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Histoire des droits fondamentaux

Introduction générale

Première partie : recherches historiques de droits « fondamentaux ».

Introduction

Il n’existe pas à proprement parler de texte fondateur des droits fondamentaux. Ceux-ci résultent d’une lente construction passée au fil des âges et des doctrines changeantes. Le Cylindre de Cyrus (-539), présenté par l’ONU comme première trace de droit fondamental n’est en réalité qu’un document de propagande usé par un pouvoir conquérant pour assoir son autorité. Les XII tables romaines furent, quant à elle, la manière pour le peuple romain de se défaire de la classe dominante, contrôlant les pontifes, seuls connaisseurs du droit en leur temps.

Chapitre premier : Les legs de l’Antiquité païenne pour la culture juridique et politique de l’Europe occidentale.

I) Sources philosophiques grecques.

Démocratie et dignité du citoyen, Dikè, Socrate, Platon, Aristote, Philosophie stoïcienne et cosmopolite.

                                1) L’idée initiale, celle de dignité du citoyen.

Pour trouver des droits fondamentaux en Antiquité, on pourrait revenir à l’idée de dignité, dimension philosophique, morale et éthique. L’idée surgit progressivement en la Grèce classique et ne concerne alors que le citoyen. A cette époque, en effet, esclavage et massacres sont courants, quitter sa patrie est source de grand dangers. Ainsi, à Athènes, si l’on est pas de la Cité on a aucun droit et l’on peut être mis à mort sans raison. Pour faire du commerce, on est obligé de passer par la proxénie (se mettre sous la protection d’un citoyen) pour s’assurer protection juridique. Les grecs, peuple de philosophes, vont alors se mettre à réfléchir sur le meilleur gouvernement possible, en inventant la cité les athéniens s’accordent sur un ensemble de principes sans lesquels ils savent que leur projet échouera, cela dans la logique de Dicé, ou pensée raisonnable acceptant l’existence d’un ensemble de grandes règles permettant le maintien des constructions en place que l’on décèle par la raison. A l’isonomie (égalité), s’ajoute progressivement l’eunomie (équité), puis la collégialité du pouvoir magistrat et l’abandon des pratiques politiques viagères. Le conflit social devient policé par le biais de la campagne électorale.

                                2) L’apport socratique : le droit naturel.

Socrate, lui, apporte le fait de placer la Dicé au-dessus des lois de la cité (il résout le dilemme d’Antigone). La loi des hommes peut être évaluée, non plus uniquement dans sa forme mais aussi dans son fond. Après sa mort, ses élèves vont alimenter une riche réflexion sur cet ensemble de normes supérieures que la raison agissante du philosophe permet de déterminer. Dans un monde où l’humanité est fragmentée en cités rivales, on va inventer une catégorie juridique incréée et universelle : le droit de nature (droit naturel). Ils déterminent par exemple que le mariage et la société en font partie, qu’importe la forme qu’elles vont prendre localement, ces deux institutions se retrouvent partout chez l’Homme. On distingue alors la cité de la simple bande de brigands par le fait que la première a vocation à se gouverner dans le respect du droit naturel. Pour Aristote, l’assouvissement des cités grecques par Philippe II de Macédoine s’explique en ce que leur corruption provoqua leur affaiblissement.

                                3) Le stoïcisme ou l’entrée de l’universalisme du droit de nature.

 L’arrivée d’Alexandre le Grand remet en cause la séparation entre grecs et barbare, le mélange des races est au centre de sa politique (ses généraux épousent les filles des peuples vaincus). Le stoïcisme arrive et affirme alors que, chacun, confronté à une vie de souffrance, doit rechercher en lui-même ces valeurs éthiques naturelles qui lui permettent d’échapper à la souffrance. Se développe une réflexion individualiste : le droit naturel est une ressource qui nous permet d’avoir raison face aux contraintes du monde.

II) Histoire et doctrines romaines.

Sécurité juridique, Res publica mixte, Cicéron, réflexions stoïciennes, droit de nature.

Cette vision, les romains vont la reprendre dans une logique particulière. Pour eux, le droit de la cité (droit civil), est contenu dans un « droit des gens », commun à l’humanité, lui-même contenu dans un droit de nature commun au vivant. L’incorporation de la pensée grecque à Rome va conduire à juridiciser le droit naturel philosophique grecque. Contemporain d’une période de désorganisation interne de la cité, Cicéron, soutien des patriciens (optimates) contre les plébéiens (populares), va reprendre l’idée que les institutions romaines forment un régime mixte qui est celui de l’équilibre entre des intérêts antagonistes avec des magistrats qui ont des pouvoirs monarchiques, d’autres aristocratiques et d’autres enfin qui tirent leur pouvoir du démos, démocratique. Pour lui, cet équilibre, au fond conforme à la dikè parce qu’étant l’équilibre du bien et de la paix civile, doit aussi être dirigée conformément à la raison qui s’incarne dans le droit naturel. L’homme politique, celui qui brigue les magistratures doit être guidé par la Res publica, laquelle ne sera maintenue que si elle est conforme au droit naturel. Il mélange à la fois la vocation de bien commun de l’organisation politique et les vertus que doit développer l’homme politique et qui est au fond cette sorte de synthèse qu’on peut trouver entre le droit naturel d’Aristote et celui des stoïciens. Toutefois, ici le droit naturel n’agit pas tant comme une norme juridique fondamentale mais dans une logique en quelque sorte morale de l’homme politique.

Chapitre second : les apports de la pensée médiévale chrétienne latine

I) La conception d’un pouvoir politique conditionné

                A) Raisons vétérotestamentaires : le ministère royal

                                    1) Constantin et l’empire romain chrétien.

La conversion de Constantin au IVe siècle, puis son élévation par Théodose au rang de religion d’empire, révolutionne la réflexion philosophique occidentale. Dieu devient l’unique législateur et intervient, soit directement (épisode d’écriture des tables de la loi) ou indirectement (par le biais de la providence & des prophètes). Le politique ne devient que le lieutenant de Dieu, le pouvoir doit nécessairement s’exercer conformément à la justice divine, laquelle est supérieure à la volonté des hommes. S’il y a des droits fondamentaux ils se trouvent dans la justice divine (décalogue). La question qui va intéresser Constantin c’est alors : dans quel ordre se figurer la hiérarchie du pouvoir, l’ordre place-t-il le Roi au-dessus du prêtre ? En fonction de l’ordre des acteurs (prêtre, roi et peuple), le prêtre pourra rappeler ou non au roi que ses commandements ne sont pas conformes à la justice divine : dès que l’on connait une norme supérieure se pose la question de l’autorité terrestre habilitée à confronter deux catégories de normes. Tant que l’empire romain sera debout, on aura un empereur qui dit être prêtre pour être à la fois chrétien soumis à Dieu, mais délié du prêtre comme intermédiaire.

                                2) Les royaumes barbares

A la chute de l’empire, ses successeurs deviennent beaucoup plus dépendants du prêtre comme intermédiaire d’où la velléité d’icelui à imposer aux rois barbares des normes supérieures. Ceux-là se convertissent pour obtenir le soutien des chrétiens et habiller leur pouvoir d’une légitimité romano-canonique que seule l’Église est en capacité d’accorder. Par-là, celui qui est fait Rex se distingue des autres potentats, il a la mission de faire régner la justice (« soit on est Roi en agissant droitement, soit on est rien » - Isidore de Séville) et ce, n’importe où sur la terre (potentiel d’expansion). Cependant, le clergé obtient une place de prédilection, son consentement est déterminant pour le pouvoir politique

                B) Privilèges et libertés communautaires

Chartes, coutumes, l’état des personnes

                                1) La féodalité : une nouvelle société

Composées de trois ordres (oratores, bellatores, laboratores), la société à cette période évolue. La reprise du commerce longue distance et la croissance urbaine fait croitre l’importance des bourgeois. Ils remettent en cause le schéma ternaire en déconnectant le pouvoir politique de la richesse et celui ecclésiastique des affaires intellectuelles. En rétribution des larges contributions qu’ils font aux seigneurs, ils obtiennent des chartes, énoncés de droits qu’on s’engage à faire respecter par la justice, lesquelles transforme le droit arbitraire à un fixe.

                                2) L’accord des chartes

Leur contenu varie de l’une à l’autre mais, à chaque fois, le seigneur se limite. Ces privilèges deviennent privatifs, la peine à laquelle on est assurée d'encourir en cas d’infraction se comprend comme une liberté : celle d’être protégée de l’humeur du juge. Ces règles s’appliquent à tous ceux en l’état de membre de la communauté à laquelle elles sont destinées, chaque individu étant membre à la fois de multitudes d’universitas. Les chartes touchent toutes les castes de la société : après sa défaite à Bouvine lui faisant perdre le duché de Normandie, Jean-sans-terre est forcé, par les barons, à leur concéder des droits.

                                3) Le développement des coutumes.

Dans le même temps, se forment des coutumes, pratiques locales touchant au droit privé. En les appliquant, les tribunaux reconnaissent une sorte d’autonomie de la communauté, elles deviennent des droits propres au même titre que les chartes et même le droit commun des communautés où elles s’appliquent, les chartes sont l’exception. Alors, en cas de conflit de droit, le juge choisi lequel lui semble le plus juste.

                                4) La concurrence des justices

Les tribunaux royaux monopolisant certains domaines puis devant des cours d’appel, les justices s’uniformisent. De plus, le loi, gardien des bonnes coutumes, gagne le droit de supprimer celles qui n’en sont pas.

II) Les doctrines catholiques du droit naturel

                A) Saint Thomas d’Aquin : le thomisme et la scolastique

Droit de nature, pactisme

                                    1) Etablissement des principes

Lorsque, au contact du monde arabe, resurgissent les œuvres philosophiques antiques, on se demande si ces réflexions ne peuvent-elles servir dans le silence de la théologie. Au départ on les rejette puis, rapidement on s’y intéresse. Saint Thomas en est la synthèse. Héritier des principes de ministère divin et de cité mondaine, il va combiner le droit naturel aristotélicien aux conclusions chrétiennes. Pour lui, existe deux champs, le droit naturel, divin, et celui humain lequel doit respecter le premier. L’homme, raisonnable de nature et en incapacité de réaliser seul ce qu’il conçoit, est, de ce fait, sociable. Toute communauté n’est société, pour l’être elle doit être raisonnable et le lieu de l’édiction de la loi profane, ordonnance de celui qui a la charge de la communauté, en vue du bien commun.

                                2) Développement

De ce fait, même après la Chute, l’homme conserve sa nature sociable et raisonnable. Ainsi, vivant en société il ne doit vouloir que le bien de sa communauté. Saint Thomas explique que la vie en société n’est pas une finalité mais une modalité d’accéder à la Grâce. Concernant l’obéissance au Prince, celui-ci rompt avec saint Paul et l’obéissance inconditionnelle en ce qu’il affirme le droit de désobéissance lorsque le Prince gouverne injustement, cela allant à l’encontre de la volonté divine sur la société. « Nulla potestas nisi a deo ced per populo », le peuple organise le pouvoir politique laissé par Dieu comme il l’entend. Cependant, quelle entité est donc compétente pour décider quand le Roi outrepasse ses droits ? La doctrine Pactiste n’y répond pas autrement que par le biais de la Providence : Dieu seul intervient à sa guise et lorsqu’il le souhaite

                B) L’exception nominaliste

Guillaume d’Occam, subjectivisation des droits naturels

Théologien & philosophe anglais, il s’affirme, face aux universalistes comme membre du courant nominaliste. Pour lui, aucun groupe dans la Création n’a d’essence en ce que la toute-puissance de Dieu rend impossible l’existence d’un ordre naturel. Sans universaux, il n’existe de règle entre les individus lesquels sont, à l’image de Dieu, parfaitement libres. La société est le résultat de la pure volonté tout comme l’exercice de son commandement. Le droit naturel existe mais celui-ci est propre à la nature de chacun et non à celle de l’ensemble. L’ordre passe d’indisponible, puisque de création divine, à disponible, puisque dépendant des conventions humaines. L’idée étant qu’au fond, l’individu dispose de droits indépendamment de son appartenance au collectif, qu’il pourrait, de ce fait, opposer à l’ensemble.

                C) Limitation appliquée par le pouvoir

                                1) Le régime mixte

Pensé par Platon, Aristote, Polybe et Cicéron, le régime mixte est celui qui associe partie monarchique, aristocratique et démocratique de sorte à ce que les trois facettes annules les points négatifs des autres.

                                2) Le gouvernement en conseil

Le roi, monarque et souverain, gouverne seul et a le dernier mot. Cependant, le faire en Conseil implique qu’il n’est pas seul à élaborer le dernier mot. La cour féodale (formant le Conseil Près le Roi) et le Parlement (aristocratie), ainsi que les Etats généraux (démocratique), délibèrent afin de s’assurer de la conformité entre volonté royale et raison. La symbolique de dieu est très présente, toutes les grandes réunions commencent par une messe de sorte à placer les décisions sous le regard de Dieu.

Chapitre troisième : genèse moderne des droits individuels

I) L’humanisme.

                A) L’apport de la Réforme.

Dans le Courant du XVIe, les humanistes vont profaniser la réflexion en écartant Dieu du point de départ. La Réforme ici a une place très importante. Luther affirme que la Grâce dépendant exclusivement de Dieu, les actes des hommes n’ont aucune conséquence sur sa volonté, les deux mondes étaient strictement séparés. De ce fait, il n’existe d’intermédiaire effectif et nécessaire entre Dieu et les hommes, le fond religieux du pouvoir est détruit. Seule la foi amène au Salut, c’est un champs individuel et propre qui distingue spirituel de temporel. Lorsque la règle du prince, là pour punir les méchants, s’éloigne trop de celle de Dieu, Luther considère qu’il faut l’accepter, le mauvais prince étant au total une sanction divine pour un mauvais peuple. Jean Calvin, quant à lui, dit que le prince ne peut faire autrement que gouverner selon la parole de Dieu, en cas de distorsion, les croyants doivent prier pour que Dieu intervienne.

                B) Les guerres de religions.

Après la Saint-Barthélemy le 24 août 1572, l’on commence à penser la nécessité de limiter réellement le pouvoir du prince et non plus uniquement moralement. C’est la naissance d’un premier courant constitutionnaliste. Théodore de Bèze développe l’idée selon laquelle les magistrats, recevant l’ordre d’appliquer une loi injuste, se doit de désobéir. Ce sont les exécutants qui sont habilités à juger de la conformité des règles vis-à-vis des impératifs moraux qui s’appliquent à son émettant (devoir de désobéissance). François Hotman, dans son ouvrage « La Franco-Gallia » apporte la thèse des contrepouvoirs. Celle-ci se fonde sur une réécriture de l’histoire voyant en les Parlements et les états généraux des contrepouvoirs en tant qu’héritier des Plaids carolingiens.

II) L’école moderne du droit naturel.

Grotius, Pufendorf, Thomasius, Wolf, Burlamaqui, Barbeyrac, Vattel, pacifier les relations entre nations : le commerce

                A) Un changement de paradigme.

Au Moyen Age, le droit positif n’existe que pour faire respecter les hiérarchies sociales imposées par l’ordo divin (fonction cosmologique). Ainsi, bien que les âmes soient égales, l’égalité individuelle de droit est une absurdité. Les droits sont uniquement ceux des communautés auxquelles la personna appartient. Or, si toute personna est humaine, tout humain n’est pas personna : l’esclave, la femme (n’a de droits qu’en tant que femme ou fille de…), le vagabond (non établi dans une communauté) en sont des exemples. Être « sans aveu », n’avoir personne pour attester de notre moralité et participation au groupe est un problème. Le XVIIe amène l’idée d’individualisation des droits : l’Homme a des droits parce qu’il est Homme et rien d’autre. Le lien avec Dieu n’est pas brisé mais l’on rompt avec l’idée de droit des choses. Dieu, certes tout puissant mais avant tout être raisonnable, a construit le droit naturel dans cette logique, c’est donc par celle-ci également que les hommes peuvent en déceler les règles.

                B) Grotius.

                                1) Contexte historique : la querelle des justes titres et droits.

Hugo Grotius (1583-1645) compagnon des Indes orientales hollandais est au contact, au long de sa vie, avec les cultures et religions diverses. Celui-ci, fière de son expérience, tente d’envisager un droit des relations internationales, commun à tous. A son époque, la controverse des justes titres est à son apogée. Au XVe siècle, le Pape accorda les « Res nullius » africaines au roi du Portugal et américaine à celui de Castille en échange de l’évangélisation des populations locales. Or, les colons, d’abords confrontés à des indigènes, doivent faire face aux empires péruvien et mexicain, sociétés politiquement organisées. Ceux-ci commettent un ensemble d’exactions qui horrifient une partie du monde ecclésiastique. Se pose alors la question de comment justifier ces actes. Sur quels justes droits portugais et castillans se sont basés pour agir ainsi préférant mise en esclavage à christianisation. S’ajoute, après la chute des sociétés, la question de la reconstruction et du droit à imposer un système politique donné. Grotius intervient pour dire qu’entre nations pacifisme doit régner : la nature des états étant la recherche de la paix en ce que la guerre conduisant à la destruction de la société, but à protéger pour l’état. Lorsque obligatoire, la guerre doit être limitée et ne jamais nier l’humanité de l’adversaire. Grotius, en tant qu’hollandais, préfère de loin les guerres commerciales à celles offensives. La controverse de Valladolid (les indiens ont-ils une âme) vient un peu plus pousser vers la considération de l’autre comme partageant une humanité commune.

                                2) Apport doctrinal de Grotius.

                                                a) Le droit naturel est délié de la morale, religion, politique et droit positif.

La morale étant l’outils que l’âme utilise pour surpasser ses pulsions de convoitises liées à la crainte et à la volupté, elle relève de l’affaire individuelle et non de la société. La politique, quant à elle, serait le règlement des conditions d’être propres à l’état. Le droit positif lui est distinct en ce que celui-ci est édicté et dépend d’une autorité contrairement au naturel qui tire son existence de sa propre nature et de son autorité sur les consciences dans la sphère de sociabilité. Le droit naturel est formé du principe de la droit raison qui fait connaitre qu’une « action est honnête ou malhonnête, selon la convenance ou la disconvenance nécessaire qu’elle a avec la nature raisonnable et sociable de l’Homme ». C’est ainsi la science de ce qui est juste qui découle d’un examen rationnel et individuel permettant de tirer des principes de sociabilité et de la morale un corpus raisonnable de droit. Pour les déceler, Grotius propose deux méthode. Premièrement la méthode immédiate laquelle implique de raisonner sur sa propre nature, secondement celle médiate qui déduit les règles par l’observation de l’usage universel des nations.

                                                b) L’individu possède des droits propres.

Pour les scolastiques, l’étude du pouvoir prend celui en vigueur comme finalité à atteindre. De ce fait, leur raisonnement se limite nécessairement à une fin à atteindre. Grotius, lui, tente de déterminer le pouvoir et le gouvernement en fonction des exigences naturelles de l’homme : la société ne fait pas disparaitre les intérêts des individus, le gouvernement doit de ce fait également répondre à leurs besoins. L’état c’est alors « un corps parfait de personnes qui se sont jointes ensembles pour jouir paisiblement de leurs droits et pour leur utilité commune ». L’association étant nécessaire, du fait de la nature humaine, il faut que sa forme serve aux mieux les associés cela parce que la société serait née de la volonté commune de ses membres à s’unir, l’intérêt social, bien que parfois drastiquement différent de celui individuel ne peut absorber le second. Pour Grotius les hommes, limitant leur liberté, la confient restrictivement à l’état qui ne peut acquérir plus d’autorité que l’on ne lui a expressément donné. Cette idée d’aliénation libre sera réfutée au XVIIIe où la pensée sera de considérer que la nature raisonnable de l’Homme et son goût pour la liberté le lui interdit.

                                                c) La société est artificielle et naturelle : issue des hommes et suivant leur nature rationnelle.

L’autorité publique étant le fruit du contrat social, celui-ci est réglé uniquement par le droit privé. Deux sphères existent, celle publique et celle privée, c’est-ce qui permet la continuité de l’état même après la mort de ses associés. L’état de Grotius est définit par son but : la jouissance commune des droits et l’utilité commune. En ce sens, tant qu’il respecte sa finalité, le pouvoir du gouvernement n’a pas forcément à être limité.

                B) Samuel Von Pufendorf.

                                1) Décorrélation du droit naturel avec Dieu.

Dans ses écrits « Les devoirs de l’homme et du citoyen tels qu’ils ont prescrits par la Loi naturelle » et « Du droit de la nature et des gens » celui-ci développe l’idée selon laquelle le droit naturel s’est développé indépendamment de la logique divine et qu’il faut, de ce fait, cesser d’en chercher les règles à travers l’étude théologique pour lui préférer un étude raisonnable de la nature humaine. En effet, d’après lui, si Dieu demeure le créateur d’un droit divin s’appliquant universellement, le monde dans lequel vit l’humanité depuis la Chute a développé un droit naturel de manière autonome qui lui est propre. Avant l’arrivée d’Adam et Ève, la terre était un lieu sans règle or, l’humain y arrivant, sa nature, elle de création divine, a instauré un ensemble de règles nouvelles. De ce fait, le droit naturel ne découle pas directement de Dieu mais du besoin de sociabilité de l’Homme, elle-même découlant de Dieu. L’être humain se meut dans une société dont il est l’ordonnateur.

                                2) Le double pacte.

La société dont l’existence découle d’un pacte passé entre des hommes acceptant de mettre de côté une part de leur indépendance individuelle implique deux pactes Le premier étant pour la société de protéger ses composants et donc du Prince de respecter les droits de ses sujets et le second, des composants de respecter le pacte et donc de se soumettre au droit positif. En effet, les individus s’unissant, érigent un pouvoir capable de les contraindre à respecter leurs engagements. Cependant, ce pouvoir ne saurait jamais mener à la destruction totale de l’individu. Les deux obligations (du prince et des sujets) sont contractuelles cependant, rien n’est dit sur l’autorité compétente à déterminer laquelle des deux parties est responsable de la rupture d’icelui et donc, laquelle sera légitime à agir.

                C) L’expansion au monde catholique grâce à Thomasius, Wolf, Burlamaqui et Barbeyrac.

Christian Thomasius va être l’un des fondateurs de l’école moderne du droit naturel. Ses travaux se concentreront à synthétiser les thèses de Grotius et Pufendorf. Christian Wolf poursuivra son œuvre. Jean-Jacques Burlamaqui, baigné comme tous suisse à la fois dans les références protestantes et catholiques. L’école helvétique va commencer à rendre audibles ces idées pour les contre-réformistes en y ajoutant des pensées connues culturellement comme le gouvernement mixte. Celui-ci rend le droit naturel tiré de Grotius et Pufendorf compatible avec le dogme. Barbeyrac, quant à lui, reprendra les œuvres de Grotius et de Pufendorf pour les traduire à son nom en français et permettre, de ce fait, une plus large diffusion chez les lumières françaises, britanniques et donc américaines.

                D) Emel de Vattel.

 

Sur l’établissement des gouvernements, celui-ci va transformer le pacte de sujétion initial en Constitution comme premier acte de la Nation. Celle-ci a donc pour fonction la protection des droits fondamentaux. De plus, bercé par l’idée des lumières, celui-ci met en place un droit international par lequel il enveloppe l’ensemble de l’humanité fonctionnant suivant que l’humanité, répartie en plusieurs âges de civilisation, dont celle européenne a atteint celui le plus avancé, comprend des populations presque bestiales pouvant et devant être placé sous la tutelle des plus avancées pour bénéficier de leurs lumières. Le fondement du raisonnement colonialiste résultant en : l’humanité se devant d’exploiter la terre, les famines témoignant en ce sens d’une mauvaise exploitation des ressources données en profusions par Dieu, il est légitime de l’imposer, même par la force.

III) La naissance de la Société par le Contrat social de Hobbes à Rousseau.

                A) Thomas Hobbes.

Contrairement aux auteurs de la fin des XVIIIe et début XIXe qui légitimeront la construction d’un pouvoir fort (monarchie absolue, despotisme éclairé), Hobbes est le premier à se positionner différemment. Selon lui, l’homme étant un loup pour lui-même à l’état de nature, il fonde le Léviathan pour se protéger auquel il confie tous ses droits sauf celui de chaque individu à survivre. De ce fait, seul le droit positif compte, on ne peut lui opposer de droits naturels puisque abandonnés au moment de l’érection de la société. Celle-ci n’est en plus de cela pas différente du gouvernement : à l’état de nature la politique n’existe pas, la société la créant, elle ne peut connaitre que le nominalisme, il n’existe qu’une seule entité.

                B) John Locke.

Au contraire Locke, tentant de justifier le coup d’état anglais de 1688 qui a vu Jacques II, soutenu par les tories, se faire renverser par Guillaume d’Orange, soutenu par les whig, va aller chercher en l’état de nature les justifications à l’usurpation. Pour lui, à cet état, les hommes sont libre, heureux et disposent même du droit de propriété (rupture avec l’idée de la propriété de la tradition vétéro-testamentaire : le propriétaire de la Terre c’est Dieu et les hommes n’en disposent que des droits), il ne manque qu’une autorité pour trancher les conflits entre individu, le contrat social n’est ainsi que minimaliste. Le gouvernement n’a alors besoin que de l’autorité nécessaire pour rendre sa mission et faire respecter les droits naturels, il n’est qu’un arbitre. Son droit positif doit en ce sens respecter celui naturel individuel, au risque de s’auto-détruire : nul n’étant obligé de se soumettre à une autorité illégale (question du droit de résistance à l’oppression). En tant que contrat politique, le mandant qui n’en respecterai les termes cesserait immédiatement de pouvoir exercer le pouvoir, on ne cherche à punir mais simplement à autoriser la révolte lorsque confiance est rompue.

                C) Jean-Jacques Rousseau.

 

Pour Rousseau « l’homme est né libre, il est partout dans les chaines », il s’agit alors de trouver un système ou l’homme, obéissant à tous, n’obéira qu’à lui-même. Héritier de Locke il déclare l’égalité comme droit de nature et décrète la propriété comme sa rupture, constitutive de la société. Il refuse les contrats de sujétion : pour lui, personne ne peut se faire esclave lui-même. Le gouvernement idéal serait ainsi la démocratie où chacun, auteur de la loi, se conformerait librement à sa propre volonté en la suivant. La démocratie pensée comme telle ne fonctionne pas sous des mécanisme d’opposition entre majorité et minorité : chacun se doit de voter selon ce qu’il pense être dans l’intérêt général pour former un consensus, conforme à la volonté générale. Les minoritaires ne sont pas lésés, ils se sont simplement trompés sur leur propre volonté. Le citoyen vertueux est ainsi près à sacrifier ses intérêts personnels pour celui de tous. La minorité n’a pas raison parce qu’elle est plus forte que la minorité, tous étant égaux le nombre ne change rien à cela. En effet la société créée du fait des droits fondamentaux n’a de but qu’à les protéger. La Constitution ne les énonce pas, elle se contente de mettre en place des organes à mêmes de les garantir. La loi, puisque fabriquée de la sorte est assurée d’être conforme aux droits naturels, on peut se passer d’un contrôle matériel effectif (nomophilie). Ce qui résultait d’une iuris dictio l’est désormais par la souveraineté, elle passe de liberticide à garante de la liberté : le juge arbitraire, comme l’énonce César Beccaria dans « Des délits et des peines » comment en ce sens une injustice : il ne peut plus produire de droit.

IV) Le nouveau monde des Lumières.

Raison, progrès loi (nomophilie et primauté de la loi positive)

Si pendant le Moyen-âge l’oppressé n’était laissé qu’à la prière et la providence pour se débarrasser de ses tyrans dont le pouvoir n’était que théoriquement limité par un gouvernement mixte censé garantir les droits, les Lumières vont changer drastiquement les choses. En effet à partir des XVIIe et XVIIIe siècles, plusieurs facteurs vont provoquer de graves changements. Tout d’abords l’exploration du monde fait prendre conscience à l’Europe, par les récits de voyage, les romans et le commerce, qu’il existe une humanité qui ne rentre dans ses cadres. La déchristianisation culturelle fait plus facilement accepter qu’on puisse considérer l’autre, même en dehors du christianisme. Ces terres lointaines font espérer à l’existence d’un bout de paradis sur Terre, l’on commence à reconsidérer que le monde soit en paix, les guerres de religions ayant durées si longtemps que l’on avait commencé à croire que la guerre était l’état normal des choses. De plus, les évolutions scientifiques ont également leur rôle à jouer. C’est ainsi que le développement de l’empirisme fait naitre l’idée d’un progrès possible, le temps Newtonien remplace peu à peu celui cyclique moyenâgeux : demain sera meilleur puisque plus savant qu’hier. Cela donne également lieu à l’invention des âges de l’humanité que Condorcet décompte à 9 dans « Esquisse d’un tableau des progrès de l’esprit humain » : l’humanité est une mais à des âges différents, les plus avancés ayant naturellement le devoir de civiliser les retardataires (base du colonialisme). En plus de l’encyclopédisme, les lumières donnent naissance à deux courants politiques opposés : celui du despotisme éclairé voyant en le rejet des droits et libertés traditionnels coutumiers une lutte contre archaïsme et obscurantisme et celui des lumières radicales, tirant conséquence du jus naturalisme moderne, des droits naturels et individuels supérieurs à ceux positifs qui vont faire émerger le concept de constitutionnalisme.

Chapitre quatrième : les développements des droits de l’homme à l’ère des révolutions atlantiques.

« Révolution atlantique » : concept historiographique et néologisme

En 1783, les Etats-Unis d’Amérique deviennent indépendants du Royaume-Uni. Ils proclament leur Constitution en 1787. En 1789, la France proclame la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen. En 1791, le Bill of Rights, un amendement à la Constitution sur les droits individuels, est proclamé aux Etats-Unis. Les déclarations américaines et françaises sont fondées sur des droits individuels de l’homme sur le fondement de la liberté. Une autre grande révolution : la révolution communiste de 1917, est en revanche fondé sur la remise en cause de la propriété sur les fondements de l’égalité. En 1945, il y a le constat d’une faillite du monde libéral. Le monde libéral n’a pas pu arrêter le nazisme. Toute la mythologie des francs-tireurs et partisans fait des héritiers bolcheviques les sauveurs de l’Europe des nazis. La guerre froide n’a pas tardé à se réchauffer dès la fin des années 1940, opposant monde soviétique et monde libéral. De nombreux pays de l’Europe de l’Est rejoignent l’URSS, la chine communiste émerge, et la guerre de Corée éclate. L’université française est très marxiste, et globalement, les intellectuels considèrent que la révolution bolchevique est une étape nouvelle dans le processus révolutionnaire. C’est dans ce contexte que naît le concept de révolution atlantique. Il s’agit d’affirmer que les révolutions de la fin du 18eme siècle sont radicalement distinctes de la dynamique de la révolution russe de 1917. Il faut maintenir vivace les principes de 1789 contre la menace des rouges. Le mythe des trois générations des Droits de l’Homme résulte de la guerre froide et de l’opposition entre deux révolutions. Les révolutions atlantiques, aujourd’hui, permettent de décentrer la révolution de l’Europe et des Etats-Unis. Entre les années 1770 et les années 1830, des deux côtés de l’Atlantique, au nord et au sud, se produit une inversion des concepts et une rupture par rapport à l’Ancien Régime. Le monde de l’Ancien Régime avec ses concepts disparaît. Les valeurs nouvelles sont assises sur l’idée de droits fondamentaux qui doivent être garantis.

 

I) Les révolutions anglaises et l’établissement progressif de garanties constitutionnelles.

Des limites anciennes au pouvoir royal : Grande Charte (1215), conflits entre le Parlement et la royauté absolue : Pétition des droits (1628), acte d’habeas corpus (1689), Bill of Right (1689), Act of Settlement (1701)

Au XVIIIe, les colons américains laissés autonomes et garants de leur propre sécurité, coutaient peu chère aux anglais. Cependant, à la fin de la guerre de 7 ans, la couronne fit payer le prix de la dette à ceux-là par le biais de l’exclusif colonial. Les free-holders demandèrent alors soit à être libéré de ces chaines, soit à être intégré politiquement en obtenant des représentants au Parlement (« no taxation without the representation »). Leur faire payer l’impôt sans leur consentement serait ainsi d’après eux, une oppression. En 1773 la révolte débute lors de la Boston tea party où des marchands refusant de s’acquitter des taxes jettent, déguisés en indien, la cargaison de la compagnie des Indes par-dessus bord. Se revendiquant du double pacte de Pufendorf ils rejettent l’autorité de George III, violateur de la Magna Carta, du Bill of Rights et de l’habeas Corpus. Thomas Paine, dans « Common sens » affirme qu’il est contre-nature qu’un contient entier soit dominé par une île. Edmund Burke, anglais favorable à l’accueil de représentants américains au Parlement londonien n’arrive pas à convaincre le pouvoir central, Londres refuse, les colonies répondent par la déclaration de leur indépendance, il s’agit désormais de chercher comment s’organiser.

II) Des États unis et libres.

La culture politique des treize colonies britanniques de l’Amérique septentrionale, l’oppression du régime coloniale et la rupture du nouveau monde, les textes fondateurs : déclaration de Virginie (1776), déclaration d’indépendance (1776), constitution fédérale (1787), Bill of Rights (1791).

                A) Déclaration d’indépendance et confédération.

La Virginie, menée par Jefferson, est la première, en 1776, à déclarer ses droits sur la vase des droits naturels lockiens et vatéliens. Déclarer les droits semble une sureté juridique pour les assurer, ils sont : la liberté, l’égalité, la sureté, la propriété, le droit de résister à l’oppression et celui de la société à se préserver et deviennent positifs. A sa suite vient la déclaration d’indépendance, pratiquement tous les états suivront ce modèle, sauf la Pennsylvanie qui les liste déjà dans sa charte donnée par William Penn plus tôt. Le premier congres continental conclu à l’érection d’une confédération, les citoyens tiennent chèrement à leur citoyenneté locale et se méfie d’un état central fort.

                B) La Convention de Philadelphie et la fédération : la Constitution de 1787.

La Convention de Philadelphie viendra la remplacer par une fédération, la guerre ne pouvant se mener sans une tête, cependant l’accent sera mis sur la protection de la liberté des états et citoyens (expression « We the People » et non « We the Nation »). Deux échelons protègent ainsi les droits individuels : l’état fédéré et celui fédéral. Cependant, le résultat ne s’est pas fait seul, tout d’abords Jay, Hamilton et Madison en feront la propagande dans les federalists papers, encourageant l’union des états, dénonçant les tares de la confédération. L’idée fédérale est que subsidiarité y règne : l’état central ne peut disposer que des pouvoirs qui lui ont été expressément confiés. La volonté de rédiger une Constitution vient de la pensée selon laquelle il y’aurait lien entre forme des institutions et garantie des droits. Celle américaine est ex novo, elle ne remplace rien mais comble un vide. Elle fonctionne selon un système de gouvernement limité par la séparation des organes et un système de check and balances. La Constitution n’est validée par les états qu’à la condition d’y incorporer une déclaration des droits dans les premiers amendements.

                C) Déclarer les droits par les amendements : le Bill of Rights de 1791.

                                1) Le 1er amendement.

                                                a) La liberté religieuse.

« Le Congrès n’adoptera aucune loi relative à l’établissement d’une religion, ou à l’interdiction de son libre exercice ». Cette règle est plus qu’une reconnaissance de la diversité des religions et sectes réformées présentes à l’origine. Enoncé de manière universelle, ce principe n’a pas cette portée dans l’esprit des auteurs. L’avis général changera ainsi lors de l’immigration des irlandais catholiques à partir de 1840.

                                                b) La liberté d’expression et de la presse.

 

« Le Congrès n’adoptera aucune loi […] pour limiter la liberté d’expression, de la presse… ». Les lumières amènent l’idée qu’exprimer une idée même violente n’implique pas nécessairement passage à l’acte. La censure, au contraire, ne peut maintenir qu’idées fausses contraires au progrès. Les libertés d’opinion et d’imprimerie sont pensée comme l’élément nécessaire à la délibération politique : sans participation au débat par le peuple, celui-ci se désintéresse de la politique et aucune opinion publique unitaire ne peut émerger. La question de l’opinion marginale et dissidente sera discuté elle, plus tard.

                                                c) La liberté de réunion.

« Le Congrès n’adoptera aucune loi […] pour limiter […] le droit des citoyens à se réunir pacifiquement… ». Prise en réaction à la guerre où au lendemain du déploiement des troupes anglaises celles-ci avaient dissout les assemblées politique et interdit les réunions. On cherche à protéger le droit de se retrouver pour prendre des décisions collectivement.

                                                d) Le droit de pétition.

 Le Congrès n’adoptera aucune loi […] pour limiter […] le droit des citoyens […] d’adresser au Gouvernement des pétitions pour obtenir réparations des torts subis ». Il s’agit ici du droit pour les sujets de s’adresser au pouvoir et lui réclamer des droits. Avant la guerre, ceux-là avaient bombardés le Parlement de requêtes et, dès la déclaration, la pratique est interdite dans une logique d’occupation. Le droit de pétition peut se rapprocher de celui de faire recours au souverain pour faire cesser une injustice et du droit de ce dernier à faire grâce.

                                2) Le 2e amendement.

« Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d’un Etat libre, le droit du peuple de détenir et de porter des armes ne doit pas être transgressé ». Sous l’Ancien Régime, avant la constitution de force policière et armée développée, leur rôle était donné aux milices, association de citoyens armés se chargeant de leur propre protection. Or, durant la guerre d’indépendance, leur autonomie ayant été limité par les généraux américains, le second amendement intervient comme une garantie contre le désarmement des milices coloniales. Là où l’état central est loin et désarmé, il est nécessaire pour les honnêtes gens de se défendre face aux dangers (brigands, amérindiens, etc.).

                                3) Le 3e amendement.

« Aucune troupe ne pourra, en temps de paix, être cantonnée dans une maison privée, sans l’autorisation de son propriétaire ; en temps de guerre, le cantonnement ne pourra être effectué que conformément aux règles fixées par la loi ». L’un des moins usité aujourd'hui, au XVIIIe siècle, l’armée ne disposant de caserne, la majeur partie est logée chez l’habitant. Pendant la guerre, les anglais l’ont pratiqué avec abus, cela ayant créé une forme de traumatisme. On retrouve également une reconnaissance de la propriété pleine du foncier : en leur domaine, les propriétaires sont maitres.

                                4) Le 4e amendement.

« Le droit des citoyens d’être garantis dans leur personne, leur domicile, leurs papiers et leurs effets contre les perquisitions et saisies non motivées ne sera pas violé et il ne sera émis aucun mandat si ce n’est sur présomption sérieuse, corroborée par serment ou déclaration solennelle et décrivant avec précision le lieu à perquisitionner et les personnes ou choses à saisir ». Dans l’esprit de l’habeas corpus, le 4e amendement limite droit de perquisition, saisie de bien et place les enquêtes sous la protection d’un juge. C’est dans la même idée que les pardidas espagnoles du XIIIe siècle encadrent la procédure inquisitoriale (développée par le concile du Latran de 1204).

                                5) Le 5e amendement.

« Nul ne sera tenu de répondre d’un crime capital ou infamant sans un acte de mise en accusation, spontané ou provoqué, d’un Grand jury, sauf en cas de crimes commis pendant que l’accusé servait dans les forces terrestres ou navales, ou dans la milice, en temps de guerre ou de danger public, nul ne pourra pour le même délit être deux fois menacé dans sa vie ou dans son corps ; nul ne pourra, dans une affaire criminelle, être obligée de témoigner contre lui-même, ni être privé de sa vie, de sa liberté ou ses bien sans procédure légale régulière ; nulle propriété privée ne pourra être réquisitionnée dans l’intérêt public sans une juste indemnité ». Portant sur le droit pénal, il pose le principe de due process of Law. Le grand jury découlant de l’idée selon laquelle une bonne justice n’est rendue que par les pairs, est alors vue comme une limitation de l’inquisition centrale : les sanctions doivent être validées par la communauté.

                                6) Le 6e amendement.

« Dans toutes poursuites criminelles, l’accusé aura le droit d’être jugé promptement et publiquement par un jury impartial de l’état et du district où le crime aura été commis […] d’être instruit de la nature et de la cause de l’accusation, d’être confronté avec les témoins à charge, de disposer de moyens légaux pour contraire la comparution des témoins à décharge, et d’être assisté d’un conseil pour sa défense ». Il fonde le principe de publicité du procès.

                                7) Le 7e amendement.

« Dans les procès de droit commun où la valeur en litige excédera vingt dollars, le droit au jugement par un jury sera observé, et aucun fait jugé par un jury ne sera examiné de nouveau dans une cour des États-Unis autrement que selon les règles de droit commun ». Pour terminer les querelles le plus rapidement possible, le 7e interdit les recours pour les petites affaires.

                                8) Le 8e amendement.

« Il ne pourra être exigé de caution disproportionnée, ni imposé d’amendes excessives, ni infligé de peines cruelles ou inhabituelles ».

                                9) Le 9e amendement.

« L’énumération de certains droits dans la Constitution ne pourra être interprétée comme déniant ou restreignant d’autres droits conservés par le peuple ». Celui-ci précise que la Constitution n’a pas vocation a être exhaustive et que tout ce qui n’y est pas listé n’est pas sans existence.

                                10) Le 10e amendement.

« Les pouvoirs non délégués aux États-Unis par la Constitution, ni prohibés aux Etats, sont réservés aux Etats respectivement ou au peuple ». Les pouvoirs non expressément délégués à l’état fédéral appartient à ceux fédéré, cela expliquant la relative faiblesse de la présidence américaine jusqu’au début du XXe siècle.

                D) Les exclus de la déclaration des droits.

Bien que les droits sont énoncés universellement, en réalité, seuls les citoyens sont concernés. Ainsi, esclaves, homme de couleur, femme en sont exclus. Les amérindiens particulièrement ont leur droit garantis par les traités que les colons ont signé avec leur Nation, légalement, ce sont des étrangers en terre américaine. L’emploi détermine aussi les droits ainsi, servants, domestiques, ouvriers, employés, journaliers et tous ceux dont la situation économique ne leur permet pas une indépendance matérielle n’ont pas le droit de vote, ce serait, d’après les constituants, le donner à leur maitre (le scrutin ne deviendra universel masculin blanc qu’au XIXe). Ces principes sont l’héritage des assemblées coloniales (seuls votent les propriétaires hommes blancs). Le citoyen reste le free Holder.

III) La révolution française des libertés.

                A) Rupture révolutionnaire et Déclaration des droits de 1789.

                                1) L’héritage américain.

L’Amérique, en plus de provoquer la crise qui frappera les finances de l’état amenant à la réunion des états généraux, fait pénétrer dans l’esprit de la doctrine française le concept de Constitution. Jusque-là assimilé aux actes du Pape et, à la limite, à un acte législatif organisant la politique d’un état, la révolution américaine est la première à y joindre une déclaration des droits. De plus, c’est la première à être le fruit unique des constituants et non une charte sacralisée donnée par une autorité préexistante ou héritée de la coutume. Thomas Paine remet en cause les actes constitutionnels anglais en mettant en avant l’importance de l’acte fondateur, cela crée dans l’esprit des lumières françaises une urgence constitutionnelle : comment le pays de la civilisation ne peut-il pas avoir de Constitution ? Le 4 août les révolutionnaires optent pour une Constitution ex nihilo. Ils entament une déclaration des droits mais en suspendent la rédaction le 26 août pour se concentrer sur l’écriture de la Constitution.

                                2) La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

                                                a) Un préambule déclaratif.

« Les représentants du peuple français, constitués en Assemblée nationale, considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d’exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’homme, afin que cette déclaration constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif, et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés ; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous. En conséquence, l’assemblée nationale reconnait et déclare, en présence et sous les auspices de l’Être suprême, les droits suivants de l’homme et du Citoyen ». Déclarer des droits montre leur préexistence, la DDHC a la particularité de ne faire que transformer des concepts abstraits en un droit positif invocable. La déclaration sert à ce que tous puissent connaitre le contenu du droit naturel et s’en revendiquer.

                                                b) Le contenu de la déclaration.

                                                                i) L’article 1e : la liberté.

« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ». Le principe d’égalité est un bras d’honneur direct aux privilèges de l’ancien régime dont bénéficie la noblesse (rendre la justice, prélever l’impôt, monopole, etc.). Cependant, parce que touchant aussi toutes les autres couches de la société (rapport entre maitre et compagnon), on va voir, dans le courant du XVIIIe, les recours d’ouvriers se multiplier contre leurs supérieurs hiérarchiques. De plus, vis-à-vis des esclaves, alors même que l’article 17 assure le droit de propriété, celui-ci rentre en contradiction avec le second et sera la base de multiples revendications, voire révoltes, au travers de l’empire colonial français (Antilles notamment). Demeurer libre implique qu’en plus d’y naitre par le droit de nature, celui-ci civil continue à en garantir l’état.

                                                                ii) L’article 2e : l’énoncé des droits naturels et imprescriptibles.

« Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l’oppression ». Ne voulant faire de l’égalité un simple droit mais bien un état effectif du fait des droits garantis, le révolutionnaire ne le cite pas ici. La liberté est à voir comme une autonomie individuelle, laquelle sera développée plus tard. Concernant la propriété, il opte pour une version lockienne. A la différence de Rousseau qui voit en l’inégalité de répartition la source des inégalités sociales (les ressources du monde étant limitées), Locke, lui, considère que dans un monde où richesse a été donné à profusion par Dieu, le simple travail de la terre en donne la propriété à l’Homme.  La sureté, désigne toutes les garanties procédurales permettant de repousser l'arbitraire et d’assurer le respect de la loi par les acteurs du gouvernement. Un cas significatif étant la longueur des déclaration : plus le texte est fourni, moins est laissée de liberté (la Constitution de l’an VIII est au contraire courte). La résistance à l’oppression, enfin remonte à l’idée du gouvernement limité, l’on légitime ici le soulèvement populaire en cas d’outrepassement.

                                                                iii) L’article 3e : la Nation.

 

« Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément ». L’école du droit naturel ayant individualisé les droits, la Nation apparait comme un concept tissant un lien direct entre le roi et l’ensemble de ses sujets, sans passer par les communauté dont ils sont parti. La nation monopolise la notion d’intérêt collectif. Au XVIIIe le discours constitutionnel tend à les éloigner, voulant voir en le Roi un simple magistrat de la nation, incarnée par le Parlement. L’école moderne du droit naturel et donc, Vattel, transmet l’idée de la souveraineté nationale, la Constitution devient le gouvernement qu’elle se donne à elle-même, Sieyès ajoute que celle-ci doit agir par la représentation.

                                                                iv) L’article 4e : les bornes de la liberté.

« La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi. » C’est l’affirmation d’un principe de conduite morale. Le fait d’identifier l’homme et le citoyen pose un problème au regard de l’universalité. Tout homme n’est pas un citoyen. Le citoyen doit avoir un rapport moral à la nation. La loi est la limite de la liberté des autres, et la limite de ma propre liberté

                                                                v) L’article 5e : tout ce qui n’est défendu par la loi est autorisé.

« La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas. » L’article 5 prévoit aussi une prescription morale. Cet article est la raison pour laquelle on peut considérer que le Code civil de 1804 est le code des droits des citoyens au sens où celui-ci est le réceptacle ou sont fixés les cadres et marges de la liberté.

                                                                vi) L’article 6e : la loi, expression de la volonté générale.

« La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens, étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. » La loi, expression de la volonté générale, peut être conçue par l’ensemble des citoyens.

                                                                vii) Les article 7e, 8e et 9e.

Les articles 7, 8 et 9 de la DDHC sont des articles de droit pénal. On y trouve le principe de la légalité des délits et des peines, ainsi que la présomption d’innocence. C’est au juge que l’on confie le soin de trancher sur la vérité judiciaire.

                                                                viii) Les article 10e et 11e : la liberté d’opinion et d’impression.

Le 10e prévoit que « nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi » tandis que le 11e que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ». Le second font les bases d’un double régime : préventif et

répressif. Le juge intervient a posteriori pour punir les imprimeurs et journalistes en prenant sur une caution que ceux-ci déposent avant publication. Les deux, au total, imposent la nécessité de créer une opinion publique dont les Lumières considère qu’elle est infaillible et facteur de cohésion de la nation. Cependant, contre-intuitivement, pour faire triompher « l’homme moral » sur l’homme ancien, la révolution va limiter les prises de paroles du second drastiquement.

                                                                ix) Les article 12e et 13e : la force publique et l’impôt.

Le 12e prévoit que « la garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée » et le 13e que « pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leur facultés ». Ceux là mettent en place la force publique et l’impôt équitablement réparti entre les associés qui mettent en commun leur fonds propre.

                                                                x) Les articles 14e et 15e : le contrôle des représentants.

Le 14e prévoit que « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée » et le 15e que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ». Ceux là disposent que le pouvoir politique est représenté certes, mais à des délégués responsables de leurs actions devant le peuple.

                                                c) Conséquences de la DDHC.

En conséquence directe, l’abolition de l’esclavage sera déclaré. De plus, nombreux seront les contrats de l’Ancien régime qui, prenant en compte la hiérarchie sociale, seront annulés. Enfin au nom de l’impossibilité d’aliéner sa propre liberté, association, syndicats et autre regroupement seront limités. En effet, en 1789 liberté de réunion et d’association ne vont pas de concert.

                B) Droit de résistance à l’oppression et Constitution girondine et montagnarde.

                                1) L’égalité juridique.

Si l’égalité juridique est affirmée, celle des fortunes est soutenue par le droit de propriété. La révolution française affirme en ce sens qu’on ne peut contrôler les prix sans porter atteinte au droit de propriété. Sur la propriété d’un tel, nul autre n’a de droit, elle lui est exclusive. Les déclarations de 1793 puis 1794 seront les premières à faire cas de la question sociale du menu-peuple.

                                2) Le droit de résistance à l’oppression.

Dans la Constitution girondine, celui-ci est très large et s’étend même à la résistance contre l’oppression des législateurs, représenté par l’article 33 lequel dispose que « un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une générale n’a pas le droit d’assujettir à ses Lois les générations futures ; et toutes hérédité dans les fonctions est absurde et tyrannique ». Semblable aux remontrances, la procédure de contestation permet aux citoyens réunis dans les assemblées locales de faire pétitions et appels au pouvoir qu’il juge se trompant.

                                3) Deux éléments capitaux.

L’égalité et la résistance à l’oppression sont importantes pour deux raisons. La prise en compte de l’égalité, qui est un phénomène social, remet en cause ce que l’on a appelé à partir de 1978, les trois générations des droits de l’Homme. Cette idée consiste à postuler l’existence de la première génération des droits libéraux individuels, de la seconde génération des droits collectifs, puis de la dernière des droits sociaux. Il s’agit de droits concurrents opposés les uns aux autres, qui impliquent un équilibre soit politique, soit opéré par des autorités juridictionnelles.

                C) Des droits de l’Homme, universels, aux droits de l’homme en société.

                                    1) Des droits toujours non-universels.

Dans les réflexions naturalistes et jusnaturalistes, les Hommes sont au même niveau. La France, phare de l’humanité, se reconnait la vocation à libérer les peuples. Pour ce faire elle déclare la guerre aux tyrans européens. Cependant, une fois libérées, celles-ci sont mises sous tutelle et se voient imposer la liberté française. Cet impérialisme, caractérisé principalement par Napoléon, provoque une réaction nationaliste de rejet. A partir de 1810, l’universalisme de la liberté est remis en cause : la Constitutions se veulent adaptées au caractère de leur peuple. De plus, les années des guerres redonnent souffle à Locke : l’idée que l’Homme n’est pas bon par nature resurgit. Les idéologues dénoncent les déclarations presque divines voire coupée du réel des français : tous les droits ne peuvent s’exprimer partout de la même manière.

                                2) Les tètes doctrinales.

Benjamin Constant et Germaine de Staël : le cercle de Coppet.
Dans « De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes », Constant développe l’idée selon laquelle, bien que dans l’Antiquité, la loi était juste en ce qu’elle naissait de la participation de tous, l’organisation politique de son temps n’a d’objectif que de protéger les droits. Or, parce que tous ne peuvent participer (manque de temps ou d’envie), le gouvernement se doit d’être représentatif. De plus, qui de mieux que les propriétaires payant l’impôt, et ayant le plus intérêt à la sauvegarde des libertés, pour élire ceux qui y feront le moins d’atteintes ? La liberté au total c’est le champs autonome des relations privées dans lequel l’état se refuse d’intervenir. Ainsi, dans la sphère autonome on retrouve par exemple le droit d’aller et venir. L’état ne peut y intervenir que pour protéger le droit de chacun de jouir de son autonomie, seul le bien commun la limite. A l’inverse, la liberté du champs publique se détermine par l’obligation, pour l’état, de respecter les procédures qu’on lui a donné. L’action du gouvernement est restreinte au minimum : jamais on aurait pensé qu’il pourrait imposer des normes de régulation du marché du travail.

Spinoza
Pour Spinoza, la pensée, incontrôlable, doit être laissée absolument libre. L’état ne peut intervenir que pour réguler les modalités d’expression publique de la pensée. L’état ne doit assurer que l’égalité et la liberté aux uns et aux autres. Le Code Pénal de 1810 reprend cette idée en punissant très sévèrement les atteintes à la liberté individuelle et l’égalité contractuelle notamment.

Chapitre cinquième : critiques et développement des droits durant le long XIXe siècle (1799-1914)

I) Des droits civils aux droits publics des français.

                A) Les droits sous le Régime Napoléonien.

                                1) Le directoire.

 

La violence n’ayant quitté la politique intérieure de 1789 à 1793, se produit une volonté d’apaisement chez une partie de l’élite dirigeante. Les thermidoriens en prenant le pouvoir, font peser le poids de la responsabilité des excès sur Robespierre et ses soutiens. Les gouvernements d’assemblée sont craint, on fait alors le parie de redonner voix à l’exécutif et de contenir le droit de résistance à l’oppression dans le renouvellement fréquent, par le vote, des figures politiques. La stabilité implique alors une évolution des droits naturels et individuels à ceux reconnus et conservés en société, la Constitution est républicaine, fondée sur le bien commun. En ce sens, l’homme nouveau, d’après sa déclaration, n’est pas un homme naturel en société, c’est un républicain. L’homme social se doit d’être différent de l’homme naturel.

                                2) L'empire.

Napoléon fait le choix de ne pas inscrire de déclaration des droits dans sa Constitution de l’an VIII, seule une loi du 19 brumaire assure de ne pas revenir sur un certain nombre d’acquis de la révolution dont, notamment la propriété privée (laquelle permet de ne pas remettre en question la vente des biens nationaux). Au total, même si deux commissions sénatoriales sont mises en place par le Sénatus consulte de l’an XII pour la sauvegarde des libertés (individuelle et d’expression) faisant théoriquement du Sénat le gardien des droits, les droits réellement consacrés ne sont que ceux du Code civil (égalité des droits, successorale, liberté contractuelle, etc.). La liberté n’est finalement que là ou la loi ne s’exprime pas. De plus, en régime autoritaire, il n’en existe qui protègent de l’état et même ceux censés garantis sont fréquemment bafoués (liberté de la presse notamment).

                B) Les droits des français de 1814 à 1848.

                                1) Contexte historique.

En 1814, à la chute de Napoléon, le Sénat propose à Louis XVIII un projet de constitution sénatoriale et une déclarations des droits dans lesquelles le peuple souverain, appellerait le Roi en lui imposant le maintien des acquis révolutionnaires, empêchant tout retour à l’Ancien Régime (liberté religieuse, propriété ,égalité, etc.). Cependant, celui-ci la refuse mais promet en contrepartie d’octroyer une charte auto-limitant ses pouvoirs et son arbitraire. C’est un revers aux principes légicentristes.

                                2) La Charte de 1814 : s’écarter de la Révolution sans l’oublier.

Faisant elle-même référence aux chartes médiévales, elle construit un lien fort avec l’Ancien régime. Cependant, elle ne revient pas totalement en arrière, la doctrine du gouvernement limité évolue : celui-ci est limité dans le but de préserver des droits antésociaux. De ce fait, celui-ci doit obtenir le consentement des représentants pour certaines lois. La Charte reconnait un ensemble de droit privés (dans le Code) et publics (dans la Charte) qui reprennent les droits révolutionnaires. Cependant, ceux-là ne sont toujours pas universels, il ne sont que ceux garantis par l’état à sa population.

II) Critique des conceptions individualistes des droits de la Révolution.

                A) Les critiques libérales des droits métaphysiques : Burke et Bentham.        

                                                                       

Edmund Burke
Burke critique la Révolution française dès ses débuts, en 1790, en ce qu’elle déclare des droits sans pouvoir les faire appliquer. Pour lui, le droit naturel doit être révélé de façon empire : interdire l’inégalité ne conduira qu’à la création de réseaux en sous-main : le talent, la force, le travail et les gouts rendent les hiérarchies inévitables, il ne sert à rien de lutter contre. Reprenant l’idée des climats, celui-ci ajoute qu’universaliser les déclarations sans prendre compte des particularismes locaux conduit nécessairement qu’à conflits et malheurs : la constitution social se doit d'être le produit du temps, non pas d’une volonté, les droits naturels ne peuvent reconfigurer la société française. Si l'on veut changer les choses, il faut le faire en profondeur, en jouant sur la réalité sociale, le fond, avant de déclarer, la forme.

Jérémy Bentham
Pour Bentham, les peines et les plaisirs dépendant du temps, la catégorie de droits naturels immuables et universels est une hérésie. Seule la loi positive permet que le gouvernement puisse s’adapter et assurer la satisfaction du plus grande nombre. La morale ici n’a plus sa place : les hommes d’hier n’ont pas à décider pour les hommes d’aujourd'hui, tout est relatif. Pilier de l’utilitarisme, il renvoie à une méthode empirique pour l’évaluation des plaisirs. Le droit doit convenir à la population auquel il s’applique, au moment ou il s’applique. De plus, ceux-là ne doivent pas être abstraits ou imprécis pour ne laisser place à l’arbitraire.

                B) Les critiques contre-révolutionnaires des droits : le Maistre, Bonald et Tocqueville.

Les traditionnalistes
Pour eux, la raison étant extérieure aux individus, le pouvoir politique ne saurait en émaner. Celle-ci fait prévaloir les droits de la communauté sur ceux de la société, dont la connaissance passe par l’étude de l’histoire. Les droits ont été donnés par Dieu, là est la base de toute la pensée contre-révolutionnaire. De plus, en interprétant la société comme basée sur les communautés, avant de l’être par les individus, les traditionnalistes admettent l’inégalités entre particulier n’appartenant pas à la même catégorie.

Josèphe le Maistre
Pour lui, l’individualisme fait disparaître un pans entier de ce qui est la vie humaine, l’aspect spirituel. Les communautés qui existaient n’étaient pas des sociétés fondées sur le privilège mais sur l’amour. Globalement, il manque ce qui fait société. Également, il avance que les projets des hommes sont futiles, seule la Providence divine agissant en définitive.

Louis de Bonald et Alexis de Tocqueville
Louis de Bonald considère que pour forger la solidarité, il est important de remettre en place un système corporatif semblable à celui du Moyen âge. L’état ne doit pas être l’unique régulateur des mouvements de la société. Sur ce point Alexis de Tocqueville le rejoint. Dans « De la démocratie en Amérique », il affirme l’importance de déconcentrer le pouvoir de l’état : affaiblir l’omnipotence de l’administration permet de garantir les libertés locales. En pratique, la Restauration, bien que maintenant la loi de 1803 et le Code pénal, farouche adversaire de l’organisation des travailleurs, tolère dans une certaine mesure les pratiques unionistes.

III) 1948 Des droits démocratiques pour des citoyens éthiques d’une république. 

                A) Contexte historique.

Bien que politisées, les masses représentent toujours un danger pour le pouvoir. Les régimes autoritaires s’appuyant toujours sur un suffrage universel (montagnard, bonapartiste, etc.). De plus, l’industrialisation avançant, l’exode rural a fait se constituer des populations pauvres aux abords des villes. On n’est plus pauvre par fénéantise ou incapacité à travailler, le pauvre méritant existe, les conditions sociales sont la raison de sa condition. La fraternité ayant été proclamée, on se faite de plus en plus de soucis du cas ouvrier. Également, au sujet de l’esclavage, si le roi n’en possède plus depuis 1838, certains demeurent en cette condition, la doctrine n’ayant toujours pas réglé le paradoxe entre égalité et droit de propriété. Peu après la proclamation de la République, le gouvernement reçoit une délégation ouvrière qui lui fait créer un ministère du travail, chose révélatrice de l’évolution des mentalités : l’état rentre dans le champs privé. Les ateliers nationaux sont un pas de plus, leur fermeture sera peu après, l’état ne sachant quoi leur faire produire et ayant besoin que la main d’œuvre se dirige en province pour construire les chemins de fer.

                B) Le préambule de la Constitution de 1848.

                                1) Article 1er.

« La France s’est constituée en République. En adoptant cette forme définitive de gouvernement, elle s’est proposée pour but de marcher plus librement dans la voie du progrès et de la civilisation, d’assurer une répartition de plus en plus équitable des charges et des avantages de la société, d’augmenter l’aisance de chacun par la réduction graduée des dépenses publiques et des impôts, et de faire parvenir tous les citoyens sans nouvelle commotion, par l’action successive et constante des institutions et des lois, à un degré toujours plus élevé de moralité, de lumière et de bien-être ». Vouloir une meilleur répartition des richesses produite c’est ne plus voire en la société la mise en collectif de droits en commun par les actionnaires d’un lointain contrat social (ce qui en mettant le plus recevant plus de répartition). En 1848, la société n'est plus individualiste, elle constitue un tout et se démocratise pour couper l’herbe sous le pied du socialisme (début du solidarisme).

                                2) Article 3e.

« Elle reconnait des droits et des devoirs antérieurs et supérieurs aux lois positives ». Les droits ne sont plus naturels mais constitutionnels et renvoient, pour les droits, à des garanties et, pour les devoirs, à des conceptions morales et éthiques.

                                3) Article 4e.

« Elle a pour principe la Liberté, l’Egalité et la Fraternité. Elle a pour base la Famille, le Travail, la Propriété, l’Ordre public ». Reconnaitre la famille c’est reconnaitre un ordre naturel, il existe des domaines dans lesquels l’état ne doit intervenir : la sphère domestique. Le Travail, quant à lui est-ce qui, dans la logique Lockienne, permet d’acquérir la propriété.

                                4) Article 5e.

« Elle respecte les nationalités étrangères, comme elle entend faire respecter la sienne ; n’entreprend aucune guerre dans des vues de conquête, et n’emploie jamais ses forces contre la liberté d’aucun peuple ». Pour se faire reconnaitre par l’Europe, la France affirme son pacifisme et tente de rompre avec l’image révolutionnaire et napoléonienne. Il faut à tout prix éviter une intervention étrangère voulant tuer dans l’œuf une nation qu’elle penserait belliciste.

                                5) Article 6e.

« Des devoirs réciproques obligent les citoyens envers la République, et la République envers les citoyens ». La communauté est unie derrière la collectivité et inversement. On tente d’instaurer une solidarité et une fraternité réelle. Les droits ne sont pas anarchisants.

                                6) Articles 7e et 8e.

Le 7e prévoit que « Les citoyens doivent aimer la Patrie, servir la République, la défendre au prix de leur vie, participer aux charges de l’état en proportion de leur fortune ; ils doivent s’assurer, par le travail, des moyens d’existence, et, par la prévoyance, des ressources pour l’avenir ; ils doivent concourir au bien-être commun en s’entraidant fraternellement les uns les autres, et à l’ordre général en observant les lois morales et les lois écrites qui régissent la société, la famille, et l’individu » et le 8e que « la république doit protéger le citoyen dans sa personne, sa famille, sa religion, sa propriété, son travail, et mettre à la portée de chacun l’instruction indispensable à tous les hommes ; elle doit, par une assistance fraternelle, assurer l’existence des citoyens nécessiteux, soit en leur procurant du travail dans les limites de ses ressources, soit en donnant, à défaut de la famille, des secours à ceux qui sont hors d’état de travailler ». S’assurer par le travail et la prévoyances de ses propres ressources consiste en affirmer qu’avant de réclamer l’action de l’état, le citoyen responsable doit avant tout compter sur lui-même. De plus, l’état n’intervenant qu’en fonction des ressources que la loi de budget le lui accorde, il peut très bien être privé de tout moyen d’action : il n’a pas l’obligation absolue d’agir. L’état n’aide que lorsque, l’individu, la famille, la société ont failli à soutenir un pauvre méritant.

                B) La constitution de 1848.

                                1) Article 1er : la souveraineté.

« La souveraineté réside dans l’universalité des citoyens français. Elle est inaliénable et imprescriptible. Aucun individu, aucune fraction du peuple ne peut s’en attribuer l’exercice ». La souveraineté appartient exclusivement aux citoyens français.

                                2) Articles 2e, 3e, 4e et 5e.

L’article 2e prévoit que « nul ne peut être arrêté ou détenu que suivant les prescriptions de la loi », le 3e que « la demeure de toute personne habitant le territoire français est inviolable ; il n’est permis d’y pénétrer que selon les formes et dans les cas prévus par la loi », le 4e que « nul ne sera distrait de ses juges naturels, il ne pourra être créé de commissions et de tribunaux extraordinaires, à quelque titre et sous quelque dénomination que ce soit » et le 5e que « la peine de mort est abolie en matière politique ». Par ces articles, le Constituant tente d’encadrer la justice cela en instaurant un droit des sureté, en affirmant l’inviolabilité du domicile, de ne reconnaitre légitime que les tribunaux de l’ordre judiciaire et même d’interdire la peine de mort dont républicains avaient été victimes dans les régimes précédents. Cette dernière évolution permettant l’existence d’une opposition interne d’un régime qui ne se maintien pas que par la terreur.

                                3) Article 6e.

« L’esclavage ne peut exister sur aucune terre française ».

                                4) Article 8e.

 

« Les citoyens ont le droit de s’associer, de s’assembler paisiblement et sans armes, de pétitionner, de manifester leurs pensées par la voie de la presse ou autrement. L’exercice de ces droits n’a pour limites que les droits ou la liberté d’autrui et la sécurité publique. La presse ne peut, en aucun cas, être soumise à la censure ». N’abolissant pas le Code civil, ses principes continuent de s’appliquer. A l’origine une réforme était prévue mais, les conservateurs prenant la main du pouvoir, elle ne se fit jamais.

                                5) Article 9e.

« L’enseignement est libre. La liberté d’enseignement s’exerce selon les conditions de capacité et de moralité déterminées par les lois, et sous la surveillance de l’état. Cette surveillance s’étend à tous les établissements d’éducation et d’enseignement, sans aucune exception ». Les écoles hors contrats n’existent pas encore et les prêtres ont été rayés de la liste des fonctionnaires mais on laisse la possibilité aux congrégations religieuses de tenir des écoles (loi Falloux 1850).

                                6) Article 10e.

« Tous les citoyens sont également admissibles à tous les emplois publics, sans autre motif de préférence que leur mérite, et suivant les conditions qui seront fixées par les lois. Sont abolis à toujours, tout titre nobiliaire, toute distinction de naissance, de classe ou de caste ». La rupture avec l’Ancien régime est totale, on veut en finir avec les privilèges de sang.

                                7) Articles 11e et 12e.

L’article 11e prévoit que « toutes les propriétés sont inviolables. Néanmoins l’état peut exiger le sacrifice d’une propriété pour cause d’utilité publique légalement constatée, et moyennant une juste et préalable indemnité » et le 12e que « la confiscation des biens ne pourra jamais être rétablie ».

                                8) Article 13e.

« La Constitution garantit aux citoyens la liberté du travail et de l’industrie. La société favorise et encourage le développement du travail par l’enseignement primaire gratuit, l’éducation professionnelle, l’égalité de rapports, entre le patron et l’ouvrier, les institutions de prévoyance et de crédit, les institutions agricoles, les associations volontaires, et l’établissement, par l’état, les départements et les communes, de travaux publics propres à employer les bras inoccupés ; elle fournit l’assistance aux enfants abandonnés, aux infirmes et aux villards sans ressources, et que leurs familles ne peuvent secourir ». Les coalitions (d’employeurs et d’employés) sont toujours interdites au nom de la liberté individuelle et de l’égalité. Les droits créances (aide de l’état vers le pauvres) sont moins prioritaire que la protection des deux autres. L’enseignement favorisant le développement du travail est encouragé et rendu gratuit.

                                9) Article 14e.

« La dette publique est garantie. Toute espèce d’engagement pris par l’état avec ses créanciers est inviolable ». Il s’agit ici d’interdire la banqueroute et de rassurer les créanciers d’un état ayant bien besoin du prêt pour fonctionner.

                                10) Articles 15e et 16e : l’impôt.

L’article 15e prévoit que « tout impôt est établi pour l’utilité commune. Chacun y contribue en proportion de ses facultés et de sa fortune » et le 16e que « aucun impôt ne peut être établi ni perçu qu’en vertu de la loi ». La Constitution est très frileuse ave l’impôt. En effet, le vote appartenant aux propriétaires, en majorité présent dans le monde agricole, et l’impôt étant calculé en fonction du foncier, la majeur partie du poids de la contribution publique repose sur les épaules de la paysannerie, laquelle ne tient pas à payer plus pour le salut des ouvriers des lointaines villes.

                C) Louis Napoléon Bonaparte.

Louis-Napoléon Bonaparte, écrivain de « Comment abolir le paupérisme » reçoit une large approbation de la classe ouvrière. Dans l’impossibilité d’être réélu une fois au pouvoir, celui-ci fait, le 2 décembre 1851, un coup d’état, restaurant le régime de l’an VIII en y ajoutant le suffrage universel. Le régime, plébiscitaire, se servant des élections pour renforcer son assise. Au départ, les républicains refusent de participer aux élections mais, à partir de 1858 ils y rentrent et développent une nouvelle théorie des libertés publiques.

IV) Les droits sociaux

                A) Les débats sur les droits sous le IIe Empire.

En 1851, le régime impérial, autoritaire muselle l’opposition républicaine. Celle-ci ne retournera dans les instances politiques qu’à partir de 1858. L’une de ses premières actions sera de pousser au développement des droits sociaux, droits s’exerçant en société, indépendamment des question politiques. Le monde associatif se développe autour de considérations de bienfaisance, on admet que le citoyen puisse avoir un rôle en société, sans pour autant qu’il soit politique. En admettant le droit de réunion, le pouvoir accepte d’abandonner le droit de regard a priori qu’il avait, l’autorisation préalable n’est plus requise, le contrôle ne se fait qu’en réaction, cela se fera en 1863 et, par la loi Ollivier, en 1864 (supprime le délit de coalition instauré en 1791 par la loi le Chapelier). Ces libertés sont vendues comme permettant de libérer l’énergie sociale. Edouard Labouley liste 4 types d’associations :  celles cultuelles (sous le régime concordataire le clergé est fonctionnaire, les associations cultuelles font sortir les questions de culte du champ de l’état), celles éducatives ou d’enseignement (l’état n’a pas le monopole de l’éducation, découle de la liberté religieuse), celles charitables et enfin celle dans le domaine de l’industrie et du commerce (société commerciales de personnes ou de capitaux). On admet l’idée qu’il existe une société en dehors de l’état, Eugene Pelletant, républicain auteur de « Les droits de l’Homme » affirmera que « la société doit permettre de conquérir le sens de l’altérité », celle de la non-unité de la société dans l’état. Les associations permettent de dégager les candidats les plus aptes à se faire représenter, elles servent l’intérêt général. La liberté de la presse, limité depuis 1858 et l’attentat d’Orsini ayant conduit à la promulgation de la « Lois des suspects » réinstaurant des peines pour cause politique, va se libéraliser progressivement. En 1864, dans le « discours sur les libertés nécessaires », Thiers énonce les libertés qu’il pense nécessaire pour sortir la France de sa léthargie : la liberté individuelle (abandonner la loi de sureté générale adoptée en 1858 suite à Orsini), la liberté des échanges idées (la presse doit être moins contrôlée), la liberté de vote (supprimer les candidatures officielles), la liberté d’interpellation des ministres par le corps législatif (base du régime parlementaire auquel il aspire). En 1870 une Constitution parlementaire prend acte de ses changements mais elle n’a pas le temps de s’appliquer que le régime chute à la suite de la capture de l’empereur à Sedan.

                B) La république fondatrice des libertés

                                1) Mise en œuvre législative des libertés.

En 1875, les lois constitutionnelles proclamées n’ont pas vocation à durer, on prévoit alors que le régime républicain va rapidement virer à une monarchie. Cependant, en 1877 les républicains obtiennent la majorité à la chambre des députés et, en 1879 au Sénat. Jules Grévy remplace Mac Mahon, sa famille politique s’apprête à entrer dans une libéralisation profonde du système juridique français.

                                                      a) La liberté de la presse

Le 29 juillet 1881 une loi accorde la liberté à la presse en posant un régime répressif : le contrôle se fait a priori, la seule obligation posée est d’identifier les auteurs des articles pour pouvoir les poursuivre en cas d’abus. Toute liberté repose sur un principe de responsabilité. Des critères sont posés pour garantir la liberté, seuls des faits contraires à l’ordre public peuvent être poursuivis et non des opinions. L’injure et la diffamation ne peut être demandée que par le concerné (les morts sont exclus, sauf à démontrer que l’attaque contre le mort était en réalité destinée à un vivant) et ne peut donner lieu à de la détention provisoire. Il faudra attendre le décret Marchandeau de 1938 pour sanctionner les injures antisémites et la loi Neiertz en 1972 la provocation à la discrimination.

                                                b) L’enseignement primaire pour tous.

Les lois Ferry de 1881-1882 obligent chaque commune à donner un enseignement primaire à ses enfants. Le développement d’un corps d’enseignant permettra, par le biais de leur propagande, l’installation profonde des principes républicains mais aussi d’alphabétiser la population.

                                                c) La liberté syndicale

 

Voulant se rapprocher des ouvriers, le pouvoir fait adopter en 1884 la loi Waldeck-Rousseau qui autorise la constitution de syndicats. Elle répond à la volonté du monde ouvrier de vouloir s’organiser et pour encadrer, par le droit, et dans les limites républicaines, cette pratique (veulent affaiblir les sociales, communistes et anarchistes). En 1898, une autre loi intègre le risque industriel dans la prise en compte du salaire. A cause des nombreux accidents de travail qui touchent le monde ouvrier, le mouvement solidariste milite pour revenir sur le sacro-saint code civil et y intégrer des modalités d’indemnisation d’accident. Pour Léon Bourgeois, la République, écrit-il en 1896, doit transformer le principe de fraternité en un de solidarité, clef à l’harmonie entre générations et classes sociales. Celle thèse va absolument à l’encontre de celle égoïste portée par Emmanuel Kant notamment, fondée sur une vision rousseauiste du contrat-social. Ainsi, pour faire face à la monté des mouvements révolutionnaires (anarchistes et communistes) dans les milieux ouvriers en réaction aux pratiques des patrons (création de l’accident accidentel), l’état organise des allocations pour les blessures industrielles. En effet, l’industrie profitant à l’ensemble de la société, on trouve normal que cette dernière supporte le cout de l’effort de ses travailleurs. C’est la création d’un nouveau droit-créance (qui a un cout pour la société). La loi de 1898 n’admet pas réparation, comme le fait aujourd'hui la sécurité sociale, pour les dommages causés par l’ouvrier lui-même. De plus, elle n’interdit pas la création d’assurances privées. Sont concurrentes alors celle de l’état, des syndicats et des patrons. La solidarité implique que le lien contractuel patron-ouvrier se transforme officiellement en un de subordination (juridiquement, elle était théoriquement égalitaire). Cela a pour conséquence d’atteindre directement le principe de liberté, lequel s’obtient, dans les esprits des gens du XIXe, par le travail. On échange une fraction de liberté contre une autre de solidarité.

Vs

Au XIXe siècle, la défense de la liberté du commerce et de l’industrie justifiait l’envoi d’une force publique violente pour casser les grèves. Dans l’esprit des communistes, l’idée du grand soir consisterait en l’éclatement d’une grève générale, globalisée sur tout le territoire, suffisamment forte pour renverser le rapport de force entre capitalistes et bourgeoisie, soutenus par l’état, et force ouvrière, permettant, in fine, la chute du système capitaliste et l’érection d’une nouvelle société communiste. L’autorisation des syndicats par la loi Waldeck-Rousseau de 1889 marque la volonté du pouvoir de retirer le monopole de la revendication des intérêts du travail des mains d’organisations souhaitant la destruction de la société. La loi de 1898 sur le risque industriel est quant à elle l’une des premières loi solidariste qui va considérablement changer les modalités d’approche du contrat de travail. A l’époque les juristes voyant les nombreuses blessures subies par le corps ouvrier du fait des conditions de travail désastreuses et de la piètre protection offerte par le Code civil, commencent à vouloir réorganiser les choses. Dans le cadre de la monté du solidarisme, doctrine républicaine alternative au socialisme pensée par Léon Bourgeois en 1896 qui s’oppose frontalement à la thèse d’Emmanuel Kant voyant en la société un groupement d’individus égoïste dont l’intérêt ne serait que la protection de siens propres, les juristes vont affirmer que, l’industrie profitant à l’ensemble de la société, il existe un droit créance couvrant les travailleurs des accidents de travail. Avant la loi, les industriels s’étaient attachés à rejeter la faute de l’accident sur l’ouvrier (empêchant toute responsabilité contractuelle) et avaient même créé « l’accident accidentel ». Les conséquences de la loi étant la protection de l’ouvrier même en partie responsable de son accident, c’est le remplacement de l’état libéral en l’état assurance qui n’assure plus uniquement les droits individuels mais aussi la solidarité nationale. Toutefois, l’assurance sociale étatique ne se développera que bien plus tard, aux premiers temps elle est laissée entre les mains des syndicats et des patrons qui se bataillent pour en avoir le contrôle. Cette contrepartie vient avec la contrepartie que le lien liant patron et travailleur est désormais un lien de subordination à la place de celui théoriquement égalitaire du XIXe siècle. La loi de 1898 provient de l’abandon, de la part du monde ouvrier, d’une fraction de leur liberté, contre une fraction de fraternité qui, à la différence des droits créance de 1848, ne sont plus uniquement symboliques.

                                                d) La liberté d’association

En 1901, une loi pose le principe de liberté totale dans la création des associations, seules celles reconnues d’utilité publique ayant des obligations particulières. L’état se délaisse le droit de contrôler l’organisation de la société civile, ni même la légitimité de cette organisation (on ne peut interdire une association au but loufoque).

                                                e) La séparation de l’Église et de l’état

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                                                                i) Le principe apporté

En 1905, une loi du gouvernement d’Emile Combes vient poser les bases de la séparation stricte de l’église et de l’état, parachevant le combat anticlérical hérité de la Révolution. Celle-ci déconstruit tout d’abord l’existence politico-sociale de l’Église puis reconnait un droit d’usage des bâtiments religieux à l’Église catholique. Cela concluant les atteintes au rôle traditionnel de l’église : assurer la liturgie, faire la charité (rendu compliqué depuis la spoliation de ses biens) et s’occuper de l’enseignement (mis à mal par l’enseignement public) qui avaient été temporairement atténués avec le Concordat de Napoléon puis son rétablissement, comme religion d’état, sous la Restauration. La loi de 1905 va, tout en affirmant la liberté de l’enseignement, limiter le financement des écoles confessionnelles.

                                                                ii) La position de l’église sur les droits de l’homme et ses contradicteurs.

Depuis la chute de l’Ancien Régime et les percussions religieuses, l’église catholiques s’est prononcée contre les avancées révolutionnaires. La doctrine sociale de l’église catholique, formulée à la fin du XIXe siècle accuse les droits de l’homme et la version libérale de la société d’avoir provoqués les malheurs du petit peuple en oubliant l’amour, base la face spirituelle de l’homme. Pour elle, les droits de l’homme ont porté atteinte à la dignité individuelle. Elle quittera cette position dans le courant du XXe, après avoir échoué à empêcher le génocide arménien, en se positionnant frontalement contre fascistes et communistes.

                                2) Contrepoints sur la République contre les libertés.

Bien qu’innovant dans de nombreux domaines des droits fondamentaux, la IIIe République emporte avec elle son lot de points noirs. C’est ainsi que la conquête algérienne commencée dès 1834 donnera lieu, entre 1881 à 1887 à l’instauration d’un régime juridique particulièrement cruel vis-à-vis des indigènes (indigénat). Au départ instaurés pour permettre aux populations locales de continuer à être régis par leur droit (musulman), il fut ensuite utilisé pour confier au pouvoir militaire de larges pouvoirs dans le cadre de son rôle de la lutte contre les soulèvements. L’arrivée de la IVe République et l’incorporation des colonies dans l’Union Française signa la fin de ce système juridique, toutefois, l’instauration de l’apartheid au même moment en Afrique du Sud (1948) montre bien qu’un changement planétaire sur les relations entre les hommes n’était pas encore arrivé (le régime durera jusque 1991, l’ANC de Mandela étant communiste, il représentait un danger pour les occidentaux en pleine guerre froide).

Chapitre cinquième : les droits fondamentaux au XXe siècle

I) Le monde dans la guerre industrielle : première crise des droits fondamentaux.

                A) Les atteintes aux droits durant la guerre.

La guerre marqua un changement de regard des hommes sur le monde. Si durant le Moyen Age il n’avait pas vocation à être source de bonheur, les idées des lumières et du progrès inversèrent les choses, Saint-Simon affirmant ainsi que l’âge industriel amènerait des bien faits à l’humanité et Emel que l’exploitation de la terre profiterait à celle-ci. La première guerre mondiale, sa violence et la presque négation de la valeur de la vie humaine (Génocide des arméniens, atrocités de guerre), conduisirent les nations à vouloir s’organiser pour éviter qu’une chose pareille ne se reproduise.

                B) Renforcer la justice pour rétablir la paix.

                                1) Instauration de la SDN et premiers échecs.

En janvier 1918, peu avant la paix, le Président américain Wilson proclama un discours dans lequel il énonça 15 réformes absolument nécessaire pour éviter de reproduire une telle erreur :

  • Instauration d’un cadre de discussion franche et rejet de la diplomatie secrète.

  • Liberté absolue de navigation sur les mers internationales.

  • Retrait des barrières économiques conduisant à l’entretien de relations pacifiques par le commerce.

  • Limitation de la course à l’armement.

  • Promotion du droit des peuples à disposer d’eux même (se heurte aux intérêts des pays colonisateurs).

Repris par les états, le Traité de Versailles, en plus de régler le cas des indemnités de guerre dues par l'Allemagne, créa la Société des Nations, organisation internationales pour la paix. Celle-ci, bien que rayonnant sur une large partie du monde, du fait de la participation à celle-ci des principales puissances coloniales (Royaume-Uni & France), ses effets directs seront un limités et elle ne saura empêcher la seconde guerre mondiale. Plusieurs raisons peuvent expliquer cet échec. Tout d’abord, la non-participation des États-Unis dont le Sénat refuse de ratifier le traité de Versailles. Ensuite, le retrait successif du Japon (après l’agression sur la Chine), de l’Italie (1935 attaque l’Ethiopie) et de l'Allemagne (1935 remilitarisation de la Rhénanie pour l’instauration d’une économie de guerre). L’incapacité de la SDN à opposer une réaction aux actes bellicistes des puissances lointaines en sera une autre.

                                2) Des avancées, cependant, en matière des droits fondamentaux.

                                                1) La lutte contre le travail non-libre.

Si la traite négrière (déporter de force une main d’œuvre capturée) avait été interdite lors du Congrès de Viennes (1814-1815) et l’esclavage lors du Congrès de Berlin de 1885 d’autres systèmes d’engagement longue durée l’avaient peu à peu remplacé (les coolis). Les pays d’origine des expatries (Chine, Inde, Japon, etc.) poussèrent pour leur protection de leur droits. Cela conduisit la SDN à créer en 1930 l’Organisation internationale du Travail, organisation annexe tirée de conventions passées chargée de lutter contre le travail forcé.

                                                2) Punir les génocides.

Se rendant compte des atrocités commises durant la première guerre mondiale avec, notamment, la découverte du génocide arménien, certains pensèrent à la possibilité de créer des tribunaux ad hoc pour juger, avec le droit international de ces crimes. Cependant, n’étant pas suivi par les états membres, presque aucune sanction ne fut prise. Chaque pays devant ainsi juger uniquement ses ressortissant et le pouvoir turc n’étant pas volontaire dans la démarche. Ce n’est que bien plus tard qu’on pensa inventer la notion de compétence universelle pour les crimes contre l’humanité.

II) Les défis des expériences totalitaires aux droits.

                A) La négation fasciste et nazie des droits.

                                1) Avant et pendant la guerre.

                                                a) Le récit génocidaire.

Après l’épisode de la Marche sur Rome de 1924, Mussolini arrivé au pouvoir met en place un régime de répression contre ses ennemis. Dans le même temps, Hitler, devenu Chancelier du Reich fait appliquer, dès sa monté au pouvoir, une politique antijuive conduisant au vote, en 1935, des lois de Nuremberg distinguant, au sein de la population du Reich entre citoyen allemands détenteurs de droits et ressortissants allemands auxquels furent attachés juifs et autres opposants politiques au régime (communistes, libéraux, etc.). La solution finale théorisée en 1941 lors de la Conférence de Wannsee commencera a être mise en place de manière désorganisée et brutale par l’action des Einsatzgruppen, groupes armés à l’origine destinés à la répression des poches de résistances dans les territoires fraichement conquis par la Wehrmacht. Cependant, rapidement, le massacre s’industrialisa par l’usage, bien connu, des camps d’extermination.

                                                b) Le point de vu occidental.

Déjà, avant la guerre, les occidentaux avaient commencer à penser des moyens de sanctionner les crimes de masse. C’est ainsi que la Charte de l’Atlantique n’avait pas seulement pour objectif de gagner contre l'Allemagne, l’Italie ou le Japon mais surtout de défendre des valeurs centrées sur la liberté, la démocratie et la lutte contre la barbarie, termes employé, pour la première fois, lors de la Conférence de Madrid en 1934 comme alors les prémices de crime de génocide.

                                2) L’après-guerre.

Au sortir de la guerre les occidentaux découvrant les atrocités commises, voulurent frapper fort et condamner rétroactivement et massivement les crimes commis. L’on inventa alors le principe selon lequel, bien que ces actes aient été fait dans le respect du droit positif des pays, l’état n’avait jamais eu le droit de passer de telles normes qui, de fait, étaient illégales en elles même. Toutefois, puisque eux même appliquant des régimes ségrégationnistes (Jim Crow, Indigénat, etc.), les vainqueurs précisèrent bien dans les traités que les sanctions ne pouvaient les concerner, cela en jouant sur les mots (la répression de Sétif et Guelma de 1945 pouvant être assimilé à un crime contre l’humanité comme bombardement massif sur population civile mais fut classé comme opération de maintien de l’ordre). Quoi qu’il en soit, accepter que la communauté internationale juge les crimes de génocides c’est intégrer un recul des principes de souveraineté vis-à-vis du droit international. Cela s’appliquera tant vis-à-vis des exactions commises par l’armée japonaises dans sa guerre contre la chine, que par l'Allemagne vis-à-vis des juifs ou des soldats et populations alliées et notamment soviétiques. Il est à noter que tous les régimes totalitaires ne seront pas concernés par cette répression comme notamment ceux d’Amérique latin, protégés par les États-Unis et surtout l’Espagne de franco puisque alliée des occidentaux et n’ayant pas directement participé à la Seconde guerre mondiale.

                B) Les paradoxes de la Constitution soviétique de 1936.

Lorsqu’en 1917 la Révolution Russe éclate, les bolchéviques sont alors extrêmement minoritaires. Cependant, profitant du désaveux de la population vis-à-vis du tsar, ils réussissent à prendre le pouvoir. En 1924, Lénine dote la fédération des républiques soviétiques d’une constitution sans, cependant, lui adjoindre aucune déclaration des droits. Pour ça il faudra attendre 1936 et Staline laquelle reconnait aux citoyens soviétiques un certain nombre de droit plus symboliques que réels :

  • Droit à la propriété personnelle (revenus, épargne, maison d’habitation, objets domestiques) et droit d’en hériter.

  • Droit au travail via l’Organisation socialiste de l’économie nationale.

  • Droit au repos.

  • Droit un système d’assurance sociale en cas de faiblesse, maladie ou incapacité de travail.

  • Droit à l’instruction générale, obligatoire et gratuite (y compris supérieur grâce aux bourses).

  • Droit à l’égalité entre les sexes.

Ces droits sont suivis de devoirs dont l’article 131 en donne un important selon que « tout citoyens de l’URSS est tenu de sauvegarder et d’affermir la propriété commune, socialiste qui est la base sacrée et inviolable du régime soviétique, la source de la richesse et de la puissance de la patrie, la source d’une vie aisée et cultivée pour tous les travailleurs. Les personnes qui attentent à la propriété sociale, socialiste, sont les ennemis du peuple ». La constitution suit la même logique que celle révolutionnaire française de 1792, l’on impose un serment d’allégeance sans quoi on s’affirme ennemi de l’état. Au total, les communistes reprochent aux déclarations des gouvernements de ne rester que purement théoriques et de reconnaitre des droits, sans rien faire pour les garantir concrètement. Cependant, dans la réalité, leurs sociétés sont tout autant, si ce n’est plus, restrictives en libertés : chose qui fondera les principales critiques occidentales durant la guerre froide.

III) Les « libertés nécessaires à notre temps » : le nouvel ordre d’après-guerre.

                A) Les modalités d’internationalisation de la protection des droits fondamentaux.

                                1) La déclaration universelle des droits de l’Homme.

                                                a) Le comité de rédaction.

Tirant conséquence des échecs de la SDN à empêcher la Seconde guerre mondiale, les pays vainqueurs s’unirent une seconde fois pour créer l’Organisation des Nations Unies en 1945 au sortir du conflit avec l’idée de s’organiser pour porter secours aux populations martyrisées par leur propre pays. En effet, en plus des réfugiés de guerre, l’Europe était traversée par de larges mouvements de populations, juives notamment, depuis que la théorisation du sionisme par Théodore Hertzel. C’est ainsi dans ce contexte que plusieurs représentants alliés se rencontrèrent pour rédiger une déclaration universelle des droits de l’homme. On y compta Eléanore Roosevelt, féministe engagée et épouse de Franklin Roosevelt représentant les États-Unis, Peng Chun Chang représentant la Chine républicaine du Kuomintang (seul asiatique, signe de la reconnaissance de l’importance du continent et de la volonté d’aller chercher ailleurs qu’en Occident des représentants de l’humanité), René Cassin représentant la France, Charles Habib Malik représentant le Liban, John Peter Humphrey rédacteur du projet préliminaire de la déclaration mais aussi des représentants de l’URSS, de l’Australie et du Chili.

                                                b) Les enjeux de la déclaration.

Une fois la rédaction terminée, l’on fit le choix de l’adopter globalement et de ne pas laisser les états débattre de son contenu, de peur qu’ils ne restreignent sa vocation globale. Durant le vote les états soviétiques s’abstiennent en protestation contre ce qui n’est, pour eux, qu’une déclaration symbolique bourgeoise non assortie des systèmes juridiques pour le garantir concrètement. L’absence d’effectivité la priverait ainsi de tout intérêt politique. Quoi qu’il en soit, bien que le préambule annonce le caractère d’idéal à atteindre de la déclaration, celle-ci proclame un ensemble de droits humains « inaliénables, interdépendants et universels », chacun ayant la même valeur, s’appliquant à tous qu’importe les volontés particulières étatiques.

                                2) Les autres textes internationaux.

Signe de l’entrée en guerre froide, le monde va se diviser, à partir de 1966, entre les pays soviétiques ratifiant le « pacte des droits économiques, sociaux et culturels » et ceux occidentaux du « pacte des droits civils et politiques ». A partir des années 1960, l’on va voir une multiplication des conventions spécialisées : soit sur des sujets précis, soit sur des aires géographiques circonscrites, sans doute du fait du mouvement de recul lancé par les pays non alignés, nés de la décolonisation, peu enclin à abandonner fraction de leur souveraineté nouvellement acquise. Plusieurs sont à citer :

  • 1973 : Convention internationale sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid.

  • 1979 : Convention sur l’élimination de toutes formes de discrimination à l’égard des femmes

  • 1981 : Charte africaine des droits de l’homme et des peuples

  • 1989 : Convention internationale des droits de l’enfant.

En 1950 les Européens conclurent de la CEDH. Si la jurisprudence de celle-ci fut tout d’abords limitée, dès les années 1990 la Cour EDH profita du développement de son contentieux pour étoffer largement le contenu du traité. Son combat, aujourd'hui, est l’agrandissement de sa zone de juridiction en effet, la bien que la convention est réservée aux pays de culture européenne, n’importe qui peut se revendiquer lié par la Cour de justice (États-Unis, Afghanistan, etc.) et, de fait, permettre à ses citoyens de porter recours devant.

                B) Le cas français.

                                1) Elaboration et premier projet de Constitution.

Refusant la légitimité du gouvernement de Vichy, René Cassin, suivant de Gaulle en exil, trouve en le droit français des sources permettant la création, rétroactive depuis 1939, d’un gouvernement de défense. En décembre 1941 quatre commission réglant la situation d’après-guerre sont instaurées. Une d’elle, chargée des problèmes d’ordre juridiques (réforme de l’état, punition des crimes de guerre, réparation, etc.) joue un rôle pioner dans le domaine des droits de l’Homme. Ceux-là, dont font partie Simone Weil et d’autres philosophes et intellectuels réfugiés en Amériques du Nord s’inspirent du discours du « sang et des larmes » de Churchill, des déclarations de 1789, 1793, de la Constitution soviétique de 1933 et du Bill of Rights américain pour produire, en 1943, le préambule de la future Constitution. Il sera suivi d’un premier projet de Constitution contenant une déclaration des droits et des devoirs mais qui sera finalement rejeté par référendum. En réaction, une commission de 42 membres est mise en place et atténue la portée du préambule pour passer d’un texte s’imposant au législateur à une simple liste d'objectifs à atteindre.

                                2) Le préambule de 1946

Celui qui sera en 1989 rendu constitutionnel du fait de sa présence dans le préambule de 1958 comprend plusieurs notions extrêmement importantes. Chose importante, les PFRLR ne sont pas énumérés, signe de la volonté du Constituant de laisser la charge, aux juges, d’en déterminer le contenu. Dans une autre idée la dignité humaine est consacrée, les droits de l’homme de 1789 mais aussi des principes économiques et sociaux comme, le droit de grève (illicite mais pas illégal depuis 1910, accepté désormais) ou encore celui à la vie familiale, à la santé, le droit à l’emploi, etc. Ces droits créances ne sont pas tant à voir comme des droits individuels que comme des légitimation à l’action de l’état dans ces domaines. Quoi qu’il en soit, le préambule le reconnait lui-même, dans l’optique de chercher l’équilibre, l’état a droit de limiter l’étendue de ces droits, tant que cela profite à l’intérêt général.

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