Droit des affaires
Première partie : notions fondamentales.
Chapitre 1er : critères de la commercialité.
Deux approches : subjective (vise la personne) et objective (vise l’acte réalisé), la première étant défendue par l’Ancien Régime (logique corporatiste) et la seconde par les révolutionnaires. Le Code de Commerce de 1807 et encore aujourd'hui, ne tranche pas entre les deux. Elles sont imbriquées les unes dans les autres. Le commerçant c’est alors celui qui réalise l’acte de commerce.
I) L’acte de commerce.
A) La détermination des actes de commerce.
Les rédacteurs du Code ayant opté pour l’énumération, il n’existe pas de critère unique permettant de définir un acte de commerce. Malgré plusieurs tentatives, l’on a échoué à cibler un critère général pouvant fédérer toute la liste, l’on doit donc s’en tenir à l’énumération initiale.
1) La classification des actes de commerce.
A côté de ceux figurant dans la liste, il en existe en dehors pouvant devenir acte de commerce par le jeu de la « théorie de l’accessoire ».
a) Actes de commerce par nature (article L110-1 du code de Commerce).
i) Actes de commerce par l’objet.
*) L’achat pour revendre.
Visé par les deux première dispositions il consiste en l’action d’acheter un bien meuble ou immeuble et de le revendre en cherchant à faire un profit. Pour que l’achat revente soit caractérisé, il faut ainsi la présence de ces trois critères.
L’objet : le plus courant est celui portant sur meuble (pouvant être déplacé), qu’il soit corporel (marchandise, produits transformés ou non, etc.) ou incorporel (créances, actions, parts sociales, droit sociaux, fonds de commerce, œuvres d’esprit, etc.). Pour ce qui sont des immeubles, initialement, ils en étaient exclus en 1807 puis, du fait du développement de la spéculation foncière, ils furent intégrés en 1967. Une loi de 1970 précisant que la promotion immobilière n’y rentrerait pas.
L’achat : l’achat doit être à titre onéreux, il faut une contrepartie versée pour l’acquisition (argent ou non). L’activité de brocanteur (vider des greniers pour en revendre le contenu de manière fréquente et répété) sort de ce cadre, l’on considère alors qu’il les a récupéré pour débarrasser les personnes le souhaitant. Il en est de même, sauf lorsque la loi en dispose autrement, pour les activités extractives ne supposant pas un achat (miner, forer, etc.) ou encore pour les activités agricoles (la nature civile ayant été confirmée par une loi de 1988) ou celles de production intellectuelle.
L'intention de revendre : elle doit être caractérisée au moment de l’achat, de ce fait, le consommateur n’en a en principe pas même s’il le revend par la suite. L’acte de revente doit être considéré comme un acte de commerce, même s’il n’est pas visé expressément, il s’agit d’un acte global. Constitue un acte de commerce l’achat du bien et la revente, puisque l’opération doit être appréciée de manière unitaire.
**) Les opérations d’entremise ou « d’intermédiation ».
Ici, les article L110-1 7° vise l’activité de courtage et celui L110-1 3° liste les opération d’intermédiaire pour l’achat, la souscription ou le vente d’immeubles, de fonds de commerce, d’actions ou en parts de sociétés immobilières.
-
L’article L110-1 7° : le courtier ne fait que rapprocher les co-contractants, bien que l’activité soit civile, l’on considère qu’il est commerçant. L’arrêt Ccass 11 octobre 1982 juge que l’agent ou courtier matrimonial exerce une profession commerciale.
-
L’article L110-1 3° : c’est le cas de l’agent immobilier, considérant comme exerçant une activité commerciale.
-
***) Les opérations bancaires et financières.
L’article L110-1 vise les opérations de change, banque (privée ou publique), activité d’émission et de gestion de monnaie électronique, les services de paiement, etc. Cependant, toute la réglementation relative aux opérations bancaires (L3111-1 CDC : « réception de fonds remboursable du public, les opérations de crédit ainsi que les services bancaires de paiement ») figure dans le Code monétaire et financier. L’activité bancaire étant réglementée, pour l’exercice il faut un « agrément ». Par analogie, la jurisprudence a étendue cette qualité de commercialité au domaine des assurances (prenant la base sur l’article L110-2 5° du CDC visant les assurances maritimes), et à celui des opérations boursières (achat revente, dimension spéculative, cependant l’appréciation se fait au cas par cas : le spéculateur professionnel investissant massivement est commerçant alors que celui n’agissant que ponctuellement ne l’étant pas).
****) Le cautionnement de dettes commerciales.
Avant 2021, bien que de nature civile (acte d’ami), la jurisprudence avait admis que le cautionnement (contrat unilatéral désintéressé consistant en l’engagement d’une personne envers un créancier à payer la dette du débiteur principal en cas de défaut de paiement) pouvait être acte de commerce dans certains cas :
-
Lorsqu’il garanti une dette commerciale (acte de commerce par accessoire) – Ccass 12 mai 1998
-
Lorsque la caution a un intérêt patrimonial personnel à la réalisation de l’opération principale (un dirigeant de société s’engageant pour son entreprise).
Cependant, le dernier point étant flou, il entrainait une certaine insécurité puisqu’il était laissé une large place à l’appréciation souveraine des juges. La réforme de 2021 posa le critère objectif suivant : est un acte de commerce le cautionnement des dettes commerciales dès lors que la dette principale est une dette commerciale sauf si un acte de crédit y consent (opération bancaire). En dehors, elle consacre la jurisprudence.
b) Actes de commerce accomplis en entreprise.
Les actes accomplis en entreprise sont ceux organisés dans une structure permettant la répétition de l’acte.
i) Les activités de négoce
Ce sont les activités d’échanges de biens vendeurs/consommateur, l’on peut dénombrer 4 actes de commerce en entreprise parmi celles-ci :
-
L’entreprise de location de meubles (immeuble il s’agit d’une activité civile).
-
L’entreprise de fourniture : livrer de manière récurrente des biens pendant un certain temps, elle suppose un délai/durée/renouvellement puisque le professionnel se réengage à intervalle régulier (exploitation de produits naturel, activité hôtelière, fourniture de personnel temporaire : intérim).
-
L’entreprise de vente à l’encan (vente aux enchères), à moins que celle-ci ne soit réalisé par le commissaire-priseur.
-
L’entreprise de spectacle public : il faut un but lucratif, sinon l’activité demeure civile.
-
ii) Les activités d’intermédiaire.
Si isolée, l’activité est considérée comme commerciale. Pour qu’elle ait la nature d’acte de commerce, il faut qu’elle soit répétée :
-
L’entreprise de commission : se rapproche du mandat à la différence que le représentant agit en son nom propre sans révéler l’identité du commettant.
-
L’entreprise d’agence d’affaires : a pour fonction de gérer les affaires d’autrui (généalogistes, agences de voyage, etc.).
-
iii) Les activités industrielles.
Cela vise deux types d’actes :
-
L’entreprise de manufacture : acheter des matières premières pour les transformer.
-
L’entreprise de transport : par terre, eau ou air.
-
c) Actes de commerce par la forme.
Celui traditionnel est la signature de la lettre de change (papier ou informatique) appelée aussi traite, peu importe la qualité des signataires. Par celle-ci le tireur donne au tiré l’ordre de payer le porteur de la lettre une certaine somme à une certaine date. C’est un mode de paiement simplifié. Au Moyen-âge, la pratique de l’opération d’escompte était utilisée. Le tireur pouvait ainsi donner, au tiré, l’ordre de payer la lettre de change dans sa monnaie (opération de change). En pratique, un prestataire ne pouvant attendre l’échéance de paiement pouvait demander à un tiers de racheter ses dettes pour être payé immédiatement. Il y a toujours un rapport d’obligation.
d) La théorie de l’accessoire.
Des actes civil par nature peuvent devenir de commerce si attachés à une opération, une société commerciale ou bien (acte d’accessoire objectif) réalisé par un commerçant (acte d’accessoire subjectif). L’inverse est aussi possible. « L’accessoire suit le principal ».
i) Les actes de commerce par accessoire objectif.
Trois catégories sont consacrées par la jurisprudence :
-
Le cautionnement (voir plus haut).
-
La cession de contrôle en matière de cession de parts : depuis l’arrêt Ccass 5 décembre 1966 « la cession est en principe un acte civil » ce n’est pas le cas lors des cessions de contrôle depuis l’arrêt Ccass 28 novembre 1978.
-
L’acquisition d’un fonds de commerce (marchandise, bail, etc.) : l’arrêt Ccass 15 novembre 2005 le considérant comme acte de commerce même si acheté par un non-commerçant si passé « dans le but d’exercer un commerce et qu’il est indispensable à l’exercice de celui-ci », celui-ci étant au total le premier acte d’exploitation.
-
ii) Les actes de commerce par accessoire subjectif.
Ceux-là sont de nature civil (pas d’intention de nature) mais deviennent commerciaux du fait de la qualité de la personne qui les conclus (achat de matériel de bureau ou de véhicule d’entreprise).
iii) Les actes de commerce dénaturés en actes civils
De nature de commerce, ils sont dénaturés puisqu’accomplis par des personnes au besoin de leur profession civile. C’est le cas pour les artisans achetant pour revendre ou encore les médecins (médicaments). Ces derniers ont cependant besoin d’une autorisation.
B) Régime de l’acte de commerce
1) Recherche d’un critère général de la commercialité.
a) La spéculation.
Critère le plus classique, les tentatives de le faire reconnaitre remontent au XIXe siècle. Le but commun des actes de commerce serait la recherche du profit. Cependant, ce critère a des limites : non seulement la preuve de l’intention spéculative est complexe mais en plus le fait de vouloir tirer un bénéfice n’est pas propre aux commerçants, mais aux professionnels en général.
b) Entremise dans la circulation des richesses.
Proposé en premier par Thaller au début du XXe siècle, l’idée est de présenter l’acte de commerce réalisé par des intermédiaire dans la chaine de vie d’un produit (production-consommation). Ainsi, selon lui, toutes les étapes d’extraction et de transformation du produit en sont. Il y a néanmoins des limites : toutes les activités d’exploitations ne sont pas de commerce et il existe des intermédiaires n’ayant la qualité de commerçants (agent commercial).
c) Entreprise.
Inventé par Escarra dans les années 1930, il ne désigne pas quel acte est de commerce mais plutôt quand est-ce qu’un acte isolé devient commercial : il faut qu’il soit effectué dans un but à titre habituel et répétitif. Cependant, la notion d’entreprise n’ayant juridiquement de critère véritable, cela semble compliqué de l’utiliser. De plus, cela n’explique pas pourquoi un acte isolé peut être commercial.
2) Le régime des actes de commerce entre commerçants.
a) Règles de procédure
i) Compétence d’une juridiction spéciale : le Tribunal correctionnel de Commerce.
*) Compétence du tribunal de commerce.
Juridiction d’exception, il n’est compétent que lorsque un texte lui attribue spécialement compétence. L’article L721-3 du CDC lui confie les contestations relatives aux engagements entre (1) commerçants, artisans, établissements de crédit, sociétés de financement, (2) aux sociétés commerciales, (3) aux actes de commerce entre toutes personnes. Les parties pouvant convenir de se soumettre à l’arbitrage en cas de conflit. Le texte porte ainsi une partie subjective, objective et mixte. Ces derniers temps, la compétence du TDC a tendance à s’étendre. La mention des sociétés commerciales, introduites en 2001 a été appliquée, par l’arrêt Ccass 27 octobre 2009, aux dirigeants de fait et par l’arrêt Ccass 6 janvier 2021 aux cession de droits sociaux de titre d’une société commercial.
**) Composition du tribunal (article 723-1 du CDC).
Les juges sont élus 2 ans pour la 1ère et 4 ans si réélus. L’électorat est composé d’un collège composé des membres élus des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat, et des juges du tribunal de commerce ainsi que des anciens membres du tribunal. Cela pose des question de compétence et d’impartialité. La QPC du 4 mai 2012 le jugea conforme vis-à-vis des obligations constitutionnelles d’impartialité, d’indépendance des juridiction et de séparation des pouvoirs, les juges ayant l’obligation de prêter serment au moment de leur entrée en fonction (722-7 CDC : « je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et de me conduire en tout comme un juge digne et loyal »). De plus, en cas de conflit d’intérêt, non seulement le juge peut se récuser de lui-même, mais le particulier le demander. Concernant le principe d’égal accès aux emplois publics, le Conseil constitutionnel considère que le législateur est libre de donner des conditions d’accès à la nomination des juges.
***) Procédure du tribunal.
Semblable à celle civile, elle est toutefois plus simplifiée : pas d’obligation d’avoir un avocat, procédure orale (les parties prennent cependant en pratique des conclusions écrites) et plus rapide. Il existe des cas où la procédure fut jugée trop expresse pour être conforme aux principes constitutionnels. Ainsi avant la QPC du 7 décembre 2012, le tribunal pouvait se saisir d’office pour faire une procédure collective. Cela fut jugé contraire au principe d’impartialité objective, l’on considéra alors qu’il devenait à la fois juge et partie.
ii) Validité des clauses attributives de juridiction.
*) Compétence d’attribution.
Les limites de compétences attribuées par la loi au tribunal ne peuvent être sous aucun prétexte étendue. Il est d’ordre public que le tribunal de commerce soit incompétent pour statuer en dehors de ses attributions. Les parties peuvent à l’inverse le dessaisir au profit du Tribunal judiciaire sauf cas particulier relevant exclusivement du TDC (exemple : procédures collectives)
**) Compétence territoriale.
D’après l’article 42 du CPC « la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition (conventionnelle) contraire, celle du lieu ou demeure le défendeur ». Or, parce que le juge admette qu’une telle cause puisse être prise en défaveur d’un des cocontractants, celui-ci posa deux conditions strictes :
-
Ccass 29 janvier 2001 : clause doit être convenue entre deux personnelle en qualité de commerçants, sinon réputée non écrite
-
Clause doit avoir été spécifiée de façon parfaitement apparente ce qui implique
-
Elle doit être insérée dans le contrat.
-
Elle doit être stipulée parfaitement clairement.
-
iii) La validité de clause compromissoire (2061 Cciv).
Une fois un litige né, les parties peuvent s’entendre pour écarter la juridiction étatique et avoir recours à un arbitre (compromis d’arbitrage). Cependant, il est également possible d’inscrire préalablement dans le contrat une clause compromissoire obligeant les parties à soumettre tout ou partie des litiges à l’arbitrage. Il en existe deux type : l’arbitrage international et l’arbitrage interne. Le second suit les règles que la Code de procédure civile énonce : le juge ou tribunal arbitral rend une sentence qui a autorité de la chose jugée mais pas force exécutoire (doit recourir à une ordonnance d’exequatur) auquel on peut faire appel (si prévu) ou demander l’annulation devant le juge étatique dans des conditions limitées. Les parties seront soumises à une procédure dérogatoire laquelle a plusieurs avantages :
-
Confidentialité (les sentences ne sont pas publiées pour garantir le secret des affaires).
-
Rapidité
-
Confiance dans l’arbitre (arbitre spécialisé dans le domaine, moins de flottement ou aléas.
L’un des inconvénients majeur étant principalement son prix (contrairement à la justice étatique gratuite). Depuis 2001, il est possible d’avoir recours à l’arbitrage, non plus uniquement aux affaires entre commerçants, mais dans tous les contrats conclus à raison d’une activité professionnelle (signe supplémentaire du dépassement du champs commercial) que l’arrêt Ccass 29 février 2012 précise qu’elle doit être en cours. Une réforme de 2016 précisera qu’un non professionnel peut la demander, mais ne peut se la voir imposer. En 2021, une dernière réforme précisera que « toutefois, les parties peuvent au moment ou elles contractent convenir de soumettre à l’arbitrage les contestation ci-dessus énumérées […] par exception, lorsque le cautionnement d’une dette commerciale n’a pas été souscrit dans le cadre de l’activité professionnelle de la caution, la clause compromissoire ne peut être opposée à celle-ci ».
b) Le droit des obligations.
i) La formation et la preuve de l’acte.
*) Le silence.
D’après l’arrêt Ccass 24 mai 2005 « si le silence ne vaut pas à lui seul acceptation, il n’en est pas de même lorsque les circonstances permettent de donner à ce silence la signification d’une acceptation ». Cela a du sens dans les relations suivies : rester silencieux lors de la réception d’une livraison nouvelle peut être considéré comme obligeant à payer le prix. Dans l’arrêt Ccass 31 janvier 2012, le juge conclue à une clause de réserve de propriété du fait de relations d’affaires et de la réception par le débiteur dans le courant de ces relations, de factures antérieures comportant la clause litigieuse sans contestation de sa part.
**) La preuve.
Alors qu’en droit civil, les actes impliquant une somme supérieure à 1500e doivent être prouvés par un écrit, l’article L110-3 du CDC dispose « qu’à l’égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu’il n’en soit autrement disposé par la loi ». Une réforme de 2016 atténue la distinction entre les deux en posant une liberté de la preuve de principe, lequel peut être écarté, lorsque la loi en dispose.
ii) L’exécution des obligations.
Traditionnellement, 3 modes d’exécution dérogatoires existaient pour les actes de commerce. La réfraction et le remplacement ayant été intégré au droit civil, il ne reste plus que la solidarité laquelle se présume en droit du commerce alors même que l’article 1310 du Cciv dispose que « la solidarité est légale ou conventionnelle, elle ne se présume pas ». Cette présomption d’écoule d’une coutume antérieure au CDC jurisprudencialisée par l’arrêt Ccass 20 octobre 1920, le juge considérant qu’elle se justifierait par un double intérêt :
-
Incite le créancier à contracter.
-
Augmente le crédit du débiteur.
La solidarité passive des débiteurs implique que le créancier n’ait pas à diviser ses procédures et de faire peser le poids de la dette manquante du débiteur défaillant sur les épaules de celui en capacité de payer. L’arrêt Ccass 26 septembre 2018 précise que la solidarité active ne se présume quant à elle pas.
iii) La disparition progressive de la particularité du droit commercial.
Peu à peu l’on remarque que les particularismes du droit commercial sont intégré dans celui des contrats. Ça a été ainsi le cas pour trois notions :
-
La réfaction : en matière de vente le juge pouvait diminuer le prix à payer par l’acheteur du fait de l’inexécution partielle du contrat par le vendeur, chose impossible en droit civil au nom de l’intangibilité des conventions. Depuis 2016, l’article 1223 du Cciv accorde au créancier le droit de diminuer son prix, sous le contrôle a posteriori du juge.
-
Le remplacement : permet à l’acheteur, après mise en demeure, de se procurer les marchandises non livrées auprès de tiers et de se faire rembourser par le vendeur défaillant. Depuis 2016, l’article 1222 le permet, sans contrôle a priori du juge sauf pour les cas impliquant destruction. En droit civil il est repris à l’article 1344.
-
Les règles relatives à la prescription extinctive : résultent de l’inaction du titulaire de droit. A l’origine, celle-ci était de 10 ans en matière commercial et de 30 en civil. Depuis 2008, l’article 2224 les a unifié à 5 ans. Il existe cependant toujours quelques exceptions en droit commercial (droit des sociétés : 3 ans, consommation : 2 ans, etc.) et les parties peuvent toujours le réduire.
3) Le régime des actes mixtes
Selon un principe de distributivité, lorsqu’un acte concerne à la fois un commerçant et un non-commerçant, la Cour de cassation applique les règles du droit commercial aux premier et celle de celui civil aux seconds. Particularité cependant, lorsqu’un commerçant veut se plaindre d’un non-commerçant, il ne peut le faire que devant la juridiction civile au risque de se voir opposer une exception d’incompétence. Au contraire, le non-commerçant peut, depuis l’arrêt Ccass 18 mai 1907 bénéficier d’une option de compétence et décider d’assigner le commerçant devant une juridiction soit commerciale, soit civile. Enfin, les prescriptions pour agir propres au droit commerciales ne s’appliquent qu’aux commerçants.
II) Le commerçant.
Le principe de liberté du commerce et de l’industrie étant constitutionnellement garanti, le législateur ne peut en principe poser des barrières à l’entrée des activités commerciales. Cependant, si l’atteinte poursuit un intérêt général et qu’elle est proportionnée au but poursuivi, l’on considère qu’elle est légitime. Il existe deux sortes de limitations :
-
Celles relatives à l’activité engagée : prend la forme d'un inscription sur un registre (transporteurs routiers), l’obligation d’obtenir une licence (débit de boisson, pharmacie), une autorisation (grande surface voulant s’installer dans une zone), l’exigence d’un agrément imposé (les établissements de crédits doivent justifier de capitaux propres suffisants)
-
Celles relatives à la personne souhaitant exercer l’activité :
-
Doit avoir la « capacité commerciale » : majeur (et mineur émancipé : L121-2 CDC) et en pleine capacité juridique
-
Ne pas faire l’objet d’une interdiction ou d’une incompatibilité, mesure infamantes assortissant certaines condamnation pénales
-
A) La qualification de commerçant.
1) Le commerçant défini par son activité commerciale.
L121-1 « sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle ».
a) Les conditions
i) L’accomplissement d’actes de commerce.
*) Précisions
De manière régulière, le fait de réaliser des actes de commerce fréquemment et à titre d’indépendant, donne la qualité de commerçant. Le fait de signer à répétition des lettres de change, acte de commerce par la forme, ne donne pas la qualité de commerçant, tout comme le fait de réaliser des actes de commerce par accessoire (différents de ceux par nature), ou encore les actes de commerce dénaturés en civil du fait de la nature civile de l’activité professionnelle principale libérale de celui qui les réalise.
**) Les activités exclues
Les activités artisanales.
Distinction jurisprudentielle, ni l’Ancien droit, ni le Code de Commerce de 1807 ne les sépare. Aujourd'hui, les règles relatives aux artisans résultent d’une loi de 1996. Plusieurs critères établis par l’arrêt Ccass 22 avril 1909 permet de les identifier : ce sont des indépendants travaillant manuellement (pas d’activité spéculative) dans le cadre d’une entreprise de dimension modeste (maximum 10 salariés). Ceux-là bénéficient de certaines règles du droit commercial (baux commerciaux et depuis 1985 la procédure collective).
Les activités agricoles
Activité traditionnellement civile (production et non négoce), leur régime fut fixé par une loi de 1988 de laquelle découle l’article 3111 du Code rural, lequel dispose que « les activités agricoles ont un caractère civil ». Aussi, certaines règles du droit commercial les concerne.
Les activités libérales
Proposant des services de nature essentiellement intellectuelle, rémunéré par des honoraires, le critère intuitu personae est ici très marqué. L’article 29 de la loi de 2012 les concernant dispose que « les professions libérales groupent les personnes exerçant à titre habituel de manière indépendante et sous leur responsabilité une activité de nature généralement civile, ayant pour objet d’assurer dans l’intérêt du client ou du public des prestations principalement intellectuelles, techniques ou de soins mis en œuvre au moyen de qualifications professionnelles appropriées dans le respect de principes éthiques ou d’une déontologie professionnelle ». Depuis peu, l’on observe un rapprochement avec les commerçants : s’organisant dans des sociétés pour mutualiser les investissement, celles-là seront soumises aux règles du droit commercial. De plus, depuis l’arrêt Ccass 7 novembre 2000, les libéraux peuvent, comme les commerçants, réaliser des cessions de clientèle (civile), à la conditions que la faculté de choix des clients soit conservée. Avant, l’on considérait qu’il y avait un critère intuitu personae trop fort pour le faire. De même, depuis 2005, le droit des procédures collectives les concerne. Quoi qu’il en soit on a pas un statu du professionnel libéral qui s’applique à tous, chaque profession spécifique dispose de plusieurs règles propres.
Le cas des personnes morales
Certaines sociétés par anticipation, les sociétés créées de fait (concubins exerçants une activité commune) ou encore les Groupement d’intérêt économique (GIE) peuvent avoir la qualité, non pas de société commerciale, mais bien de commerçant du fait de leur activité. A propos des associations que l’article 1er de la loi de 1901 définit comme « la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun d’une façon permanente leur connaissance ou leur activité dans un but autre que partager les bénéfices », on a longtemps cru qu’il était impossible de leur appliquer les règles du droit commercial, celles-là ne poursuivant pas un but lucratif. Cependant, depuis quelques temps, le juge le fit, notamment en matière de preuve ou encore de compétence juridictionnelle. La situation est ambiguë. Les sociétés commerciales, régis par l’article L210-1 ont la commercialité du seul fait de leur forme et ou objet.
ii) A titre de profession habituelle
Comme le prévoit l’article L121-1 du CDC, les actes doivent être passé à l’occasion d’une profession (peut ne pas être l’exclusive) et ce, de manière répété (habitude).
iii) A titre indépendant (condition prétorienne).
Est commerçant celui qui prend les risques. Les actes de commerce doivent ainsi être souscrit en leur nom propre. De ce fait, le salarié d’un commerçant ne l’est pas (dépendance juridique) de même que le dirigeant de société commerciale lequel, bien qu’agissant en qualité de mandataire, il ne prend pas de risque à titre personnel ou encore les VRP, agents commerciaux et industriels qui, malgré leur relative autonomie, n’ont, du fait de leur subordination juridique, aucune indépendance.
b) La preuve de la qualité de commerçant.
Soit la personne est régulièrement enregistrée comme commerçante au registre RCS notamment, on dit qu’elle est commerçant de droit, soit elle ne l’est pas et c’est une commerçante de fait (a les obligations, pas les avantages). Dans le premier cas, l’article 123-7 du CDC dispose que « l’immatriculation d’une personne physique emporte présomption de la qualité de commerçant. Toutefois cette présomption n’est pas opposable aux tiers et administration qui apportent la preuve contraire. Les tiers et administration ne sont pas admis à se prévaloir de la présomption s’ils savaient que la personne immatriculée n’était pas commerçante ». La présomption est donc simple.
2) Le commerçant défini par sa forme : la société commerciale (la loi impose la commercialité).
D’après l’article L210-1 du Code de commerce, « le caractère commercial d’une société est déterminé par sa forme ou par son objet. Sont commerciales à raison de leur forme et quel que soit leur objet, les sociétés en nom collectif (SNC), les sociétés en commandite simple (SCS), les sociétés à responsabilité limité (SARL) et les sociétés par actions (société anonyme ou SA, société en commandite par actions ou SCA et société par actions simplifiées ou SAS) ». Parfois, comme ce fut le cas pour l’arrêt Ccass 31 janvier 1961, si l’activité exercée par une société commerciale par la forme est exclusivement civile, le juge peut refuser de tenir compte de la commercialité (ne peut bénéficier du statut des baux commerciaux et du droit au renouvellement du bail).
a) Les sociétés commerciales dont les associés sont tous ou pour partie commerçants.
Si en principe la personne morale crée un écran entre société et tiers, certaines sociétés vont conférer aux associés la qualité de commerçants. Dans ces sociétés de personnes, l’on regroupe des personnes qui se connaissent, aiment travailler ensemble et ce dans une même optique (il y a un lien de confiance très fort). Dans les sociétés de capitaux, l’écran est plus fort puisque peu importe la personne, ce qui compte ce sont les apports qu’elle amène. Lorsqu’on crée une société, les associés font des apports, qu’ils soient en capitaux, nature ou industrie. En rétribution, ils reçoivent des droits sociaux : soit des part sociales, soit des actions. Les parts sociales sont gérées comme des créances. Dans l’hypothèse des actions, on la désigne aussi comme un titre négociable dont les règles de cessions sont bien plus simplifiées (virement de compte à compte).
i) La société en nom collectif (SNC).
D’après l’article L221-1 du CDC, « les associés en nom collectif ont tous la qualité de commerçant et répondent indéfiniment (tout le patrimoine peut être engagé) et solidairement des dettes sociales ». Utilisée par les petits commerçants à activité modeste mais aussi par les groupes de société pour l’avantage qu’elle apporte d’être transparente fiscalement (imposés directement sur leurs patrimoine personnel selon l’impôt sur le revenu et non celui sur les société), le gérant représente la société et agit en nom et pour son compte. Ici, la personne des associés est tellement forte qu’en cas de décès de l’un d’eux, elle peut prendre fin. L'écran posé par la société est transparent : si la société ne peut payer sur son propre patrimoine, les créanciers peuvent prélever sur ceux des associés. Dangereuse, la protection qu’elle apporte est si faible qu’elle n’attire que peu de personne. L’intérêt principal étant sa simplicité de fonctionnement. L’intérêt est de permettre aux groupes de sociétés de réduire les impôts de la société maire en faisant remonter les déficits. Cette société confère une qualité de commerçant à tous ses membres.
ii) La société en commandite (SC).
Née au Moyen-âge (contrat de commandite), il existe deux formes de sociétés en commandite : celles simples et celles par actions seule à pouvoir être cotée en marchée financier. La première rétribue des part sociale (considérés comme des créances et donc soumises au régime de cession de créances), alors que la seconde des actions. Elle est régie par l’article L226-1 du CDC lequel dispose que « la société en commandite par actions, dont le capital est divisé en actions, est constituée entre un ou plusieurs commandités, qui ont la qualité de commerçant et répondent indéfiniment et solidairement des dettes sociales, et des commanditaires, qui ont la qualité d’actionnaires et ne supportent les pertes qu’à concurrence de leurs apports. Le nombre des associés commanditaires ne peut être inférieur à trois ». L’article 222-1 du CDC précise que « les associés commandités ont le statut des associés en nom collectif (commerçants doit donc avoir la capacité commerciale, tenus par responsabilité indéfinie et solidaires). Les associés commanditaires répondent des dettes sociales seulement à concurrence du montant de leur apport. Celui-ci ne peut être un apport en industrie ». La société en commandite ne donne que partiellement la qualité de commerçant (seuls les commandités). Cette société est aujourd'hui très peu utilisée, notamment à cause du risque qu’elle fait peser sur les commandités, la contrepartie étant le pouvoir de gestion qu’il détient sur la société. Cette forme est utilisée surtout pour les entreprises familiales cotées, interdisant de prendre le contrôle de la société (seules les actions des commanditaires sont acquérables).
b) Les sociétés commerciales dont les associés ne sont pas commerçants.
Dans les sociétés de capitaux, les créancier ne peuvent se payer que sur le patrimoine de la société, les associés ne risquant que l’apport qu’il dépose à l’entrée. La personne morale réalise un réel écran.
i) La société à responsabilité limitée (SARL et EURL).
Créée en 1925 sur le modèle allemand, la SARL a l’avantage de limiter les risques en mettant le patrimoine personnel des associés à l’abri des créanciers (écran de la personnalité morale fort, rôle protecteur) mais aussi d’accorder un droit de regard sur le nouvel associé qui rachète les parts de celui qui se détache du projet. L’EURL, quant à elle fut créé en 1985 pour permettre à une seule personne de créer une société à responsabilité limité (forme unipersonnelle) sans revenir sur le principe d’unicité du patrimoine. Les associés ne s’engagent qu’à hauteur de leurs apports. La société est dite « hybride » puisque donnant naissance à des parts sociales (créance de remboursement des apports, régime de transmission bien plus encadré) alors même qu’elle est une société de capital, donnant traditionnellement naissance à des actions (considérés comme titres négociables transmissibles par simple virement de compte à compte).
ii) Les sociétés par actions.
Il en existe trois types : la société anonyme (SA), la société en commandite par action (SCA) qui décline depuis l’essors de la société anonyme et la société par action simplifiée (SAS) créée en 1994 puis ouverte à toutes les
personnes physiques en 1999 avec la « société par action simplifiée unipersonnelle ». Dans tous ces cas, en contrepartie de l’apport, l’associé reçoit des obligations, n’est pas commerçant et ne risque pas son patrimoine personnel. Le régime de la société anonyme découle principalement de la loi de 1966 (considéré comme une sorte des sociétés commerciales), comportant donc une réglementation très fournie. La société par action simplifiée est pluripersonnelle, alors que la société par action simplifiée unipersonnelle non. Ce qui la caractérise par rapport aux autres c’est le principe de la liberté contractuelle qui y est très fort. Son organisation est régie par les statuts (grande adaptabilité).
B) Les conséquences attachées à la qualification de commerçant.
1) L’obligation d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés (RCS).
a) Les modalités de l’immatriculation.
Tiré des registres des corporations de l’ancien régime, il est maintenu et devient le « registre du commerce » en 1919 (devient en 1978 le registre du commerce et des sociétés) et oblige, tant les personnes physiques exerçants une activité commerciales, que les sociétés civiles (pour obtenir personnalité morale), à s’inscrire, cela étant prévu par l’article L123-1 du CDC. L’immatriculation doit être faite devant la greffe du Tribunal de commerce duquel dépend, pour les personnes morales, le lieu du siège social et, pour les personnes physiques, soit le lieu du siège de leur entreprise, soit de leur principal établissement, soit de leur domicile. Celle-ci doit être réalisée dans le mois précédent le début d’activité et au plus tard dans les 15 jours suivant le début de l’activité pour les physiques (R123-32) sans quoi l’article L123-3 du CDC prévoit que le juge peut enjoindre le commerçant à se faire immatriculer (injonction sous astreinte) et, dans tous les cas, la personne physique ne pourra bénéficier des avantages (mais les obligations oui) de la qualité de commerçant (en particulier le statut des baux commerciaux). Les personnes morales ne bénéficiant pas de personnalité juridique sans immatriculation, bien qu’il n’ait pas de délai fixé, ne pas s’inscrire équivaut, pour les associés, à s’engager, et leur patrimoine, en leur nom propre pour tous les actes de la société (risques très lourds). Lors de l’immatriculation, seront fourni des informations relatives à l’état civil (adresse, activité, etc.) l’article L123-5 prévoyant que « le fait de donner, de mauvaise foi, des indications inexactes ou incomplètes » est puni d’une amende de 4500e, 6 mois d’emprisonnement et 5 ans d’inéligibilité et perte du droit de vote aux élections des tribunaux de commerce. Ces informations devant être actualisée tout au long de l’activité commerciale. Le « registre national des entreprises », fut créé par une ordonnance du 15 septembre 2021 à but de simplifier les registres passés et à en créer un unique pour tous. Les article L123-36 à L123-57 régissent son régime. L’article L123-36 dispose « qu’il est tenu un registre national des entreprises auquel s’immatriculent les entreprises exerçant sur le territoire français, une activité de nature commerciale, artisanale, agricole ou indépendante ». L'idée est qu’il se substitue aux anciens, notamment ceux visant les artisans et les agriculteurs mais pas le RCS précédemment cité (superposition des registres, objectif de simplification moins évidente).
b) Portée de l’immatriculation.
D’après l’article L123-9 du CDC, « la personne assujettie à immatriculation ne peut, dans l’exercice de son activité, opposer ni aux tiers ni aux administrations publiques, qui peuvent toutefois s’en prévaloir, les faits et actes sujets à mention que si ces derniers ont été publiés au registre ». Ainsi, sans publication, l’on présume que les tiers de bonne foi ne le savent, la seule limite étant les tiers de mauvaise foi (en a connaissance par d’autres biais). De plus, d’après l’article 123-8, sans inscription au registre, l’on ne peut se prévaloir de la qualité de commerçant. Lorsqu’immatriculée, les personnes physiques bénéficient d’une présomption simple de commercialité dont les tiers de bonne foi peuvent se prévaloir (L123-7 CDC), cela n’ayant pas de conséquences pour le statut des personnes morales pour lesquelles la commercialité s’obtient à raison de leur forme ou objet (1842 Cciv). L’immatriculation n’est pas une condition pour devenir commerçant, ça a simplement pour conséquence de retirer tous les avantages que le statut apporte. Chose différente pour les personnes morales (ça conditionne la naissance de leur personnalité juridique).
2) Le statut du compagnon du commerçant.
a) Les propositions jurisprudentielles
Le conjoint travaillant sans statut pouvait bénéficier de la technique de la « société créée de fait » par laquelle les juges considéraient que même en l’absence d’une société officielle, l’on pouvait considérer que toutes les conditions de la société étaient réunies (apport, volonté de collaborer ensemble sur un pied d’égalité, poursuivre une entreprise commune) et diviser les richesses selon le régime de liquidation judiciaire. Par cette fiction juridique, le juge tentait de réduire les inégalités.
b) Le statut du conjoint du commerçant.
On ne devient pas commerçant du simple fait d’être marié ou pacsé (L121-8) avec un commerçant, l’article L121-3 du CDC affirmant ainsi que « le conjoint d’un commerçant n’est réputé lui-même commerçant que s’il exerce une activité commerciale séparée de celle de son époux ». Pas d’automatisme car le régime est dangereux et ne doit être appliqué qu’à des personnes pleinement conscientes des enjeux. Dans le cas où il participe à l’activité commerciale sans vouloir être soi-même commerçant, il peut choisir entre plusieurs statuts prévus (aussi pour les entreprises artisanales et libérales) par l’article 121-4 du CDC :
Le conjoint associé
Depuis 1985, l’article 1832-1 du Cciv permet aux époux de s’associer dans une même société (l’exploitation commerciale doit se faire sous la forme d’une société) quel qu’en soit la forme. Or, parce que bien souvent l’un des deux ne dispose pas du capital suffisant (fonds de commerce ou numéraire), l’on a pensé à ce que son apport puisse être un en industrie (travail), ce que le législateur a préféré limiter au vu de l’impossibilité qu’ont les créanciers à se saisir dessus. Au départ seule la SNC autorisait cet apport mais était très peu utilisée puisque dangereuse. En 2001, cependant, on le permis pour les SARL et, en 2008, pour les SAS.
Le conjoint salarié (contrat de travail)
Soit il est salarié de la société de commerce, soit directement du conjoint commerçant. Situation avantageuse pour le conjoint salarié mais pas pour le commerce qui aura à supporte une lourde charge.
Le conjoint collaborateur
La collaboration consiste à accomplir un travail de manière subordonnée mais sans recevoir de rémunération. Restrictive, cette qualité ne joue que dans les rapports de famille. Le conjoint doit être mentionné au RCS en sa qualité de collaborateur qui lui permet, comme le prévoit l’article L121-6 du CDC de bénéficier d’un mandat légal lui permettant de prendre des actes d’administration relatif à l’entreprise qui, auprès des tiers, engagent uniquement son conjoint commerçant (L121-7).
Est-il possible pour le conjoint de participer à l’activité professionnelle de son époux commerçant sans aucun de ces statuts ?
Non car comme le prévoit l’article L121-4 du CDC, le conjoint commerçant doit déclarer la nature de l’activité qu’exerce son conjoint à défaut de laquelle celui-ci sera d’office considéré conjoint salarié.
c) Le statut du concubin du commerçant.
Le concubin peut être soit associé, soit salarié (pas collaborateur). En cas de séparation, le droit des société a créé le concept de société créée de fait (applicable aux conjoints et pacsés n’ayant pas bénéficiés d’un régime juridique déterminé), société informelle sans personnalité morale consacrée à l’article 1873 du Cciv. Pour lui appliquer un régime juridique, l’on fait selon la nature de l’activité exercée (si commerciale, doit commercial). La société créée de fait s’analyse comme un contrat pur, les associés, si soumis aux règles du droit commercial, seront traités comme des commerçants. La Ccass a énoncé plusieurs critères pour que la société soit reconnue :
-
Les personnes doivent avoir réalisés des apports (peut être apport en numéraire, nature & industrie).
-
Les personnes doivent partager les bénéfices et contribuer aux pertes en cas de déficit
-
Les personnes doivent avoir eu la volonté de s’associer sur un pied d’égalité (affectio societatis). Cette dernière étant peu souvent caractérisée, le législateur est intervenu pour fixer des régimes.
L’arrêt Ccass 23 juin 1987 précisant que le seul fait de participer aux dépenses de la vie commune ne suffisait pas à présumer les 3 points (caractérisation uniquement expresse possible) et l’arrêt Ccass 22 février 2005 que les trois éléments doivent être indépendamment présents, ne peuvent se déduire de la présence des autres et doivent être présents, tant dans les relations entre associés que vis-à-vis des tiers (ceux-là étant solidaires patrimonialement vis-à-vis des créanciers).
3) Les obligations comptables du commerçant.
Obligation datant de l’Ancien régime, aujourd'hui l’article L123-12 du CDC dispose que « toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant doit procédure à l’enregistrement comptable des mouvements affectant le patrimoine de son entreprise. Ces mouvements sont enregistrés chronologiquement ». Cela permet de connaitre fidèlement la situation de l’entreprise, avantage tant pour le commerçant, que pour l’état qui peut de ce fait édicter des obligations fiscales adaptées. En cas de non-respect, le commerçant s’expose à des sanctions fiscales et pénales et, en cas de procédure collective, le commerçant défaillant ou négligeant dans son obligation de tenue des compte peut faire l’objet d’une faillite personnelle.
a) Les documents comptables.
i) Les livres comptables.
En principe obligatoire, le commerçant doit tenir plusieurs livres comptables à moins qu’il rentre dans les régimes dérogatoire fiscaux simplifiés et en soit dispensé :
-
Le livre journal : enregistre chaque jour tous les mouvement affectant le patrimoine (achat et ventes).
-
Le grand livre : centralise au moins une fois par mois les écritures du livre journal .
-
Le livre d’inventaire : regroupe les données d’inventaire, relevés de tous les actifs et passifs du patrimoine avec, pour chacun, mention de la quantité et de la valeur à la date de l’inventaire.
-
ii) Les comptes annuels.
A la clôture de chaque exercice, le commerçant doit établir les comptes annuels. Ils regroupent plusieurs éléments formant un tout indissociable :
-
Le bilan : décrit les éléments actifs et passifs de l’entreprise de sorte à connaitre la composition du patrimoine de l’entreprise et son état d’endettement.
-
Le compte de résultat : récapitule les produits et charges de l’exercice (calcul le bénéfice ou la perte).
-
L’annexe : document complétant le bilan et le compte de résultat en les commentant.
Les petites entreprises en sont parfois exonérés tandis que les grosses, soumises à des obligations complémentaires.
b) Les principes comptables.
Non seulement les documents doivent être rédigés en français et les comptes tenus en euro mais, comme le prévoit l’article L123-14 du CDC, « les comptes annuels doivent être réguliers (régularité), sincères (sincérité) et donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l’entreprise ». Dans le cas où une écriture comptable serait trompeuse, le commerçant doit le préciser dans l’annexe.
c) La valeur juridique de la comptabilité.
D’après l’article L123-23 du CDC, « la comptabilité régulièrement tenue peut être admise en justice pour faire preuve entre commerçants pour faits de commerce […] si elle a été irrégulièrement tenue, elle ne peut être invoquée par son auteur à son profit ». Outil de gestion à valeur particulière, si régulièrement tenu il peut avoir force de preuve, uniquement cependant entre commerçants. Dans les actes mixtes, le principe de distributivité interdira au commerçant de se servir de sa comptabilité pour produire une preuve. Si l’on peut utiliser sa comptabilité, peut-on forcer un commerçant à produire ses documents pour s’en servir contre lui ? L’article L123-23 du CDC répond que « la communication des documents comptables ne peut être ordonnée en justice que dans les affaires de succession, communauté, partage de société et en cas de redressement ou de liquidation judiciaires ». De plus, si dans le cadre d’un litige un tiers veut opposer au commerçant ses documents comptables, il devra en invoquer l’intégralité, l’article 1378 affirmant en effet que « les registres et documents que les professionnels doivent tenir ou établir ont, contre leur auteur, la même force probante que les écrits sous signature privée ; mais celui qui s’en prévaut ne peut en diviser les mentions pour n’en retenir que celles qui lui sont favorables ».
C) Protection du patrimoine du commerçant.
Depuis longtemps la tendance constante est de favoriser la protection du patrimoine personnel du commerçant pour encourager la créativité en limitant ses conséquences défavorables. Initialement l’on usait de la technique sociétaire pour faire un écran entre personne physique et créanciers. Cependant, inaccessible pour certains ne pouvant supporter couts et formalisme (nécessité d’être plusieurs associés), le législateur créa d’abord les société unipersonnelles (EURL : 1985, SASU : 1999) permettant une division du patrimoine, puis, mis en place plusieurs règles au début des années 2000 :
-
2003 : Principe d’insaisissabilité de la résidence principale admis aux article L526-1 à 526-5 du CDC.
-
2010 : Statut de l’EIRL admis aux articles L526-6 à L525-21 du CDC.
-
2022 : Statut de l’entrepreneur individuel admis aux articles L526-22 à L526-26 ayant vocation à se substituer au précédent.
1) Déclaration d’insaisissabilité.
Créé par la loi Dutreil, elle ne visait à l’origine que la résidence principal avant d’être étendue en 2008 à tout bien foncier bâti ou non-bâti non affecté à l’usage professionnel de la personne. En 2015 la loi Macron supprime l’obligation de déclarer insaisissable la résidence pour la remplacer par une protection automatique (insaisissabilité de droit). Tout cela étant posé par l’article L526-1 du CDC. Pour les biens fonciers, l’insaisissabilité est relative, elle nécessite toujours une déclaration du commerçant, inopposable aux créanciers antérieurs. Ces mesures s’établissant en exception des articles 2284 et 2285 du Cciv sur l’unicité du patrimoine. En cas de procédure collective, depuis l’arrêt Ccass 28 juin 2011, l’insaisissabilité joue à l’égard de tous les créanciers du moment où la déclaration était opposable à l’un d’eux. L’arrêt Ccass 13 septembre 2017 (repris par l’arrêt Ccass 7 octobre 2020) offrant à ceux pour lesquels la déclaration était inopposable un droit de poursuite individuel « tendant à voir constater l’exigence, le montant et l’exigibilité de sa créance ». Par l’arrêt Ccass 13 mars 2012, le juge avait affirmé que la déclaration était opposable sans publication, il y revint dessus par l’arrêt Ccass 15 novembre 2016 : la publicité est de nouveau une condition à la régularité. L’article L526-2 du CDC pose les modalités de la déclaration d’insaisissabilité. Celle-ci doit être reçue par notaire sous peine de nullité, contenir la description détaillée des biens et l’indication de leur caractère propre, commun ou indivis, être mentionnée ay registre de publicité légal à caractère professionnel dans lequel est immatriculé le professionnel (c’est elle qui rend la déclaration opposable). Dans tous les cas, l’article L526-3 offre à l’entrepreneur de renoncer à ses droits sur l’insaisissabilité, cela pour obtenir des crédits plus avantageux sans doute.
2) Le statut de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée.
Créé par la loi du 15 juin 2010, le législateur fait exception claire au principe d’unicité du patrimoine en autorisant le professionnel à diviser son patrimoine et à affecter une partie de ses bien à un patrimoine professionnel sur lequel les créanciers pourront uniquement récupérer leurs dettes. Pour en bénéficier le législateur créa le régime de l’EIRL qui échoua puisque subordonné à un certain formalisme et soumis à la déclaration prévue à l’article L526-7 du CDC nécessitant une gestion rigoureuse du patrimoine. En effet, au départ, en cas d’échec à établir un descriptif clair, le juge déclarait la réunion des deux patrimoines, pratique contre laquelle le législateur tenta de lutter en limitant progressivement les cas de réunion. L’article L526-12 affirmant désormais que « l’entrepreneur est responsable sur la totalité de son patrimoine en cas de fraude ou en cas de manquement grave aux obligations prévues à l’article L526-13 (obligations comptables) ».
3) Le statut de l’entrepreneur individuel.
Mis en place par la loi du 14 février 2022, l’entrepreneur individu est défini, selon l’article L526-22 comme une « personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes […], les biens droits obligations et suretés dont il est titulaire et qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes constituent son patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel », le reste constituant ainsi son patrimoine personnel. La séparation est stricte, créanciers personnels n’ont accès au patrimoine professionnel et inversement L526-22 al 4 – sauf suretés professionnelles ou renonciation). En cas de contestation de mesure d’exécution forcée (ou conservatoire) élevant en le droit de gage général du créanciers, certains éléments actifs, la charge de la preuve incombe à l’entrepreneur individuel (L526-22 al 7). La renonciation des protection est plus strictement encadrée et ne peut intervenir qu’après un délai de 7 jours (pouvant être réduit à 3 si signature précédée d’une mention manuscrite), à compte de la réception d’une demande écrite du créancier. Ainsi, à la différence de l’EIRL qui multipliait les patrimoines professionnel pour chaque activité distincte, le régime de l’entrepreneur individuel n’en crée qu’un, uni, qui peut être réuni avec celui personnel restrictivement (uniquement si suretés conventionnelles ou renonciation). L’article L526-22 écarta la possibilité pour l’entrepreneur de se porter caution sur son patrimoine personne, d’une dette qu’il aurait souscrite au titre de son patrimoine personnel, chose courante dans les EIRL. Un cautionnement émanant nécessairement d’un tiers, l’aliéna 3 de l’article affirma qu’il était impossible d’être à la fois caution et débiteur principal. En cas de cessation d’activité ou de décès de l’entrepreneur les patrimoines sont réunis. Ils le sont encore à l’égard de l’administration fiscale et des organismes de sécurité sociale en cas de manœuvre frauduleuse. La loi de 2022 sur le transfert de patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel prévoit une simplification de la transmission universelle du patrimoine. Ainsi l’entrepreneur individuel peut c »der son patrimoine à titre onéreux, le transmettre à titre gratuit entre vifs ou l’apporter en société sans procédure à sa liquidation. Cette simplification vise à protéger le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel et à faciliter le passage à la forme de société si nécessaire. Toutefois, cette simplification n’est valable que si le patrimoine est transféré dans son intégralité. Si l’entrepreneur souhaite ne céder qu’une patrie, il doit respecter les formalités spécifiques attachées à ces éléments. Par ailleurs, la loi prévoit que les créancier au titre du patrimoine professionnel peuvent former opposition, mais ils ne peuvent empêcher le transfert. Ils peuvent bénéficier d’une justice leur permettant de bénéficier de garanties supplémentaires pour être surs d’être payés à l’échéance. Cependant, le risque est que si l’entrepreneur individuel ne fait pas attention, il peut mélanger ses deux patrimoines, ce qui peut entrainer des difficultés lors d’un litige, car il aura utilisé ses biens de manière indifférenciée. Pour prévenir cela, la loi prévoit un rapport sur l’application de ce nouveau statut qui doit être établi avant le 1er mars 2024. Ce rapport doit notamment étudier les risques auxquels expose ce nouveau statut, notamment en matière d’accès au crédit pour les entrepreneurs individuels. En effet, les créanciers peuvent être dissuadés de faire crédit s’ils n’ont pas accès au patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel. Le rapport doit également évaluer l’utilisation de renonciations accordées par des entrepreneurs individuels en faveur de leur créancier professionnel, ainsi que l’existence de potentiels abus à la renonciation des établissements bancaires. Ces analyses permettraient d’adapter la législation en conséquence afin de faciliter la vie des entrepreneurs individuels tout en protégeant leurs intérêts et ceux de leurs créanciers.
Chapitre second : le fonds de commerce.
Introduction : notion datant de la fin du XIXe siècle, pensée pour valoriser l’entreprise commerciale et permettre, non seulement, d’obtenir de meilleurs prêts (le constituer en bien permet de l’engager en garantie) mais aussi de rendre plus intéressante la revente (cession) à la fin de l’activité. Consacrée par la loi du 17 mars 1909 relative à la vente et aux nantissement (sûreté conventionnelle) du fonds de commerce, le texte montre deux objectif : prendre en compte la valeur du fonds et en faire un bien.
I) Les éléments du fonds de commerce.
A) La composition du fonds de commerce.
Tous les biens affectés à l’activité ne rentrent pas nécessairement dans la composition du fonds de commerce. Deux articles en énumère certains éléments selon que l’on vise une vente ou un nantissement. La vente est concernée par l’article L141-5 lequel dispose que « le privilège du vendeur d’un fonds de commerce […] il ne porte que sur les éléments du fonds énumérés dans la vente et dans l’inscription et, à défaut de désignation précise, que sur l’enseigne et le nom commercial, le droit au bail, la clientèle et l’achalandage ». On a ainsi un minimum auquel il peut être ajouté des éléments. Le nantissement est assuré par l’article 124-2 qui, d’une manière plus large affirme que « sont seuls susceptibles d’être compris dans le nantissement » le mobilier commercial, le matériel ou l’outillage servant à l’exploitation du fonds, les brevets d’invention, les licences, les marques, les dessins et modèles industriels, et généralement les droits de propriété intellectuelle attachés.
1) Eléments incorporels.
Ce sont les plus nombreux, on peut en identifier 5 à partir des énumérations :
La clientèle et l’achalandage
Tandis que la clientèle désigne l’ensemble des clients liés au commerçant par un lien de confiance ou par un contrat, l’achalandage, lui, désigne la clientèle occasionnelle plutôt attachée à l’emplacement du fonds. Pour être élément du fonds elle doit être commerciale, actuelle et personnelle, la dernière condition pouvant poser difficulté comme avec une clientèle d’un restaurant-hôtel (rattachée à l’un ou l’autre ?).
Le droit au bail
Le commerçant en tant que locataire spécial a droit au renouvellement de son bail ce qui lui donne une quasi-propriété. Pour l’en faire partir, il faut verser une forte indemnité. Raison pour laquelle ce droit est le plus souvent cédé avec le fonds de commerce dont il fait parti.
Les droits de propriété industriels
La marque, signe utilisé pour individualiser les produit ou garantir leur origine, doit faire l’objet d’un dépôt auprès de l’INPI qui vérifie qu’elle soit nouvelle, non-déceptive (trompeuse) et significative. Le brevet, destiné à protéger l’inventeur, doit suivre la même procédure. Ces droits protégés sont régis selon un formalisme spécifique destiné à les protéger contre la contrefaçon.
Les signes distinctifs
Tout d’abords il y le nom commercial, nom du fonds, dénomination sous laquelle le commerçant exerce son activité, se fait connaitre et lui permet de se distinguer des autres. Le choix est libre simplement, si le nom patronymique est utilisé, un contentieux peut naitre puisque considéré en principe comme étant hors du commerce, inaliénable et imprescriptible. S’il s’agit d’un nom commercial, il peut être, cédé, protégé et déposé comme marque (Ccass 1985 Bordas). Dans tous les cas, même si non déposé comme marque, le juge protège le nom commercial contre la concurrence déloyale (créer un nom s’approchant d’un autre créant une confusion). Ensuite on trouve l’enseigne, inscription, forme ou image apposée sur l’immeuble où est exploité le fonds.
Les autres éléments incorporels
Le fonds n’étant pas un patrimoine, les dettes, créances et contrats sont à la charge du commerçant en tant que personne physique. Cependant, ce n’est pas le cas des dettes fiscales, la loi précisant que les impôts sur les bénéfices du cédant sont dus solidairement par l’acquéreur. Certains contrat, par exception également peuvent aussi être transmis. C’est le cas des contrats de travail, d’assurance, le bail commercial, les clauses de non-concurrence, les licences et autorisations administratives. Les licences personnelles, attachées à un diplôme ne le peuvent cependant pas.
2) Eléments corporels.
Il ne s’agit que des meubles permettant l’exploitation et les marchandises. Les immeubles, quant à eux, n’en font pas parti comme le montre l’arrêt Ccass 31 mars 2009.
a) Les éléments nécessaires du fonds de commerce.
Pour que la vente soit qualifiée vente de fonds de commerce, il est nécessaire d’y inclure certains éléments obligatoires.
i) La clientèle élément nécessaire.
En 1909, deux positions débattaient. Tandis que certains considéraient que la clientèle ne faisait pas parti du fonds de commerce, d’autre lui donnait une place spécifique. Par l’arrêt Ccass 15 février 1937, le juge trancha pour les seconds en conférant à la clientèle la place d’élément le plus essentiel du fonds. Quoi qu’il en soit la clientèle est difficile à définir et à appréhender. L’on considère qu’elle est un élément incertain en plusieurs points :
-
Dans son existence :
-
Apparition : l’on considère que pour qu’elle puisse être actuelle, l’établissement doit être ouvert au public. La clientèle résultant de l’achat d’un fichier client n’est qu’un espoir sans garantie. Certains arrêts considèrent que pour la considérer née, il suffit que la clientèle soit faible, d’autre imposent une exploitation relativement longue. Parfois, la notoriété de la marque suffit à garantir de l’existence d’une clientèle comme ce fut le cas pour total dans l’arrêt Ccass 27 février 1973.
-
Disparition : la Cour de cassation exige qu’il y ait une fin d’activité longue, dans l’arrêt Ccass 26 janvier 1993, un restaurant-hôtel était resté fermé 3 ans et avait conservé sa clientèle. Dans l’arrêt Ccass 29 janvier 2013, l’établissement est clos 22 mois. Au total, le juge tranche casuistiquement.
-
-
Dans son appartenance : l’idée est de savoir si la clientèle appartient réellement au fonds. Dans le cadre du contrat de franchise proposant un réseau de distribution, une marque et un savoir-faire à un professionnel, est-ce que le franchisé bénéficie d’une clientèle propre ? L’arrêt Ccass 27 mars 2002 répond oui. Dans le cadre de la dépendance économique (commerce faisait parti d’un ensemble plus large : centre commercial), l’arrêt Ccass 24 avril 1970 avait réfuté l’existence d’une clientèle propre à une buvette d’un hippodrome, posant l’exigence d’une clientèle personnelle distincte. Dans une même idée, l’arrêt Ccass 5 février 2003 refuse la qualité de commerçant à celui parti d’un centre commercial réglant les factures d'électricité et de publicité, décidant des horaires d’ouverture et des prix (pas d’autonomie de gestion). L’arrêt Ccass 15 octobre 2014 le confirme encore : sans autonomie de gestion, pas de clientèle propre.
ii) La clientèle, élément insuffisant.
La clientèle, bien que noyau central du fonds de commerce, seule ne suffit pas, elle doit être complétée par d’autres éléments comme le droit au bail (Ccass 14 novembre 1995) ou encore les éléments corporels (Ccass 27 mars 2002).
B) Nature juridique du fonds de commerce.
1) Distinction du fonds de commerce et des notions voisines.
a) Fonds de commerce et entreprise.
Se rejoignant par leur absence de personnalité morale, l’entreprise est toutefois plus large que le fonds de commerce puisque incluant également les immeubles nécessaires à l’exploitation. Celle-ci a une dimension organisationnelle forte, le fonds de commerce n’est qu’un ensemble d’éléments corporels ou incorporels permettant d’exercer une activité bien différent de cette notion économique floue s’étendant sur plusieurs branches du droit au contraire du FDC qui ne va que sur le droit commercial.
b) Fonds de commerce et société.
La société a la particularité d’avoir la personnalité morale et, de ce fait, de pouvoir exploiter plusieurs fonds de commerce. Ce sont deux objets de droit différents.
c) Fonds de commerce, succursale et branche d’activité.
En 1909 la fonds de commerce n’impliquait pas de changement géographique ni d’activité. Cependant la pratique en décida autrement. La succursale se définit comme des établissements sans personnalité morale, dépendants du siège, créés dans le but d’exploiter la même clientèle que celle initiale. Les branches d’activités sont quant à elle des diversification d’objet (un restaurateur qui se met à vendre des pâtisseries) ne nécessitant pas de nouveaux fonds de commerce.
2) Qualification du fonds de commerce.
a) Une universalité.
Renvoie à l’idée d’une enveloppe composée de plusieurs éléments.
i) La thèse de l’universalité de droit.
Proposée par la doctrine du XXe siècle, certains considéraient que le fonds de commerce, en tant qu’universalité de droit, était une sorte de patrimoine d’affectation. Chose contestable en ce qu’en droit positif il n’y avait pas de patrimoine distinct de celui personnel. Avec la création de l’EIRL, le commerçant peut affecter son fonds de commerce dans le cadre d’un patrimoine d’affectation sans pour autant jamais en devenir un (il reste un élément du patrimoine).
ii) La thèse de l’universalité de fait.
Ici, l’on considère le fonds de commerce comme un actif qui en retient plusieurs autres (puisque composé d’éléments divers). Il constitue un tout pouvant être cédé comme tel. C’est ainsi que l’arrêt Ccass 26 octobre 1993 le reconnait comme une universalité mobilière (vente d’un fonds de commerce, les vendeurs disent n’avoir pas adjoint celle du droit au bail alors que les acquéreurs oui).
b) Un bien meuble incorporel.
Ayant la nature d’une universalité mobilière mais considéré comme un bien, l’on peut dire qu’il s’agit d’un bien meuble incorporel. Meuble puisque excluant les immeubles, incorporels puisque sans corpus et composé essentiellement d’éléments incorporels. Il a cependant la particularité d’être meuble, mais immobile. Au départ très intéressant pour la valorisation, avec le développement des sociétés, le fonds de commerce est aujourd'hui de moins en moins utile. Autre facteur de crise : le développement des contrats de distribution (franchise, concession) qui l’on éloigné de sa nature originelle.
II) Le bail commercial.
« C’est un statut protecteur du commerçant parce que souvent il n’est pas propriétaire de l’immeuble, local dans lequel il exploite son commerce et s’expose alors à des dangers puisqu’il peut notamment en être exclue alors que c’est l’élément qui fédère sa clientèle. Il le tient d’un contrat de bail. Il va en pratique faire en sorte que le clientèle revienne. Le droit au bail est un bien incorporel ayant beaucoup de valeur pour le commerçant puisque cela constitue une grande partie de la valeur de son fonds de commerce. S’il est propriétaire, il est protégé de facto. Le fonds de commerce est valorisé par le droit au bail. Mais, il représente aussi une valeur pour le propriétaire du local puisque le fait qu’il soit loué à un commerce qui fonctionne bien représente une valeur : des sociétés foncières disposent d’immeubles assurant un revenu constant.
Le propriétaire du local est désigné comme le bailleur et le locataire (commerçant) est désigné comme étant le preneur du local. Le statut des baux commerciaux a été élaboré progressivement. A l’origine, les baux commerciaux étaient régis par le droit commun et donc le bail commercial ne différait pas d’un bail civil : les règles étaient les mêmes et on appliquait au bail qu’il soit commercial ou non les règles du code civil. Le bail était conclu librement par les parties sans formalisme particulier, mais surtout rien n’obligeait le bailleur à renouveler le contrat de bail quand celui-ci arrivait à expiration. A l’arrivée de l’échéance, il récupère son local sans obligation de renouvellement.
S’il refusait de renouveler le contrat de bail, le commerçant risquait de perdre sa clientèle. Le régime du droit commun du code civil paraissait inadapté à la situation des commerçants qui ont alors demandé à ce que soit reconnue une protection particulière se focalisant sur le droit au renouvellement : il fallait s’assurer qu’à l’arrivée du bail, le commerçant puisse bénéficier d’un renouvellement et rester dans le local dans lequel il avait exploité son commerce. Les bailleurs étaient contre cela puisqu’ils considéraient que cela portait atteinte à leur droit de propriété, droit absolu. Ils ne souhaitaient donc pas que cette réforme voit le jour.
Cette réforme a été consacrée par une loi du 30 juin 1926 « Loi sur le renouvellement des baux à loyer d’immeuble ou de locaux à usage industriel ou commercial ». Elle est aussi intitulée « loi sur la propriété commerciale », raccourci puisque l’idée est de dire que le locataire, par le biais de cette loi serait quasi-propriétaire du local. Cela n’est pas vrai puisqu’il n’y a seulement qu’une incitation forte. Comme il est propriétaire, il peut refuser de renouveler le contrat de bail mais devra verser au commerçant une indemnité très forte, lourde, qui peut le décourager fortement. Cette indemnité est désignée comme étant une indemnité d’éviction. Il est toujours possible, même après la loi de 1926, pour le bailleur de refuser le renouvellement mais il est en pratique fortement découragé de refuser.
Ce système a été maintenu par la suite, repris par un décret du 20 septembre 1953 constituant la réglementation de base du statut des baux commerciaux. Il avait vocation à constituer le statut dans son intégralité et a été réformé à plusieurs reprises. Ce régime a été ensuite codifié dans le Code de commerce regroupant les principales dispositions, et figure aux articles L.1451 et suivants et pour la partie réglementaire aux articles R.145-1 et suivants.
Concernant le régime du droit commercial, il y a deux particularités :
-
La compétence juridictionnelle puisqu’en droit commercial, le principe est que le tribunal de commerce est compétent en première instance. En matière de baux commerciaux, la juridiction compétente est le tribunal judiciaire et non pas du tribunal de commerce. Le président du tribunal judiciaire est compétent pour toutes les contestations concernant les loyers et le tribunal judiciaire l’est pour toutes les autres.
La 3ème Civ est compétente. Cette règle est posée à l’article R.145-23 du Code de commerce.
-
La prescription puisque la prescription de droit commun est de 5 ans mais en matière de baux commerciaux elle est de seulement 2 ans. Elle est consacrée à l’article L.14560 du Code de commerce.
III) Le domaine d’application du statut des baux commerciaux
Il est fixé à l’article L.145-1 du Code de commerce qui dispose en I que « les dispositions du présent chapitre s’appliquent aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, que ce fonds appartienne soit à un commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés, soit à un chef d’une entreprise immatriculé au répertoire des métiers, accomplissant ou non des actes de commerce ».
L’élément essentiel pour que le statut des baux commerciaux s’applique est que le bail porte sur un immeuble dans lequel un fonds est exploité, d’où le contentieux sur l’existence ou non d’un fonds de commerce parce qu’il y aura souvent contestation. Le législateur exige donc soit un fonds de commerce, soit un fonds artisanal (alignement du régime
fonds artisanal sur le fonds de commerce) qui bénéficie aussi du statut des baux commerciaux = extension du champ protecteur.
La plupart des dispositions sont d’ordre public : les parties ne peuvent pas déroger à ce régime mais doivent respecter l’intégralité du statut des baux commerciaux et ne peuvent pas écarter les dispositions légales relatives au statut des baux commerciaux. Dès lors que les conditions sont remplies, les parties doivent se conformer à ce statut dont l’objectif est la protection du commerçant. A l’inverse, dans l’hypothèse où les conditions ne seraient pas remplies, les parties peuvent prévoir que le statut s’applique à leur situation puisqu’il peut être étendu conventionnellement à un contrat ne remplissant en principe pas les conditions pour que cela s’applique.
Ce statut s’applique en bloc, à partir du moment où les parties ont choisi conventionnellement de se soumettre au statut, elles doivent en respecter l’intégralité. Elles sont libres de s’y soumettre mais doivent le faire dans l’intégralité comme l’a jugé la Cour de cassation dans un arrêt d’AP du 17 mai 2002 : « en cas de soumission conventionnelle au statut des baux commerciaux, sont nulles les clauses contraires aux dispositions légales impératives ».
Dans un arrêt de la 3ème Civ du 28 mai 2020, elle a tempéré cette règle et a considéré qu’il pouvait y avoir un aménagement contractuel. Elle dit que les parties peuvent aménager les modalités de soumission au statut et elle considérant en l’occurrence que les parties avaient accepté que le preneur ne soit pas immatriculé au registre du commerce et des sociétés pour bénéficier du statut, ce qui a été vivement critiqué puisque la condition d’immatriculation est impérative du statut des baux commerciaux. Dans tous les cas, la convention doit être claire et précise. Pour bénéficier du statut, il faut remplir plusieurs conditions : 1/ que soit en cause un bail immobilier, immeuble dans lequel 2/ doit être exploité un fonds de commerce ou un fonds artisanal (caractériser une exploitation commerciale).
A) Le bail immobilier
Le contrat de bail doit être un contrat de bail immobilier impliquant deux sous-conditions :
1) L’objet du contrat : un immeuble
Il doit porter sur un immeuble. Le statut des baux commerciaux ne s’applique qu’aux locations d’immeubles ou de locaux, sous-entendant un immeuble bâti et non pas un terrain nu. La Cour de cassation exige que le local en question soit stable et permanent, ces deux conditions étant cumulatives. Cela permet d’écarter certaines hypothèses. Sont exclus :
-
Les terrains nus, sauf si le bailleur a précisément et expressément autorisé le locataire à édifier une construction sur ce terrain (article L.145-1 I, 2° du Code de commerce).
-
Les immeubles dont la configuration ne permet pas l’exercice du commerce. La JP a alors exclu l’emplacement publicitaire et l’on exige que l’immeuble soit adapté à l’exercice du commerce, c’est-à-dire que ce soit un lieu clos et couvert, de dimension permettant cet exercice selon la Cour de cassation puisque cela peut être invoqué assez souvent par le bailleur. Cela ne peut pas être un stand mobile, emplacement variable dans les galeries commerçantes et/ou supermarché.
2) La nature du contrat : un contrat de bail de location saisonnière
article L.145-5 al 4 du Code de commerce
La condition tenant au bail doit être remplie et il faut caractériser l’existence d’un contrat de bail. Cela implique que le locataire, preneur ait pendant toute la durée du contrat de bail la maitrise juridique des lieux donc qu’une condition de permanence soit remplie. Pour cette raison, on exclue de la catégorie des baux éligibles au statut des baux commerciaux, les contrats de puisqu’il n’y a pas de véritable bail puisque pas de véritable maitrise juridique des lieux, qui dispose que « le statut des baux commerciaux n’est pas applicable s’il s’agit d’une location à caractère saisonnier ». Le bail doit porter sur un local stable et permanent.
Est aussi exclu le bail emphytéotique, conclu pour une durée de 18 à 99 ans alors que le bail commercial est d’une durée minimale de 9 ans, .
Au-delà de ces régimes, le statut des baux commerciaux ne s’applique pas à certaines conventions, soit en raison de leur durée qui est trop courte, ou de leur nature parce que ce ne sont pas de véritables contrats de bail.
a) Les conventions exclues en raison de leur durée Deux types de conventions le sont :
-
Les contrats de moins de 3 ans (article L.145-5 du Code de commerce). La raison vient du fait que l’on estime que l’objectif de protection du locataire n’est pas rempli puisque lorsqu’il conclut un contrat de durée brève, il ne va pas investir autant d’argent dans le local que s’il sait qu’il va s’investir pour 9 ans. Le montant de ses investissements est proportionnel au temps qu’il pensait avoir dans le local.
Dans cette hypothèse inférieure à 3 ans, il peut y avoir des baux successifs échappant au statut des baux commerciaux dès lors que l’on est dans la limite de 3 ans. Le bail peut être renouvelé et dès lors que l’on dépasse la limite de 3 ans, il se transforme automatiquement en un bail commercial. Il est alors soumis au statut protecteur. 3ème Civ, 5 avril 2021 : un bail court en vue de la conclusion d’un bail commercial ultérieur.
La question s’était posée de savoir si le locataire pouvait renoncer au statut protecteur des baux commerciaux, à l’expiration des 3 ans. La Cour de cassation l’admettait initialement, dès lors qu’il le faisait à l’expiration des 3 ans puisque le preneur renonçait à un droit acquis : 3èmeCiv, 7 février 1996 ou arrêt de 2003 exigeant simplement que la renonciation soit faite en tout exigence de cause et de manière équivoque (claire) mais la Cour exclue aujourd’hui cette possibilité de renonciation depuis un arrêt du 22 octobre 2020 de la 3èmeCiv. Le locataire dès expiration doit impérativement se soumettre au statut des baux commerciaux.
-
Les conventions d’occupation précaire, n’étant pas soumises au statut des baux commerciaux. Ces conventions sont conclues sans stipulation de durée. Il faut que plusieurs conditions soient réunies pour qu’on la caractérise, mais dès lors le législateur exclue à l’article L.145-5-1 du Code de commerce le statut des baux commerciaux.
Le locataire bénéficie d’un droit fragile. Il faut caractériser le fait que cette occupation des lieux dépende de circonstances particulières indépendantes de la volonté des parties comme un immeuble en attente d’un permis de démolition pouvant être utilisé pour exploiter un fonds de commerce pendant cette période.
b) Les conventions exclues en raison de leur nature
Le statut ne s’applique pas :
-
Au contrat de concession immobilière, contrat selon lequel le propriétaire d’un immeuble va en donner la jouissance à un tiers pour une durée d’au moins 20 ans contre une redevance annuelle. Il n’est pas classique puisque le propriétaire cède la jouissance de son bien sur une longue durée.
-
Au crédit-bail immobilier. Le bail n’est ici qu’une partie de l’opération, le crédit-bail immobilier étant une opération financière. Quand on conclut un CBI, c’est une personne qui veut utiliser un immeuble/l’acheter mais ne peut pas le faire parce qu’elle n’a pas suffisamment d’argent pour l’acheter et elle demande donc à un établissement de crédit de l’acheter pour elle, établissement qui va ensuite lui louer. Le but in fine est potentiellement d’acheter l’immeuble. Le locataire paie des loyers plus élevés afin de pouvoir lever une option d’achat.
3) Une exploitation en principe commerciale
Pour que cette condition relative à une exploitation commerciale soit réunie, il faut caractériser l’exploitation d’un fonds : le local loué doit être affecté à l’exploitation d’un fonds, en principe fonds de commerce. L’exploitant du fonds de commerce doit être immatriculé au registre du commerce et des sociétés. Le juge, s’il doit caractériser, il va vérifier qu’un fonds de commerce est exploité dans le local mais il n’est pas nécessaire que tous les locaux soient accessibles à la clientèle. Les locaux accessoires peuvent bénéficier du statut des baux commerciaux dès
lors qu’ils sont nécessaires à l’activité commerciale même si les clients n’y ont pas directement accès.
L’exploitation d’un fonds artisanal peut aussi donner lieu à l’application du statut des baux commerciaux et donc à l’artisan inscrit au répertoire des métiers.
Mais aussi, l’exploitation doit être autonome : il faut une autonomie de gestion. Cette condition renvoie à l’exigence d’une clientèle personnelle. Dès que les conditions sont remplies, en principe le contrat de bail permet le jeu du statut des baux commerciaux. La question de la requalification a été posée à la jurisprudence. Il y a beaucoup de contentieux concernant le statut des baux commerciaux parce que c’est un statut protecteur et donc les bailleurs vont souvent contester l’existence d’un bail commercial, cherchent à se défaire. Le preneur peut demander la requalification de son contrat : le contrat conclu avec le propriétaire du local peut être requalifié en contrat de bail commercial.
Les conditions de cette action sont relativement sévères :
- On applique la prescription de 2 ans (article L.145-60). Tout dépend du point de départ du délai de prescription, ce qui a été précisée par la jurisprudence puisque le législateur est muet. La Cour de cassation a jugé qu’il court à compter de la conclusion du contrat, solution assez sévère pour le demandeur. Cela l’emporte même si le contrat a été tacitement reconduit, arrêt 11 juin 2013 Ch. Commerciale. La conclusion du contrat fait courir le délai de prescription quand il a fait l’objet d’un renouvellement par le biais d’avenants successifs (3ème Civ, 3 décembre 2015 réaffirmé 14 sept 2017). Or, le locataire n’a pas forcément conscience au moment de la conclusion du contrat de ce qu’il allait perdre quand il n’est pas qualifié de contrat commercial.
Certains considèrent que cette solution est trop sévère pour le locataire parce que le législateur ne précise pas le point de départ du délai de prescription. Dans cette hypothèse, il faudrait appliquer le droit commun de la prescription et dans ce cas, le code civil précise que la prescription court à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant d’exercer.
Les arguments en faveur sont de dire que les motifs de la requalification existent dès la conclusion du contrat mal qualifié et si l’on repoussait le point de départ de la prescription, cela rendrait ce droit imprescriptible. L’autre argument est que la jurisprudence a dégagé un tempérament à cette solution puisqu’elle juge que la prescription est suspendue en cas de fraude.
C’est ce qu’elle retient dans un arrêt de la 3ème Civ du 19 novembre 2015. Un contrat avait été conclu avec un bailleur, intitulé « contrat de prestation de service réciproque ». Il était prévu que le local n’était pas permanent mais le preneur agit pour que ce contrat soit requalifié en contrat de bail et la Cour considère que les stipulations faites dans le contrat étaient en réalité mensongères et stipulées dans le but exclusif de contourner le statut des baux commerciaux. La Cour d’appel avait souverainement retenu que cette stipulation était constitutive de fraude.
On décale le point de départ du délai de prescription, l’action est recevable puisque la fraude a été caractérisée. Sous réserve de cette limite de la fraude, le principe est qu’il bénéficie d’un délai de prescription de 2 ans à compter de la conclusion du contrat.
B) Les relations entre les parties au bail commercial
1) Les relations des parties au cours du bail
Le contrat de bail commercial est un contrat de bail comprenant certaines dispositions du droit commun figurant dans le Code civil. Mais, le Code de commerce fixe certaines règles dérogatoires pour prendre en compte l’objectif de protection du commerçant. Les règles dérogatoires vont affecter la situation du locataire et du bailleur en lui mettant à la charge des obligations plus lourdes.
a) La situation du locataire A. Droits du locataires
Il peut jouir du local comme il le souhait mais bénéficie aussi de prérogatives particulières, spécifiques :
article L.145-4 du Code de commerce, il n’est pas tenu par la durée stipulée dans le bail, commerce. La durée du contrat de location ne peut être inférieure à 9ans.
Cette durée ne s’impose qu’au bailleur, puisque le locataire peut donner congé tous les 3 ans sauf stipulations contraires. Il peut donner congé au moins 6 mois à l’avance « Bail 3/6/9 ». La loi dite Pinel du 18 juin 2014 a limité la possibilité de prévoir des stipulations contraires puisqu’auparavant, le contrat pouvait toujours encadrer la faculté pour le preneur de donner congé au bout de 3 ans et à compter de 3 ans c’est limité à certains baux, surtout de longue durée (supérieurs à 9 ans). On limite fortement la possibilité pour les parties de stipuler une disposition contraire.
Avant, le congé du locataire devait nécessairement être donné par acte judiciaire. Depuis une loi du 6 août 2015, il peut aussi être donné par lettre recommandé avec avis de réception ce qui simplifie les modalités pour le preneur de donner congé et mettre fin à son contrat avant l’arrivée des 9 ans. Le preneur peut donner congé à tout moment en cas de départ à la retraite ou en cas d’incapacité physique. Les ayants droits peuvent aussi demander congé en cas de décès du preneur. Donc, il peut être mis fin au contrat avant le terme.
-
Il n’est pas tenu de respecter la destination des lieux qu’il occupe et peut la changer. Le Code civil prévoit que le locataire doit respecter la destination des lieux telle que donnée par le bail (article 1728 : « le preneur doit user de la chose louée raisonnablement et suivant la destination donnée par le bail ou présumée par les circonstances à défaut de convention »).
Le droit commercial prévoit une dérogation au droit commun puisque le Code de commerce prévoit la possibilité pour le locataire de changer la nature de ses activités, faculté intéressante dans les hypothèses où le bail n’est pas prévu pour tout commerce. Cela vise les hypothèses où l’activité commerciale a été définie. Il a une faculté de déspécialisation du local pouvant être soit partielle, soit totale.
Déspécialisation partielle :
Cette faculté est prévue à l’article L.145-47 du Code de commerce qui dispose que « le locataire peut adjoindre à l’activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires ». C’est une faculté offerte au preneur, elle ne peut être écartée par une convention contraire sous peine d’être réputée non-écrite. Pour faire jouer cette déspécialisation partielle, le locataire doit faire connaitre son intention au propriétaire par acte extrajudiciaire ou lettre recommandée, et le bailleur a 2 mois pour contester le caractère complémentaire ou connexe des activités.
En pratique, le propriétaire va être obligé d’accéder à cette demande si elle est partielle. En revanche, si les modalités ne sont pas respectées et le locataire n’informe pas notamment le propriétaire, cela sera considéré comme étant un manquement (faute du locataire) pouvant justifier un refus de renouvellement à l’échéance. Elle soulève plusieurs difficultés tenant dans la définition du caractère connexe ou complémentaire :
-
Comment apprécier qu’une activité l’est (question de fait laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond) ? Cela laisse la place à une certaine incertitude.
L’activité connexe a un rapport étroit avec l’activité initiale et l’activité complémentaire est celle qui peut venir en complément de l’activité initiale et en permettre un meilleur exercice. Il n’y a pas de réel critères ?
-
Peut-il y avoir un changement de l’activité commerciale initiale ? La déspécialisation partielle exclut tout changement, ce qui est apprécié par les juges du fond. S’il est accessoire, on est dans la déspécialisation partielle et le bailleur ne peut pas s’y opposer. La Cour de cassation considère qu’il n’y a pas déspécialisation partielle quand il y a un changement de commerce contraire aux prescriptions du bail : Ch. Commerciale, 1er mars 1967.
La Cour de cassation a aussi dit que l’activité nouvelle pouvait être prépondérante par rapport à l’activité principale : 3ème Civ, 24 octobre 1984. Le volume n’est pas pris en compte, cela ne signifie pas que la déspécialisation n’est pas partielle. Elle a par ailleurs rendu beaucoup d’arrêts d’espèce à ce propos.
Le problème peut se poser dans le cadre de la pandémie puisque beaucoup d’activités ont été modifiées pour prendre en compte les fermetures et le fait de développer une activité commerce ou complémentaire (vente à emporter par ex), entraine la question de savoir s’il s’agit d’une activité complémentaire, connexe ou non. Il faut impérativement que dans ce cas le commerçant informe le bailleur de cette déspécialisation. 3ème Civ, 17 juin 2021 : un bail stipulait que l’activité autorisée dans les lieux s’entendait de la vente avec produits de luxe avec dégustation sur place. Les bailleurs avaient découvert la vente de plats à emporter et ont pu obtenir la résiliation et l’expulsion puisqu’ils n’avaient pas été informés. Cela suffit à caractériser un manquement.
La deuxième difficulté concernant cette déspécialisation est que l’extension par le biais de la déspécialisation partielle peut porter atteinte aux droits des tiers, par exemple dans les centres commerciaux. 3ème Civ, 15 février 2012 « Midas » : un bail commercial avait été conclu au sein d’un centre commercial et un ensemble immobilier regroupait plusieurs sociétés spécialisées dans le domaine automobile. Le bailleur garantissait aux locataires l’exclusivité et la nonconcurrence pour leurs activités respectives. Midas demande à étendre son activité, le bailleur s’y oppose en considérant que s’il acceptait l’extension, cela reviendrait à violer l’obligation de non-concurrence conclue dans le cadre des autres contrats de bail.
La Cour de cassation refuse cette argumentation. Elle considère que sont nuls et de nul effet, quelle qu’en soit la forme, les clauses stipulation et arrangement ayant pour effet de faire échec aux dispositions de l’article L.145-47. La clause de non-concurrence qui figurait dans le contrat de bail ne peut avoir pour effet d’interdire au preneur de solliciter la déspécialisation partielle. On ne peut pas faire échec à la déspécialisations partielle, faculté d’ordre public pour le preneur. Les clauses de non-concurrence pourront être écartées de la faculté de se prévaloir de la déspécialisation partielle.
Déspécialisation totale :
Cette faculté est aussi prévue dans le Code de commerce à l’article L.145-48 qui dispose que « le locataire peut sur sa demande être autorisé à exercer dans les lieux loués une ou plusieurs activité(s) différente(s) de celle(s) prévue(s) au bail eu égard de la conjoncture économique et de la nécessite de l’organisation rationnelle de la distribution. Il faut que ces nouvelles activités soient compatibles avec la destination, les caractères et la situation de l’immeuble ou de l’ensemble immobilier ». Le preneur demande un changement complet d’activité, procédure plus lourde que la procédure initiale puisqu’il demande à exercer une autre activité.
Cela nécessite une autorisation du bailleur et une procédure est prévue à l’article L.145-49 du Code de commerce. La demande doit être faite par acte extrajudiciaire ou lettre recommandée avec avis de réception. Le bailleur doit notifier son refus dans les 3 mois de la demande et s’il ne répond pas, il est présumé avoir accepté la modification. En cas de refus, le locataire peut assigner en justice le bailleur, devant le tribunal judiciaire qui apprécie en pratique si la déspécialisation est justifiée au regard de la conjoncture économique et des nécessités de l’organisation rationnelle de la distribution. Elle est plus rare en pratique et les conséquences plus importantes puisque le loyer peut être augmenté immédiatement. S’il y a déspécialisation totale, cela peut être dangereux pour le locataire puisqu’il n’y a pas de plafond. Le droit de céder le bail à l’acquéreur du fonds de commerce
Le locataire peut le faire de manière simplifiée, droit dérogatoire au droit commun puisqu’il peut bénéficier d’un mode de cession simplifiée quand il le fait dans le cadre du fonds de commerce et pas de manière isolée. En droit commun, le droit au bail ne peut être cédé à un tiers par le preneur qu’avec le consentement du bailleur. S’agissant du bail commercial, la règle est différente et l’accord du bailleur n’est nécessaire que dans le cas d’une cession isolée du droit au bail (sans fonds). Il devra avoir l’autorisation du bailleur mais s’il cède l’intégralité, il ne sera pas tenu d’obtenir l’accord du bailleur.
C’est une mesure de protection du commerçant puisque le droit au bail est un élément importante. Le bailleur ne peut pas empêcher le locataire de céder le bail à l’acquéreur du fonds de commerce. Toute clause contraire est réputée non-écrite (article L.145-16). En pratique, la cession n’est pas totalement libre puisque des conditions l’encadrent :
-
Le locataire, même s’il n’a pas à recevoir d’autorisation du bailleur, doit informer le bailleur de cette cession. Il doit la notifier conformément au droit commun et en particulier à l’article 1324 du Code civil.
-
Le bail peut prévoir une clause d’agrément, limitant potentiellement la liberté de cession. On pouvait en douter de la validité mais la Cour de cassation a considéré qu’une telle clause était licite par un arrêt de la 3èmeCiv du 2 octobre 2002. Elle considère que le principe de prohibition des clauses d’interdiction de cession du bail à l’acquéreur du fonds de commerce ne s’applique qu’à une interdiction générale et absolue de toute cession et non à de simples clauses limitatives ou restrictives. La clause d’agrément est simplement limitative ou restrictive. En revanche, le contrôle fait dans l’exercice de cette clause est que le bailleur ne peut pas abuser de son droit : il ne doit pas utiliser cette clause pour refuser la cession du bail. Le juge sanctionne l’exercice abusif de la clause d’agrément et elle est destinée à s’assurer de la solvabilité du nouveau locataire, enjeu principal pour le propriétaire.
-
Il est possible de stipuler dans le bail une clause de garantie. Cette clause prévoit que le cédant peut être tenu solidairement responsable avec le cessionnaire du paiement des loyers. Cette clause de garantie est prévue dans le Code de commerce aux articles L.145-16-1 et L.145-16-2 qui en prévoient les modalités. Dès lors qu’il y a un défaut de paiement de la part du cessionnaire, le bailleur doit en informer le cédant dans un délai d’1 mois. Le cédant est tenu pendant une durée de 3 ans. Ces deux dispositions ont été consacrées par la loi Pinel de 2014 consacrant le principe de validité des clauses de garantie et en encadrant la mise en œuvre.
b) Obligations
i) La situation du locataire
Il est tenu des obligations de droit commun et à ces obligations, on prévoit des mécanismes spécifiques. S’agissant du droit commun, le locataire au titre d’un bail commercial est tenu des mêmes obligations que le locataire classique. Dès qu’il a conclu le contrat de bail, il peut jouir des lieux conformément aux usages et à la loi. Il n’est pas obligé d’occuper les locaux : 3ème Civ, 16 octobre 2012.
L’autre obligation du locataire est le paiement d’un loyer. Il doit respecter toutes les clauses du bail. Ce paiement est fixé par les parties à l’origine du contrat. On pouvait prévoir le versement d’un pas-de-porte, somme constituant un droit d’entrée lors de la conclusion du contrat de bail. Cette pratique n’est plus réellement utilisée.
*) L’encadrement de la révision du loyer
C’est une partie technique faisant l’objet de beaucoup de contentieux. Il y a des mécanismes assez développés dans le Code de commerce, enjeu important. Le commerçant bénéficie de son droit au bail et d’un droit au renouvellement en fin de bail, sorte de propriété commerciale. Mais l’un des risques est que le propriétaire soit tenu de conserver le locataire dans ses locaux. Il pourrait augmenter fortement les loyers et décourager le locataire de rester ; indirectement par le biais de l’augmentation du loyer, il pourrait le chasser. Pour l’encadrer, le législateur prévoit un mécanisme légal consistant dans la révision légale triennale.
La révision légale triennale
Cette révision peut être mise en œuvre tous les 3 ans, le loyer peut être révisé à la demande des parties tous les 3 ans. Généralement, le bailleur va demander la révision du loyer, dont une augmentation. Pour limiter sa faculté de procéder à l’augmentation, le législateur pose certaines règles complexes pour empêcher une révision excessive.
Son régime est prévu à l’article L.145-38 du Code de commerce qui prévoit que la demande en révision ne peut être formée que 3 ans au moins après la date d’entrée en jouissance du locataire ou après le point de départ du bail renouvelé. Des nouvelles demandes peuvent être formées tous les 3 ans à compter du jour où le nouveau prix entrera en vigueur.
La révision est posée à l’article L.145-33 prévoyant les modalités de fixation de ce loyer révisé. Il correspond à la valeur locative, pouvant être prévue par accord des parties ou à défaut par le juge (président du tribunal judiciaire) compétent en cas de contestation relative à la fixation du loyer. L’article pose certains critères pour déterminer la valeur locative (5 éléments) en cas de litige :
-
Les caractéristiques du local considéré
-
La destination des lieux
-
Les obligations respectives des parties
-
Les facteurs locaux de commercialité
-
Les prix couramment pratiqués dans le voisinage
Parmi ces critères, on ne prend pas en compte la rentabilité du commerce (chiffre d’affaires) alors qu’on aurait pu l’imaginer. La valeur locative est relativement subjective en pratique et des experts sont mobilisés. Son calcul relève du pouvoir souverain des juges du fond mais des tableaux de JP permettent d’avoir des éléments d’appréciation, fixant les valeurs locatives et publiés dans certaines revues juridiques. Cela permet d’avoir une grille d’analyse.
Les parties peuvent aussi avoir recours à une commission de conciliation, prévue à l’article L.145-35 du Code de commerce. Elle peut être saisie par les parties en cas de litige et elle regroupe à la fois des bailleurs et locataires à égalité, et des personnes spécialisées dans ce domaine pour avoir une appréciation objective. Elle est seulement facultative et pas obligatoire. L’un des enjeux essentiels dans la révision du loyer est d’éviter qu’il varie trop fortement et donc le législateur impose un plafonnement prévu à l’article L.145-38 al 3. Le loyer révisé doit en principe correspondre à la valeur locative sous réserve du respect d’une obligation de plafonnement. La modification du loyer ne peut pas excéder la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux. Il faut se référer à cet indice pour avoir une mesure objective de l’évolution des loyers commerciaux. Remarques :
-
Avant la référence à l’indice trimestriel, le législateur faisait référence à l’indice du coût de la construction mais il est apparu inadapté. Il a fortement augmenté : + 40% en 9 ans et entrainait une augmentation trop forte du prix des loyers. Il a substitué l’indice trimestriel des loyers commerciaux depuis la loi Pinel.
-
Le législateur met à l’écart le plafonnement dans le cas où il est rapporté la preuve d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entrainé une variation de plus de 10% de la valeur locative. Il y a eu une modification importante des facteurs locaux. Ex : quartier a connu une augmentation de population, construction d’immeubles de bureau, ouverture station de métro. Dans ce cas il y a un déplafonnement.
-
Le législateur impose dans ce cas un nouveau plafond (Loi Pinel) dans le cas où il y a une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité. Art L.145-38 al 3 : la variation de loyer ne peut conduire à une augmentation supérieure pour une année à 10% du loyer acquitté au cours de l’année précédente.
-
Le texte de l’art L.145-38 avait posé une difficulté d’interprétation : quelle était la solution quand la valeur locative avait diminué alors que l’indice avait augmenté ? Peuton demander la réduction du loyer ?
Dans un premier temps, la Cour de cassation avait jugé que le locataire pouvait demander une réduction du loyer : 3ème Civ, 24 janvier 1996. Elle a confirmé par cette solution par 8 arrêts, 30 mai 2001. Elle considérait que le loyer révisé ne pouvait être supérieur à la valeur locative.
Dans un second temps, le législateur est intervenu pour briser cette JP défavorable au bailleur par une loi du 11 décembre 2001 ajoutant à l’al 3 de l’article une précision selon laquelle les dispositions de l’art L.145-38 dérogent aux dispositions de l’art L.145-33 qui donne les critères de la valeur locative. Ces règles s’appliquent donc pas dérogation aux règles de la valeur locative : on doit prendre en compte l’indice trimestriel. En cas d’augmentation de ce dernier et baisse de la valeur locative, le loyer ne pourra pas être réduit.
Donc, si la valeur locative augmente plus que l’indice de référence, le plafonnement joue pleinement : l’augmentation du loyer est limitée par le jeu de l’indice. On applique le plafond. Si la valeur locative a augmenté mais moins fortement que l’indice de référence, le loyer révisé doit être fixé à la valeur locative, 3ème Civ, 6 février 2008. Si la valeur locative a diminué alors que l’indice a augmenté, le loyer ne peut pas être révisé à la baisse. La JP a confirmé cette position dans un arrêt de la 3ème Civ, 11 juillet 2007.
La révision pourra être effectuée au moment du renouvellement du bail s’il l’est. Dans ce cas, la valeur locative pourra être prise en compte mais au cours de l’exécution du contrat de bail initial (avant tout renouvellement), il ne pourra pas y avoir de réduction du prix du loyer si l’indice augmente et que la valeur du loyer diminue.
Un aménagement conventionnel
Il est possible pour les parties d’aménager la révision du loyer et écarter le régime de la révision triennale. On rencontre alors 2 types de clauses permettant de le faire :
-
La clause d’échelle mobile
-
La clause recette
Clause d’échelle mobile : clause d’indexation du loyer. Par cette clause, les parties au contrat de bail se mettent d’accord sur un indice de référence leur permettant de réviser le loyer qui va évoluer périodiquement en fonction de l’indice. Cela peut être l’indice trimestriel ou un autre, les parties sont libres de le choisir (du coût de la construction) mais ne sont pas tenues par celui visé à l’article L.145-38.
Elle permet de réviser de manière plus fréquente le loyer du bail et les parties peuvent prévoir une révision tous les ans. Dans ce cas, cette révision sera automatique (de plein droit). Dès lors que l’indice évolue, le loyer évoluera de manière automatique : il n’est pas nécessaire qu’une partie demande la révision du loyer. Elles sont valables et le législateur les vise expressément à l’article L.145-39 du Code de commerce. Le principe est leur validité mais elles connaissent un encadrement :
Les parties fixent un indice de référence et sont assez libres par rapport à sa fixation toutefois la clause doit respecter les règles de droit commun et aux règles relatives à l’indexation posées dans l’article L.112-2 du Code monétaire et financier. Pour qu’il soit valable, il doit être en rapport direct avec l’objet du bail ou l’activité de l’une des parties.
-
La clause ne peut pas jouer dans un sens seulement. On ne peut pas prévoir qu’elle joue uniquement à la hausse, position la plus favorable au bailleur. Cette règle a été dégagée par un arrêt de la 3ème Civ du 14 janvier 2016 et la JP est constante. Il y avait avant cet arrêt une hésitation qui a été balayée depuis. La Cour a précisé que cette révision doit se faire à la hausse ou à la baisse : est nulle une clause d’indexation qui exclue la réciprocité de la variation et stipule que le loyer ne peut être révisé qu’à la hausse. Cette règle a ultérieurement été réaffirmée. Ex : n’était pas valable la clause fixant un plancher à la révision à la baisse. 3ème Civ, 30 mars 2007, confirmation de 2016.
-
Le juge peut aligner le loyer sur la valeur locative en fonction de l’évolution du contrôle de la révision du loyer, sous réserve d’un plafond (Art. L145-39 du Code de commerce) La loi de 2014 a instauré un plafonnement dans ce cas-là : le plafond est de 10% supérieurs à la valeur du loyer acquitté au cours de l’année précédente.
Clause recette : Les parties, dans certains cas, peuvent stipuler une clause recette, qui va faire varier le montant du loyer en fonction des recettes du locataire. Il est rare que l’intégralité du loyer soit calculée par référence aux recettes du locataire : si le locataire du fonds de commerce fonctionne cela peut être avantageux pour le bailleur mais dans le cas contraire cela est désavantageux.
Le principe est que ces clauses sont valables, elles permettent d’écarter le mécanisme de la révision légale. C’est un mécanisme dérogatoire au principe de la révision légale triennale. La Cour de cassation a confirmé la validité de ces clauses, notamment par un arrêt de la 3ème Ch. Civ du 5 janvier 1983. Elle se fonde sur l’ancien art. 1134 et retient que la révision du loyer peut être entièrement régie par la convention des parties & un arrêt du 10 mars 1993 : Il peut y avoir des clauses à structures binaires qui ne visent que le chiffre d’affaires du locataire.
Arrêt du 29 novembre 2018 se fonde sur l’ancien art. 1134 du Code civil relatif au principe de liberté contractuelle, où la Cour de cassation valide la possibilité d’aménager le processus de révision du loyer.
**) Les sanctions encourues en cas de manquement à ces obligations
Si le locataire ne respecte pas ses obligations, notamment en en payant pas ses loyers, le bailleur peut demander au juge la résolution du contrat – le juge appréciera si le manquement justifie la résolution. Le contrat peut comporter une clause résolutoire sans avoir besoin de solliciter le juge.
En droit commun, les parties peuvent aussi stipuler une clause résolutoire de plein droit, par application de l’art. 1225 du Code civil. Si une telle clause est prévue dans le contrat, la simple inexécution du contrat entraine automatiquement la résolution du contrat, sans faire appel au pouvoir d’appréciation du juge.
En matière de baux commerciaux, le législateur encadre le jeu des clauses résolutoires : Art. L145-41 du Code de commerce empêche l’effet automatique des clauses résolutoires. Il prévoit un délai pour que la clause fasse effet « la clause résolutoire ne prend effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux » tandis qu’en droit commun, la simple inexécution peut entraîner la clause résolutoire si elle est prévue dans le contrat.
L’article prévoit également la possibilité d’avoir recours au juge pour que celui-ci accorde un délai supplémentaire. Si le juge fixe un délai que le locataire respecte, la clause restera dans les locaux. Le législateur cherche à encadrer la clause résolutoire pour permettre au locataire de rester dans les lieux, car la perte du local constitue une sanction extrêmement forte.
Les modalités prévues à l’article L145-41 ont été considérées comme contraires à la Constitution dans une QPC. La Cour de cassation refuse de transmettre cette QPC dans un arrêt d’AP du 18 juin 2010, considérant que ce dispositif de l’art. répond à un motif d’intérêt général et sa mise en œuvre est garantie de dispositif procédural. Dès lors que les conditions de la clause sont remplies, si le juge n’accorde pas de délai supplémentaire, elle entrera en vigueur. Arrêt du 11 mars 2021 : La Cour de cassation juge que dès lors qu’il y a inexécution du contrat, peu importe l’inexécution, cela n’a aucune incidence sur le jeu de la clause résolutoire qui peut valablement jouer, obligeant le preneur à quitter les lieux.
L’état d’urgence sanitaire a affecté les commerçants et le législateur est intervenu pour limiter le risque pour le commerçant d’être évincé de son local. Le gouvernement a adopté une ordonnance du 25 mars 2020 ayant prévu la suspension des sanctions contractuelles en cas de défaut ou de retard de paiement des loyers pendant l’état d’urgence sanitaire. Il n’était pas possible pour le bailleur d’invoquer une clause résolutoire quand bien même les conditions en seraient acquises.
Le fait qu’il y ait suspension ne signifiait pas que les loyers n’étaient pas du puisque le locataire était toujours tenu de payer ses loyers. Les juridictions du fond refusent de considérer qu’il n’y a pas exigibilité des loyers : le locataire est tenu mais va bénéficier de délais de paiement. S’agissant des arguments que le locataire a pu invoquer pour se libérer de ces loyers pendant l’état d’urgence sanitaire, ils sont nombreux :
-
La force majeure. Elle était invoquée pour éviter le paiement des loyers pendant la fermeture administrative des commerces. Cet argument a été écarté par les juges du fond qui se fondent sur le droit commun. Le débiteur du paiement d’une obligation contractuelle de somme d’argent ne peut s’exonérer en invoquant un cas de force majeure : Ch.commerciale, 16 septembre 2014.
-
L’obligation d’exécution de bonne foi du contrat de la part du créancier. C’est une obligation de droit commun fondée sur l’article 1104 du Code civil, disposition d’ordre public. Cette obligation a pu être invoquée par le locataire et est retenue par la jurisprudence comme étant un argument recevable. Arrêt Cour d’appel de mars 2021 : les parties sont tenues en cas de circonstances exceptionnelles de vérifier si ces circonstances ne rendent pas nécessaires une adaptation des modalités d’exécution de leurs obligations respectives.
ii) La situation du bailleur
Il est tenu à certaines obligations issues du droit commun :
-
Obligation de délivrance
-
Obligation d’entretien
Il doit prendre en charge un certain nombre de réparations dès lors qu’elles sont nécessaires pour que le locataire puisse jouir des locaux. Cette obligation est réaffirmée : Civ.3, 31 octobre
2012 « le bailleur est obligé par la nature du contrat et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée. Il doit entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée et y faire pendant la durée du bail toutes les réparations nécessaires autres que locatives ». Dans le contrat de bail, il était prévu que le contrat exonérait le propriétaire de son obligation d’entretien comme de délivrance (aucunes obligations) donc la CA avait considéré que locataire pouvait pas demander indemnité. La Cour juge que clauses du contrat de bail ne pouvaient décharger le bailleur de ses obligations. Cour de cassation, 31 octobre 2012 (arrêt d’espèce) : les portes d’accès d’un centre commercial ne fonctionnaient pas alors qu’une clause prévoyait que le preneur s’interdisait de tout recours en diminution du loyer du fait du mauvais fonctionnement des appareils communs.
La Cour considère que cette clause n’est pas valable.
Le locataire est tenu des réparations locatives alors que le bailleur est tenu des grosses réparations. Pour définir ces réparations, on peut se référer aux art 606 définissant les grosses réparations et 1754 du Code civil visant les réparations locatives. Les parties peuvent modifier cette répartition, on peut prévoir une stipulation contraire pour mettre à la charge du locataire également grosses réparations. Mais, il faut véritablement que soit stipulée expressément.
Pour un contrat prévoyant que le locataire ferait son affaire de l’entretien, de la remise en état de toute réparation de quelque nature qu’elle soit, tous les remplacements nécessaires, en second prix des grosses réparations. Il faut que le bail commercial prévoie répartition précise. Si le preneur procède à des réparations qui ne lui incombent pas, il peut demander remboursement au bailleur mais il faut que le bailleur ait été mis en demeure de réaliser ces travaux : Civ.3, 23 mai 2013 « sauf urgence le bailleur ne doit rembourser les travaux dont il a été tenu au bailleur que s’il a été précédemment mis en demeure et à défaut d’accord, le preneur a obtenu une autorisation judiciaire ».
Le propriétaire d’un centre commercial loue certains locaux : le bailleur est tenu d’une obligation d’entretien des parties communes. La jurisprudence est constante, Civ.3 19 décembre 2012 « Le propriétaire est tenu d’entretenir les parties communes du centre, accessoire nécessaire à l’usage de la chose louée ». En revanche, la Cour de cassation a considéré qu’il n’était pas tenu à une obligation d’assurer le maintien de l’environnement commercial, la bonne commercialité du centre, Civ.3, 3 juillet 2013. Il ne garantie pas que tous les locaux seront occupés et il n’y a pas de manquement de sa part sauf clause expresse prévue dans le bail.
Civ.3, 15 décembre 2021. Un centre commercial avait inclus une clause prévoyant que le centre était haut de gamme, présentant une décoration soignée. Le preneur devait respecter cette obligation. La situation s’est en l’occurrence dégradé, le centre ne répondant plus à cet objectif et le preneur a alors assigné le bailleur. La Cour de cassation qu’il n’y a pas d’obligation légale pour le bailleur d’assurer cette légalité sauf clauses spécifiques, qui n’engendraient d’obligations qu’à la charge du preneur.
Le covid a soulevé la question de savoir si le bailleur manque à son obligation de délivrance des lieux en cas de fermeture administrative. Certains locataires invoquaient cela devant les juges du fond. La majeure partie des décisions a considéré qu’il n’y avait pas manquement à cette obligation et la JP est conforme à celle rendue en matière de centres commerciaux puisqu’il n’y a pas d’obligation d’assurer la commercialité des lieux loués sauf clauses contraires. Le bailleur n’est pas tenu de garantir la commercialité des lieux et l’absence de fermetures. TJ de Paris, 25 février 2021 : écarte la possibilité pour le locataire d’invoquer le manquement à son obligation de délivrance de la part bailleur. L’art 1719 du Code civil prévoyant cette obligation « n’a pas pour effet d’obliger le bailleur à garantir la chalandise des lieux loués au preneur et la stabilité du cadre normatif dans lequel s’exerce son activité ». CA de Riom, 2 mars 2021 : illustre l’obligation pour le bailleur d’exécuter de bonne foi. Cela fait référence obligation délivrance, écarte possibilité manquement à cette obligation.
2) Les relations entre les parties à l’expiration du bail
Se cristallise le droit particulier du preneur qui va bénéficier d’un droit au renouvellement. A l’expiration du contrat de bail, le locataire a en principe un droit au renouvellement sauf si le bailleur préfère verser une indemnité d’éviction. Cette indemnité peut être très élevée, raison pour laquelle la loi de 1926 ayant crée ce statut était considéré comme reconnaissant une forme de propriété commerciale au locataire. C’est un raccourci. La Cour de cassation a cependant considéré qu’il y avait une forme de propriété de la part du preneur.
Le Code de com prévoit que toute clause contraire est réputée non-écrite, art L.145-15 « sont réputés non-écrits, qu’elle qu’en soit la forme, les clauses stipulations et arrangements ayant pour effet de faire échec au droit de renouvellement ». Cette sanction a été substituée à l’ancienne sanction nullité. Avant, le texte prévoyait que ces clauses contraires étaient nulles mais la loi Pinel a substitué la sanction du réputé non-écrit. La Cour de cassation en a déduit dans l’arrêt Civ.3, 19 novembre 2020 que « l’action tendant à voir réputée non-écrite une clause du bail, n’est pas soumise à prescription ». On écarte la prescription de droit commun.
a) Les conditions du droit au renouvellement
i) Conditions de fond
*) Conditions positives
Art L.145-8 du Code de commerce qui dispose que « le droit au renouvellement du bail ne peut être invoqué que par le propriétaire du fonds exploité dans les lieux ».
1/ Il peut y avoir un enjeu quand ce n’est pas le propriétaire du fonds qui l’exploite et c’est l’hypothèse de la location de gérance. Dans cette hypothèse, le propriétaire du fonds de commerce donne son fonds de commerce en location. Le locataire au titre du contrat de bail est propriétaire mais peut être prévu un contrat de location de gérance. Le propriétaire du fonds de commerce pourra exercer le droit au renouvellement en sa qualité de locataire des lieux et de propriétaire du fonds. Le locataire gérant ne pourra pas exercer le droit au renouvellement parce qu’il n’est pas titulaire du bail commercial. Quand il y a une location de gérance, on dissocie la propriété du fonds de commerce de l’exploitation du fonds de commerce.
On peut prévoir un contrat de location de gérance si le commerçant veut par exemple changer d’activité ou partir à la retraite. Il va laisser son fonds de commerce qui sera exploité par un tiers et le commerçant initial demeure propriétaire du fonds de commerce. Le propriétaire peut aussi avoir recours à la location de gérance dans le cadre d’un décès avec un mineur ne pouvant pas s’immatriculer comme commerçant et exploiter lui-même le fonds : en attendant qu’il ait la capacité, on peut conserver le fonds de commerce et en permettre l’exploitation par le biais d’un contrat de ce type. Elle ne se confond pas avec le bail commercial ayant pour objet le local, lieu loué (murs) alors que le contrat de gérance a pour objet le fonds de commerce. Le régime de la location de gérance est prévu aux articles L.144-1 et suivants du Code de commerce prévoyant les dispositions qui y sont applicables.
2/ Il faut que le propriétaire du fonds soit immatriculé au registre du commerce et des sociétés. Il est tenu de toutes les obligations à la charge du commerçant mais ne pourra pas bénéficier de tous les droits attachés à la qualité de commerçant, dont le statut des baux commerciaux.
3/ Il faut que le fonds de commerce ait fait l’objet d’une exploitation effective au cours des 3 années ayant précédé le renouvellement. Cette exploitation peut être faite par le propriétaire du fonds mais aussi par un tiers comme le locataire gérant : la loi n’exige pas une exploitation personnelle par le locataire au titre du bail commercial. Cette condition peut parfois soulever des difficultés, comme quand le titulaire du bail a acquis le bail par une cession isolée. Le bailleur peut considérer qu’il n’y a pas eu une exploitation interrompue du même fonds de commerce pendant 3 ans, Civ.3, 4 mai 1914.
Il s’agissait d’un fonds de commerce ayant pour objet des activités de décoration. Le titulaire avait simplement cédé le droit au bail et le cessionnaire exerce une activité de piano-bar. La Cour considère que la condition d’exploitation n’était pas remplie puisqu’il ne s’agissait pas de l’exploitation d’une même activité. Pour éviter les inconvénients de cette JP, les commerçants cèdent généralement le droit au bail de manière isolée. Le cessionnaire a intérêt à conclure un nouveau contrat de bail avec le bailleur ou obtenir du bailleur un nouvel engagement disant qu’il ne contestera pas. S’il y a eu déspécialisation au cours des 3 dernières années, si elle est totale une nouvelle activité est considérée et le bailleur pourrait invoquer un nouveau fonds de commerce mais l’article vise aussi l’hypothèse d’un fonds transformé.
**) Condition négative
Elle consiste en l’absence de droit de reprise du bailleur. Le locataire dans certaines hypothèses ne pourra pas bénéficier de son droit au renouvellement parce que le bailleur met en œuvre un droit de reprise, prévu à l’article L.145-17 du Code de com. Il pourra récupérer son bien sans verser d’indemnité d’éviction. Ce droit peut être justifié par deux raisons :
- Des motifs qui tiennent au local.
1/ Il reprend le bien parce que l’immeuble doit être démoli. Le bailleur pourra le reprendre sans indemnité d’éviction sauf si l’état d’insalubrité est dû à une faute du bailleur.
2/ Il reprend le bien pour l’habiter (reprise pour habitation). Il ne peut pas exercer une activité commerciale même accessoire dans les lieux et il doit reprendre le bien que pour l’habiter, parce qu’il est dans l’impossibilité de se loger ailleurs. Il doit justifier de conditions précises. - Des motifs qui tiennent au comportement du locataire
Hypothèse la plus classique : le locataire n’a pas rempli ses obligations. Le bailleur justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du locataire et peut exercer son droit de reprise. Le droit de reprise s’exerce parce qu’il y a eu manquement. Le juge aura souvent une vision plus souple que celle qu’il a en cas de résolution pour inexécution. Quand il apprécie les conditions de la résolution, il est plus exigeant s’agissant des manquements du locataire pendant l’exécution du contrat. En revanche, au moment du renouvellement (expiration), le juge apprécie de manière plus souple les manquements du locataire et pourra considérer que certains n’ayant pas pu justifier la résolution en cours puissent justifier l’exercice d’un droit de reprise. Ex : paiement systématique avec retard avec obtention d’un délai à chaque fois auprès du juge. Le contrat est maintenu mais ce motif pourrait justifier le droit de reprise du bailleur étant donné que l’appréciation est différente. Le plus souvent, le motif invoqué sera la violation d’une obligation contractuelle (paiement non-récurrent, dégradation des lieux, déspécialisation totale sans avertissement du bailleur). Mais cela peut aussi être des manquements à des obligations extracontractuelle (comportement agressif, violence) …
Si le manquement du locataire est susceptible de régularisation, il faut que le bailleur mette en demeure le locataire de se mettre en conformité. Ce n’est que s’il ne le fait pas qu’il pourra reprendre le bien sans indemnité d’éviction.
i) Conditions de forme
Pour faire jouer le droit au renouvellement, il faut respecter procédure. Il est prévu que la fin du contrat de bail, doit nécessairement donner lieu à un congé notifié au moins 6 mois à l’avance. Si aucun congé notifié, le bail se prolonge tacitement. Cette prolongation est faite à durée indéterminée. La prolongation tacite peut être favorable au bailleur parce que l’art L.14534 al 3 prévoit que bail a atteint une durée totale de 12 ans, loyer peut être déplafonné. Au moment du renouvellement, il faut en principe respecter un plafond mais s’il est prolongé tacitement et dépasse 12 ans, le preneur a intérêt à formuler une demande de renouvellement parce que s’il attend le loyer sera déplafonné et il pourra être contraint de quitter les lieux parce que le loyer sera trop élevé pour lui. Chacun peut demander congé ou procéder à une demande de renouvellement. C’est une règle d’ordre public que l’on ne peut pas écarter. On ne peut pas stipuler une clause dans le bail commercial prévoyant que le renouvellement opère sur simple demande du preneur, il faut véritablement respecter les conditions de forme imposées par le Code de commerce.
b) La mise en œuvre de ce droit
i) Le renouvellement du bail
Il est possible que les parties se mettent d’accord amiablement sur toutes les conditions du nouveau bail. La Cour de cassation a rappelé que le contrat de bail renouvelé était un nouveau contrat de bail. Si certaines conditions avaient été particulièrement négociées dans le contrat de bail initial, il faut les renégocier. Civ.3, 2 octobre 2002 : « la durée du bail est une disposition d’ordre public sauf accord des parties pour une durée plus longue ». La durée du bail est légalement fixée à 9 ans.
L’un des enjeux principaux est le loyer puisque le bailleur sans être opposé au renouvellement peut vouloir modifier (augmenter) le loyer. En cas de renouvellement, le loyer est ajusté à la valeur locative, définie à l’article L.145-33 du Code de commerce. En cas de modification du loyer, il y aura un système de plafonnement mis en place. On se réfère comme pour la révision du loyer à la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux. Cet indice a été modifié par un décret de mars 2022 parce qu’elle intégrait auparavant dans le calcul le chiffre d’affaires des commerçants dans les commerces de détail. Or, il prenait tout le chiffre d’affaires réalisé en ligne et donc l’indice augmentait au vue de l’augmentation du chiffre d’affaires reflétant une augmentation du commerce en ligne et pas physique. Il faut en principe respecter cette condition de plafond sauf pour certaines hypothèses :
-
Les baux de longue durée. Le loyer devient libre lorsque le bail initial avait une durée contractuelle supérieure à 9 ans.
-
Si par l’enjeu de la tacite reconduction, le locataire a occupé les lieux pendant plus de 12 ans.
-
La modification notable des facteurs locaux de commercialité
-
La déspécialisation même si elle n’a pas été particulièrement favorable au locataire.
-
La stipulation du bail : les parties sont libres d’écarter le plafonnement par une stipulation du contrat. Les règles de plafonnement ne sont en effet pas des règles d’ordre public pouvant être librement écartées par les parties. La jurisprudence est constante, Civ.3, 13 juillet 2011.
Les parties peuvent bénéficier d’un droit d’option. Si elles se sont mises d’accord sur le renouvellement, elles ne sont pas en principe obligées de se mettre d’accord tout de suite sur le prix du bail. Le juge intervient, fixe le loyer et les parties peuvent renoncer au renouvellement au vue du loyer fixé par le juge.
ii) Le refus de renouvellement
Soit le contrat de bail est renouvelé soit non et il y a refus de renouvellement. La loi de 1926 ayant consacré le bail commercial a été visée comme consacrant la propriété commerciale du preneur et la Cour de cassation l’a reconnu. Mais, il faut distinguer cette propriété commerciale d’un véritable droit de propriété : le preneur ne possédant pas un droit de propriété absolue. C’est une forme atténuée parce que le bailleur peut toujours refuser le renouvellement et le preneur, même si son droit est protégé, n’est pas garanti de rester dans les lieux.
La Cour a consacré cette propriété commerciale du preneur qu’elle rattache au droit au renouvellement. Elle a défini la propriété commerciale dans un arrêt de la 3è Civ, 11 mars 2021 « La propriété commerciale du preneur d’un bail commercial protégé par l’article 1er du premier Protocole additionnel à la CESDH s’entend du droit au renouvellement du bail commercial consacré par les articles L.145-8 et suivants du Code de commerce ». Même si on parle de propriété commerciale, le preneur bénéficie d’un droit personnel à l’encontre du bailleur : droit de demander si le renouvellement du contrat de bail, le bailleur étant toujours libre de refuser ce renouvellement.
Si le bailleur refuse, dans ce cas, il doit verser une indemnité désignée comme étant une indemnité d’éviction. Elle est prévue à l’article L.145-14 du Code de commerce qui dispose que « Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Dans cette hypothèse, le bailleur doit payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement ». Cette indemnité peut être fixée d’un commun accord par les parties et à défaut par le juge. C’est dans ce cas le tribunal judiciaire qui est compétent pour fixer le montant de l’indemnité d’éviction. L’alinéa 2 précise les modalités de calcul de cette indemnité « cette indemnité comprend la valeur marchande du fonds de commerce. Elle est déterminée suivante les usages de la profession, augmentés éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation ainsi que des frais et droits de mutations à payer pour un fonds de même valeur ».
Cette indemnité correspond à un pourcentage du chiffre d’affaires du commerçant (annuel). Si le bailleur refuse le renouvellement, il sait qu’il va trouver un nouveau locataire compensant largement cette indemnité. L’utilisation de son local sera beaucoup plus rentable (nouveau loyer payé par le locataire). Le bailleur peut toujours prouver que le préjudice est moindre par exemple si le fonds de commerce a perdu sa valeur. Cette indemnité permet d’éviter de chasser des lieux. Le bailleur peut toujours prétendre à une baisse de l’indemnité d’éviction.
Le CC a été saisi de la conformité de ce mécanisme à la Constitution, qu’il a validé par une décision du 5 mars 2021. Il considère que le dispositif est valable et « ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété du bailleur ainsi qu’à la liberté contractuelle et la liberté d’entreprendre ». Si le bailleur refuse le renouvellement il doit verser l’indemnité. Le temps que l’indemnité soit versée au preneur, celui-ci peut rester dans les lieux. Il reste dans les lieux mais doit indemniser le bailleur. Le preneur devra verser une indemnité d’occupation, généralement fixée par le juge au montant de l’ancien loyer. Tant qu’il y restera, il sera tenu de cette indemnité et pourra rester jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction.
Comme l’indemnité d’éviction peut être forte, le législateur autorise le bailleur à exercer un droit de repentir, prévu à l’article L.145-58 du Code de commerce. Ce droit peut être exercé pendant 15 jours pendant lesquels le bailleur peut revenir à sa décision. Le preneur peut rester.
Ce doit peut fonctionner que si le preneur n’a pas déjà quitté les lieux et pris acte du fait que
le bailleur l’évinçait de son local.
Ce droit de repentir n’est pas enfermé dans des formes particulières. Il est irrévocable : dès que le bailleur l’a exercé, il ne peut plus revenir dessus. Cette législation est souvent critiquée, considérée comme complexe et parfois dépassée. Les réformes du droit des baux commerciaux ont été ponctuelles et non pas d’une réelle ampleur et il est ainsi souvent proposé de le réformer, notamment après la pandémie pouvant justifier que l’on remette à plat ce statut des baux commerciaux.
Titre 3 : La distribution des produits et des services
L’aspect distribution a pris de plus en plus d’importance notamment par le biais de la création des réseaux des distribution. Des règles spécifiques ont alors été adoptées ce qui a donné naissance au droit de la distribution, visant les modalités de distribution des produits et services. Ce droit est issu de la pratique. C’est un droit des contrats ayant une composante de durée forte puisque les contrats de distribution s’étirent dans la durée, d’autant plus que les parties sont souvent dans une dimension de sujétion induisant un contrôle spécifique.
Ce droit a été affecté par le droit de la consommation, le droit de la propriété intellectuelle (la marque attire la clientèle), le droit de la concurrence parce que les réseaux portent atteinte à la concurrente, le droit des sociétés (structuration des réseaux en société pour sécuriser). L’aspect de distribution et de plus en plus développé.
Les entreprises peuvent avoir recours à plusieurs professionnels, techniques :
En interne =
-
Salariés exploitant un magasin.
-
VRP (voyageurs représentants placiers), salariés distribuant les produits auprès de la clientèle sous un lien juridique.
En externe = tiers participant au développement de la clientèle par deux types de contrats
-
Intermédiaires qui vont agir pour le compte de l’entreprise. Ex : courtier, commissionnaire.
-
Réseaux. Dans ce cas, l’entreprise a recours à des commerçants indépendants qui vont être intégrés dans le réseau de distribution et qui vont dans ce cas avoir la qualité de revendeurs. Il peut y avoir une relation de dépendance économique à l’égard du commerçant initiateur.
I) Les contrats d’intermédiation
Sont concernées des personnes qui n’agissent pas pour leur propre compte mais pour le compte d’un commerçant. Ces intermédiaires n’ont pas tous la qualité de commerçants. Tout dépend de la nature de leurs missions. Parmi ces intermédiaires intervenant dans le commerce pour en développer la clientèle, ils se divisent donc en deux catégories.
A) Les intermédiaires commerçants
Certains actes de commerce sont des activités d’intermédiation : courtage (acte de commerce par l’objet), actes réalisés en entreprise dont l’hypothèse du contrat de commission. Si ce dernier est réalisé de manière isolée, ce n’est pas un acte de commerce.
1) Le courtage
Le courtage est un acte de commerce. L’opération de courtage est une opération de mise en relation. Le courtier va avoir pour mission de rapprocher deux personnes afin que celles-ci puissent conclure l’opération qu’elle souhaitait conclure. Sa mission est une mission de mise en relation mais il n’intervient pas dans la conclusion du contrat. Il va simplement rechercher une partie, un cocontractant. Cela peut être un contrat de vente, un contrat dans le domaine de l’assurance. Cela peut concerner le courtage maritime, les cabinets de recrutement. Le contrat en vue duquel le courtier est sollicité peut être de nature diverse.
Sa particularité est que dans tous les cas, le courtier sera considéré comme réalisant un acte de commerce même si l’acte conclu est une activité civile. Il faut distinguer 2 contrats dans cette opération :
-
Le contrat de courtage conclu entre le donneur d’ordre et le courtier mettant à la charge du courtier la recherche d’un cocontractant.
-
Le contrat définitif, visé, conclu entre le donneur d’ordre et le tiers. Il peut être civil mais cela n’influencera pas la qualification du contrat de courtage (commercial).
L’activité de courtage est visée aux articles L.131-1 et suivants du Code de commerce. Il donne certains éléments mais sa structuration est plutôt soumise à un principe de liberté contractuelle, sauf hypothèse de régime spécial comme en matière d’assurances. Les parties peuvent aménager comme elles le souhaitent leur contrat.
Les obligations du courtier résultent d’usages. Le courtier doit chercher une contrepartie à son donneur d’ordre et accomplir toutes les diligences nécessaires pour ce faire, mais il est tenu d’une obligation de moyen et ne s’engage pas en principe à la conclusion du contrat mais seulement à tout mettre en œuvre pour trouver un cocontractant. Il rapproche uniquement les personnes et n’est pas tenu non plus de la solvabilité du cocontractant, ne garantit pas que le contrat sera bien exécuté. Si on veut qu’il s’engage à cela, il faut le prévoir expressément par une stipulation spécifique « le courtier est garant de l’exécution du contrat ». Il est tenu d’une obligation d’information à l’égard du donneur d’ordre et en particulier de révéler des conflits d’intérêts s’il est en situation. S’il est intéressé à la conclusion du contrat définitif, il doit préciser s’il a intérêt personnel à l’opération définitive.
Une fois que l’opération est conclue, le courtier reçoit une commission et le contrat peut organiser la rémunération de manière libre. Le principe est qu’il la reçoit quand l’opération définitive est conclue. Le courtage peut être utilisé dans des opérations de rapprochement de clients ponctuels mais cela peut aussi être utilisé dans le cadre de centrales de référencement s’organisation sur le fondement d’un courtage. Ce sont des groupements jouant le rôle d’intermédiaire entre des fournisseurs de produits et des distributeurs des produits. La Cour de cassation a considéré qu’il s’agissait d’une opération de courtage ; Ch. commerciale, 17 mars 2004. Elle a un catalogue de distributeurs/fournisseurs et met en relation et a donc un rôle de double courtier.
2) Le commissionnaire
A la différence du courtier, le commissionnaire va conclure le contrat. Il ne fait pas que rapprocher les parties mais il va véritablement s’interposer. Les commissionnaires sont des commerçants quand ils exercent leur activité en entreprise, de manière répétée.
Le Code de commerce prévoit une section relative aux commissionnaires mais comportant seulement 2 articles pour le définir ce qu’il est en général : art L.132-1 et L.132-2. La particularité du contrat de commission est qu’il est un contrat de représentation qui peut s’apparenter au contrat de mandat. Le contrat de mandat est un contrat de représentation parfaite (le mandataire agit au nom et pour le compte du mandant), il y a une totale transparence et on connait l’identité du mandant. Le commissionnaire quant à lui agit pour le compte du commettant mais le fait en son nom propre. Si le tiers agit en exécution contre le commissionnaire, en principe le commissionnaire pourra agir contre le commettant. L’opération repose sur 2 contrats :
-
Le contrat de représentation. Le commettant donne mission au commissionnaire de conclure le contrat définitif avec une autre personne.
-
Le contrat conclu entre le commissionnaire et le tiers, le commissionnaire étant à la différence du courtier partie au contrat. Ce contrat est conclu au nom du commissionnaire mais pour le nom du commettant puisque le commissionnaire n’est pas débiteur mais seulement représentant.
Le commissionnaire se distingue du mandataire puisqu’il agit pour le compte d’autrui comme le mandataire mais il le fait en son propre nom. C’est un contrat de représentation imparfaite parce que le tiers fait écran entre le commissionnaire et le commettant : même s’il sait qu’il agit pour le compte d’autrui, il ne connait pas l’identité du commettant. Le commissionnaire se distingue également du revendeur puisque le contrat de commission peut être utilisé en matière de ventes de marchandises mais le commissionnaire n’est pas considéré comme un revendeur de ces marchandises qui ne lui appartiennent pas puisque le revendeur fait de l’achat. Le contrat de commission a des effets spécifiques
-
Conséquences attachées au fait que le commissionnaire agit en son propre nom. Le tiers conclue le contrat avec le commissionnaire qui agit pour le compte d’autrui. Il s’engage personnellement avec le tiers contractant ce qui fait que pour le tiers, le contrat de commission joue comme un mécanisme de garantie. Le commissionnaire même s’il n’agit pas pour son compte doit indemniser le tiers si celui-ci prouve qu’il y a eu faute dans la livraison de la marchandise. Il peut être poursuivi par le tiers en cas d’inexécution à charge pour le commissionnaire d’agir ensuite contre le commettant pour être remboursé. Il va avoir un nouveau patrimoine qui va s’adjoindre à celui du commettant. C’est un mécanisme de sécurisation intrinsèque au contrat de commission. Cela lui permet de gagner un droit personnel contre un tiers au contrat : il a 2 cocontractants.
-
Conséquences attachées au fait que le commissionnaire agit pour le compte d’autrui. Même s’il est amené à indemniser le cocontractant, il ne doit pas supporter la charge définitive de l’opération et pourra agir contre le commettant en remboursement. Il est tenu de certaines obligations, qu’a classiquement un mandataire à l’égard du mandant. Il doit exécuter sa mission avec diligence. Il est tenu de l’obligation de rendre compte de sa mission comme un mandataire classique.
Il est possible d’insérer une clause sécurisant la position du commettant désignée comme la clause de ducroire qui va jouer comme une forme de sûreté, même si elle n’est pas automatique. Le commissionnaire garantit l’exécution du contrat à l’égard du commettant. Il peut se porter garant à l’égard du commettant, son donneur d’ordre par le biais de cette clause. Dans cette hypothèse, le contrat joue comme un mécanisme de garantie. Si la marchandise n’a pas été livrée ou livrée abimée, le tiers pourra agir directement et le commissionnaire en paiement. 2 patrimoines lui permettent d’obtenir l’exécution de son contrat. Le paiement du tiers n’est pas subordonné au paiement du commettant.
Le commissionnaire va aussi avoir une fonction de garantie à l’égard du commettant. Pour le commettant, il doit exécuter son obligation et en contrepartie le commissionnaire reçoit la somme d’argent et la remettre au commettant. Si le tiers ne paie pas, le commettant n’a en principe pas d’action contre le commissionnaire. Ce dernier ne peut rien transmettre. Si la clause de ducroire est insérée, le commissionnaire doit garantir l’exécution du contrat au commettant (mécanisme de garantie supplémentaire). Le contrat de commission est surtout utilisé dans les ventes de marchandises internationales mais aussi les marchés financiers. Les banquiers à qui on transmet un ordre d’achat sont tenus par cette technique. Le droit des obligations sécurise l’exécution du contrat, intégrant une notion de garantie.
Le commissionnaire est rémunéré pour une prestation de service puisqu’il bénéficie d’une commission. Elle est le plous souvent proportionnelle au chiffre d’affaires réalisé pour le compte du commettant. Le commissionnaire bénéficie d’un privilège (forme de sûreté) pour garantir le paiement de ces commissions. Ex : contrat de vente de marchandises et le commettant est l’acheteur des marchandises et le tiers le vendeur, que les marchandises ont bien été livrées, que le commettant n’a pas payé, le tiers agit contre le commettant et le commissionnaire peut se payer en priorité sur les marchandises qu’il a en sa possession mais dont il n’est pas propriétaire.
B) Un intermédiaire non-commerçant (l’agent commercial)
Il s’agit notamment du contrat conclu avec l’agent commercial qui n’a pas la qualité de commerçant contrairement à ce qu’indique son nom. C’est un intermédiaire soumis à un régime très protecteur. Ce régime protecteur a fait l’objet d’une harmonisation au niveau européen par une directive du 18 décembre 1986 qui fixe le régime des agents commerciaux. En droit interne, cette directive a été transposée dans le Code de commerce aux articles L.1341 et suivants.
Il est défini à l’art L.134-1 comme un mandataire qui à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de service, est chargé de façon permanente de négocier et éventuellement de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de service au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou autres agents commerciaux.
L’agent commercial est lié par un contrat de mandat. Il doit négocier et conclure des contrats comme mandataire, au nom et pour le compte de son mandant. C’est un contrat de représentation parfaite, classique. Il va par exemple vendre les produits d’un fabricant dans un secteur géographique dans lequel il sera le mandataire du commerçant.
Il a pour mission principale la négociation des contrats, élément essentiel mais il peut aussi les conclure. Si l’intermédiaire n’a pas le pouvoir de négocier, il ne pourra pas bénéficier du statut protecteur de l’agent commercial. Il doit pouvoir négocier pour bénéficier du statut protecteur. Le statut protecteur est qu’il bénéficie d’une indemnité en cas de fin de contrat avec son mandant. Initialement, en droit interne, le pouvoir de négocier était apprécié de manière très stricte et la jurisprudence interne considérait que pour caractériser ce pouvoir, il fallait que l’agent commercial puisse modifier les stipulations du contrat.
Ex : Ch. Commerciale, 15 janvier 2008. Se posait la question du statut du distributeur d’abonnements de téléphonie mobile (SFR), était-ce un agent commercial ce qui mettait en jeu l’indemnité de fin de contrat ?
La Cour de cassation juge que ce distributeur n’en était pas un dès lors qu’il n’avait pas de pouvoir d négociation des contrats d’abonnement puisqu’il a été prévu expressément qu’il ne pouvait apporter aucune modification aux tarifs fixés par SFR.
La CJUE est intervenue pour définir ce pouvoir de négociation : CJUE, 4 juin 2020. La Cour précise sa mission : ses tâches consistent à apporter de nouveaux clients à son cocontractant et développer les opérations avec les clients déjà existant. Même s’il ne dispose pas de la faculté de modifier les prix (conditions des contrats conclus), cela n’écarte pas la qualité d’agent commercial. Le pouvoir de négociation n’implique pas celui de modifier les conditions des contrats conclus dont les prix. La Cour retient une appréciation beaucoup plus large : le simple fait d’informer, prospecter de la clientèle peut permettre d’obtenir la qualification d’agent commercial.
La Cour de cassation a confirmé cette positon par un arrêt de la Ch. Commerciale du 2 décembre 2020 dans lequel elle retient une interprétation plus large du pouvoir de négocier. L’agent commercial selon la définition donnée par le texte représente son mandant de façon permanente pendant toute la durée du contrat. Il n’agit pas pour des opérations ponctuelles. C’est un professionnel indépendant et non pas un salarié. Il n’est donc pas dans un lien de subordination juridique à l’égard du mandant et peut être une personne physique ou une personne morale. Parce qu’il est indépendant, il peut représenter plusieurs entreprises/mandants. Il n’a pas la qualité de commerçant même si c’est un professionnel indépendant mais le Code de commerce ne se prononce pas sur ce point. La Cour de cassation écarte alors de manière systématique la qualification de commerçant parce que l’agent commercial est un mandataire agissant au nom et pour le compte d’un commerçant mais n’est pas indépendant, n’a pas de fonds de commerce propre et n’a pas la qualité de commerçant lui-même. Il ne peut que conclure des contrats pour le compte d’un commerçant.
Il bénéficie d’un statut protecteur. Pendant la durée du contrat, l’agent commercial va être rémunéré par une commission pour tous les contrats conclus grâce à lui, dès lors qu’il a prospecté auprès de clients et que le contrat est finalement conclu. C’est à l’expiration du contrat d’agence que sa protection joue à plein. Le contrat d’agence, s’il est résilié, doit donner lieu à une indemnité. S’il est conclu à durée indéterminée, la résiliation suppose le respect d’un préavis dont la durée est fixée par le législateur suivant la durée du contrat. Plus la durée est longue, plus le préavis devra être important. Les parties peuvent prévoir un préavis plus long mais ne peuvent pas le réduire (ordre public). A la fin du contrat, l’agent a le droit à une indemnité compensatrice. Elle lui est due en cas de cessation des relations avec le mandant (article L.134-12) ce qui recouvre l’hypothèse du CDI et du CDD qui ne serait pas renouvelé.
L’obligation de respecter le versement d’une indemnité compensatrice figure à l’article L.1344 du Code de commerce. Il prévoit expressément que « Le contrat d’agence commercial est conclu dans l’intérêt commun des parties » et « Toute clause qui écarte le droit à indemnité est réputée non-écrite » (article L.134-16). Cette obligation dégagée par la jurisprudence sur le fondement du droit commun, est d’ordre public. Quand on conclut un contrat de mandat, le contrat de mandat peut être révoqué à tout moment mais par exception le droit commun du mandat prévoit que si le contrat est conclu dans l’intérêt commun, la fin du contrat doit donner lieu à une indemnisation du mandataire. La JP considérait que le contrat d’agence commerciale était un mandat d’intérêt commun et en déduisait que si le mandant rompait unilatéralement le contrat, il devait verser une indemnité à l’agent à moins d’établir une faute.
Cette indemnité correspondre au préjudice subi par l’agent. Il n’y a pas de précision dans la loi concernant ses modalités calcul. On considère qu’elle répare la perte des commissions sur lesquelles l’agent pouvait légitimement percevoir si le contrat avait été conclu. Elle correspond à deux années de commission mais ce n’est pas une règle légale ou réglementaire. Section 2 : Les contrats de réseaux de distribution
Dans l’hypothèse des réseaux de distribution, le fabricant ou fournisseur ne fait pas appel à des intermédiaires mais à des revendeurs, personnes achetant ses produits pour les revendre puis les distribuer. Souvent, le contrat de base liant les membres d’un réseau de distribution est le contrat de vente (réseau de distribution primaire) conclu entre des distributeurs et fournisseurs. Ce réseau peut ensuite être étoffé : le fournisseur peut vouloir bénéficier d’un droit de regard sur la clientèle à laquelle vont être proposés les produits, les modalités de distribution. Il peut ainsi se complexifier et être accompagné d’autres modalités que le simple contrat d’achat pour revente. Les fournisseurs peuvent donc chercher une relation plus stable. §1 : Les caractéristiques communes des réseaux de distribution
Les contrats sont spécifiques par leur durée : ils organisent la relation fournisseur / distributeur dans le temps. Le contrat repose sur une relation de dépendance économique : même si les commerçants sont indépendants, les contrats de distribution sont marqués par cette dépendance. Le législateur a envie de la protéger. Le contrat cadre définit le cadre général de la relation contractuelle, ce qui donne lieu à des contrats d’application. La JP établit le contrat cadre. Art. 1111 du Code civil « Le contrat cadre est un accord par lequel les parties conviennent des caractéristiques générales de leurs relations contractuelles futures.
Des contrats d'application en précisent les modalités d'exécution. » Mise en place d’une organisation collective ➔ Mutualisation des ressources entre les parties, qui passe par un partage d’infos, notamment dans le contrat de franchise (Contrôle de la transmission de l’info). + Clause d’interdiction de revente hors réseau
Pratique de l’anti-concurrence : Pratique de l’entente = plusieurs concurrents se mettent d’accord le plus souvent sur le prix + Sanction sur l’abus de position pour imposer des propositions de prix qui vont nuire aux consommateurs. Les clauses de refus de revente sur internet dont interdites depuis un arrêt de la Cour de justice en 2011. Règles relatives aux pratiques restrictives de concurrence (art. L102-1 du Code de la concurrence) En cas de pratiques déloyales, la victime peut agir en responsabilité ce qui permet de sanctionner, et de faire valoir la nullité des clauses ou contrats illicites devant le juge. Le but étant de sanctionner tous les comportements abusifs et de restaurer un équilibre parties➔ Art L442-1 du Ccom issu d’une ordonnance du 24 avril 2019.
La rupture brutale de relation com établie : art L442-1 II : « … »
L’obtention d’un avantage sans contrepartie : art L442-1, I ,1)
La soumission de l’autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif art L442& nouvelle dispo du code civ (art. 1111) qui sanctionne le déséquilibre significatif.
Dispositifs particuliers par le législateur :
Obligation d’information renforcée, précontractuelle sur les réseaux de distribution : Art L3303 du Ccom & Loi du 31 décembre 1989 dite loi DOUBIN qui pose l’obligation d’information.
L’objectif est de faire en sorte que la conclusion du contrat soit faite en connaissance de cause. Il y a des conditions d’application. Le fait de ne pas respecter cet article n’entraine pas forcément la nullité du contrat la sanction n’est pas automatique. Il y aura nullité seulement s’il y a démonstration du vice du consentement en plus. Arrêt de 1998 de la Ch. Com. Comme en droit commun depuis la réforme du droit des contrats. Art 1112 du code civ. Clause d’exclusivité : Art L330-1 = limitation temporelle c’est-à-dire pas supérieure à 10 ans. §2 : Les principaux contrats de distribution
Contrat d’approvisionnement exclusif
Aux termes de ce contrat les distributeurs s’engagent à ne s’approvisionner que chez un fournisseur et le fournisseur peut approvisionner plusieurs distributeurs. L’exclusivité n’est pas réciproque. Ex : Relations entre les compagnies pétrolières et les pompistes de marque. Cette exclusivité ne peut se justifier que si elle est nécessaire, c’est-à-dire qu’elle se justifie par des raisons techniques ou commerciales. La contrepartie de l’exclusion c’est l’assistance donnée par le fournisseur. Sanction de nullité pour abus de causes. Ex : Ccass, Com de 2005.
Contrat de concession exclusive
Contrat par lequel le fournisseur est le concédant confère la distribution exclusive de ses produits à un revendeur = le concessionnaire. Cette concession est octroyée sur un territoire déterminé. On choisit librement ses distributeurs = intuitu personae du choix des concessionnaires. Choix discrétionnaire donc pas de critère objectif. Le distributeur bénéficie d’une exclusivité territoriale. Concessionnaire peut être tenu de réaliser un objectif de vente. Obligation d’info au concédant. Le concédant doit fournir le concessionnaire. Beaucoup de contentieux pour savoir s’il n’y a pas eu de rupture brutale établie
Contrat de distribution sélective
Le fournisseur s’engage à approvisionner plusieurs distributeurs, il ne peut pas les choisir de manière discrétionnaire il doit établir des critères objectifs. Il n’y a pas d’exclusivité territoriale. Pas de revente possible hors du réseau, ce contrat peut porter atteinte à la concurrence pour échapper aux sanctions il faut que les critères utilisés soient proportionnés. Il faut la preuve de la nécessité de ces critères. Un critère qui peut être retenu est la qualification.
Contrat de franchise
Contrat qui lie un franchiseur à un commerçant indépendant = le franchisé. Le franchiseur met à disposition du franchisé des signes distinctifs. Ex : Une marque, un nom com, surtout il met à la disposition un savoir-faire original. Le franchisé doit utiliser ce savoir-faire selon un technique com uniforme. Le franchiseur a un droit de contrôle. Le franchisé détient une clientèle propre. Arrêt de principe de 2002. Le franchisé finance le développement du réseau au niveau local. Méthode de collaboration de tous les membres du réseau. Contrat conclu intuitu personae. Pour les obligations des parties : franchisés = peuvent jouir de la marque et utiliser le savoir-faire qui doit être substantiel. Le franchiseur doit assister le franchiser = collaboration = assistance et coopération. Le franchisé doit se fournir chez le franchiseur = obligation de se fournir de façon exclusive pour une identité commune du réseau, doit respecter toutes les normes du franchiseur. A la fin du contrat restitution de tous les éléments donnés + obligation de confidentialité sur le secret du savoir-faire + clause de nonconcurrence.