes délibérant des EPCI à fiscalité propre sont aussi élus. Il en conclu que la différence a disparu et qu’il faudrait repenser la CT en Collectivité territoriale fédérative.
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III) La pouvoir réglementaire des collectivités territoriales.
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En 1984 le CC eut à se prononcer sur l’idée émise par Maurice Bourjol selon laquelle, en vertu du principe de libre administration des CT pensé par l’article 72 de la Constitution, celles-ci devraient être dotées d’un pouvoir réglementaire leur permettant d’appliquer les lois lorsque celles-ci les concernent (à la place du 1er ministre). Le Conseil constitutionnel refusa la théorie ce qui fit conclure que
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Le principe constitutionnel de libre administration est mis en œuvre et limité par la loi
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Les dispositions législatives de mise en œuvre du principe constitutionnel sont elles-mêmes mises en œuvres par les décrets
Dans l’arrêt CE 1992 Fédération Interco le CE conclu au même raisonnement. Le 1er ministre étant, au titre de l’article 21 de la Constitution, compétent même sans que la loi ne le prévoit expressément. Après la réforme de 2003 conférent aux CT un pouvoir règlementaire « pour l’exercice de leur compétence », l’on se demanda si les choses avaient changé. A. Haquet prouva que non en démontrant que ce pouvoir était
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Subordonné : doit se conformer aux dispositions législatives et réglementaires nationales (CE 1998 commune de Longjumeau).
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Résiduel : il faut que la loi n’ait pas renvoyé à une autorité la charge d’en prévoir l’application et qu’elle soit suffisamment clair pour ne pas demander l’intervention d’un décret du 1er ministre de clarification.
De fait Haquet fait la différence, comme Jean-Marie Aubry, entre pouvoir réglementaire d’exécution et d’application de la loi. Tandis que le premier « fixe les mesures complémentaires de la loi, détermine dans certaines limites juridiques les modalités d’application de la loi sans lesquelles celle-ci est souvent inapplicable ». Le second « procède à la concrétisation de la loi ». Quoi qu’il en soit les CT n’ont pas le monopole du pouvoir réglementaire d’exécution des lois dans les domaines qui les concernent. Elles interviennent concurremment avec le pouvoir réglementaire national.
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IV) Le contrôle de l’état sur les collectivités territoriales.
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A) Le déféré préfectoral.
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L’idée en 1982 était de transformer le contrôle a priori du préfet en un contrôle a posteriori du juge. Cependant, l’état décentralisé restant unitaire, le CC fit bien comprendre, dès la rédaction de la loi, qu’il n’était pas question de supprimer totalement le droit de regard du gouvernement sur les actes des CT, celui-ci n’hésitant pas à censurer les articles de la loi permettant publication d’actes sans notification au préfet, ne lui laissant même pas la possibilité d’en connaitre pour former un quelconque recours (DC 25 février 1982). Quelle est alors la nature de la relation entretenue par le préfet et les CT. Certains jugent qu’il s’agit d’une tutelle. Cependant, alors que le droit administratif considère les relations de tutelle comme des décision individuelles, le CE considère depuis CE 2002 commune de Laveyron qu’il n’était plus possible depuis 1982 de qualifier de tutelle le contrôle de l’état (et du préfet) sur les CT, le rapporteur Austry proposant de les qualifier de « mesures d’organisation du service public », actes que l’on pensait nécessairement réglementaires jusqu’à la décision CE 2016 commune d’Emerainville qui leur refusa ce statu. Le préfet est donc placé dans la même situation qu’un justiciable ordinaire (il peut saisir le tribunal administratif et faire un recours gracieux), l’arrêt CE 2000 Commune de Saint-Florent ne rendant responsable l’état de des carences de l’exercice du contrôle de légalité des actes des CT qu’en cas de faute lourde (le préfet n’attaque pas un acte d’un EPCI qui sort du cadre de ses compétences en intervenant en dehors de son périmètre géographique). Concernant la commune, les délibération du conseil municipal et les décisions du maire les plus importantes doivent être transmises au préfet pour être exécutoires. En pratique, le nombre d’actes déférés est très réduit (0,40%) par rapport à celui de lettre d’observation (80x supérieur). On est donc repassé de facto à un contrôle a priori. Les actes ne devant pas être transmis sont exécutoires de plein droit dès qu’ils ont été affichés, publié ou arrivé à leur destinataire. Le préfet peut alors les déférer (CE 1997 Préfet de la Réunion) devant le tribunal dans un délai de 2 mois suivant leur communication au public. Si la CT n’a pas transmis le texte intégral, le préfet peut lui demander dans un délai de 2 mois suivant la réception de l’acte lacunaire de le compléter, le délai de deux mois pour le recours devant le juge court alors soit de la réception de l’acte complet, soit de la décision de refus de transmettre de la CT (CE 2003 District de Bastia). Également, sur les recours gracieux, lorsque le préfet en fait un au maire, le délai de recours devant le juge est suspendu jusqu’à la réponse, quand bien même celui-ci n’aurait pas compétence pour se prononcer (CE 1998 commune du Blanc-Mesnil). Le déféré, depuis l’arrêt CE 1991 commune de Saine-Marie assimilé à un recours pour excès de pouvoir. Le législateur a voulu que s’instaure un dialogue entre CT et préfet : le maire peut demander au préfet s’il compte déférer et ce dernier avertir le premier lorsqu’il le fait en lui transmettant toutes précisions sur les illégalités invoquées à l’encontre de l’acte concerné. Le préfet est un requérant privilégié en ce qu’il peut ajouter à son recours une demande de suspension à laquelle le juge fera droit dès lors qu’il est avancé un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l’acte attaqué. Après un mois de suspension, l’acte redevient exécutoire si le juge n’a pas statué. Lorsque l’acte est de nature à compromettre l’exercice d’une liberté publique ou individuelle, le juge se prononce sous 48h et l’appel doit se faire au maximum dans les 15j suivant notification. Il peut donc exister des situations ou un particulier ait intérêt à attendre que le préfet défère lui-même l’acte, raison pour laquelle il peut, dans les deux moins suivant publication de l’acte, demander au préfet de le faire. Le refus du préfet de déférer ne pouvant faire l’objet d’un recours (CE 1991 Brasseur) en revanche le délai de recours est prorogé jusque réponse du préfet.
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B) Le pouvoir de substitution du préfet.
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En matière de police municipale, l’article L2215-1 du CGCT prévoit que le préfet peut prendre pour toute les communes de son département les mesures qui s’imposent lorsque les maires n’ont pas agi. Si une seule commune est concernée, le préfet ne peut agir qu’après avoir mis en demeure le maire en question sauf si urgence (CE 1994 Ministre d’état). Malgré l’adage « pas de tutelle sans texte », la DC 6 décembre 2007 accorde au préfet la possibilité de se substituer au maire lorsque l’absence de décision de l’autorité locale « risque de compromettre le fonctionnement des service publics et l’application des lois ». Également le maire est parfois agent de l’état et doit, en vertu du pouvoir hiérarchique du préfet, se soumettre à ses directives et se voit parfois substitué (officier de police judiciaire). L’arrêt CE 19 décembre 2018 affirmant que c’est en cette qualité d’agent d’état que le maire dresse la liste des enfants soumis à l’obligatoire scolaire. C’est en cette même qualité qu’il est officier d’état civil.
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Chapitre troisième : les personnes publiques spécialisées
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I) L’établissement public
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A) Autorité compétente pour créer un établissement public
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1) La notion de catégorie d’établissements publics.
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Au titre de l’article 34 de la Constitution, si le législateur est compétent pour créer de nouvelles catégories d’EP, le 1er ministre peut, par décret, les mettre en place de même que les collectivités territoriales, lorsque cela est prévu par la loi. Comme le dit Marcel Waline « on n’a pas voulu que le Parlement dût être dérangé chaque fois qu’il avait lieu de créer un nouvel hôpital ». Dans la décision CC 1979 ANPE, le juge défini deux critère permettant de définir une catégorie : (1) la nature de la tutelle et le rattachement territorial de l’établissement et (2) la mission de l’établissement public. Si les deux sont analogues en ces deux points, ils semblent faire partie de la même catégorie.
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2) Les choix de modes de gestion par les collectivités locales
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Une collectivité peut soit prendre en charge directement une activité (régie), soit la confier à un établissement public à personnalité morale lorsque le législateur le lui autorise. Dans ces cas, il faut presque tout le temps l’intervention d’une autorité de l’état. C’est le cas pour les OPHLM, les OPAC, les EPCI. Toutefois, lorsqu’il s’agit des associations, les collectivités territoriales sont plus libres. D’après l’arrêt CE 1994 Delrez, le recours à une association pour les activités de services public ne peut ainsi être regardé comme illégal en lui-même à moins, comme l’affirma l’avis du 7 octobre 1986 du CE, « que le service soit au nombre de ceux qui par leur nature ou la volonté du législateur ne peuvent être assurés que par la collectivités territoriales elle-même ». L’arrêt CE 1995 chambre d’agriculture des Alpes-Maritimes précisant quant à lui qu’une ct ne pourrait confier ses compétences propres à une association ou toute autre structure de droit privé.
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B) Les critères de l’établissement public.
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Si la loi ne précise pas qu’un organisme administratif a ou n’a pas la personnalité morale, ce sera au juge d’en décider. Bien souvent, si l’autonomie dont il dispose est importante, il en déduira que l’intention du créateur aura été de lui confier une personnalité morale (CE 1960 Grand Chancelier de la Légion d’Honneur). S’il décide qu’elle en est doté, il doit conclure si elle est de droit public ou de droit privé. Au départ, l’arrêt TC 1899 canal de Gignac qualifiait d’établissement public les associations détenant des prérogatives de puissance publique. Les choses évoluèrent et dès les années 1930 cette distinction n’était plus pertinente. L’arrêt CE 1962 Chevassier rénova les choses. En l’espèce M. Chevassier avait été recruté comme garde-chasse en Ardèche puis révoqué pour manque de zèle et propension à l’intempérance. Pour connaitre de la compétence du tribunal administratif pour en traiter le recours l’on du se demander si la fédération de chasse eut été de droit public ou de droit privé chargé d’une mission de service public. Pour Guy Brabant, lorsque l’intention du législateur n’est pas clair, le juge doit comparer la densité de droit public à celui privé puis voire de quoi est il le plus opportun de le qualifier. En l’espèce les qualifier de droit public aurait alourdi leur gestion en imposant des règles de de comptabilité publique notamment.
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C) La distinction établissement public administratif établissement public industriel et commercial.
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Pour le déterminer il ne s’agit que d’utiliser les critères de distinction posés par l’arrêt CE 1956 Union syndicale des industries aéronautique. Si l’établissement public a à la fois des missions administratives et industrielles et commerciales, on dit qu’il est à « double visage ». Lorsque l’établissement public est créé par la loi, il n’est pas requalifiable à l’inverse de ceux créés par décret comme il a été fait par l’arrêt TC 1968 Société distillerie bretonnes avec l’établissement public à visage inversé. En cas de doute, il relève normalement du pouvoir réglementaire de déterminer le caractère de l’établissement public (CC 25 juillet 1979), chose déjà constatée par l’arrêt CE 1965 EPIC. Lorsque la loi qualifie un établissement public en charge d’un service public administratif d’EPIC, l’arrêt TC 2004 Epoux Blanckeman considère que le juge administratif n’est compétent que lorsqu’est en cause une prérogative de puissance publique. Par contre, lorsque la qualification résulte d’un décret, le juge peut se permettre de le requalifier complètement (CE 1986 Berger).
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D) Le régime de l’établissement public.
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1) La tutelle.
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Comme toute tutelle, elle est délimitée par le texte. Un pouvoir de tutelle peut-il simplement consister en la possibilité de saisir le juge administratif ? S’il est sûr que l’absence des pouvoirs d’instruction et de réformation distingue tutelle du pouvoir hiérarchique, la doctrine se déchire pour le reste. Ainsi, Dugrip et Saidji avancent que c’est possible si « texte exprès » et que l’on peut retrouver des pouvoirs de substitition au simple droit d’information ou de saisine du juge. Frier et Petit affirment quant à eux que la tutelle peut englober un pouvoir d’approbation, d’annulation et de substitution. Pour Chapus, l’autorité de tutelle peut aussi bien détenir un pouvoir d’annulation, d’approbation, d’autorisation et de substitution ou simplement la possibilité « de déclencher un contrôle qu’une autre autorité exercera ».
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2) Le rattachement
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Si tout établissement public est rattaché à une collectivité territoriale (ou directement à l’état), il n’en reste pas moins que le lien que les lie n’est pas de subordination. De fait, si juridiquement le chef de l’établissement public est soumis au pouvoir hiérarchique du ministre, ce dernier ne peut lui adresser des injonctions sur l’organisation interne de son service (CE 2012 Syndicat des médecins inspecteurs de la santé publique). Certains établissements comme les EPCI échappent toutefois au contrôle des communes qui les désignent (elles composent par le vote ses organes dirigeants mais aucune d’elle ne le fait seule). Dans l’arrêt CE 2006 Association syndicale du canal de la Gervonde il a même été reconnu qu’un établissement public n’eut été rattaché à aucune collectivité territoriale. E. Fantôme, quant à lui distingue le rattachement de nature (l’EP exerce une mission initialement confiée à une CT) à un simple rattachement technique utilisé pour déterminer le droit applicable (EP corporatif représentant des personnes ayant une communauté d’intérêts). Pour les seconds, dans l’arrêt CE 1991 Crépin les chambres de commerce et d’agriculture ont été ainsi rattaché directement à l’état.
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3) Le principe de spécialité.
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Par nature les compétences de l’EP sont déterminées par le texte qui l’institut. Depuis longtemps, il a été accepté qu’ils sortent du cadre initial pour des activités accessoires. Ainsi dans l’arrêt CE 1935 SA des glacières toulousaines l’on a accepté qu’un abattoir public vende de la glace. L’on a également accepté que l’extension de mission puisse être motivée uniquement par un impératif financier d’équilibre des comptes : ainsi la création d’une station-service et la location de garage au mois pet être adjointe à un parc de stationnement (CE 1959 Delansorme). L’avis CE 1994 EDF précise cependant que les activités annexes doivent être techniquement et commercialement le complément normal de la mission statutaire principale ou au moins connexes et, à la fois d’intérêt général et directement public à l’EP. Toutefois, lorsqu’il s’agit d’EPCI, il ne peut avoir plus de compétences que les collectivités territoriales qui l’ont créé. L’EP ne peut non plus sortir du cadre légal défini par le législateur, même si le décret qui le crée spécifiquement le lui autorise.
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II) Les personnes publiques sui generis.
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A) La controverse de l’arrêt Monpeurt.
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Apparues au début des années 2000, les personnes publiques sui generis sont venus s’ajouter aux cotés des établissement publics aux rangs des personnes morales de droit public. Une controverse était née auparavant d’un arrêt traitant du sujet. Une loi du 16 août 1940 créait les comités d’organisation, organismes corporatifs chargés de gérer la pénurie qui frappait certains secteurs sous le régime de Vichy. Une décision de l’un d’eux avait été contesté devant le juge administratif qui avait la charge de déterminer ou non s’il s’agissait d’une autorité administrative (sans quoi il n’aurait pu être compétent). Dans l’arrêt CE 1949 Monpeurt il jugea que tout en n’étant pas un établissement public, il était compétent. Cela eut pour conséquence de faire naitre deux interprétations. Alors que les soutiens du service public considérèrent que l’arrêt créait une nouvelle catégorie de personne morale de droit public, d’autres conclurent que l’arrêt reconnaissait la possibilité à l’état de confier une mission de service public à un organisme de droit privé, point que confirmera l’arrêt CE 1961 Magnier. Finalement, par l’arrêt CE 1984 Centre d’études marines avancées, le CE donnera raison à la seconde hypothèse. Cette révélation 40 ans après la suppression des comités d’organisation n’est que la preuve de la réticence du CE à créer une nouvelle catégorie de personne morale.
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B) La résurgence de personnes publiques spéciales.
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Cependant, il a toujours existé des personnes publiques qualifié de différent des établissements publics comme, par exemple, les cercles des officiers d’établissement public (CE 7 décembre 1983 & TC 26 mai 1983). L’arrêt CE 2000 Banque de France vint créer la catégorie de « personne publique sui generis » dans le cadre de l’application du traité de Maastricht. Les GIP, quant à eux, sont décrétés « personne morale de droit public dotée de l’autonomie administrative et financière ». Ceux-là, constitués par Convention et non créés par un acte unilatérale, sont assujettis aux mêmes règles que les EP sans pour autant en être (TC 2000 GIP).
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C) Les autorités publiques indépendantes.
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L’AMF, l’ACAM, l’AFLD, l’HADOPI, l’ARAFER et le CSA sont tous des autorités publiques indépendantes. Bien que le juge ne soit pas encore intervenu expressément pour juger si l’autorité publique indépendante pouvait ou non être qualifié d’établissement public, dans l’arrêt CE 2007 M. T, il les range dans les « autorités administratives indépendantes », alors même qu’elles ont la personnalité morale (chose que seules les « personnes publiques indépendantes » devraient avoir). Cela a pour conséquence qu’en cas de litige l’autorité publique ne puisse dépendre que de son patrimoine propre pour répondre de ses actes. Toutefois, dans un avis à propos de la CCAMIP, le CE affirma qu’en cas d'insolvabilité, le justiciable pourrait se tourner vers l’état pour obtenir réparation, cela en vertu de l’arrêt CE 2004 Popin affirmant l’unité du pouvoir juridictionnel de l’état (doit répondre des conséquences du pouvoir de sanction accordé à certains).
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III) Le statut des personnes publiques.
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A) Limites à l’utilisation des modes alternatifs de règlement des litiges.
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1) La transaction.
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Bien que de règle générale le fait d’être ou non une personne publique peut ne pas avoir d’influence sur le droit applicable ou le juge compétent, il existe quelques limites qu’apporte ce statu. Elles ne peuvent ainsi pas librement recourir aux modes alternatifs de règlement des litiges. De fait, la transation que l’article 2044 du Cciv définit cimme « un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou prévienne une contestation à naitre » n’est autorisée pour les établissement public nationaux « qu’avec l’autorisation expresse du Premier ministre » (article 2045 du Cciv). Également, la personne publique ne peut librement transiger sur le fond, son domaine n’est que celui du contrat et de la responsabilité, pas de l’acte unilatéral : elle ne peut s’engager par une transaction à exercer un pouvoir qui lui a été confié et qu’elle doit exercer de manière unilatérale. Cependant, même dans le domaine du contrat et de la responsabilité, l’arrêt CE 1971 Sieur Mergui précise qu’une « personne morale de droit public ne doit jamais être condamnée à payer une somme qu’elle ne doit pas ». Cette régle étant d’ordre public CE 2016 Société Fossmax), le juge devrait donc relever d’office qu’une convention portée devant lui ne respecte pas ce principe (CE 1980 Compagnie d’assurance La Concorde). Ainsi, il censurera l’indemnisation indue ou disproportionnée par rapport au préjudice (sans pour autant s’assurer que le préjudice eut été exactement indemnisé, cela faisant parti de la transaction CAA Versailles 2006 Commune de Draveil). Même si le contrat de transaction empêche de saisir le juge afin de faire reconnaitre des droits méconnus (clot le litige), il sera nécessaire de saisir le juge pour pouvoir recourir à la force contre la partie qui refuse de s’exécuter. C’est pourquoi l’arrêt CE 2002 Syndicat intercommunal des établissements du second cycle du second degré du district de l’Hay-les-Roses admet qu’une demande puisse être faite au juge d’homologuer une transaction ce qui ensuite permet le recours à la force si l’une des parties n’exécute pas ses obligaations qui découlent de la transaction. L’arrêt CE 1971 Ville de Carpentas affirmant quant à lui que la transaction sera un contrat administratif si rendant compétent le juge administratif et contrat privé si rendant compétent celui judiciaire.
2) L’arbitrage.
L’article 2060 du Cciv affirmant que « on ne peut compromettre […] sur les contestations intéressant les collectivités publiques, les établissements publics », il est en principe interdit de recourir à l’arbitrage. Cette interdiction fondée sur un PFRLR par l’avis du 6 mars 1986 et l’arrêt CE 2004 Sueur, admet des exceptions lorsque celles-ci sont prévues par la loi. Ainsi, l’article 2060 du Cciv précise que « des catégories d’EPIC peuvent être autorisés par décret à compromettre ». Cette interdiction était fondé sur la croyance que les collectivités publiques ne sont pas forcément capables de défendre leurs intérêts par la négociation et que l’arbitrage, comme tout mode de justice alternatif, concurrençait celle étatique et la reconnaissance de sa valeur par l’état serait une preuve de défaillance de celle-ci.
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B) L’impossibilité d’utiliser les voies d’exécution de droit commun contre une personne publique.
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Dès l’arrêt TC 1899 Association canal de Gignac l’on jugeait que les voies d’exécutions instituées par le Code de procédure civiles pour le recouvrement de créances sur particuliers (saisies-arrêts, saisie exécution, immobilières, etc.) ne pouvaient être suivies. L’arrêt ÇA 1984 SNCF tenta dechanger les choses pour les EPIC avant d’être annulé par l’arrêt Ccass 1987 SNCF lequel consacre l’insaisissabilité des biens des personnes publiques au titre d’un « principe général du droit » avant d’être codifié à l’article L2311-1 du CGPPP. Dans une autre idée, l’arrêt ÇA 15 février 1991 rend inapplicable les règles de règlement et liquidation judiciaire pour les personnes publiques. L’évolution du droit européen poussant pour une mise en concurrence des personnes publiques et privées (sous les mêmes règles donc) va à l’encontre de ces principes. Toutefois, la privatisation des grnades entreprises étatiques (EDF, SCNF) semble avoir résolu temporairement le problème.
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C) L’intervention des perosnnes publiques dans la vie économique.
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1) Le socialisme municipal.
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D’abords réticent à l’intervention des personnes publiques dans la vie économique, l’arrêt CE 1901 Casanova ne l’acceptait qu’en cas de « circonstances exceptionnelles », s’il y avait carence de l’iniative privée, de peur que les communes ne soient pas capable d’en prendre la charge. L’arrêt CE 1930 chambre syndicale du commerce en détail du Nevers changea les termes pour celui plus souple de « circonstances particulières » réunies lorsque (1) carence d’initiative privée et (2) intérêt public de l’activité. Ainsi, l’arrêt CE 1933 Zénard permis à la ville de Reims de garder ouvert la boucherie qu’elle avait créée pendant la guerre pour faire face à la pénurie. A partir de l’arrêt CE 1964 Ville de Nanterre, la quarence passa d’une quantitative à une qualitiative, en l’espèce un service de soin dentaire municipal alors qu’il en existait de nombreux localement. Ce fut le même raisonnement qui fonda l’arrêt CE 1970 Préfet du Val d’Oise, cette fois à propos d'un service de consultation juridique. A côté de cette jurisprudence existe un autre titre d’intervention : le principe de liberté du commerce et de l’industrie ne peut être invoquée lorsque l’activité pris en charge découle d’une mission de service public. Cela permettant aux communes d’ouvrir une piscine municipale puisque bon pour la santé publique et présent dans le programme d’éducation de l’enseignement du premier degres (CE 1972 société La Plage la foret). Enfin, l’arrêt CE 1959 Delansorme affirme que l’activité commerciale de la collectivité locale peut être admise si elle est le complément nécessaire d’une mission de service public.
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2) L’égale concurrence entre opérateurs publics et privés.
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Si originellement le CE acceptait qu’une collectivité territoriale puisse user de ses prérogatives de puissance publique lorsqu’elle intervenait dans le domaine économique, les principes de juste concurrence de l'UE allaient à l’encontre de cette idée. Dans un l’avis 2000 Société Jean-Louis Bernard il a été ainsi affirmé qu’une collectivité territoriale répondant à un appel d’offre pouvait être selectionné unqiuement si sur le terrain fiscal et social (cout de la main d’œuvre) elle répondait aux mêmes contraintes qu’un acteur privé. Il ne fallait pas non plus qu’elle ait bénéficié, pour déterminer le prix proposé, d’un avantage découlant des ressources ou moyens lui étant attribué au titre de sa mission de service public.
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3) Conciliation du socialisme municipal et de l’égal concurrence entre opérateurs publics et privés.
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Dans l’arrêt CE 2003 Communauté de communes Artois-Lys, il n’est jugé acceptable pour une EPCI d’étendre son activité à une économie que si un intérêt public le justifie si c’est le complément naturel de la mission de service public. Ce n’est ainsi possible que si elle ne bénéficie en rien, pour cette activité économique, des avantages que sa qualité de collectivité pourrait lui donner (accorder des subvention ou donner des locaux gratuitement). Les bénéfices produits par cette activité pourront cependant être alloué au paiement d’une activité déficitaire de service public. A ce sujet, UE et CE font tous deux la différence entre activités publiques et économiques, seules les secondes devant suivre les obligations de concurrence. L’arrêt CE 2006 Ordre des avocats au barreau de Paris clarifiant les choses : une personne public peut prendre en acte une activité concurrentielle mais seulement si elle respecte les lois du marchés : la carence des initatives privées ne donne pas droit de tout faire. Si l’arrêt CE 2009 Département de l’Aisne semblait démontrer qu’une collectivité territoriale ne devait pas démontrer d’un intérêt public à se porter candidat à un appel d’offre, ce qu’elle doit faire lorsqu’elle veut prendre en cahrge une nouvelle activité économique. L’arrêt CE 2014 Société Armor vint le contredire et réaffirmer l’obligation de justificer d’un intérêt public constituant le prolongment d’une mission de sreivce publique dont la collectivité à la charge. En l’espèce, le département de Vendée fut autorisé à proposer ses équipement de traitement de déchets qu’elle n’utilisait pas à 100% pour en amortir le cout.
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Chapitre quatrième : les perosnnes privées chargées d’une mission de service public
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S’il a toujours été admis qu’une personne publique pouvait confier par contrat une mission de service public à une entreprise privée, l’arrêt CE 1938 Caisse primaire « aide et protection » est le premier à accepter qu’un acte unilatéral (loi, décret, acte réglementaire) puisse aussi le faire. Lorsque le législateur ne le dit pas expressément, le juge a la charge d’en découvrir ses intentions. L’arrêt CE 1963 Narcy affirme que la missio nconfiée à une personne privée ne peut être qualifiée de service public que si elle présente (1) un intérêt général, (2) qu’elle est exercée sous le contrôle de l’administration (3) à l’aide de prérogatives de puissance publique. L’arrêt CE 1990 Ville de Melun affirma quant à lui que le dernier critère puisse être absent si celui du contrôle de l’administration était très présent. L’arrêt CE 2007 APREI convient aux mêmes conclusions. L’expression de la volonté du législateur peut s’exprimer de différentes manières. C’est ainsi que dans l’arrêt CE 1974 Fifas le juge considère que tous les actes que la fédération sportive qui a reçu délégation du ministre sont des actes administratifs. Dans l’arrêt CE 1984 Association « club athletique de Mantes-la-Ville » il refuse cependant de connaitre des décisions des arbitres, il ne fait que s’assurer qu’elles ont été rendues en respect du principe d’égalité.
Quatrième partie : les compétences.
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Chapitre premier : les principes applicables aux services publics.
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I) Absence d’un principe de gratuité.
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Enoncés par Louis Rolland, le service public répondrait à un ensemble de « lois » dont l’obéissance n’est pas négociable. Néanmoins, contrairement à ce qu’on pourrait penser, la gratuité n’en fait pas parti. Celle-ci n’est en effet imposée ni par une norme constitutionnelle ou PFLR (CC 1979 Pont à Péage), ni par un PGD (CE 1996 Soc. DMP). Si le législateur le peut, le pouvoir réglementaire en a aussi la capacité, même si la loi ou la Constitution (article 13 sur l’enseignement gratuit) ne le prévoit pas (si elle l’interdit, il ne peut y déroger CE 1998 Ville de Nice). Deux conditions cependant, le service ne doit relever des « missions qui incombent par nature à l’état » (la commune n'est pas obligée de l’instaurer) et la redevance doit être la contrepartie d’un service effectivement rendu. Ainsi, un service public administratif pourra tout de même être subordonné au paiement d’une redevance (CE 2 octobre 1985).
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II) Principe d’égalité.
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Consacré PDG (CE 1951 Société des Concerts du Conservatoire) puis principe constitutionnel (DC 27 décembre 1973), l’arrêt CE 2000 M. Barroux précise qu’il « ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’elle déroge à l’égalité pour des raison d’intérêt général pourvu que dans l’un comme l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport avec l’objet de la norme qui l’établit ». A charge pour le juge administratif de vérifier que la différence de situation mérite différence de traitement. Ainsi, le CE interdit à une université de n’accepter que des candidatures envoyées par voie postale et de les traiter par ordre chronologique d’arrivée (CE 2001 Ministre de l’éducation national). Au contraire, il accepte de rendre le service de ramassage scolaire gratuit aux enfants se trouvant dans le périmètre de ramassage et payant pour ceux qui sont en dehors, lesquels obligeront le bus à faire un détour (CE 1998 Département de la Côte d’Or). De même, il peut être facturé plus cher un repas à la cantine aux enfants y mangeant périodiquement par rapport à ceux quotidiennement puisque faisant peser une sujétion particulière d’imprévisibilité au service (CE 1998 Ville de Marignane), ou encore refuser de déneiger un chemin forestier utilisé par un seul usager puisque demandant un service exorbitant (CAA Nancy 1992 M. Bailly Cowell). Pour justifier une différence de traitement, la différence de situation doit être assez significative ou l’intérêt général le commander (CE 1996 Etablissement public du musée du Louvre). La différence ne doit pas non plus être manifestement disproportionnée. On ne peut donc interdire aux agents pacsés de bénéficier des aides accordées aux fonctionnaires mariés devant s’expatrier (CE 2002 Villemain). Quoi qu’il en soit, rien n’oblige l’administration à rompre le principe d’égalité au vu d’une différence de situation (CE 2009 Saint-Jean-d’Aulps), un particulier ne pouvant en demander (CE 1997 Société Baxter). Il est possible pour un service administratif payant de faire varier ses tarifs si cette variation est en lien avec l’objectif poursuivi. Une école de musique ayant pour but d’être accessible au plus grand nombre, les familles nombreuses peuvent avoir à payer moins cher (CAA Paris 1998 Le Mée sur Seine). Il est cependant impossible d’opérer une différence fondée sur la qualité d’usager actuel ou futur (CE 1996 Groupement français de l’hélicoptère). Dans une autre idée, la qualité de contribuable peut justifier d’une différence de tarif (CE 1984 Commissaire de la République de l’Ariège), en l’espèce il était demandé aux départementaux de payer moins cher que les autres, ceux-là devant déjà soutenir le service public par le biais des impôts locaux. Au sujet des actes individuels, la question est toutefois différente. Lorsqu’une règle est posée, l’autorité administrative a souvent la possibilité d’offrir des dérogations lesquelles, peu encadrées, dépendent d’un pouvoir discrétionnaire. L’arrêt CE 2010 Mme Durozey impose cependant à l’autorité n’adoptant pas une décision identique à celles prises précédemment de la justifier devant le juge. En l’espèce, le juge accepta de comparer deux actes individuels (chose qu’il ne faisait jamais). Néanmoins, si l’autorité a versé une prime que la loi interdisait de verser, celui n’en bénéficiant pas ne peut contester le refus de le faire en arguant que l’administration l’a déjà fait (CAA 2015 Ministre de l’Intérieur). Dans une autre idée, si les SPIC ne peuvent faire varier leurs tarifs suivant des considérations sociales (CE 1982 Préfet de la Charente-Maritime) puisque reposant sur l’idée de l’entreprise, les service publics administratifs facultatifs peuvent eux le faire (CE 1997 Communes de Gennevilliers et de Nanterre), au titre que l’intérêt général le commanderait.
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III) La continuité.
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Sous la IIIe République, les fonctionnaires n’avaient pas le droit de grève, mais, le préambule de 1946 affirmant que « le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent », ces derniers s’en revendiquèrent. Dans l’arrêt CE 1950 Dahaene le juge constitutionnalisa non seulement le droit de grève mais affirma en plus qu’il devait être concilié avec le principe de continuité. Le Commissaire Gazier jugeant qu’on ne saurait accepter à Etat à éclipses. Par la suite, en plus du premier ministre, tout chef de service se vit reconnaitre l’habilitation à réglementer le droit de grève. Y compris les ministres pour leurs services ministériels (CE 1956 Hublin), les chefs de services à personnalité morale (CE 1976 CHR d’Orléans) ou encore l’exécutif pour les collectivités territoriales (CE 1966 Pouzenc). Cette autorisation exceptionnelle à réglementer n’existe que dans l’attente d’une lois générale réglant le cadre. Cependant, jusque-là, malgré plusieurs dispositions législative intervenant en la matière, jamais le CE n’a considéré le sujet traité. Le principe de continuité n’est toutefois pas absolu, la personne publique ne pouvant se fonder sur celui-ci pour exiger de l’entreprise à laquelle elle a délégué un SP, qu’elle fournisse des prestations non prévues dans le contrat (CE 2017 Clichy-sous-Bois).
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IV) La mutabilité.
Un service devant s’adapter (CE 1961 Vannier), nul n’a droit au maintien d’un règlement (CE 2006 Collectif des associations des Pradettes) sous réserves, comme le prévoit l’article L243-1 du CRPA, « de l’édiction de mesures transitoires ». Par exemple, le principe de mutabilité autorise la personne publique ayant concédé l’exploitation de l’un SP à exiger de son cessionnaire qu’il s’adapte aux bouleversement technologiques (CE 1902 Compagnie nouvelle du gaz de Déville-lès-Rouen, en l’espèce refusait d’abandonner l’éclairage au gaz pour celui électrique). Dans l’arrêt CE 2006 Mme Lacroix, il est prévu qu’en principe les nouvelles normes ont vocation à s’appliquer immédiatement mais qu’il peut toutefois être exigé des mesures transitoires pour des motifs de sécurité juridique (PGD depuis CE 2006 KPMG) lorsque l’application immédiate entraine, au regard de l’objet et des effets de ses dispositions, une atteinte excessive aux intérêts publics ou privés en cause. Dans l’arrêt CE 2007 Syndicat CFDT du ministère des affaires étrangères, un arrêté modifiant les règles d’un concours, le juge exigea des mesures transitoires (s’applique à l’année suivante), puisque s’agissant de « nouveautés substantielles ». En principe, une loi entre en vigueur le lendemain de sa publication au journal officiel. Toutefois, celle qui modifie les règles de composition des conseils d’administration des entreprises publiques ne peut s’appliquer aux mandats en cours (CE 2009 Réseau ferré de France). Dans tous les cas le juge contrôlera la nécessité des mesures d’adaptation (CE 1977 chambre de commerce de La Rochelle).
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V) L’accès aux documents administratifs
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Depuis 1978, la loi encadre restrictivement (CE 2002 Ullmann) l’accès des particuliers aux documents administratifs que l’article L300-2 du CRPA définit comme ceux élaborés ou détenus (dans le cadre d’une mission de SP) par l’état, les collectivités territoriales, les personnes publiques où celles privées chargées de la gestion d’un SP. Cette dernière catégorie est limité, le CE n’hésitant pas à refuser à la SPA la qualification de gestionnaire de service public, pourtant en charge d’une activité d’intérêt général mais ne nécessitant pas la mise en œuvre de PPP et sans contrôle d’une collectivité publique. Certains documents élaborés par l’administrations sont également tenus hors de la catégorie de « document administratif », ainsi les actes des assemblées parlementaires, les avis du CE, des JA, certains documents de la Cour des comptes et tout acte se rattachant à la procédure juridictionnelle (CE 2017 M. Sarkozy : rapport d’un procureur adressé au ministre de la justice sur les procédures sensibles en cours). Dans une même idées, certains documents administratifs ne sont pas communicables. Ainsi ceux inachevés, ceux ne pouvant être matériellement transmis (CE 2006 Ministre des affaires étrangères : perte), ceux portant atteinte au secret des délibérations de l’exécutif, de la défense nationale, à la conduite politique extérieure de la France, à la sureté de l’état, la sécurité publique ou celle des personnes, à la monnaie et au crédit public, aux procédures juridictionnelles, aux enquêtes fiscales et douanières en somme, à tous les secrets protégés par la loi. Les demandes abusives (ayant pour objet de perturber le bon fonctionnement de l’administration ou faisant peser sur elle une charge disproportionnée vis-à-vis des moyens dont elle dispose) peuvent, quant à elles, être rejetées. Les documents dont la communication porterait atteinte à la vie privée (même pour les personnes morales CE ???? Fondation Louis Vuitton), au secret médical, ou celui en matière commerciale et industrielle, qui porteraient une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique déterminée ou faisant apparaitre un de ses comportement qui lui porterait préjudice, ne peuvent être transmis qu’à l’intéressé. Lorsque demandée, la communication peut se faire par consultation gratuite, délivrance d’une copie ou par courrier électronique. En cas de refus de l’administration, le particulier doit, avant d’ouvrir un recours juridictionnel, saisir préalablement la CADA laquelle rendra un avis consultatif que l’administration suit le plus souvent.
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VI) Les principes de neutralité et d’impartialité.
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Si depuis longtemps (1905 : laïcité) les principes de neutralité et d’impartialité sont désignés comme des objectifs à atteindre pour l’état, ils sont encore aujourd'hui au cœur du débat. En 2016, une loi renforce les obligations déontologiques des fonctionnaires en leur imposant dignité, impartialité, intégrité, probité mais surtout neutralité et laïcité. De ce fait, ils ont pour consigne de faire cesser immédiatement ou prévenir les situations de conflit d’intérêt dans lequel ils se trouvent ou pourraient se trouver. Celles-là se définissant comme toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés. Le cas, toutefois, des jurys pose question. En effet, notamment dans les domaines de niches, il n’est pas rare que candidats et juges se connaissent. Ainsi, le simple fait d’avoir un lien avec un candidat n’oblige pas le jury à se retirer. Celui-ci ne doit se mettre en retrait que s’il est en situation conflictuelle avec elle ou dans toute autre de nature à influer son jugement (CE 7 juin 2017).
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Chapitre second : la police administrative.
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I) Différence entre police administrative et police judiciaire.
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La mission de police incombant à l’état (CE 1932 Castelnaudary puis DC 16 mai 2019), il convient d’en comprendre toutes les facettes. De la qualification dépend le juge compétent. Schématiquement alors que la police judiciaire tend à punir une infraction, celle administrative tend à prévenir des troubles et à préserver l’ordre public. Dans l’arrêt CE 1951 Baud, CE et TC retiennent un critère finaliste. Ainsi, lorsque la police intervient pour retrouver les auteurs d’un délit, le juge judiciaire est compétent, celle-ci ayant la charge de constater les infractions pénales, rassembler les preuves et rechercher les auteurs tant qu’une information n’est ouverte. Parfois, dans certaines opérations, l’on peut se poser la question de la qualification. Dans l’arrêt TC 1977 Motsch, le juge déclara qu’une femme blessée par balle après avoir forcé un barrage de police devait porter recours devant le juge judiciaire, la police ayant utilisée sont arme dans l’intention d’appréhender un individu venant de commettre plusieurs infractions, quand bien même l’action de monter un barrage dépendrait d’une mission de surveillance et maintien de l’ordre. A l’inverse, dans l’arrêt TC 1978 Le Profil, il fut déclaré que les agents en charge d’un convoi de fond ayant refusé d’ouvrir le feu lorsque des braqueurs volèrent l’argent, agissaient toujours en qualité de police administrative, l’infraction trouvant essentiellement son origine dans les situations dans lesquelles furent organisées la mission de protection. Dans une même idée, la prévention du terrorisme relève de la justice administrative. Dans une même idée, dans l’affaire TC 24 février 2003, le juge compétent pour traiter du garde champêtre ayant ouvert le feu sur deux promeneurs qu’il contrôlait pour suspicion d’état d’ébriété, fut le juge administratif, l’intervention trouvant sa base dans le cadre d’une mission de police administrative. Parfois, on ne tranche la question qu’en fonction du juge qui se déclare compétent. C’est-ce qui sera le cas dans l’affaire CE 1982 Berrandou. Le critère utilisé pour trancher est au total celui de l’objet de l’intervention. Lorsque la police administrative agit, l’on présume que ses actions ne peuvent avoir « pour autre but que de préserver l’ordre public et de prévenir l’infraction ». La loi de 2015 permettant aux services de renseignements la mise sous écoute de suspects du terrorisme a été attaqué par des parlementaires. Le conseil constitutionnel répondit qu’il ne pouvait être utilisé que pour prévenir d'infraction et non pas pour retrouver des coupables. Dans une même idée, la loi sur l’état d’urgence permettant à la police administrative de placer en assignation à résidence des individus fut confronté par le Conseil constitutionnel avec l’article 66 de la Constitution lequel confie à l'autorité judiciaire la charge de s’occuper des détentions. Le juge confirma les pouvoirs de la police administrative en précisant que l’astreinte au domicile ne pouvait dépasser 12h par jour.
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II) L’objet de la police administrative.
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Depuis la loi sur les communes de 1884, ce que protège la police administrative, l’ordre public se rapporte à la trilogie municipale (définition police administrative du maire) : sécurité, salubrité (santé) et tranquillité (Article L2212-2 CGCP). Régulièrement, l’on se demande si l’on peut ajouter d’autres critères ? L’arrêt CE 1975 Sieur Chaigneau répondit non pour les considérations économiques (la mesure ayant été autorisée car, bien que prise pour des raisons financière, elle garantissait en définitive la sécurité des conducteurs) et l’arrêt CE 1924 Club Indépendant sportif Chalonnais l’autorisa pour des considérations de moralité, en vertu, cependant, d’un pouvoir de police spécial qui lui était confié en vertu d’une loi sur les spectacles de curiosité (l’on permet à un maire d’interdire un combat de boxe « contraire à l’hygiène morale »). La morale se définissant, par le commissaire au gouvernement Guldner comme le minimum « d’idées morales communément admises à un moment donné par la moyenne des citoyens », personne ne peut instaurer un code moral imposant sa propre conception de la moralité (CE 1938 Cadtillon-Plage : horaires de piscine non mixtes). L’arrêt CE 1995 Commune de Morsang-sur-Orge ajouta celui de la sauvegarde de la dignité humaine. Dès lors, l’on admis que l’on puisse protéger l’individu contre lui-même, sans son consentement (CAA Paris 2004 Association Droit au logement : ramassage de sdf dormant dehors en période de grand froid). Cependant, dans l’arrêt TA Bordeaux 2008 Bouamine rejette la responsabilité de l’état parce qu’à l’époque du dommage, la communauté scientifique ne formait pas consensus sur les effets du tabacs. De fait, le principe constitutionnel de liberté personnelle n’étant pas absolu. Révolution en la matière, ce fut la première fois que l’on visait à préserver un ordre « immatériel » dont la violation n’entrainerait pas à priori de troubles. La dignité humaine dont la protection pouvait s’étendre soit, selon une conception libérale, aux limitations extérieures, soit aux choix de l’individu même (en tant que membre de l’humanité). Dans une autre idée, la police administrative a la charge de prévenir des infractions et d’apaiser les troubles. C’est sur cette base que le 1er ministre justifia l’interdiction des spectacles de Dieudonné, dans lesquels des propos illégaux antisémites auraient été tenus (CE 2014 Société des production de la plume). Toutefois, dans l’arrêt CE 2016 Commune de Villeneuve-Loubet, le juge suspend l’arrêté du maire interdisant l’accès aux plages aux femmes portant le burkini, dès lors qu’il n’est pas fait état de troubles provoqués par leur présence.
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III) Les autorités de police administrative générale.
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A) Le pouvoir de police du premier ministre.
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L’arrêt CE 1919 Labonne jugeant qu’il appartenait au chef de l’exécutif « en dehors de toute délégation législative et en vertu de ses pouvoirs propres, de déterminer celles des mesures de police qui doivent en tout état de cause être appliquées dans l’ensemble du territoire ». Confirmé par la DC 20 juillet 2000 et l’arrêt CE 1960 Sarl Nicolas (affirmant que le pouvoir administratif autonome de la constitution de 1958 n’a pas fait disparaitre la jurisprudence), le premier ministre a ainsi pu instituer par décret le port de la ceinture obligatoire (CE 1975 Bouvet de la Maisonneuve) ou interdisant de fumer affecté à un usage collectif (CE 2007 CCSDDTF).
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B) Le pouvoir de police du maire.
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Le maire, et non le conseil municipal (CE 2008 Fédération française de la montagne et de l’escalade), est autorité de police générale dans sa commune. Il est ainsi compétent pour prendre toutes les mesures nécessaire à assurer le bon ordre, la sureté, la sécurité et la salubrité publiques. Le développement des EPCI a fait monter l’idée de transfert de compétence. La loi du 13 août 2004 permettant aux maires de confier, à leur président, tout ou partie des prérogatives en matière de circulation ou de stationnement. Celle du 16 décembre 2010, voulant aller plus loin, ordonne le transfert de principe, les maires pouvant, en réaction, le contester.
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C) Le pouvoir de police du préfet.
Le préfet peut agir, avec ses pouvoirs propres, lorsqu’un problème touche le territoire de plusieurs communes (L2215-1-3 CGCT). Il peut également se substituer, après mise en demeure (sauf urgence : CE 1994 Ministre d’état) aux maires lorsque ceux-ci font preuve de carence dans l’exercice de leurs pouvoirs de police. Dans ce cas, les actions qu’il prend (ou ne prend pas), engage la responsabilité de la commune (CE 1979 Mallisson). L’abstention de se substituer n’engagera la responsabilité de l’état que s’il y’a eu faute lourde, et cette décision est insusceptible de recours (CE 1987 Département de la Moselle). Dans tous les cas, si le préfet use de ses pouvoirs propres pour, en réalité, régler le cas d’une seule commune, celui-ci commettrait un détournement de pouvoir (CE 1932 Ville de Melun). Dans une autre idée, si le maintient de l’ordre est menacé dans plusieurs communes limitrophes, le préfet peut se substituer.
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D) Le pouvoir de police du président du conseil départemental.
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D’après l’article L3221-5 du CGCT, il dispose d’un pouvoir strictement limité au domaine public routier départemental, sous réserve des attribution dévolues aux maires. De ce fait, il ne peut s’exercer aux parcelles privées (CE 2004 Département des Alpes-Maritimes : n’a pas à intervenir sur le domaine d’un particulier pour prévenir d’éboulement de terrains dus aux travaux publics).
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IV) Les polices administratives spéciales.
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Instituées par la loi, elles se distinguent de celle générale en ce que soit elles sont confiées à une autorité généralement incompétente, soit comprennent des pouvoirs plus étendus ou soit ne sont pas soumis aux mêmes règles de procédures que celle régulière. Lorsque le pouvoir de police est spécial, l’autorité ne peut agir que dans le cadre strictement fixé par la loi. S’il est général, elle dispose de plus de marge de manœuvre (refuser d’instaurer des zones fumeurs dans les espaces collectifs : CE 2007 Madame Le Gac). En exemple, il existe une police spéciale du cinéma. Celle-ci, confiée au Premier ministre, lui permet de refuser la diffusion d’un film à la condition de retenir « tout motif d’intérêt général » (CE 1975 Société Rome Paris Films) et, depuis une ordonnance de 2009, « pour des motifs tirés de la protection de l‘enfance et de la jeunesse ou du respect de la dignité humaine ».
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V) Le concours des mesures de police.
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Qu’en est-il de la conciliation entre police spéciale et générale lorsque celles-ci peuvent intervenir sur le même objet ? D’après l’arrêt CE 1959 Société Les films Lutétia, un maire peut interdire, sur le territoire de sa commune, la diffusion d’une œuvre ayant reçu le visa du ministre, si, elle est susceptible d’entrainer des troubles sérieux ou d’être, à raison du caractère immoral dudit film et de circonstances locales, préjudiciables à l’ordre public. Si l’autorité générale peut aggraver une décision spéciale (CE 1902 Néris-les-Bains), elle ne peut l’assouplir (autoriser un film interdit à l’échelle nationale). Lorsque l’autorité locale détient un pouvoir spécial, l’état (ministre, préfet) peut intervenir s’il y’a défaillance à solutionner un problème, du fait notamment de l’ampleur et de l’urgence des mesures à prendre (CE 2017 GISTI). Lorsque c’est l’autorité centrale qui dispose d’un pouvoir spécial, le maire ne peut intervenir que soit en raison de motifs non pris en compte, soit en raison d’un péril grave et imminent (« danger démontré »). Cependant, si le pouvoir spécial prend une décision après avoir étudié exhaustivement le terrain local (comme c’est le cas pour l’autorisation de l’emploi d’OGM), aucune intervention n’est possible, seul un recours démontrant la fausseté des études l’est. A noter qu’en matière environnementale, bien qu’il existe un principe de précaution inscrit dans la charte de l’environnement, il ne peut fonder l’action du maire (CE 2011 SFR). Pour conclure, il est important de parler du cas où la même autorité dispose des deux pouvoirs. Dans ce cas, en principe celle spéciale (si les conditions d’emploi existent) l’emporte. Cependant, l’arrêt CE 2005 Bodinières précise « qu’en présence d’une situation d’extrême urgence créant un péril particulièrement grave et imminent, le maire peut, quelle que soit la cause du danger, faire légalement usage de ses pouvoirs de police générale, et notamment prescrire l’exécution des mesures de sécurité qui sont nécessaires et appropriées ».
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VI) Le contrôle des mesures de police.
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La liberté devant demeurer le principe et la restriction l’exception, le juge contrôle que les mesures de police administratives concilient liberté et ordre public. Si le législateur peut soumettre à autorisation préalable, l’exercice d’une liberté, l’autorité de police ne le peut (CE 1951 Daudignac), l’atteinte à l’ordre public n’existant pas encore. De règle générale, l’on préfère éviter de prendre des mesures d’interdiction générale et absolue, sauf si ce sont les seules efficaces (interdire de fouiller les poubelles toutes l’année pour garantir la salubrité des rues : CE 2017 Ligue française pour la défense des droits de l’Homme). Ainsi, le préfet du Var ne pouvait interdire la vente de glace sur les plages de son département au motif qu’elle menaçait l’hygiène public, cela en vertu de la liberté du commerce et de l’industrie (CE 1987 M. Auclair). A l’inverse, le préfet des Yvelines agissait de plein droit lorsque celui-ci interdit de telles ventes sur les routes à grande vitesse, lesquelles ne représentaient que moins de la moitié du réseau global et était motivée par des raison de sécurité (CE 1976 Ollivon et Mauvais). Au total, les limitations ne sont possibles que si on les fonde sur des faits précis.
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Cinquième partie : les modalités d’exercice des compétences
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Chapitre premier : l’acte administratif unilatéral
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I) Définition de l’acte administratif unilatéral
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Principalement jurisprudentielle, le législateur n’est intervenu que pour distinguer les actes administratifs unilatéraux décisoires (réglementaires, individuels et non réglementaires) de ceux non-décisoires (qu’il ne définit pas autrement que actes administratifs unilatéraux). Le juge, doit alors compter sur lui même pour déterminer la validité de l’acte.
Un administratif n’a pas a être formalisé dans un document, l’arrêt CAA Paris 2015 ACRACE accordant à une simple fiche internet la valeur d’une décision et celui CE 2017 Tremplin pour le logement, un discours du premier ministre. Cependant, les mesures gracieuses (sauf si prévues par un texte) sont insusceptibles de recours (CE 21 novembre 2016) puisque en marge du droit, de même que les vœux municipaux qui, cependant, peuvent être requalifiés par le juge comme « véritable décision illégale ».
Quoi qu’il en soit, alors que l’acte réglementaire se caractérise par le fait qu’il modifie l’ordonnance juridique ou du moins présente un caractère impératif, celui individuel impose des répercussions notables sur la situation du destinataire.
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A) La diversité des qualifications
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1) La distinction des actes interprétatifs et des actes réglementaires
Le premier ministre étant le seul à disposer d’un pouvoir réglementaire autonome, il est important de définir un acte réglementaire. En effet, un ministre ne peut en promulguer que sous autorisation expresse d’une loi (sauf, en vertu de la jurisprudence Jamart, en qualité de chef de service). S’il le fait sans habilitation, le juge doit l’annuler. Alors qu’un acte réglementaire modifie l’ordonnance juridique, un acte interprétatif ne se borne qu’à présenter le droit existant, sans rien y ajouter.
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2) Recevabilité du recours contre les actes interprétatifs à caractère impératif
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L’arrêt CE 1954 Institut Notre Dame du Kreisker ne permettant pas les recours contre les actes interprétatifs, il était alors impossible pour l’administratif de revenir sur une mauvaise interprétation. Celui CE 2002 Duvignères revint ainsi dessus.
Pour les contrôler, doit vérifier qu’elles sont générales et impératives, notamment vis-à-vis du pouvoir de l’auteur vis-à-vis de ses destinataires. Si celui-ci ne fait que commenter, ce n’est pas impératif (CE 2002 Villemain),
de même que s’il adresse une interprétation d’un texte à des agents n’ayant pas de pouvoir en la matière (CE 2009 Syndicat national des personnels techniques et de travaux et de l’équipement de la confédération générale du travail). Lorsqu’il est prouvé que l’acte est effectivement un interprétatif deux cas de figure arrivent.
Soit il ne fait qu’interpréter, alors l’on cherche à savoir s’il est conforme au droit. Soit il comporte des dispositions nouvelles, alors on examine la compétence de l’auteur (CE 2007 Association nationale des industries alimentaires). Enfin, un acte interprétant un autre jugé illégal, doit être annulé comme ce fut le cas dans l’affaire Duvignères, précédemment cité. Dans une autre idée, il est possible qu’un acte à priori non administratif soit jugé recevable. Ainsi, l’Autorité de la Concurrence rendant des avis facultatifs, si celle-ci les rédige de façon impérative et use de son pouvoir répressif pour censurer l’opérateur ne s’y conformant pas, ceux-ci changent de nature
(CE 2012 Société Casino Guichard-Perrachon).
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3) Recours contre les actes de droit souple
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Un étude de 2013 définit trois critères pour déterminer les actes de droit souple susceptibles de recours : (1) ne doit pas créer de droit, (2) doit présenter un degré de formalisation de nature à donner une apparence de règle de droit, (3) doit viser à modifier ou orienter le comportement de ses destinataires.
Ainsi, ils peuvent être déféré aux juges lorsqu’ils revêtent le caractère de dispositions générales et impératives ou lorsqu’ils énoncent des prescriptions individuelles dont les autorités pourraient censurer la méconnaissance, mais aussi, lorsqu’ils sont de nature à produire des effet notable (économique ou comportemental).
Ainsi, un communiqué du CSA sur un film est susceptible d’un recours (CE 10 novembre 2016) tout comme les lignes directrices sur l’itinérance et la mutualisation des réseaux mobiles (CE 2017 Société Bouygues Télécom) ou les appréciations de la HATVP sur les déclarations de patrimoine des candidats à la présidentielle (CE 2019 Marine Le Pen).
Si l’arrêt CE 2015 Ministre de l’Intérieur, le juge affirmait que les lignes directrices (directives), mesures non réglementaires prises par une autorité dans le but d’encadrer l’action de l’administration déterminant des critères permettant la mise en œuvre de textes supérieurs, étaient invocables par les individus au contraire circulaires contenant des mesures gracieuses, prises en dehors de la loi,
l'article 312-3 du CRPA ne fait plus de différence et le permet pour toute règle et interprétation (même erronée).
- 3 arrêts avant CE 2020 GISTI
- Crédit Foncier de France (1970)
- Dame Duvignères (2002)
- Fairevesta-Numericable (2016).
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4) Les mesures d’ordre intérieur
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Ce sont celles qui modifient l’ordonnancement juridique sans être qualifiés d’actes administratifs et sont donc insusceptibles de recours puisque pas assez grave pour mériter un juge (de minimis non curat praetor).
Le développement du poids de la CEDH a poussé vers leurs réduction.
Alors que depuis l’arrêt CE 1984 Caillol, le juge refusait de connaitre des mesures prises à l’égard des détenus dans les prisons, il revint dessus par l’arrêt CE 1995 Marie (l’arrêt Hardouin analogue pour les militaire). Depuis, dès lors qu’un droit ou une liberté est menacé, il faut un juge pour contrôler et sanctionner.
L’on vit alors un mouvement de requalification de mesures d’ordre intérieur et actes administratifs susceptibles de recours pour excès de pouvoir : règlement intérieur des écoles (CE 1938 Lotte puis Avis CE 27 novembre 1989), le transfert d’un détenu d’une maison centrale à une maison d’arrêt dont les conditions de détentions seraient différentes (CE 2007 Boussouar), le licenciement d’un détenu de son poste de cuisinier (CE 2007 Planchenault), la décision de soumettre un détenu à des rotations de sécurité entre plusieurs prisons (CE 2007 Payet), celle de mettre un détenu à l’isolement (CE 1996 Fauqueux puis CE 2003 Remli), dans une cellule disciplinaire CE 2008 Section française de l’OIP) ou les refus de sortie d’essai pour les personnes internés d’office (CE 2010 M. T).
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Dès qu’un intérêt est en jeu, le juge admet l’affaire.
Ainsi, si placer un élève dans une classe plutôt qu’une autre est une mesure d’ordre intérieur (CE 1982 Attard), séparer des jumeaux, de jeune âge, et fragiles est un acte administratif (CAA Versailles 2005 José).
En vertu du pouvoir d’organisation des chefs sur leur service, les mesures prises sur les fonctionnaires sont en principe d’ordre intérieur. Au titre de l’arrêt CE 2008 Département des Ardennes ne deviennent des actes administratifs que si elles portent atteinte à (1) des garanties statuaires, (2) des prérogatives inhérentes au corp auquel ils appartiennent, (3) ou si elles ont des effets sur les agents (mutation géographique, perte de responsabilité ou de rémunération). Si le fonctionnaire soutien qu’une mesure est discriminatoire, le juge en examinera la justesse avant d’en rejeter le recours (CE 2015 Pôle emploi).
Pour encadrer l’évolution, le rapporteur Guyomar proposa de remplacer le critère d’atteinte aux droits par deux de nature et d’effet. Dès lors, du moment que le CE décide qu’une catégorie de mesure, eu égard à leur nature et effet, doit faire l’objet de recours, il s’agira d’une présomption irréfragable. A l’inverse, celles irrecevable ne sont que simplement présumées, l’on pourra les étudier si en l’espèce des droits et libertés fondamentales sont menacés.
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B) La distinction des actes réglementaires, des actes individuels et des actes non réglementaires.
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Si les actes réglementaires sont généraux et impersonnels, ceux individuels visent une (ou plusieurs) personnes déterminées. Il existe plusieurs exceptions à ce principe.
Ainsi, l’acte réglementant le statut du Préfet de Paris est réglementaire alors qu’il ne vise qu’une personne (touche le préfet aujourd'hui et ceux futurs, l’acte de nomination est lui individuel).
Également, depuis l’arrêt CE 29 juin 1990, la délégation de signature dans l’administration est réglementaire, cela étant justifié par la volonté de faire connaitre l’acte par le plus grand nombre (il est publié, et non seulement notifié).
De même, en vertu de l’arrêt CE 1989 Fédération Karaté-Taekwondo les actes portant organisation du service public étaient tous des actes réglementaires. Cependant, ce principe a été annulé par le revirement de jurisprudence opéré par l’arrêt CE 2016 Institut d’ostéopathie de Bordeaux.
A l’inverse, depuis l’arrêt CE 2002 Syndicat interdépartemental de protection sociale Rhône-Alpes CFDT) les actes de tutelle au sein de l’administration sont classés parmi les actes individuels (quand bien même pouvant approuver des actes réglementaires), ce choix ayant été fait du fait de l’obligation de motivation des actes individuels permettant à la personne soumise à une tutelle de mieux comprendre la décision.
Aux côtés de ces catégories il existe également les « actes non-réglementaires ». Dans cette dénomination on retrouve la déclaration d’utilité publique rendue par le Préfet avant que le juge autorise le transfert de propriété (c’est un acte intermédiaire), les décisions homologuant les résultats du championnat de France de foot (CE 2001 Société à Objet Sportif Toulouse Football Club),
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II) Régime de l’acte administratif
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A) Les garanties de l’administré face à l’élaboration de l’acte administratif.
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1) L’identification de l’auteur de l’acte
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L’article L111-2 du CRPA défend, depuis la loi du 12 avril 2000, le droit pour les administrés de connaitre, par le biais d’une signature, le nom, la qualité et l’adresse administrative de l’agent chargé de son affaire. Sauf pour des motifs de sécurité publique ou des personnes justifiant l’anonymat, l’essentiel est que l’on puisse identifier sans ambiguïté l’auteur de la décision (CE 28 novembre 2003), sans quoi elle est illégale (CE 2002 Senina). Le juge, non procédurier, considère est que l’essentiel soit qu’on puisse l’identifier clairement. Ainsi, il ne frappera pas d’illégalité l’acte comprenant une faute de frappe.
Réceptionnant une demande, l’administration doit faire accusé de réception (sauf manque de temps ou lorsque la réponse ne peut être qu’une prestation ou la délivrance d’un document ou lorsqu’elle est abusive). Celui-ci doit mentionner les délais et voies de recours et la possibilité de se faire délivrer une attestation en cas de décision implicite. S’il fait défaut, les délais de recours ne comptent pas. Néanmoins, depuis l’arrêt CE 2016 Czabaj, en vertu de la sécurité juridique, au bout d’un an sans recours (sauf circonstances particulières), on le considère impossible. Cette largesse ne pouvant bénéficier au tiers (contestant un permis de construire par exemple). En effet, pour le tiers, l’accusé n’est pas nécessaire de même que pour dans relations état-collectivités (CE 2007 Région du Limousin) et états-agents (CE 28 décembre 2005).
Dans le cas où l’auteur d’une demande s’adresse à une personne incompétente, cette dernière a l’obligation de la transmettre au bon service. Ici, le délai au terme duquel est susceptible d’intervenir une décision implicite de rejet court à compter de la réception de la demande par l’autorité initialement saisie alors qu’une d’acception à compter de celle par l’autorité compétente (L114-3 CRPA).
L’inertie de l’administration, en effet, produit des effets juridiques depuis longue date (décret 1864). A l’époque, le principe était que le silence valait refus sauf texte spécifique (dans les permis de construire, le silence du maire vaut acceptation) au bout de 4 mois (la loi du 12 avril 2000 l’écourtant à deux mois). Depuis la loi du 12 novembre 2013, « le silence gardé pendant deux mois […] sur une demande vaut acceptation ». A ce principe, l’article L231-1 du CRPA pose plusieurs exceptions :
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Si elle est individuelle
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Si elle présente un caractère financier
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Si l’acceptation de principe serait incompatible avec les engagements internationaux, etc.
Le résultat de ces réformes étant l’illisibilité du droit. Cependant, cela n’ayant pas de grave conséquences en effet, l’accusé réception répondant à la demande de l’administré comprenant une précision sur la signification du silence au cas par cas.
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2) La participation à l’élaboration de l’acte
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En 1804, l’administration étant construite sur le modèle militaire Napoléonien ne pouvait que contester l’acte par un recours pour excès de pouvoir. Au XXe siècle, l’arrêt CE 1944 Dame Trompier-Gravier voulant favoriser la compréhension des décisions et, par là même, réduire le contentieux administratif, décréta comme PGD l’obligation du respect des droits de la défense (liste des griefs et lui permet d’y répondre à l’écrit ou à l’oral) pour les actes présentant le caractère d’une sanction (répond à une faute). 5 ans plus tard, l’arrêt CE 1949 Nègre étend cette obligation aux « mesures prises en considération de la personnes », reposant sur le comportement de l’administré sans nécessairement que ce soit une faute (un fonctionnaire peut être licencié pour « insuffisance professionnelle » : pas une faute, juste mauvais).
Dans le cadre du pouvoir d’organisation qu’a le chef sur son service, la décision de changer l’affection d’un fonctionnaire à cause de ses mauvaises relations avec ses collègues est d’ordre intérieur (CE 2015 Mme B), sauf conditions CE 2008 Département des Ardennes.
Une loi du 11 juillet 1979 liste un certain nombre de mesures devant être motivées. Une autre du 12 avril 2000 dispose que « sauf cas ou l’administration répond à une demande de l’administré, les décisions devant être motivées sont précédées par une procédure contradictoire ». L’obligation d’une procédure contradictoire et de motivation n’est pas demandée lorsque l’administration pose des conditions et que le destinataire ne les remplie pas. Bien que des droits eussent été théoriquement retirés, c’est du fait seul de l’administré. A l'inverse, lorsqu’ils sont retirés du fait du comportement personnel du bénéficiaire et que des conditions ne manquaient pas, la décision doit l’être (CAA Bordeaux 15.07.2008).
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3) La connaissance de l’acte.
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a) La connaissance de ses motifs.
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En vertu de l’arrêt CE 1954 Barrel, lors d’un recours contre un acte administratif, le juge peut demander à l’autorité administrative de lui communiquer les motivations (motifs de droit et de fait). Depuis toujours, le CE se refusait à créer un PGD de motivation des décisions, sans doute dans l’optique d’aider l’administration en facilitant sa tâche. Le législateur intervint alors par un loi du 11 juillet 1979 en listant les actes administratifs individuels devant l’être. Ainsi, ce sont ceux qui, par exemple :
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Restreignent les libertés publiques
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Infligent une sanction
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Retirent (annulent) ou abrogent une décision créatrice de droit.
La motivation est écrite et, seule l’urgence empêche son absence d’emporter l’illégalité de l’acte pour vice de forme (dans ce cas elle les motifs pourront être demandés plus tard). Certaines catégories d’actes sont globalement frappés par cette obligation. C’est ainsi le cas des mesures de polices devant, depuis 1979, être motivées et suivie d’une procédure contradictoire.
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b) La publicité de l’acte.
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Pour qu’un acte administratif s’impose à ces destinataires, ces derniers doivent d’abords en avoir été informé. En leur absence, le délai de recours de 2 mois franc ne commence pas à courir. Dans le cas où un texte prévoit les formes de publicité à suivre, le juge vérifie leur respect. Dans le cas où elles ne sont pas précisées, le juge s’assure simplement que les conditions leur permettant d’être connus sont réunies. Si les actes réglementaires sont publiés pour tous, ceux individuels ne sont notifiés qu’à la personne concerné et aux tiers concernés. Les délais de recours ne commencent pour ces derniers qu’à compter du jour où ils en ont eu connaissance. Cela fragilisant grandement les actes individuels (peuvent être annulés longtemps après), le législateur oblige parfois la publication d’actes individuels (permis de construire). Dans une autre idée, le juge administratif applique la théorie de la « connaissance acquise » au titre de laquelle, quand bien même un acte n’eut pas été régulièrement publié, celui qui en a eu effectivement connaissance, ne peut invoquer ce vice de forme. Ainsi le conseiller municipal convoqué au jour où l’acte réglementaire non publié a été voté.
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4) Le droit de se tromper
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Depuis la loi du 10 août 2018, sauf fraude ou mauvaise foi, « une personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de situation ne peut faire l’objet, de la part de l’administration, d’une sanction […] si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invité à le faire ». Également, il est possible de demander qu’un contrôle de sa situation soit organisé à sa demande. Également, en cas de dépôt d’un dossier, s’il manque une pièce qui n’est pas indispensable pour l’instruire valablement, son absence ne peut conduire à suspendre l’instruction et l’attribution ne sera affective qu’après réception de l’administration de la pièce manquante. Enfin, à la demande des particuliers, il est possible pour l’administration de délivrer un certification d’information tenant au courant le demandeur de toutes les règles régissant son activité.
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B) La disparition de l’acte administratif
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L240-1 Code des relations entre le public et l’administration : abroger un acte c’est le faire disparaitre pour l’avenir, le retirer c’est le faire disparaitre pour l’avenir comme pour le passé. Ça a les mêmes conséquences que l’annulation ordonnée par le juge. Ainsi, lorsque l’administration retire un acte, elle doit prendre toutes les dispositions pour faire disparaitre les effets qu’il a produit (détruire ce qui a été construis à la suite d’un permis). Le retrait étant plus grave, ses conditions sont moins souples que l’abrogation.
L’autorisation administrative peut retirer à tout moment un acte obtenu par fraude (Hôpitaux-Marseille) mais tant qu’elle ne l’a pas fait, ils demeurent valides. C’est la différence entre les actes obtenus par fraude et ceux inexistants. Les seconds son entaché d’une illégalité particulièrement grave. Ainsi, leur conditions d’annulations sont plus souples : les tiers ne sont pas liés par des conditions de délai (CE 1981 Maurice), l’administration n’a pas à motiver sa décision, et tous les actes pris en application d’un inexistant sont doivent être eux même déclaré nuls et non avenu (CE 1950 Fléret) alors que ceux obtenus par fraude non (CE 1986 Tshibangu).
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1) Les décisions créatrices de droits.
Le Conseil d’état devant concilier obligation d’empêcher qu’un acte illégal reste en vigueur et stabilité des situations juridiques, fixa un termes à la possibilité pour l’autorité administrative de retirer un acte illégal créateur de droits. Par l’arrêt CE 1922 Dame Cachet, celui-ci affirma que tant qu’un acte était susceptible de recours, l’autorité administrative pouvait le retirer. Puis, par l’arrêt CE 2001 Ternon il proclama que l’autorité avait 4 mois à compter du jour ou il est pris, pour retirer une décision explicite créatrice de droit. Ce principe n’étant d’ordre public (CE 2003 M. et Mme Daci), elle admet plusieurs exceptions. Ainsi, « sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires contraires, et hors le cas ou il est satisfait à une demande du bénéficiaire ». De puis la codification, le Code des Relations publiques entre le Public et l’administration distingue trois situations.
L'abrogation et le retrait à l’initiative de l’administration ou sur demande d’un tiers
L242-1 Dans ces cas, cela n’est possible que si elle est illégale et si le retrait ou l’abrogation intervient dans les 4 mois suivant la prise de décision. Un texte législatif peut prévoir des délai différents (permis de construire : 3 mois – L424-5 du Code de l’urbanisme). Une simple irrégularité de forme ou de procédure n’ayant pas d’effets sur le sens de la décision ou ne privant pas l’administré d’une garantie, ne peut justifier le retrait de l’acte.
L242-2 Deux exceptions : l’administration n’’est liée par aucun délai lorsqu’il s’agit d’abroger une décision dont le maintien est subordonné à une condition qui n’est plus remplie ou lorsqu’il s’agit de retirer une subvention lorsque les conditions mises à son octroi n’ont pas été respectées.
Concernant les actes individuels créant des droits, passés deux mois, ceux-là deviennent définitifs et l’administration ne peut alors plus que les abroger selon les conditions strictes limitées par les textes. Ainsi, une nomination de fonctionnaire ne peut être remise en cause que par la révocation pour faute, le licenciement pour insuffisance professionnelle et le départ en retraite.
Dans le cas ou l’administration se rend compte que l’acte individuel créateur de droit a été pris par erreur, les arrêts CE 2008 Portalis et CE 2009 Abou Coulibaly encadre ses possibilités d’action à quatre mois. Dans l’affaire Portalis, l’administration ne peut déroger à cette limite que s’il est prouvé, par la suite, que des faits nouveaux constitutifs d’une faute personnelle peuvent être reprochés à l’agent. Dans l’arrêt Coulibaly, à nouveau l’abrogation n’est possible que si l’obtention indue de l’inscription à l’ordre des chirurgiens-dentistes avait été faite à la suite d’une fraude de l’intéressé.
L'abrogation ou le retrait sur demande du bénéficiaire
L242-3 : si elle est illégale et que le bénéficiaire le demande, l’abrogation ou le retrait ne peuvent intervenir que dans les 4 mois suivant l’édiction de la décision.
L242-4 : l’administration peut également, sous demande du bénéficiaire, abroger ou retirer une décision créatrice de droits, même légale, si son retrait ou son abrogation n’est pas susceptible de porter atteinte aux droits des tiers et s’il s’agit de la remplacer par une décision plus favorable au bénéficiaire.
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2) Les actes réglementaires et les actes non réglementaires non créateurs de droits
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a) L’abrogation
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L221-6 : Principe de mutabilité impliquant qu’un « acte réglementaire ou un acte non réglementaire non créateur de droit peut, pour tout motif et sans condition de délai, être modifié ou abrogé sous réserve, le cas échéant, de l’édiction de mesures transitoires dans les conditions prévues à l’article L221-6 ».
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i) L’obligation d’abroger un acte réglementaire
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CE 1930 Despujol : doit abroger les actes devenus illégaux parce que les circonstance de droit et de fait qui avaient présidé à son édiction ont évolué.
Avant Alitalia la demande d’aborgation devait être présentée dans les 2 mois à cipter du texte qui constituait un changement de circonstance de droit, plus maintenant.
CE 1989 Alitalia : doit aborger les actes illégaux ab initio et ceux de despujol : PGD
Extension par L243-2 : maintenant elle en est tenue même si elle n’a pas été saisie d’une demande en ce sens. L243-2 « L’administration est tenue d’abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d’objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu’elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l’illégalité ait cessé »
L’administration doit spontanément s’abstenir d’appliquer un règlement illégal (CE 1958 Ponard), elle ne commet pas d’illégalité en ne l’appliquant pas mais en l’appliquant (CE 1960 Laiteries Saint Cyprien). C’est l’inverse lorsqu’il s’agit d’un acte administratif individuel (CE 2005 M. Lacroix).
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b) Le retrait
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L243-3 L’administration ne peut retirer un acte réglementaire ou un acte non -réglementaire non créateur de droit que s’il est illégal et si le retrait intervient dans le délai de 4 mois suivant son édiction.
L243-4 Par exception, une sanction peut toujours être retirée.