Droit des sûretés
INTRODUCTION
La sûreté permet à des créanciers en concurrence de toucher l’intégralité de tout ce qui leur est dû. Il faut distinguer les sûretés réelles et les sûretés personnelles. La sûreté personnelle consiste à demander à une personne qui n’est pas débitrice principale le paiement d’une dette en cas de défaillance du débiteur principal. On parle de cautionnement. La sûreté réelle repose sur la technique d’affectation d’un ou de plusieurs biens du débiteur principal de manière préférentielle ou exclusive au profit de certains créanciers. D’une part, les techniques d’affectation préférentielles sont les gages (biens corporels), les nantissements (biens incorporels), les hypothèques (immeubles) ou les privilèges (sûretés légales mobilières ou immobilières). D’autre part, les techniques d’affectation exclusives sont le droit de rétention et l’utilisation du droit de propriété à des fins de garantie.
§1. Raisons d’être des garanties
Le créancier non titulaire d’une sûreté est un créancier chirographaire. Les prérogatives du créancier chirographaire sont précisées aux arts.2284 et 2285 c.civ. Le premier de ces textes (art.2284 c.civ) énonce que « quiconque s'est obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir ». C’est le droit de gage général conféré à tout créancier sur le patrimoine de son débiteur. Le second de ces textes (art.2285 c.civ) dispose que « les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers et le prix s'en distribue entre eux par contribution ». Tous les créanciers peuvent saisir les biens qui appartiennent à leurs débiteurs, les faire vendre pour se faire payer le prix. C’est la règle du concours. Le créancier chirographaire peut également exercer l’action oblique qui vise à exercer les droits que le débiteur néglige d’exercer et la fraude paulienne qui vise à se rendre inopposable un acte passé par le débiteur en fraude de son droit.
Le créancier doit se protéger contre deux risques. D’une part, le risque d’insolvabilité qui est le fait pour un débiteur de ne pas être en mesure de payer ce qu’il doit. D’autre part, le risque d’immobilisation qui est le risque de ne pas être payé à l’échéance. Tous les débiteurs ne sont pas dans le même cas de figure et le risque est fortement lié aux qualités du débiteur. Par exemple, depuis la loi du 14 février 2022, l’entrepreneur individuel dispose de plein droit d’un patrimoine professionnel et d’un patrimoine personnel relativement étanches. Le créancier professionnel dispose d’un droit de gage qui porte exclusivement sur le patrimoine professionnel. Ces risques légitiment l’existence de mécanismes permettant de limiter leurs conséquences pour les créanciers.
À toutes les époques et dans tous les systèmes juridiques, on trouve un droit des garanties. Le créancier qui fait le mieux valoir ses intérêts est l’État pour le recouvrement des impôts. Le raisonnement est le même pour tous les systèmes juridiques. Certaines sûretés sont simples et peu chères (cautionnement) tandis que d’autre sont complexes et chères (fiducie, hypothèque). Pour le créancier, la meilleure est celle qui est facile à mettre en œuvre. Pour le débiteur, certaines sûretés peuvent le conduire à se dessaisir de son bien.
§2. Histoire du droit des garanties
Le droit romain, empruntant au droit grec, a posé les bases du système. En France, des sûretés modèles ont été imaginées et ont été consacrées par le Code civil en 1804.
A. Les sûretés modèles
Le droit romain a joué un rôle essentiel en la matière car on y trouve tous les modèles de sûretés aujourd’hui reconnus. Le premier modèle est le cautionnement, sûreté personnelle par excellence, qui recouvre le cas dans lequel une personne s’engage à payer la dette d’autrui. À l’origine, le cautionnement est un service amical et familial. Par exemple, un proche s’engage pour favoriser l’obtention d’un crédit d’un autre membre de la communauté. En droit romain, cela autorisait à emprisonner le débiteur tant que le paiement n’était pas effectué.
Le droit romain a également connu les sûretés réelles. Il connait le gage sous le nom de pignus, qui a vocation à porter sur un bien meuble corporel. Il connait également la fiducie, transfert temporaire de la propriété d’un bien du débiteur à son créancier, celui-ci s’engageant à opérer un re-transfert si le débiteur principal a exécuté son obligation. Le droit romain emprunte au droit grec l’hypothèque, sûreté réelle sans dépossession (idéale pour les biens immobiliers). Son intérêt est de permettre au constituant de conserver l’usage de son bien. Le droit romain consacre également les privilèges, droits reconnus à certains créanciers en raison de la qualité de leurs créances. Il consacre aussi le droit de rétention, possiblement première sûreté (forme de justice privée) qui est le droit de retenir une chose dont on a la maitrise et de la conserver tant qu’on n’a pas reçu l’intégralité du paiement des sommes dues.
En 1804, le Code civil consacre le cautionnement (seule sûreté personnelle), le gage, l’hypothèque, le privilège, reconnait le droit de rétention mais oublie la fiducie. En effet, le Code consacre une conception absolue du droit de propriété qui confère à son bénéficiaire toutes les prérogatives matérielles et intemporelles liées à son bien. Or, par définition, par le transfert fiduciaire, le propriétaire n’acquiert pas toutes les prérogatives sur le bien et sa propriété est limitée dans le temps puisque le constituant (débiteur) a vocation à retrouver sa propriété s’il exécute son obligation envers le créancier. Le refus de reconnaitre le droit de propriété à des fins de garanties se prolongera jusqu’en 1980.
B. L’évolution contemporaine
1) Le perfectionnement des sûretés modèles
Le perfectionnement des sûretés modèles touche principalement les sûretés réelles car il faut tenir compte de certaines évolutions du droit des biens à partir de 1804. On aura un développement de sûretés sans dépossession. Cela est lié à l’apparition, dans les patrimoines, des biens incorporels (fonds de commerce en 1900). Le développement de sûretés sans dépossession a été rendu possible par le développement de la publicité des sûretés sur des registres réalisée par la réforme de la publicité foncière en 1955. Le XXe siècle a été une occasion de multiplier et de diversifier les sûretés réelles pour tenir compte de la spécificité des différents biens susceptibles de constituer l’assiette des sûretés. À cette phase de perfectionnement a succédé une phase de déclin.
2) Le déclin des sûretés modèles
Il s’agit d’une perte d’attractivité pour les créanciers des différentes sûretés modèles existantes. S’agissant du cautionnement, jusque dans les années 1980, il a été conçu dans le seul intérêt du créancier dont les droits étaient quasiment sans limite alors que la caution ne bénéficiait d’aucune protection. Par exemple, les dirigeants d’entreprise se portaient systématiquement caution de toutes les dettes de leur entreprise. Cela a donné lieu à des évolutions législatives et jurisprudentielles ayant renforcé considérablement la protection des cautions à tel point que la poursuite d’une caution personne physique menait souvent à l’annulation ou à l’extinction du cautionnement.
Le phénomène de remise en cause a aussi affecté les sûretés réelles classiques. Les années 1980 marquent un changement de perspective majeur pour le droit des procédures collectives. Avant 1980, le but de la procédure collective était de liquider les actifs d’une entreprise pour payer les différents créanciers de manière ordinaire. À partir de 1980, on considère que le droit des procédures collectives devait avoir pour finalité de sauver les entreprises qui étaient susceptibles de l’être. C’est à partir de cette date qu’a commencé le mouvement consistant à imaginer les procédures collectives dont la seule finalité devenait le sauvetage de certaines entreprises (règlement judiciaire devenu redressement judiciaire). Or, pour que l’entreprise en difficulté conserve des chances de survie, il faut que les créanciers acceptent ou se voient imposer des délais de paiement voire des remises. Se dégagera un principe d’interdiction des poursuites et d’interdiction de mise en œuvre des sûretés. Cette période de laminage des sûretés a expliqué la phase suivante qui est celle de la recherche de sûretés de substitution.
3) Le recherche de sûretés de substitution
S’agissant des sûretés personnelles, l’affaiblissement du cautionnement s’expliquait en grande partie par la reconnaissance à la caution de moyens de défense (exceptions) qui se déduisait du principe du caractère accessoire du cautionnement suivant lequel la personne qui se porte caution a les mêmes droits et peut faire valoir les mêmes moyens de défense que le débiteur principal (on peut discuter avant de payer). La pratique a imaginé une sûreté qui n’est pas accessoire qu’est la garantie autonome (on paie et après on discute). Elle a aussi découvert la lettre d’intention émise par les sociétés mères au profit de leurs filiales.
S’agissant des sûretés réelles, l’effet réel de la procédure collective conduit à appréhender tous les biens qui figurent dans le patrimoine du débiteur. Les droits des autres créanciers, même titulaires de sûretés sur les biens, s’en trouvent paralysés (interdiction de poursuite et de mise en œuvre des sûretés). Pour contourner cela, les créanciers redécouvrent l’utilisation du droit de propriété à des fins de garantie. À partir de 1980, on multipliera les consécrations ponctuelles du droit de propriété à des fins de garantie. Une loi de 1980 reconnait l’opposabilité de la réserve de propriété dans les procédures collectives. La loi Dailly du 2 janvier 1981 consacre la cession de créance à titre de garantie au profit d’un créancier préférentiel. C’est une période d’enrichissement du droit des sûretés.
4) La réforme du droit des garanties
Le droit des sûretés a été profondément réformé de 2004 à nos jours. La première évolution a consisté à introduire dans le Code de la consommation des dispositions propres au cautionnement notamment un formalisme à peine de nullité et d’autres protections accordées aux cautions. Lors du bicentenaire du Code civil, il a été demandé aux universitaires de vanter ses mérites. D’où l’idée de refondre significativement le domaine en considération des évolutions qui s’observent dans d’autres systèmes juridiques. La chancellerie a formé des groupes de travail. Michel Grimaldi réunit une équipe pour refondre complètement le droit français des sûretés avec deux limitations posées par la chancellerie. D’une part, le groupe ne doit pas traiter de la procédure collective et, d’autre part, il ne devait pas s’occuper de la fiducie. Le groupe propose de réformer les sûretés par voie d’ordonnance. Néanmoins, les députés ont considéré que le cautionnement relevait du domaine parlementaire. Cette amputation s’est traduite par une réforme intervenue par une ordonnance du 23 mars 2006. À cette occasion, on modifie le gage sans dépossession et on développe un régime pour le nantissement de créance introduisant l’hypothèque rechargeable.
En 2007, sans prévenir la chancellerie, les parlementaires profitent d’un créneau libre dans l’ordre du jour à l’Assemblée pour introduire la fiducie en droit français par la loi du 19 février 2007. Cette loi traduit la fin de l’hostilité du droit français à l’égard de l’utilisation du droit de propriété à des fins de garantie.
En 2021, on se rend compte que la réforme du droit des sûretés a été incomplète et qu’il faut réformer le droit des procédures collectives puisqu’une directive était en cours de transposition. Deux ordonnances du 15 septembre 2021 réforment le droit des sûretés et le droit des procédures collectives. S’agissant des sûretés, le droit du cautionnement est refondu en totalité et toutes les dispositions contenues dans le Code de la consommation disparaissent. S’agissant des sûretés réelles, quelques adaptations à la marge du régime des garanties ont été réalisées. S’agissant des procédures collectives, des règles précisent le régime des sûretés. La réforme crée la sauvegarde accélérée, nouvelle procédure. À la suite de ces différentes réformes, le droit des sûretés a été complètement refondu. 3 sûretés personnelles sont reconnues que sont le cautionnement, la garantie autonome et la lettre d’intention. On trouve également le droit de rétention (sûreté qui n’est ni personnelle ni réelle).
Malgré ce travail de reconstruction, le droit des sûretés reste complexe car on a voulu respecter la tradition juridique française de la diversité suivant laquelle il existe une garantie par type de bien. Il reste en outre complexe car il existe toujours un croisement délicat entre droit des sûretés et droit des procédures collectives.
§3. Classification des garanties
La classification des garanties peut s’opérer à partir de deux distinctions fondamentales. D’un côté, les sûretés personnelles et les sûretés réelles et, de l’autre, la garantie et la sûreté.
A. La distinction des sûretés personnelles et des sûretés réelles
Cette distinction est fondamentale. Elle est reprise dans le Code civil car elle repose sur la distinction entre droit personnel et droit réel. Le droit des sûretés personnelles repose sur des mécanismes issus du droit des contrats alors que l’environnement juridique des sûretés réelles relève principalement du droit des biens. La sûreté personnelle recouvre l’hypothèse où une personne prend l’engagement de payer la dette d’autrui qui peut être accessoire (cautionnement) ou indépendant (garantie autonome). Ce qui caractérise une sûreté réelle est l’affectation d’un ou de plusieurs biens du débiteur au profit de son créancier. Elle peut être préférentielle (gage, hypothèque, privilège) ou exclusive (droit de rétention ou utilisation du droit de propriété à des fins de garantie).
B. La distinction de sûretés et des garanties
Le terme sûreté est un terme technique réservé aux seuls mécanismes qui sont qualifiés de sûretés par le Code civil dans la partie « Sûretés ». Autrement dit, les sûretés sont en nombre limité. Cela dit, il est possible de trouver dans notre arsenal juridique différents mécanismes qui peuvent avoir des fonctions de garantie pour un créancier sans pour autant être des sûretés. Toute sûreté (catégorie fermée) est une garantie (catégorie ouverte) mais toute garantie n’est pas une sûreté. Par exemple, la compensation des obligations, en présence de deux personnes créancières, est une garantie sans pour autant être une sûreté. Pareil pour l’assurance, la domiciliation bancaire, le renonciation de l’entrepreneur individuel à l’insaisissabilité de son patrimoine personnel au titre du droit de gage de ses créanciers professionnels, la réserve de propriété ou le crédit-bail (régi par le code monétaire et financier).
§4. Principes communs à l’ensemble des garanties
Le droit des sociétés est un droit carrefour (transversal) car on croise beaucoup d’autres règles issues des autres branches du droit (bancaire, sociétés, contrat...). Mais ce droit est touché par des évolutions qui affectent les autres disciplines juridiques comme l’impératif de protection des parties faibles (clauses abusives) et les nouvelles technologies (dématérialisation et nouveaux biens). Tout bien ou toute valeur peut être grevé d’une sûreté. Deux principes de bons sens encadrent les sûretés. D’une part, l’interdiction de mettre en œuvre une sûreté pour s’enrichir et, d’autre part, la subsidiarité du droit civil des sûretés par rapport aux dispositions du droit spécial des procédures collectives.
PARTIE I : LES SÛRETÉS PERSONNELLES
Le cautionnement a fait l’objet d’une refonte profonde à l’occasion de la réforme de 2021. Désormais, l’ensemble du droit du cautionnement se trouve dans le Code civil. Il ressort de l’art.2288 c.civ que « le cautionnement est le contrat par lequel une caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci ». Le cautionnement est la sûreté personnelle par excellence. S’agissant des particuliers, la pratique du cautionnement est extrêmement fréquente notamment pour garantir le paiement des loyers. S’agissant des entreprises, les dirigeants et leurs conjoints se portent souvent caution des engagements de leurs entreprises.
Dans la pratique du cautionnement, il est possible de distinguer deux étapes. La première étape est celle du contrat de cautionnement, sa souscription et sa vie, et les règles qui s’appliquent à tous les cautionnements. Ces règles n’ont vocation à s’appliquer que dans peu de cas. Dans un second temps, lorsque le débiteur principal est défaillant, il s’agit de voir comment le créancier peut poursuivre la caution et quels sont les moyens de défense de cette dernière.
TITRE I : LE CAUTIONNEMMENT
CHAPITRE I : LA NOTION DE CAUTIONNEMENT
SECTION I : Les caractères essentiels du cautionnement
§1. Une convention unilatérale
A. Le caractère conventionnel
Le cautionnement est toujours une convention conclue entre le créancier et la caution. Le débiteur principal, qui peut apparaitre comme le personnage central, est en réalité un tiers à cette convention passée entre le créancier et la caution. Le cautionnement, qu’il soit qualifié de cautionnement légal ou cautionnement judiciaire est toujours conventionnel. En effet, la terminologie est trompeuse car cela signifie que, dans certains cas, la loi ordonne la fourniture d’un cautionnement et que, dans d’autres cas, le juge ordonne la constitution d’un cautionnement. Néanmoins, il y aura une convention entre le créancier et la caution. Dans la catégorie des contrats, d’une part, le cautionnement est très souvent un contrat intuitu personae dans la mesure où la personne de la caution est essentielle aux yeux du créancier pour une question de solvabilité. D’autre part, le contrat de cautionnement est un contrat d’adhésion dans la mesure où il est souscrit au profit des établissements de crédit et les clauses de contrat sont rarement négociées. Cette qualification de contrat d’adhésion peut déclencher le contrôle des clauses abusives.
S’agissant des règles de forme, le contrat de cautionnement est soumis à un formalisme exigé à peine de nullité. Mais, à la différence de l’hypothèque (sûreté réelle immobilière), le cautionnement ne fait pas obligatoirement l’objet d’une souscription par acte authentique.
Les parties au contrat de cautionnement sont le créancier et la caution. On distingue 3 types de créanciers. D’abord, le plus souvent, le créancier est un établissement de crédit, ce sont les banques. Ensuite, le créancier professionnel (y compris les banques) qui fait souscrire un cautionnement dans le cadre de son activité professionnelle, fût-il accessoire. Enfin, les créanciers ordinaires, qui font souscrire un cautionnement dans le cadre de relations privées.
S’agissant des cautions, on trouve des profils variés. La loi y attache beaucoup de conséquences. Un premier clivage devenu fondamental oppose les cautions personnes physiques et les cautions personnes morales. Les cautions personnes physiques sont beaucoup plus protégées que les cautions personnes morales. En effet, lorsque le cautionnement est souscrit par une personne morale, des dispositions particulières du droit des sociétés seront applicables.
Un second clivage oppose les caution averties et les cautions non averties/profanes. D’une part, les cautions averties (dirigeant expérimenté) sont des cautions qui ont l’expérience des affaires et qui sont en mesure d’apprécier le risque pris en s’engageant. D’autre part, les cautions non averties/profanes sont des cautions qui ne mesurent pas les dangers attachés à cette convention. Souvent, on favorise une protection des cautions profanes. Parmi les cautions averties se trouvent les cautions professionnels du crédit. En effet, les banques peuvent proposer à travers un service payant de se porter caution de leurs clients pour leur faciliter l’obtention du crédit. Parmi ces établissements, la banque publique d’investissement (BPI) intervient comme garante auprès des banques classiques.
Le débiteur principal n’est pas partie au contrat mais reste l’opérateur central. Il est donc qualifié de tiers intéressé. La qualité du débiteur est souvent importante pour qualifier le régime du cautionnement. En effet, quand il s’agira de poursuivre la caution, il importera de déterminer si le débiteur principal est une personne physique, ce qui implique de coordonner droit du cautionnement et droit du surendettement, ou une personne morale, ce qui implique de coordonner droit du cautionnement et droit des procédures collectives.
B. Le caractère unilatéral
La convention unilatérale est celle dans laquelle seulement l’une des parties s’engage. Ici, la caution prend l’engagement de désintéresser le créancier pour le cas où le débiteur principal serait défaillant. Pendant longtemps, ce caractère unilatéral n’a pas été contesté car le créancier n’assumait quasiment aucune obligation. Il n’avait que des droits. Mais aujourd’hui, dans certaines hypothèses, le créancier assumera certaines obligations envers la caution notamment un devoir d’information et de mise en garde. Cela peut plaider en faveur du caractère synallagmatique du cautionnement. Néanmoins, l’obligation du créancier envers la caution reste assez faible par rapport à l’obligation de la caution (obligations asymétriques).
§2. Le caractère accessoire du cautionnement
Ce caractère accessoire du cautionnement est énoncé aujourd’hui à l’art.2298 c.civ aux termes duquel « la caution peut opposer au créancier toutes les exceptions personnelles ou inhérentes à la dette qui appartiennent au débiteur sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l’art.2293 ». Ce caractère accessoire commande en réalité tout le régime du cautionnement et permet de distinguer le cautionnement de la garantie autonome. L’art.2293 c.civ dispose que le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable. En outre, l’art.2296 c.civ dispose que le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur ni être contracté sous des conditions moins onéreuses.
Au nom du principe accessoire, la caution a les mêmes droits et les mêmes moyens de défense que ceux reconnus au débiteur. Ce caractère accessoire a été renforcé par la réforme de 2021. Avant cette réforme, il était opéré une distinction entre les exceptions inhérentes à la dette que la caution pouvait opposer au créancier et les exceptions purement personnelles au débiteur que la caution ne pouvait pas invoquer. Par exemple, à partir de cette distinction, la Cour de cassation avait considéré qu’une caution ne pouvait pas se prévaloir d’un dol commis par le créancier envers le débiteur principal si ce dernier ne l’invoquait pas. Désormais, cette distinction n’a plus lieu d’être car elle était difficile à mettre en œuvre et donnait lieu à un contentieux abondant.
Ce caractère accessoire permet de distinguer le cautionnement de la garantie autonome. Dans la garantie autonome, le garant prend un engagement direct à l’égard du créancier et se prive du droit d’opposer toutes les exceptions. Il présente un avantage considérable pour la caution qui trouve matière à se défendre lorsqu’elle sera poursuivie par le créancier (nullité, résiliation, etc.). Cependant, il fait perdre de l’attractivité au cautionnement, d’où l’avènement des garanties indépendantes, les créanciers cherchant à retrouver de l’efficacité dans leurs sûretés.
Ce principe du caractère accessoire ne joue totalement que lorsque le débiteur principal est in bonis i.e. qui n’est pas sous le coup d’une procédure de surendettement (personne physique) ou de procédure collective (personne morale). En cas d’ouverture d’une telle procédure notamment la procédure collective, le principe du caractère accessoire du cautionnement sera limité dans l’intérêt des créanciers. Dans le cadre des procédures collectives, le débiteur principal bénéficie de remises et de délais. En appliquant le principe du caractère accessoire et absolu, la caution devra pouvoir profiter de ces mesures de faveur accordées au débiteur principal. Mais il n’en est rien puisque l’art.2298, al.2 dispose que « toutefois la caution ne peut se prévaloir des mesures légales ou judiciaires dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance sauf dispositions spéciales contraires ».
SECTION II : La classification des cautionnements
§1. Les véritables cautionnements
A. La distinction entre le cautionnement souscrit par une personne physique ou par une personne morale
Un premier clivage devenu fondamental oppose les cautions personnes physiques et les cautions personnes morales. Les cautions personnes physiques sont beaucoup plus protégées que les cautions personnes morales. En effet, lorsque le cautionnement est souscrit par une personne morale, des dispositions particulières du droit des sociétés seront applicables.
B. La distinction entre le cautionnement à titre gratuit et le cautionnement à titre onéreux
Le plus souvent, le cautionnement est fourni à titre gratuit car il est donné dans un cadre familial ou dans le cas du dirigeant d’entreprise qui se porte caution pour garantir une dette de son entreprise.
C. La distinction du cautionnement civil et du cautionnement commercial
Le clivage civil et commercial a éclairé tout le droit français du XXe siècle. Mais cette distinction a perdu de son importance car aujourd’hui son seul intérêt réside dans la détermination du tribunal compétent.
Le cautionnement est commercial lorsqu’il est souscrit par un établissement de crédit, lorsqu’il prend la forme d’un aval, lorsqu’il est souscrit par un commerçant pour les besoins de son activité professionnelle, et avant la réforme, lorsqu’il avait un caractère intéressé pour la caution. Ce critère était difficile à mettre en œuvre dans le cas du conjoint dirigeant. La réforme de 2021 a été l’occasion d’une simplification qui s’est traduite par une réforme de l’art. L.110-1 c.com qui dispose désormais qu’« entre toutes personnes, le cautionnement de dettes commerciales est un acte de commerce ». Désormais, tous les conjoints qui cautionnent une dette commerciale souscrivent des cautionnements commerciaux.
D. La distinction des cautionnements simples et des cautionnements solidaires
Dans le Code civil, le cautionnement est en principe un cautionnement simple. Le cautionnement simple est celui dans lequel la caution dispose de deux prérogatives essentielles que sont le bénéfice de discussion et le bénéfice de division. Le bénéfice est une notion procédurale que l’on peut traduire par moyen de défense. Le bénéfice de division existe lorsqu’il y a une pluralité de cautions. Dans ce cas, le créancier doit poursuivre chacune des cautions pour une partie. La loi reconnait la possibilité de stipuler expressément un cautionnement solidaire ayant pour effet de priver la caution du bénéfice de discussion et de division. En pratique, la plupart des cautionnements sont solidaires.
E. La distinction des cautionnements par acte sous seing privé et les cautionnements par acte authentique
D’abord, l’intérêt du cautionnement par acte authentique est d’ordre probatoire. La preuve contraire se rapporte par le biais de l’inscription en faux. Ensuite, l’acte authentique est un titre exécutoire. Enfin, l’acte authentique implique le devoir de conseil du notaire envers les deux parties. À l’égard du créancier, le notaire se doit de veiller à l’efficacité de l’acte qu’il rédige et à l’égard de la caution, il se doit de mettre en garde le client contre les risques liés à l’opération envisagée. Mais en raison du coût de l’acte authentique, le cautionnement sera le plus souvent rédigé par acte sous seing privé. Même dans ce dernier cas, il existe un formalisme ayant pour but de protéger la caution qui s’engage.
F. L’aval
L’aval est l’effet d’un cautionnement d’un effet de commerce, qu’il s’agisse d’une lettre de change ou d’un billet à ordre. La lettre de change constate un engagement de payer d’une personne envers une autre pour un montant déterminé à une date précise. La formule « bon pour aval » apposée sur la lettre de change permet à celui qui a avalisé la lettre cambiaire d’être considérée comme une caution. Différentes protections accordées (mise en garde et respect de la proportionnalité) à la caution ne bénéficient pas au donneur d’aval.
§2. Les cautionnements particuliers
Il s’agit de figures contractuelles très proches du cautionnement mais qui ne peuvent pas être qualifiées comme tels.
A. « Le cautionnement réel »
Le « cautionnement réel » est le contrat par lequel la caution consent à son créancier une sûreté réelle (gage, nantissement ou hypothèque) sur l’un de ses biens. Cette figure est désignée aujourd’hui sous le nom de sûreté réelle pour autrui.
Jusque dans les années 2000, cette figure contractuelle était désignée sous le nom de « cautionnement réel ». On considérait qu’il s’agissait d’une sûreté mixte dans la mesure où elle présentait les caractéristiques du cautionnement notamment l’engagement d’une personne à payer la dette d’autrui mais elle était particulière car la caution limitait son engagement à un bien sur lequel elle consentait une sûreté au créancier. Cette qualification permettait aussi de justifier une application cumulative des règles applicables puisqu’étaient ajoutées aux règles du cautionnement les règles de la sûreté qui avait été constituée. Cette qualification de « cautionnement réel » devait être abandonnée par la Cour de cassation dans les années 2000. À l’époque, pour protéger le conjoint d’une personne qui s’était portée caution, on avait intérêt à dire que la caution s’analysait en une sûreté réelle. Mais ce droit des régimes matrimoniaux a disparu.
Pourtant lors de la réforme de 2006, le législateur a consacré cette qualification jurisprudentielle et a retenu la catégorie des suretés réelles pour autrui de sorte que le « cautionnement réel » a quitté la famille des sûretés personnelles pour intégrer celle des sûretés réelles. Après la réforme, la jurisprudence a tiré toutes les conséquences logiques de cette sûreté réelle pour autrui et lui applique les règles du droit des sûretés réelles en cause. Dans le même temps, la jurisprudence a refusé de faire bénéficier la « caution réelle » de toutes les protections reconnues aux cautions. Cette solution est sévère car celui qui affecte ses biens en garantie pour autrui prend les mêmes risques qu’une caution véritable.
À l’occasion de la réforme de 2021, le législateur hésite entre la restauration de la qualification de cautionnement réel ou alors le maintien de la qualification de sûreté réelle pour autrui mais avec l’application des dispositions applicables au cautionnement. Le législateur a choisi de maintenir la sûreté réelle pour autrui en faisant bénéficier celui qui s’engage des protections accordées aux cautions. Ces protections trouvent leur siège à l’art.2325 al.2 c.civ, aux termes duquel « la sûreté réelle conventionnelle peut être constituée par le débiteur ou par un tiers. Lorsqu'elle est constituée par un tiers, le créancier n'a d'action que sur le bien affecté en garantie. Les dispositions des articles 2299,2302 à 2305-1,2308 à 2312 et 2314 sont alors applicables. »
B. La certification de caution
La certification de caution est visée à l’art.2291 c.civ suivant lequel « on peut se porter caution envers le créancier de la personne qui a cautionné le débiteur principal ». Dans un tel cas de figure, une personne appelée certificateur se porte caution d’une caution. Si la caution est insolvable, le créancier peut poursuivre la caution de la caution. Ce montage est rare en pratique car le créancier refuse une caution qui parait insolvable.
C. Le sous- cautionnement
Le sous-cautionnement, création de la pratique, est désormais visé à l’art.2291-1 c.civ suivant lequel « le sous-cautionnement est le contrat par lequel une personne s’oblige envers la caution à lui payer ce que peut lui devoir le débiteur à raison du cautionnement ». Le sous-cautionnement est une protection de la caution qui a pour but de la garantir si elle doit payer le créancier. Cette figure contractuelle est utilisée dans les cas suivants. Il est souvent possible de demander à une banque ou un établissement coopératif de se porter caution pour ses clients. Or, la banque qui s’est engagée comme caution n’entend pas supporter les risques de l’opération. Dès lors, elle demandera au dirigeant de l’entreprise de se porter caution envers elle. La banque, caution de premier rang, qui paie le créancier aura un recours contre la sous-caution (le dirigeant de l’entreprise). En aucun cas, le créancier ne dispose d’un recours direct contre la sous-caution. Néanmoins, on applique au sous-cautionnement les principes qui ordinairement s’appliquent au cautionnement notamment l’obligation d’information. La caution doit toujours prendre en compte les intérêts de la sous-caution et ne doit pas payer le créancier s’il y a un motif de faire annuler le cautionnement (exception de nullité par exemple). La caution serait toujours en droit de refuser le remboursement.
D. La garantie financière professionnelle
La garantie financière professionnelle est une sûreté personnelle souvent exigée des professionnels qui détiennent des fonds pour le compte de leurs clients. Deux cas de figure illustrent l’intérêt de cette sûreté. Le premier cas de figure est celui de l’agence de voyages qui réclame le paiement des prestations avant que le voyage ne s’effectue. Avant la mise en œuvre de cette garantie, le client perdait son paiement si l’agence de voyages déposait le bilan avant son départ. L’autre cas de figure est celui du contrat de construction. Avant le commencement des travaux, un acompte de 30% est exigé et le client le perdait si l’entrepreneur disparaissait dans la nature.
C’est la raison pour laquelle la loi impose à ces professionnels de souscrire auprès d’une assurance une garantie qui permet, en cas de défaillance, le remboursement des fonds ou la substitution du professionnel défaillant avec un autre professionnel. Le régime de cette garantie légale est très précis et il n’existe quasiment pas de contentieux. À la lecture des textes, il est constaté que cette garantie est parente du cautionnement ainsi que de l’assurance.
CHAPITRE II : LA FORMATION DU CONTRAT DE CAUTIONNEMENT
Le cautionnement est un contrat, et, en tant que tel, il sera soumis au droit commun des contrats. Il faut s’assurer que le consentement de la caution est éclairé, qu’elle a la capacité et le pouvoir de contracter et que les règles sur le contenu du contrat sont respectées. Le contrat de cautionnement est également un contrat spécial de sorte qu’on ajoute au droit commun une couche constituée de dispositions spécifiques au cautionnement, dont un certain formalisme, le respect du principe de proportionnalité et le respect de l’étendue du cautionnement.
SECTION I : Le consentement des parties
§1. Un consentement existant
L’accord des parties est exigé et est d’autant plus essentiel pour des opérations à haut risque comme le cautionnement. L’art.2294 c.civ prévoit que « le cautionnement doit être exprès ». Il en résulte que le moindre doute, quant à l’engagement d’une personne comme caution, profite à la caution. Cette exigence d’un consentement peut poser un problème pour des personnes qui ne pourraient pas l’exprimer, telles qu’une personne analphabète ou étrangère par exemple. C’est la raison pour laquelle la jurisprudence impose la formation d’un acte authentique à l’occasion duquel le notaire s’assure de l’existence du consentement.
§2. Un consentement éclairé
Il existe un cumul des techniques juridiques applicables. Le droit des vices du consentement est d’une grande utilité dans la matière. Mais, compte tenu des risques du cautionnement, le législateur a renforcé les techniques de protection permettant de s’assurer que le cautionnement souscrit l’a été en connaissance de cause. Le formalisme imposé à titre de validité doit lui aussi conduire la caution à prendre pleinement conscience de la portée de son engagement. De plus, les créanciers professionnels ont un devoir de mise en garde à l’égard des cautions.
A. Les vices du consentement
1) L’erreur
Aux termes de l’art.1132 c.civ, l’erreur de droit ou de fait, à moins d’être inexcusable, est une cause de nullité du contrat qui porte sur une obligation essentielle due. L’erreur en matière de cautionnement est retenue dans l’hypothèse où le créancier fait croire à la caution que plusieurs cautionnements seront souscrits en garantie de la dette cautionnée ou alors le créancier s’engage à constituer une sûreté réelle garantissant la dette cautionnée. Autrement dit, la caution pense qu’il y aura une certaine limitation de son risque compte tenu de la présence d’autres sûretés. Si ces sûretés ne sont finalement pas constituées, la caution est parfaitement en droit de soulever l’erreur sur la portée de son engagement. Néanmoins, la caution ne peut pas demander la nullité pour erreur sur la solvabilité du débiteur principal. Dans le contrat de cautionnement, la caution est en droit d’introduire des limitations à son engagement et peut notamment faire de la constitution d’une sûreté réelle la condition de son engagement. Dans ce cas, si la condition ne se réalise pas, on considère que le cautionnement ne s’est pas formé.
2) Le dol
L’art.1135 c.civ dispose en substance que le dol consiste à obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges. Il constitue traditionnellement l’un des mécanismes fondamentaux de protection des cautions. La théorie du silence dolosif a été introduite en matière de cautionnement et malgré le cumul des mécanismes de protection, le dol reste fort utile aujourd’hui. Fréquemment, un créancier ou une banque qui consent un crédit a parfaitement conscience que la situation financière du débiteur est dégradée et n’accepte de consentir le crédit que parce qu’il est cautionné.
Mais la caution peut ne pas avoir accès aux comptes du débiteur principal et ce dernier peut garder le silence. Au moment de la poursuite, la caution peut invoquer un dol en affirmant que le créancier a omis de lui communiquer des informations essentielles qui auraient pu l’éclairer complètement. Néanmoins, il faut prouver le caractère intentionnel du dol. De plus, la caution doit prouver qu’elle n’était pas en mesure de s’informer de la situation du débiteur principal. C’est pour cela que l’on introduit la distinction entre la caution avertie et la caution profane. En effet, un dirigeant d’entreprise a forcément connaissance des comptes de son entreprise. En revanche, un conjoint ou un proche solvable peut totalement ignorer la situation financière du débiteur principal. Par faveur pour les cautions, la jurisprudence refuse de conférer la moindre valeur à des clauses de style figurant dans les contrats d’adhésion et par lesquelles la caution se déclare bien informée des conditions du cautionnement.
3) La violence
La violence peut être une cause de nullité du contrat de cautionnement. Cela est rendu possible par l’évolution de ce vice constatée avec la réforme du Code civil. En effet, l’art.1140 c.civ dispose qu’« il y a violence lorsqu'une partie s'engage sous la pression d'une contrainte qui lui inspire la crainte d'exposer sa personne, sa fortune ou celles de ses proches à un mal considérable ». Cette conception de la violence peut s’appliquer au cautionnement. Il peut arriver qu’un créancier sentant la catastrophe venir fasse la pression sur le dirigeant pour se prémunir.
B. La portée conférée à l’obligation générale d’information
L’art.1112-1 c.civ dispose que « celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant ». Le manquement à cette obligation peut être constitutif d’un dol frappé par la nullité ou donner lieu à l’allocation de dommages-intérêts. Pour l’instant, ce texte n’a pas été très exploité par les avocats des cautions. En effet, les créanciers sont déjà tenus d’un devoir de mise en garde des cautions.
SECTION II : Les qualités exigées de la caution
§1. Les règles de capacité
Les règles de capacité recouvrent les règles liées aux mineurs et aux incapables majeurs. L’échelle de gravité des actes concernés est prise en compte. En effet, le cautionnement est l’un des actes les plus graves qui existent. Dès lors, s’agissant des incapables majeurs, le tuteur ne peut pas consentir une sûreté pour garantir la dette d’un tiers (art.509 c.civ). S’agissant des mineurs, l’administrateur légal doit obtenir l’autorisation du juge des tutelles (art.387 c.civ).
§2. Les règles de pouvoir
A. Le mandat
Il est possible donner mandat à une personne de se porter caution. Puisque le mandant sera engagé par le mandataire, il mérite protection. Pour cela, on exige un mandat spécial en application de la règle selon laquelle le mandant ne peut pas être engagé au-delà des termes du mandat. Enfin, le formalisme exigé pour le cautionnement s’applique au mandat.
B. Le cautionnement donné par des personnes mariées
Ici, le droit des sûretés doit être croisé avec le droit des régimes matrimoniaux. Les régimes matrimoniaux sont un ensemble de règles qui s’appliquent lorsque deux personnes sont mariées. En droit français, la communauté réduite aux acquêts s’applique de plein droit en l’absence d’un autre régime et conduit à distinguer 3 masses de biens que sont les biens propres de chaque époux (2 masses) et les biens communs (1 masse). Les époux peuvent choisir un régime de séparation de biens, auquel cas chaque conjoint est à la tête d’une masse de bien qui lui est propre. Il existe encore la communauté universelle et la participation aux acquêts.
Seul le régime de la communauté pose un problème au regard du cautionnement. Il s’agit de protéger le conjoint qui ne se porte pas lui-même caution. L’art.1415 c.civ dispose que « chacun des époux ne peut engager que ses biens propres et ses revenus par un cautionnement ou un emprunt à moins qu’il n’ait été contracté avec le consentement de l’autre époux ». La loi poursuit un objectif de protection du conjoint.
Cet article invite à distinguer 3 hypothèses. D’abord, si l’un des conjoints se porte seul caution envers un créancier, il n’engage que ses biens propres. Ensuite, le conjoint se porte seul caution mais obtient le consentement exprès de l’autre sans se porter caution. L’acte de cautionnement doit contenir la mention de ce consentement exprès. Dans ce cas, le créancier aura la possibilité de poursuivre la caution en saisissant à la fois les biens propres et les biens communs. Les biens propres de l’autre conjoint sont alors préservés. Enfin, chaque conjoint se porte caution avec le consentement de l’autre. Dans ce cas, le créancier qui poursuivra la caution pourra saisir l’ensemble des biens propres et communs des conjoints.
C. Le cautionnement fourni par une société
Le cautionnement fourni par une société nécessite d’articuler le droit du cautionnement avec le droit des sociétés. En droit des sociétés, chaque société définit son objet social. Est applicable le principe de spécialité des personnes morales selon lequel la société ne peut s’engager que pour les actes prévus par son objet social et pour protéger l’intérêt de ses associés. Pour une société, il existe un risque que l’un des dirigeants abuse du crédit de la société à son seul profit. Concrètement, le dirigeant ferait cautionner, par la société, des engagements personnels ou de ses proches. Par exemple, la société se porte caution des loyers du fils du PDG.
Pour prévenir ce type d’abus, certaines règles vont s’appliquer à toutes les sociétés et certaines règles spécifiques ne s’appliquent qu’aux SARL et aux SA. Dans toutes les sociétés, il est veillé à ce que le cautionnement souscrit soit conforme à l’intérêt social. L’intérêt social correspond à la prise en compte d’intérêts divers (l’intérêt des associés, du dirigeant et l’intérêt général). En cas de doute, il appartient au juge de décider si un acte passé est conforme ou non à l’intérêt social. S’agissant du cautionnement, il faudra savoir si la société trouve un intérêt dans ce cautionnement pour ses relations d’affaires et son développement ou si le cautionnement a été conclu dans l’intérêt exclusif de l’un de ses dirigeants.
Pour les SARL, la responsabilité des associés est limitée à leurs apports. Il existe une interdiction de se porter caution pesant sur les dirigeants et leurs proches. Pour les SA, il existe, d’une part, des interdictions (prohibition des cautionnements souscrits par les dirigeants et leurs proches) et, d’autre part, des cautionnements soumis à autorisation préalable auquel cas chaque année, le conseil d’administration doit donner son consentement aux cautionnements souscrits ou, à défaut, avant chaque cautionnement, la société doit se faire autoriser par son conseil d’administration. Si le conseil d’administration ne s’est pas prononcé, le cautionnement souscrit est inopposable à la société. Le créancier bénéficiaire du cautionnement ne pourra pas poursuivre la caution, mais comme ce n’est pas une nullité mais une simple inopposabilité, il n’est pas possible de ratifier a posteriori le cautionnement qui n’aurait pas fait l’objet d’une autorisation préalable.
SECTION III : Le contenu des contrats de cautionnement
Ce concept de contenu des contrats de cautionnement est issu de la réforme de 2016 et vise à remplacer l’objet et la cause. Mais dans la pratique, la notion de cause a subsisté.
§1. L’objet du cautionnement
L’art.1163 c.civ dispose que « l'obligation a pour objet une prestation présente ou future. Celle-ci doit être possible et déterminée ou déterminable. La prestation est déterminable lorsqu'elle peut être déduite du contrat ou par référence aux usages ou aux relations antérieures des parties, sans qu'un nouvel accord des parties soit nécessaire ». Mais cette règle est éclipsée par le caractère accessoire du cautionnement selon lequel la caution garantit nécessairement une ou plusieurs obligations du débiteur. Tout type d’obligation peut être cautionné pourvu qu’elle soit valable (possible et déterminée ou déterminable). La déterminabilité est renforcée par un formalisme du contrat de cautionnement qui impose de préciser, à peine de nullité, quel type d’obligation peut être cautionné. Si la caution venait à cautionner une obligation nulle, elle pourrait se libérer car la nullité est une exception que la caution peut opposer au créancier en vertu du caractère accessoire. Simplement, la caution peut être tenue des obligations de restitution qui résultent de la nullité.
§2. Le contrôle judiciaire de l’équilibre du cautionnement
La recherche de l’équilibre était réalisée grâce à la théorie de la cause qui permettait de rechercher les motifs ayant pu conduire une caution à s’engager. Aujourd’hui, la cause a disparu mais la protection de la caution subsiste grâce au caractère accessoire du cautionnement. En outre, le juge trouve, dans l’art.1171 c.civ relatif au contrat d’adhésion, un support pour sanctionner les clauses qui, dans le contrat de cautionnement, entrainent un déséquilibre significatif. Cela ne peut jouer que dans les contrats d’adhésion.
SECTION IV : Le formalisme exigé en matière de cautionnement
Ce formalisme est imposé par l’art.2297 c.civ aux termes duquel « à peine de nullité de son engagement, la caution personne physique appose elle-même la mention qu'elle s'engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d'un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, le cautionnement vaut pour la somme écrite en toutes lettres ». Ce texte renvoie à la fonction que l’on veut conférer au formalisme.
§1. L’évolution relative à la portée du formalisme
D’abord, le formalisme peut être une condition de validité d’un acte juridique. En ce cas, le non-respect du formalisme emporte nullité de l’acte. Ensuite, le formalisme peut être utilisé pour prouver, auquel cas on applique les règles relatives à la preuve. Lorsque le formalisme est requis à titre probatoire (ad probationem), le non-respect du formalisme n’est pas une cause de nullité, simplement le créancier aura plus de difficultés à prouver l’engagement. Enfin, le formalisme peut viser à assurer l’opposabilité d’un acte aux tiers, notamment la publicité en matière d’hypothèque.
A. Formalisme à titre de validité
Depuis 30 ans, la fonction relative au formalisme est liée au développement du droit de la consommation. Il est considéré que le formalisme a une fonction protectrice à l’égard de celui qui s’engage et permet de vérifier l’intégrité de son consentement. L’exigence du formalisme complète la théorie des vices du consentement dans le souci de protection de la partie faible. C’est cette fonction récente reconnue au formalisme qui explique les évolutions qu’on connait depuis 30 ans. Néanmoins, cette fonction peut être critiquée. En effet, lorsque la mention est trop longue, elle peut apparaitre inefficace car très souvent survolée par la partie faible.
Il y a 40 ans, le cautionnement était soumis au droit de la preuve et il était permis de s’engager comme caution avec une simple signature précédée de la mention « bon pour ». Dans les années 1980, la Cour de cassation a découvert la fonction protectrice du formalisme et, de manière contra legem, a énoncé par différents arrêts qu’un cautionnement n’était valable que s’il était exprès (non prévu par le Code civil), ce dont il résultait que le cautionnement n'était valable que si la caution avait apposé une mention précédant sa signature indiquant le montant de son engagement, les intérêts et accessoires garantis et le taux de l’intérêt de l’obligation garantie. Concrètement, la Cour de cassation avait changé les règles du jeu. Étant donné la rétroactivité de cette jurisprudence, plusieurs milliers de cautionnements ont été annulés rétroactivement entrainant ainsi le développement de la garantie autonome.
Cette jurisprudence contra legem a été vivement critiquée et progressivement la Cour de cassation devait faire marche arrière. Dans les années 2000, on était revenus à un formalisme exigé à titre probatoire.
B. Formalisme à titre probatoire
À l’occasion d’une réforme en 2005, le droit du cautionnement a été intégré dans le Code de la consommation dont l’art.L.331-1 qui dispose que « toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel fait précéder sa signature de la mention manuscrite suivante et uniquement de celle-ci :" En me portant caution de X...................., dans la limite de la somme de.................... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de...................., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X.................... n'y satisfait pas lui-même. " ». Cette forme était prévue à peine de nullité.
Lorsque la caution était solidaire, il fallait deux mentions écrites. Le législateur imposait un modèle qui devait être respecté à la lettre comme une exigence de validité du cautionnement. Si la formule était respectée à la lettre, le cautionnement était valable. À défaut, il était nul. Les juridictions ont eu à connaitre de litiges relatifs à des cautionnements où il manquait une virgule ou la conjonction « et ». Cela a conduit la Cour de cassation à développer une formule selon laquelle tout non-respect des mentions devait être sans conséquence dès lors que cela n’affectait pas la portée et le sens du cautionnement. Elle déduisait de l’omission une volonté des parties de réduire la portée de leurs engagements. En conséquence, les cautionnements devenaient rarement annulables pour non-respect du formalisme exigé à titre de validité. Ils ne l’étaient que si la mention, telle que rédigée par la caution, était parfaitement incompréhensible. Pour ce faire, il fallait soit renoncer au cautionnement, soit le souscrire par acte authentique.
Cette jurisprudence contra legem donnait un sentiment d’insatisfaction. Il y avait un décalage entre la formulation de l’article du Code de la consommation et le droit positif tel qu’il se déduisait de la jurisprudence de la Cour de cassation. À l’occasion de la réforme de 2021, cette question du formalisme était devenue centrale. Fallait-il le maintenir, le supprimer ou l’aménager ?
§2. Le cautionnement souscrit par une personne morale
Les personnes morales restent soumises au droit commun de la preuve en ce sens qu’elles n’ont pas de protection particulière ni ne sont soumises à un formalisme à titre de validité. Il résulte de l’art.1376 c.civ que « l'acte sous signature privée par lequel une seule partie s'engage envers une autre à lui payer une somme d'argent ou à lui livrer un bien fongible ne fait preuve que s'il comporte la signature de celui qui souscrit cet engagement ainsi que la mention, écrite par lui-même, de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, l'acte sous signature privée vaut preuve pour la somme écrite en toutes lettres. » À défaut, il s’agit d’un commencement de preuve par écrit qui peut être complété par des éléments extérieurs permettant à celui qui veut prouver de rapporter la preuve du cautionnement.
§3. Le cautionnement souscrit par une personne physique
L’art.2297, al.1er c.civ dispose que « à peine de nullité de son engagement, la caution personne physique appose elle-même la mention qu'elle s'engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d'un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, le cautionnement vaut pour la somme écrite en toutes lettres ». S’agissant des cautions personnes physiques, la loi a choisi un formalisme à peine de nullité. En apparence, le législateur aurait repris le dispositif antérieur. En réalité, il a consacré la jurisprudence de la Cour de cassation. En effet, le législateur abandonne l’exigence d’une formule manuscrite dont il aurait imposé le modèle. Disparait alors la formule-type. Le législateur se borne à fournir des exigences d’ordre général qui doivent être respectées mais toute mention est acceptable.
À partir de cette nouvelle rédaction, les causes de nullité du cautionnement pour non-respect des exigences de forme seront sans doute assez rares. La souplesse se manifeste en ce qu’il n’est plus exigé que la mention soit manuscrite mais simplement qu’elle soit apposée. Si le cautionnement est solidaire, il est fait application de l’art.2297, al. 2 c.civ aux termes duquel « si la caution est privée des bénéfices de discussion ou de division, elle reconnaît dans cette mention ne pouvoir exiger du créancier qu'il poursuive d'abord le débiteur ou qu'il divise ses poursuites entre les cautions. À défaut, elle conserve le droit de se prévaloir de ces bénéfices ». Avant cette réforme, dans le Code de la consommation, la caution devait reprendre à la lettre le modèle proposé par le législateur. La signature de la caution était exigée. Or, cette signature peut poser un problème en cas d’imitation. Si la signature est imitée, la personne poursuivie sur la base d’un document qu’elle conteste avoir signé peut engager une procédure de dénégation dans laquelle le juge peut notamment procéder à une expertise graphologique. Si la caution fait apposer la signature par une autre personne pour pouvoir ensuite obtenir la nullité de son engagement, la Cour de cassation reprend l’adage fraus omnia corrumpit et prive la caution de la possibilité d’invoquer la nullité du cautionnement pour non-respect des exigences manuscrites.
§4. Le cautionnement souscrit par voie électronique
La réforme tient compte de l’évolution des pratiques contractuelles liée à la digitalisation. Avant cette réforme, il était interdit de faire souscrire les cautionnements et les sûretés par voie électronique. Désormais, cet obstacle est levé et il est possible de faire souscrire des cautionnements en ligne via certaines plateformes. Cela peut poser des problèmes pour les personnes âgées qui n’ont pas une maitrise de l’outil informatique et qui peuvent se faire aider par d’autres personnes sans que l’on puisse s’assurer de leur consentement. C’est la raison pour laquelle on a recours au legal design qui permet de rendre compréhensible un document essentiel en faisant ressortir les éléments essentiels de l’acte.
Aujourd’hui, sont mises en place des signatures plus sophistiquées avec des mécanismes d’authentification forte en passant par un tiers de confiance qui certifie que la personne signataire est bien la caution.
SECTION V : L’exigence de proportionnalité
§1. La consécration du principe de proportionnalité
Com., 17 juin 1997, Macron : l’arrêt introduit en droit français le principe de proportionnalité dans les années 90. En l’espèce, un promoteur immobilier avait signé un engagement de caution portant sur plusieurs millions de francs alors qu’il ne pouvait manifestement pas rembourser la dette du débiteur. La réforme de 2021 a constitué une étape importante dans la reconfiguration de ce principe. Dans l’arrêt Macron, la Cour de cassation applique le droit de la responsabilité contractuelle en énonçant qu’un créancier engage sa responsabilité s’il fait souscrire à une personne un cautionnement qui dépasse ses facultés de remboursement. Dans un tel cas, s’il apparait que la disproportion est manifeste, le créancier peut être condamné à des dommages-intérêts qui viennent se compenser avec les sommes dues au titre du cautionnement. Cette jurisprudence poursuivait une idée d’équilibre et de justice. Dans un premier temps, la proportionnalité résidait dans la responsabilité. Le droit commun reste très protecteur sans besoin du droit spécial. Tous les avocats de la caution ont compris le parti qu’ils pouvaient tirer de cette jurisprudence. De plus, la période était propice à la protection des cautions car les cautionnements pouvaient être annulés pour vices de fond et de forme. Très vite, ce principe s’est imposé dans les prétoires et était systématiquement invoqué par les cautions.
De même que la Cour de cassation est revenue sur sa jurisprudence en matière de formalisme, il en a été de même pour la proportionnalité. Com., 8 octobre 2002, Nahoum : en l’espèce, était en cause un promoteur immobilier comme dans l’affaire Macron. La chambre commerciale opère un revirement de sa jurisprudence en réservant la protection offerte aux cautions à celles qui étaient non averties.
En 2003, les dispositions protectrices des cautions apparaissent dans le Code de la consommation. Alors qu’en 2002, la Cour de cassation avait largement tempéré deux des mécanismes essentiels de protection des cautions, à savoir le formalisme et la proportionnalité, le législateur de 2003 les rétablit et les renforce dans le Code de la consommation. L’art. L.332-1 c. consom dispose qu’« un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ».
Le législateur modifie complètement les contours du principe de proportionnalité. S’agissant du domaine, le principe de proportionnalité s’appliquait à tous les cautionnements souscrits par des cautions personnes physiques au profit de créanciers professionnels. Désormais, il n’est plus réservé aux cautions non averties. De plus, le droit applicable n’est plus le droit de la responsabilité puisque le non-respect de l’exigence de proportionnalité déchargeait totalement la caution de son engagement. Le texte imposait de distinguer deux étapes. Dans un premier temps, il fallait analyser la situation au jour du cautionnement. À ce
jour, la caution devait apporter la preuve que son cautionnement était manifestement disproportionné par rapport à ses revenus et à son patrimoine. Les juges devaient alors identifier l’actif (revenus, patrimoine) et le passif (dettes souscrites auprès d’autres établissement de crédit) de la caution.
Pour se prémunir contre d’éventuelles contestations fondées sur le non-respect du principe de proportionnalité, les banques ont pris l’habitude de faire remplir aux cautions une fiche patrimoniale dans laquelle elles demandent les informations les plus détaillées possibles sur le patrimoine et sur le revenu. La Cour de cassation confère une large portée à ce document informatif puisqu’elle en déduit que la caution ne peut plus par la suite se contredire. De même, elle considère que le créancier est en droit de se fier aux éléments communiqués sauf anomalie apparente. Une fois que l’actif et le passif sont établis, il faut rechercher s’il existe une disproportion entre l’actif disponible et le montant du cautionnement. Ensuite, on examine si la disproportion constatée est manifeste. La solution varie selon le juge saisi.
La deuxième étape était celle du retour à meilleure fortune où on se plaçait à la date de poursuite de la caution. Là, le créancier pouvait démontrer que la caution était en mesure de faire face à son engagement. S’il y parvenait, la caution ne pouvait plus se prévaloir du principe de proportionnalité.
§2. La consécration du régime de la proportionnalité par la réforme
L’art.2300 c.civ dispose que « si le cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, il est réduit au montant à hauteur duquel elle pouvait s'engager à cette date ». Le domaine reste inchangé car ce principe continue de s’appliquer aux cautions personnes physiques engagées envers un créancier professionnel. De même, l’appréciation de la disproportion reste inchangée car on prend toujours en compte le caractère manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution. Il est donc possible de continuer à utiliser toute la jurisprudence concernant la recherche de la disproportion manifeste.
Mais on constate deux changements. En premier lieu, la sanction réside dans la réduction du montant du cautionnement. En aucun cas, la caution ne peut se libérer. Cette réduction s’opère en tenant compte du montant à hauteur duquel elle pouvait s’engager. Ce montant sera difficile à définir car il n’y a pas de barème. En second lieu, le retour à meilleure fortune a disparu. Désormais, on prend en compte le jour où la caution s’est engagée. C’est un facteur de simplification.
SECTION VI : L’étendue du cautionnement
§1. Le principe d’interprétation
Le Code civil édicte des principes d’interprétation très favorables au débiteur. En cas de doute ou de contradiction, l’art.1188 et suivants c.civ imposent au juge d’adopter l’analyse qui sera la plus favorable à celui qui s’engage. En outre, le principe de formation et d’exécution de bonne foi des conventions commande de présumer la bonne foi du contractant. L’art.2294 c.civ interdit d’étendre le cautionnement au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté (interprétation stricte de l’étendue du cautionnement). Ce texte est l’un des mécanismes majeurs de protection des cautions dans la mesure où tout cautionnement dont les termes sont ambigus voire contradictoires sera interprété favorablement à la caution. De même, le juge devra donner leur sens aux stipulations particulières qui ont pu être introduites dans l’acte de cautionnement.
§2. Les cautionnements indéfinis
Le cautionnement est indéfini lorsque la caution garantit sans restriction le paiement d’une ou plusieurs dettes déterminées ou déterminables du débiteur principal. Il s’oppose au cautionnement défini/limité.
Dans le cas où les dettes seraient déterminées, une caution garantit sans limitation le paiement d’une créance déterminée. Par exemple, si la caution garantit le remboursement d’un prêt, son engagement sera purement et simplement calqué sur celui du débiteur principal (même montant et même durée). Dans ce cas, la caution garantit l’obligation principale et ses accessoires, notamment les intérêts attachés à cette obligation ou les dommages-intérêts contractuels.
Il est aussi possible de cautionner toutes les dettes d’un débiteur. Dans ce cas, la liberté contractuelle n’est pas absolue dans la mesure où, pour certains cautionnements, des exigences tiennent au respect du formalisme qui implique que la mention manuscrite précise exactement les créances garanties.
§3. Les cautionnements limités
La caution a la possibilité d’introduire des limites à son engagement. D’abord, une limite peut tenir au montant. Par exemple, le débiteur principal a souscrit un prêt de 500 000 € et la caution ne s’engage qu’à hauteur de 200 000 €. Ensuite, la limite peut encore tenir à la durée de l’engagement, la caution ne s’engageant que pour une durée déterminée. Il est possible d’interpréter de deux manières cette limitation dans la durée. Dans certains cas, au bout de 5 ans, il est considéré que la caution ne peut plus être poursuivie en paiement. La défaillance doit intervenir dans les 5 ans suivant le cautionnement. Mais, plus souvent, on en déduit que la caution ne garantit que les dettes qui naissent pendant la durée de son engagement. Enfin, la limite peut résider dans l’introduction de clauses particulières faisant que la caution sera tenue moins sévèrement que le débiteur principal.
§4. La prohibition des cautionnements excédant la dette
La prohibition des cautionnements excédant la dette est parfaitement justifiée par le principe du caractère accessoire du cautionnement. Par conséquent, il est inconcevable que la caution puisse être tenue plus sévèrement que le débiteur principal. Un tel cautionnement ne sera pas nul mais réduit pour que l’engagement de la caution soit calqué sur celui du débiteur principal. Par exemple, une banque peut demander au dirigeant d’une entreprise de se porter caution du solde du compte courant de l’entreprise. Le compte courant est un compte qu’une personne a dans une banque et le but est d’avoir une simplification des opérations.
CHAPITRE III : LES CAUSES D’EXTINCTION DU CAUTIONNEMENT
Les arts.1342 et suivants du Code civil régissent les causes d’extinction des obligations. Ces règles ont vocation à s’appliquer à l’ensemble des conventions dont le cautionnement. Le cautionnement est doublement concerné dans la mesure où il existe des causes d’extinction du cautionnement par voie accessoire et des causes d’extinction par voie principale.
SECTION I : L’extinction du cautionnement par voie accessoire
§1. Le paiement
Aux termes de l’art.1342 c.civ, « le paiement est l'exécution volontaire de la prestation due. Il doit être fait sitôt que la dette devient exigible. Il libère le débiteur à l'égard du créancier et éteint la dette, sauf lorsque la loi ou le contrat prévoit une subrogation dans les droits du créancier ». Le paiement est l’exécution normale d’une obligation qui peut consister en le versement d’une somme d’argent ou l’exécution en nature d’une obligation. Il a un effet libératoire à l’égard du créancier et emporte extinction de la dette. Quand une personne est tenue de plusieurs dettes, il peut y avoir des problèmes d’imputation de paiement. Le débiteur peut indiquer la dette qu’il entend acquitter. À défaut d’indication, l’imputation a lieu d’abord sur les dettes échues et, parmi celles-ci sur les dettes que le débiteur avait le plus d’intérêt d’acquitter. On considère que cette dette est celle qui est cautionnée. En cas de paiement partiel d’une dette unique, le paiement s’impute en priorité sur la partie non-cautionnée, sauf clause contraire (liberté contractuelle).
§2. La dation en paiement
La dation en paiement est prévue à l’art.1342-4 c.civ selon lequel le créancier peut accepter de recevoir en paiement autre chose que ce qui lui est dû.
§3. La novation
Il ressort de l’art.1329 c.civ que la novation est un contrat qui a pour objet de substituer à une obligation qu’elle éteint une obligation nouvelle qu’elle crée. Elle peut avoir lieu par substitution d’obligations entre les parties, par changement de débiteur ou par changement de créancier. L’art.1330 c.civ énonce que la novation ne se présume pas et la volonté de l’opérer doit résulter clairement de l’acte. Dans tous les cas, les parties ont une volonté de remplacer une convention par une autre, d’éteindre une première convention en créant une autre. La novation, d’une part, emporte extinction d’une obligation, et, d’autre part, naissance d’une autre. Or, si la caution a garanti une créance ayant fait l’objet d’une novation, la créance garantie a été éteinte et la caution est libérée. La caution n’est tenue que si elle accepte de cautionner la créance nouvelle. La novation ne se présumant pas, en cas de doute, elle est considérée comme n’étant pas intervenue. Par exemple, le dirigeant d’entreprise se porte caution envers sa banque et cède son entreprise. Le nouveau dirigeant se porte caution puis l’entreprise dépose le bilan. La banque poursuit le second dirigeant caution qui est insolvable. Si les parties n’ont pas expressément exprimé leur volonté de créer la novation, l’ancien dirigeant n’est pas libéré de son obligation.
§4. La remise de dette
L’art.1350 c.civ définit la remise de dette comme le contrat par lequel le créancier libère le débiteur de son obligation. L’art.1350-2 c.civ dispose que la remise de dette accordée au débiteur principal libère les cautions, mêmes solidaires. Pour libérer la caution, la remise de dette doit être volontaire. Autrement dit, elle ne doit pas intervenir dans le cadre de procédures collectives.
§5. La compensation
L’art.1347 c.civ définit la compensation comme l’extinction simultanée d’obligations réciproques entre deux personnes. Cette compensation explique le mécanisme du compte courant. C’est un mécanisme de simplification. La compensation est une cause d’extinction du cautionnement par voie accessoire. Dès lors, la caution doit pouvoir se prévaloir d’une compensation intervenue dans les rapports entre le créancier et le débiteur principal. Cela suppose que le débiteur principal soit devenu créancier du bénéficiaire du cautionnement. Souvent, cela implique que le débiteur principal ait une créance de dommages-intérêts contre son créancier pour défaut de mise en garde et d’information sauf s’il rapporte la preuve contraire.
§6. La nullité, la résiliation ou la résolution de l’obligation principale
Si l’obligation principale est atteinte de nullité, le contrat de cautionnement est également nul de sorte que la caution est libérée de son engagement. Il en est de même pour la prescription.
§7. Le décès du créancier ou du débiteur principal
Si le créancier ou le débiteur principal décède, l’engagement de la caution disparait mais uniquement pour l’avenir, ce dont il résulte que la caution continue de garantir les engagements nés avant le décès du créancier ou du débiteur principal (obligation de couverture et le cas échéant obligation de règlement en cas de défaillance). Par analogie, la même solution s’applique en cas de changement de structure de la société créancière ou débitrice. L’art. 2318 c.civ énonce qu’« en cas de dissolution de la personne morale débitrice ou créancière par l'effet d'une fusion, d'une scission […] la caution demeure tenue pour les dettes nées avant que l'opération ne soit devenue opposable aux tiers ; elle ne garantit celles nées postérieurement que si elle y a consenti à l'occasion de cette opération ou, pour les opérations affectant la société créancière, par avance ». L’obligation de couverture et l’obligation de règlement mises à la charge de la caution sont en vigueur jusqu’à la dissolution de la personne morale. Néanmoins, elles peuvent se prolonger si la caution y a consenti préalablement à l’opération de dissolution.
SECTION II : L’extinction du cautionnement par voie principale
§1. L’extinction du cautionnement des dettes présentes
Une dette est présente quand elle est née au jour du cautionnement. C’est le cas d’une caution qui garantit un prêt qui a été consenti le même jour. Comme causes d’extinction du cautionnement, on retrouve le paiement (paiement total et non partiel), la remise de dette consentie par le créancier à la caution, la novation, la compensation par laquelle la caution devient créancière de son créancier qui peut engager sa responsabilité pour manquement à son devoir d’information venant limiter le montant de sa créance.
§2. L’extinction du cautionnement de dettes futures
Le cautionnement de dettes futures est le plus dangereux dans la mesure où, par hypothèse, la caution s’engage à garantir des dettes qui ne sont pas encore nées au jour elle s’engage. Il est généralement souscrit par le dirigeant d’entreprise lorsqu’il s’engage envers sa banque à garantir tous les engagements à naitre de son entreprise. Le cautionnement de compte courant est une illustration du cautionnement de dettes futures. C’est en raison de sa dangerosité que le cautionnement de dettes futures bénéficie de mécanismes de protection particuliers. Il existe des causes d’extinction particulières qui vont produire des effets particuliers.
A. Les causes d’extinction particulières
Il existe 3 causes d’extinction particulières que sont la résiliation, la survenance du terme, le décès de la caution.
1) La résiliation
La résiliation s’applique uniquement à un cautionnement à durée indéterminée. Il est fait application de la règle selon laquelle chaque partie peut mettre fin à un contrat à durée indéterminée moyennant préavis. En matière de cautionnement, la caution bénéficie de cette disposition et afin que cette prérogative soit connue et puisse être facilement mise en œuvre, la loi oblige le créancier à informer annuellement (avant le 1er mars) les cautions de la portée de leur engagement et de leur faculté de résiliation.
2) La survenance du terme
Le terme est une date ou un évènement qui est prévu, à l’échéance duquel il est mis fin à l’obligation. Il est prévu à l’art.1305 c.civ selon lequel l'obligation est à terme lorsque son exigibilité est différée jusqu'à la survenance d'un événement futur et certain, encore que la date en soit incertaine. Par exemple, la fin des fonctions d’un dirigeant caution est un terme. Les termes implicites ne sont pas admis. Par exemple, une personne mariée qui se porte caution de son conjoint puis qui divorce reste tenue de son engagement si elle n’a pas explicitement prévu le divorce comme le terme de son engagement.
3) Le décès de la caution
En principe, les héritiers poursuivent la personne du défunt. Pendant un temps, la jurisprudence considérait que les cautionnements se transmettaient aux héritiers. Désormais, le décès de la caution emporte extinction du cautionnement.
B. Les effets attachés aux causes d’extinction particulières
Il existe un paradoxe selon lequel le cautionnement s’éteint mais la caution, dans certains cas, sera tenue de payer. En effet, l’extinction du cautionnement intervenue dans les trois cas précédents ne produit ses effets que pour l’avenir. Autrement dit, la caution ou ses héritiers restent tenus des créances et des dettes nées antérieurement à la cause d’extinction (obligation de règlement) Il faut distinguer la date de naissance d’une créance de sa date d’exigibilité. C’est à la date d’exigibilité de la dette qu’il faut se placer pour apprécier l’obligation de règlement. Ainsi, même si la date d’exigibilité est postérieure à la résiliation du cautionnement, la caution sera tenue de son engagement en cas de défaillance du débiteur principal. L’obligation de règlement ne coïncide pas nécessairement avec l’obligation de couverture.
L’obligation de couverture de la caution permet de préciser quelles sont les obligations garanties. L’extinction du cautionnement met fin à l’obligation de couverture. À partir de là, l’art.2316 c.civ prévoit que « lorsqu'un cautionnement de dettes futures prend fin, la caution reste tenue des dettes nées antérieurement, sauf clause contraire ». Néanmoins, l’obligation de règlement subsiste car la caution reste tenue du paiement des dettes qui demeurent garanties parce qu’elles sont nées antérieurement à l’extinction du cautionnement. Ce principe s’applique parfaitement au cautionnement de compte courant.
TITRE II : LA MISE EN ŒUVRE DE LA CAUTION
CHAPITRE I : LES CONDITIONS DE POURSUITE D’UNE CAUTION
SECTION I : Les règles communes à toutes les cautions
§1. Les conditions préalables à la poursuite
Quel est le sort de la créance principale garantie par la caution ? Un créancier ne peut poursuivre une caution que si sa créance est exigible. Cela est une conséquence du caractère accessoire du cautionnement. La dette devient exigible par le mécanisme de la déchéance du terme encourue par le débiteur.
Si le débiteur principal s’abstient de verser les échéances prévues, il encourt la déchéance du terme qui peut être prononcée par le créancier en vertu d’une clause du contrat de prêt. À ce titre, le créancier sera en droit de réclamer immédiatement tout le solde du prêt resté impayé. En général, les clauses précisent que la déchéance du terme s’applique à la caution. En cas de prorogation du terme, le créancier accorde des délais au débiteur principal. L’art.2320 c.civ précise que « la simple prorogation du terme accordé par le créancier au débiteur principal ne décharge pas la caution ». Cette prorogation doit être volontaire. En effet, dans les procédures collectives, les créanciers peuvent être contraints d’accorder des délais. Toutefois, la caution n’est pas obligée de profiter de l’octroi des délais au débiteur principal. Il peut préférer payer immédiatement et exercer un recours contre le débiteur principal conformément aux arts.2320 c.civ et 2316 c.civ. Lorsque la créance principale est impayée, le débiteur principal se trouve en difficulté et sera alors soumis à une procédure de traitement.
§2. Le débiteur principal soumis à une procédure de traitement de ses difficultés
Lorsqu’une personne physique ou morale rencontre des difficultés, le plus souvent, il est ouvert des procédures de surendettement (particuliers) ou des procédures collectives (entreprises). D’un côté, ces procédures de traitement visent à organiser le paiement des différents créanciers en tenant compte de l’ordre de priorité des garanties dont ils peuvent disposer. Cette préoccupation a fait progressivement place à une seconde. D’un autre côté, aujourd’hui, ces procédures ont principalement pour but d’identifier les personnes dont les difficultés sont passagères et pour lesquelles des mesures de sauvetage vont être entreprises et de les distinguer des personnes pour lesquelles les difficultés sont telles qu’aucun sauvetage n’est sérieusement envisageable. L’idée est de donner une seconde chance à une personne ou à une entreprise qui rencontre des difficultés sérieuses d’où la consécration d’un droit au rétablissement. Le législateur a mis en place le droit des entreprises en difficulté qui a servi de modèle pour les particuliers et les procédures de surendettement.
A. Les procédures de traitement applicables aux entreprises
Le droit des procédures collectives a connu une profonde évolution. Le dispositif est devenu trop riche et même trop complexe. Le droit des entreprises initialement était le droit des faillites. La faillite avait une connotation négative. Le terme a désormais une connotation pénale car la faillite désignait la situation d’une entreprise qui se retrouve en difficulté par la faute de son dirigeant. Or, le commerçant n’était pas nécessairement fautif quand son entreprise rencontrait des difficultés. La liquidation judiciaire intervient lorsque l’entreprise est dans une situation irrémédiablement compromise et l’on a la certitude qu’elle ne peut être sauvée. Elle consiste en la vente des actifs et en la répartition du produit entre les différents créanciers.
Dans les années 1980, le droit des entreprises s’est enrichi et s’est perfectionné, aboutissant à l’ouverture de plusieurs procédures et tenant compte du degré de difficultés rencontrées et du pourcentage de sauvetage.
1) La procédure de conciliation et de mandat ad hoc
Les procédures préventives conduisent un chef d’entreprise à faire part de ses difficultés à un juge du tribunal de commerce de manière confidentielle dans le cadre d’une procédure de mandat ad hoc ou dans le cadre d’une procédure de conciliation. En ce cas, le juge saisi prend contact de manière confidentielle avec les principaux créanciers et négocie un accord de conciliation consistant en des délais et des remises consentis à l’entreprise en difficulté. Toutefois, le chef d’entreprise doit spontanément, lors des premières difficultés rencontrées, solliciter le juge. Cette garantie de la confidentialité est essentielle.
Lorsque les difficultés sont importantes ou que la procédure de conciliation n’a pas été mise en œuvre, s’ouvre alors une procédure de sauvegarde.
2) La procédure de sauvegarde
La procédure de sauvegarde est ouverte au nom d’une entreprise qui rencontre des difficultés dont on considère qu’elles ne sont pas insurmontables et dont les perspectives de sauvetage sont raisonnables. Cette procédure se décompose en deux étapes. En premier lieu, la période d’observation pouvant durer 6 mois ou un an destinée à dresser un état des lieux précis. Tous les créanciers doivent déclarer leurs créances auprès d’un représentant de la procédure collective. Dans le même temps, il est établi l’inventaire des biens permettant de mesurer l’actif de l’entreprise. Cette période d’observation est également mise à profit pour élaborer avec les principaux créanciers un plan de sauvegarde qui pourra s’échelonner sur 6 à 7 ans avec l’idée de favoriser des remises et des délais. Cela permet à l’entreprise de payer les échéances prévues par le plan.
Pendant la période d’observation s’appliquent les principes d’interdiction des poursuites, de mise en œuvre de sûretés, des paiements préférentiels, de paiement des créances antérieures. Seule une obligation de payer les créances subsiste pour les créanciers qui continuent de contracter avec l’entreprise. Les restrictions se poursuivent puisque les règles du jeu imposent au débiteur principal de régler les échéances prévues par le plan. Si l’entreprise respecte le plan de sauvegarde, les créanciers ne peuvent mettre en œuvre leurs sûretés. C’est seulement en cas de défaillance du débiteur principal que les créanciers pourront retrouver une part de leurs prérogatives.
À l’occasion de la réforme du 15 septembre 2021, la procédure de sauvegarde accélérée (variante) a été instituée et concerne les entreprises les plus importantes. Elle se caractérise par les classes de parties affectées regroupant les créanciers les plus importants dans différentes classes, lesquels sont invités à se prononcer sur le projet de plan.
3) La procédure de redressement judiciaire
Pour mettre en œuvre la procédure de redressement judiciaire, l’entreprise doit être en cessation de paiements. L’entreprise est en cessation de paiements lorsqu’elle ne peut pas faire face au passif exigible avec son actif disponible. Pour le reste, la même procédure que la sauvegarde judiciaire est applicable, soit une phase d’observation qui précède, soit un plan de sauvetage.
Dans le redressement judiciaire, il s’agit d’établir une date de cessation de paiements antérieure à celle du jugement d’ouverture. La période qui se déroule entre la date fixée pour la cessation des paiements et le jugement d’ouverture est alors appelée période suspecte. Les actes conclus pendant cette période peuvent être remis en cause.
4) La procédure de liquidation
Si l’entreprise rencontre des difficultés beaucoup plus sérieuses, il est mis en œuvre la procédure de liquidation qui peut prendre deux formes. Il est possible de procéder, d’une part, à la vente des actifs de l’entreprise et à la répartition du produit de la vente entre les créanciers ou, d’autre part, à la cession de l’entreprise au profit d’un tiers.
5) La procédure de rétablissement professionnel
La procédure de rétablissement professionnel se traduit par un effacement des dettes de l’entreprise. C’est sur ce modèle qu’a été établie une procédure de surendettement des particuliers.
B. Les procédures de traitement applicables aux particuliers
Lorsqu’une personne physique rencontre des difficultés, elle doit saisir une commission qui dépend de la Banque de France qui peut prendre différentes mesures permettant au débiteur en difficulté et de bonne foi de les surmonter. Des plans peuvent être mis en place et être assortis de délais et de remises à l’endroit de certains créanciers. Sur le modèle du rétablissement professionnel, existe une procédure de rétablissement personnel qui permet d’obtenir l’effacement des dettes.
Dans la plupart des cas, ces procédures conduisent les créanciers, titulaires ou non de sûretés, à consentir volontairement ou non des remises ou des délais à leur débiteur principal. Si l’on applique le principe du caractère accessoire du cautionnement (art.2298 c.civ), il y a lieu de considérer que la caution est libérée en partie et va profiter des mesures consenties au débiteur principal. Or, précisément, ce principe ne trouvera pas à s’appliquer lorsque s’ouvre une procédure de traitement des difficultés des personnes. En effet, l’ouverture de la procédure de surendettement traduit la défaillance du débiteur principal et pour s’en prémunir le créancier prend des sûretés personnelles ou réelles. Il ne serait pas cohérent de priver le créancier du droit de mettre en œuvre ses sûretés en cas d’ouverture de procédure collective. Cette idée est traduite par l’alinéa 2 de l’art.2298, aux termes duquel « toutefois la caution ne peut se prévaloir des mesures légales ou judiciaires dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance ». Le principe du caractère accessoire est évincé, ce dont il résulte que la caution pourra être poursuivie sans limites, sans pouvoir se prévaloir des réductions de la créance principale et des délais consentis au débiteur principal dans le cadre des différents plans mis en place.
L’idée est de tenter de sauver le plus d’entreprises possibles par l’anticipation, à savoir inciter à tout prix le chef d’entreprise à faire part de ses difficultés le plus tôt possible (dépôt de bilan). Si cette démarche souhaitée du chef d’entreprise emportait immédiatement autorisation des créanciers bénéficiaires de cautionnement à mettre en œuvre immédiatement leurs sûretés, soit en poursuivant le dirigeant caution ou ses proches qui pourraient également être caution, cela ne serait guère incitatif. Pour ne pas se mettre en difficulté ni ses proches, le chef d’entreprise retarderait la déclaration de ses difficultés. C’est la raison pour laquelle des dispositions du droit des procédures collectives permettent aux cautions personnes physiques de profiter, à certaines conditions, des délais et remises consentis au débiteur principal et qui leur permettrait d’échapper aux poursuites en cas d’ouverture d’une procédure collective sauf disposition spéciale contraire (art.2299 c.civ).
§3. Les conséquences des procédures collectives
Il faut rappeler que les cautions ne bénéficient pas des mesures consenties par les créanciers en faveur des débiteurs en difficulté. S’agissant des entreprises en difficulté, deux principes majeurs à retenir. D’une part, seules les cautions personnes physiques sont protégées. D’autre part, le sort réservé aux cautions est fortement lié à la nature de la procédure de traitement ouverte. Plus la procédure ouverte a une fonction de prévention, plus la caution se trouve protégée. En application de ces règles, la caution personne physique pourra profiter des mesures, des délais consentis dans le cadre d’une procédure de conciliation. En cas de procédure de sauvegarde, pendant la période d’observation, la caution personne physique ne pourra pas être poursuivie par le créancier (interdiction de poursuite). Néanmoins, le créancier aura la possibilité de prendre des mesures conservatoires et d’engager des procédures lui permettant d’obtenir un titre. Pendant l’exécution du plan de sauvegarde, la caution personne physique profite de la suspension des cours d’intérêts et ne pourra pas être poursuivie dès lors que le débiteur exécutera convenablement le plan de sauvegarde mis en place. En cas de non-respect des échéances du plan, le créancier, dont la créance est à nouveau exigible, retrouve la faculté de poursuivre les cautions personnes physiques.
Avant la réforme de 2021, ces règles ne s’appliquaient pas à la procédure de redressement judiciaire. La réforme en a étendu le bénéfice aux cautions personnes physiques. C’est seulement en cas de procédure de liquidation que le créancier peut poursuivre la caution sans restriction. En vertu de l’art. L.642-7 c.com, le cautionnement garantissant une dette de l’entreprise ne peut pas être transmis au repreneur. Dans le cadre d’une procédure de rétablissement professionnel, cela ne profite pas aux cautions.
SECTION II : La poursuite d’une caution simple
En principe, le cautionnement est simple. Il offre à la caution deux bénéfices que sont le bénéfice de discussion et le bénéfice de division.
§1. Le bénéfice de discussion
Prévu par l’art.2305 c.civ, le bénéfice de discussion permet à la caution d’exiger du créancier qu’il poursuive d’abord le débiteur principal. Ce bénéfice doit être invoqué par la caution dès les premières poursuites qui sont engagées contre elle.
§2. Le bénéfice de division
Le bénéfice de division est prévu par l’art.2306 c.civ, aux termes duquel « lorsque plusieurs personnes se sont portées cautions d’une même dette, elles sont tenues pour le tout. Néanmoins, celle qui est poursuivie peut opposer au créancier le bénéfice de division, le créancier est alors tenu de diviser ses poursuites et ne peut lui réclamer que sa part de la dette ». Ce bénéfice doit également être invoqué par la caution dès les premières poursuites engagées contre elle. L’art.2306-1 c.civ précise que ce bénéfice ne peut être mis en œuvre qu’entre cautions solvables. L’insolvabilité d’une caution au jour où la division est invoquée est supportée par celles qui sont solvables. La caution qui a demandé la division ne peut plus être recherchée à raison de l’insolvabilité d’une autre survenue postérieurement.
SECTION III : La poursuite d’une caution solidaire
Pour que le cautionnement soit solidaire, des conditions doivent être réunies. Pour les cautions non-commerçantes, une mention doit prévoir que la caution renonce au bénéfice de discussion. En matière commerciale, la solidarité est présumée.
À la caution solidaire s’applique une grande partie du régime de la solidarité. Quand deux personnes sont tenues solidairement d’une même dette, le créancier peut poursuivre l’une d’entre elles pour le tout. La caution solidaire a la faculté d’opposer au créancier la compensation (exception) de ce que doit ce dernier au débiteur principal. De même, la remise de dette libère la caution solidaire. Une caution solidaire se distingue d’un codébiteur solidaire. Deux personnes codébitrices sont des débiteurs principaux et ont vocation à supporter le poids définitif de la dette. Il en va différemment lorsqu’une caution est tenue solidairement avec le débiteur principal. Certes, la caution peut être poursuivie en totalité par le créancier mais la caution n’étant pas débitrice principale n’a pas vocation à supporter le poids définitif de la dette et dispose d’un recours contre le débiteur principal.
Il existe trois figures de solidarité en matière de cautionnement que sont d’abord, la solidarité entre une caution et le débiteur principal, ensuite la solidarité entre plusieurs cautions et le débiteur principal et, enfin, la solidarité entre toutes les cautions.
CHAPITRE II : LA LIBÉRATION DE LA CAUTION PAR LA FAUTE DU CRÉANCIER
En principe, la défaillance du débiteur principal pousse le créancier à mettre en demeure la caution de payer dans les 15 jours en lui indiquant que sa créance est devenue exigible. En général, la caution va voir un avocat, qui dans ce cas de figure, vérifie si le cautionnement n’est pas éteint et si les règles de procédure ont été respectées. D’autres moyens de défense se rattachent à la faute commise par le créancier envers la caution. Ce n’est pas parce qu’un créancier a obtenu un cautionnement qu’il doit complètement se désintéresser du sort de la caution. Au contraire, il doit toujours prendre en compte ses intérêts. Dans 3 hypothèses, il est possible de tenir compte d’une faute de négligence commise par le créancier dans la préservation des intérêts de la caution.
SECTION I : Le bénéfice de subrogation
Le bénéfice de subrogation est également défini comme le bénéfice de cession d’action. En ce cas, le créancier, pour se garantir, ne s’est pas simplement fait consentir un cautionnement mais a également pris une sûreté réelle (hypothèque par exemple). Si le créancier n’est pas fautif, la personne qui paie le créancier est subrogé dans ses droits. Concrètement, il prend la place du créancier avec les prérogatives qui sont les siennes. Par conséquent, la caution pourra profiter de l’hypothèque consentie au créancier par le débiteur principal. La caution bénéficie du statut de créancier hypothécaire et peut exercer un recours contre le débiteur principal en cette qualité. Si l’hypothèque bénéficie d’un excellent classement, la caution aura une grande chance d’être désintéressée. Il ne faut pas confondre le recours subrogatoire (dirigé par la caution contre le débiteur principal après désintéressement du créancier) avec le bénéfice de subrogation (invoqué par la caution contre le créancier aux droits duquel elle se subroge).
Le bénéfice de subrogation est prévu à l’art. 2314 c.civ, aux termes duquel « lorsque la subrogation aux droits du créancier ne peut plus, par la faute de celui-ci, s'opérer en sa faveur, la caution est déchargée à concurrence du préjudice qu'elle subit ». Pour mettre en œuvre le bénéfice de subrogation, il faut que le créancier ait été fautif. Par exemple, il ne renouvelle pas son hypothèque privant ainsi la caution de la sûreté réelle. En l’absence d’une sûreté réelle, la caution sera un créancier chirographaire. À ce titre, il peut se prévaloir du bénéfice de subrogation pour engager la responsabilité du créancier dont la négligence l’a privé de l’hypothèque.
§1. Les titulaires du bénéfice de subrogation
S’agissant d’une faute, il y a engagement de la responsabilité civile mais la sanction diffère. Toutes les cautions, qu’elles soient personnes physiques ou personnes morales, peuvent invoquer des bénéfices de subrogation.
§2. La subrogation aux droits du créancier
Il s’agit de tous les droits qui peuvent conférer au créancier une situation préférentielle. Ce peut être une sûreté ou une garantie (compensation). Ce sont des droits qui existaient au jour où la caution s’est engagée ou des droits sur lesquels la caution pouvait compter parce que le créancier s’était engagé à les constituer.
§3. La faute
Avant la réforme du 15 septembre 2021, le texte visait le fait du créancier mais en réalité il s’agissait d’une faute. La jurisprudence retient une conception large de la faute puisqu’elle peut consister en un acte positif tout comme en une abstention. Par exemple, le fait, pour un créancier de se dessaisir d’un bien qui peut être l’assiette de son droit de rétention est un acte positif. L’abstention fautive peut consister en l’oubli par le créancier d’accomplir une formalité nécessaire à la préservation de son droit. Par exemple, le fait d’oublier une publicité d’hypothèque ou de ne pas renouveler une hypothèque.
Néanmoins, la JP exige une faute exclusive du créancier, ce dont il résulte que la caution ne pourra pas opposer le bénéfice de subrogation si la perte du droit préférentiel qu’elle invoque est due à une autre personne ou si la faute est partagée.
Depuis la réforme de 2021, la caution ne peut reprocher au créancier son choix du mode de réalisation d’une sûreté. Cette nouvelle disposition vise à remettre en cause une jurisprudence antérieure. Par exemple, un créancier se fait consentir un gage sur un meuble. Le créancier a la faculté de se faire attribuer judiciairement ou conventionnellement la propriété du bien gagé. Le législateur lui-même précise qu’il s’agit d’une faculté. Par définition, une faculté est une prérogative qu’on est libre ou non d’exercer et on ne peut pas être responsable de ne pas exercer une prérogative qu’on est libre ou non d’exercer. Pour autant, avant la réforme, une JP contestée avait posé comme une règle que le créancier était fautif s’il n’avait pas exercé cette faculté d’attribution judiciaire ou conventionnelle. C’était rendre obligatoire ce qui était une faculté. Pour briser cette jurisprudence, le texte ajoute un alinéa 3 à l’art.2314 c.civ qui dispose que « la caution ne peut reprocher au créancier son choix du mode de réalisation d'une sûreté ».
§4. Le préjudice subi par la caution
La caution ne peut opposer le bénéfice de subrogation que si elle subit véritablement un préjudice lié à la faute du créancier (lien de causalité exigé). En effet, il se peut très bien que la négligence du créancier n’ait eu strictement aucune conséquence préjudiciable pour la caution. Par exemple, si le créancier dispose d’une hypothèque de premier rang, tout se passe bien. Si le créancier dispose d’une hypothèque de 3e rang, il se peut qu’il n’ait rien. S’il ne renouvelle pas son hypothèque de 3e rang, la caution n’aurait subi aucun préjudice puisqu’en tout état de cause, il n’aurait rien. Dans ce cas, le créancier peut faire valoir contre la caution qui lui oppose le bénéfice de subrogation qu’elle ne subit aucun préjudice. Si la caution poursuivie invoque le bénéfice de subrogation, le créancier peut lui opposer l’absence de préjudice pour faire échec à l’engagement de sa responsabilité.
SECTION II : La faute du créancier dispensateur de crédit
Lorsqu’un créancier consent un crédit à un particulier ou une entreprise, la JP et le législateur mettent à la charge du banquier certaines obligations dans l’intérêt de l’emprunteur dont le non-respect peut engager la responsabilité du créancier aussi bien envers le débiteur principal qu’envers la caution.
§1. Un manquement du banquier à son devoir de mise en garde
Le devoir de mise en garde existe envers un emprunteur et envers une caution, ce dont il résulte que son non-respect peut doublement être invoqué par une caution. En application du principe du caractère accessoire, la caution peut invoquer une faute commise envers l’emprunteur ou invoquer une faute commise directement à son égard
A. Le devoir de mise en garde envers l’emprunteur
Le devoir de mise en garde envers l’emprunteur est consacré par la JP. Pendant longtemps, on considérait qu’un créancier ne pouvait être responsable de l’octroi du crédit. En effet, il était constaté que beaucoup de banques octroyaient des crédits présentant un caractère excessif et qui pouvaient, à ce titre, conduire à des situations de surendettement des particuliers ou de dépassement des facultés contributives d’entreprises. Pour prévenir ce phénomène, les magistrats ont introduit une obligation de mise en garde qui consiste pour un banquier d’alerter celui auquel il consent un crédit du risque qu’il prend en s’engageant, en raison de ses facultés financières et de son patrimoine.
Il n’est pas interdit à la banque d’accorder un crédit excessif à condition de mettre en garde l’emprunteur du risque de non-remboursement du crédit qu’elle consent. Il appartient à la banque de rapporter la preuve qu’elle a bien exécuté son devoir de mise en garde. Ce devoir est intermédiaire entre l’obligation d’information et l’obligation de conseil. L’obligation d’information consiste à produire des documents informatifs au bénéficiaire de l’information mais pas plus. L’obligation de conseil consiste, pour celui qui y est tenu, de prendre parti et de donner un avis favorable ou défavorable à l’opération envisagée. Cette obligation de conseil est due uniquement aux emprunteurs non avertis et de bonne foi. Les emprunteurs avertis seront des dirigeants expérimentés ayant les compétences nécessaires pour apprécier eux-mêmes le risque pris en empruntant.
Lorsque les conditions de mise en garde sont réunies et que le créancier ne les respecte pas, l’emprunteur peut engager la responsabilité de la banque pour obtenir la réparation du préjudice résultant de la perte de chance de ne pas la souscrire s’il avait été préalablement informé du risque de l’opération. Les juges du fond évalueront le pourcentage de chance selon lequel l’emprunteur n’aurait pas souscrit le crédit s’il avait été correctement informé. Si la responsabilité est retenue à l’égard de l’emprunteur, la caution peut s’en prévaloir car la dette sera réduite des dommages-intérêts accordés à l’emprunteur. Ce devoir de mise en garde initialement jurisprudentiel est devenu légal par le biais de la réforme de 2021 à l’art. 2299 c.civ.
B. Le devoir de mise en garde envers la caution
Le devoir de mise en garde de la caution a été calqué sur celui dû à l’emprunteur avec quelques adaptations. Ce devoir de mise en garde jurisprudentiel n’était dû qu’envers les cautions non-averties. Quelles sont les conditions pour être qualifiée de caution non-avertie ?
D’abord, il ressort des arrêts que la caution non-avertie est celle qui n’a pas l’expérience de ce type de cautionnement et qui, en raison de son niveau social, intellectuel, n’est pas à même de mesurer le risque qu’elle prend en se portant caution de la dette d’un tiers. La JP admettait facilement le caractère non-averti de sorte que beaucoup de dirigeants d’entreprise ont été qualifiés de caution non-averties. La JP insiste sur le peu d’expérience de la caution.
Ensuite, il fallait caractériser un emprunt excessif en réalisant une comparaison du crédit consenti par le prêteur aux capacités financières du débiteur principal et de la caution. Enfin, la caution devait être de bonne foi. Pour satisfaire ces exigences, il était conseillé aux emprunteurs de faire souscrire par les cautions une fiche patrimoniale à laquelle, sauf anomalie apparente, le prêteur pouvait se fier selon la JP.
Si ces conditions étaient réunies, la Cour de cassation considérait que la caution non- avertie devait être mise en garde au moment où elle souscrivait son engagement. Il appartenait alors au créancier de rapporter la preuve qu’il avait mis en garde la caution du risque pris en s’engageant au regard de ses facultés contributives.
Après des hésitations, la JP a considéré que ce devoir de mise en garde pouvait exister avec la mise en œuvre du principe de proportionnalité dans la mesure où elles ne répondent pas aux mêmes exigences. Par exemple, une caution profane qui dispose d’un patrimoine conséquent ne peut pas se prévaloir du principe de proportionnalité. Néanmoins, si le crédit consenti au débiteur principal est excessif au regard des capacités de remboursement de ce dernier, les conditions pour l’exercice de la mise en garde sont réunies.
Comme à l’égard de l’emprunteur, il appartient à la banque de rapporter la preuve de la mise en œuvre de son devoir de mise en garde à l’égard de la caution. À défaut, elle serait condamnée à des dommages-intérêts venant réparer le préjudice de perte de chance pour la caution de ne pas souscrire cet engagement de caution si elle avait été correctement informée par le créancier tenu du devoir de mise en garde.
Avant la réforme de 2021, très souvent, les cautions non averties invoquaient ce manquement au devoir de mise en garde et obtenaient des dommages-intérêts qui, par le jeu de la compensation, venaient réduire le montant dû au créancier.
À la surprise générale, le législateur n’a consacré que ce devoir de mise en garde envers les cautions. Le but est de sécuriser cette jurisprudence et de renforcer la protection des cautions personnes physiques qui sont les gagnantes de l’introduction de l’art.2299 dans le Code civil. L’art.2299 c.civ dispose en effet que « le créancier professionnel est tenu de mettre en garde la caution personne physique lorsque l'engagement du débiteur principal est inadapté aux capacités financières de ce dernier. À défaut, le créancier est déchu de son droit contre la caution à hauteur du préjudice subi par celle-ci ». Le devoir de mise en garde de l’emprunteur demeure, quant à lui, jurisprudentiel.
Cette consécration légale du devoir de mise en garde s’est opérée avec des modifications assez substantielles par rapport à la JP antérieure. En premier lieu, ce devoir de mise en garde est imposé à tout créancier professionnel (pas seulement les établissements mais tous ceux qui font souscrire des cautionnements dans le cadre de leurs activités professionnelles). En deuxième lieu, il est désormais dû à toutes les personnes physiques sans distinction. Il en résulte un abandon de la distinction entre cautions averties et non averties s’agissant des personnes physiques. Cela participe d’une simplification de l’office du juge en raison de l’abondance des décisions de justice rendues sur la base de cette distinction. En troisième lieu, le clivage personne physique et personne morale est très accentué.
En quatrième lieu, seules les capacités financières du débiteur principal sont appréciées. Il faut et il suffit que le crédit consenti au débiteur soit excessif eu égard aux facultés de remboursement de ce dernier. Cette affirmation confirme parfaitement la JP antérieure qui permettait un cumul entre le devoir de mise en garde et le principe de proportionnalité. En effet, une caution qui ne pourrait pas se prévaloir du principe de proportionnalité peut fort bien invoquer le manquement au devoir de mise en garde en sa qualité de personne physique cocontractante d’un créancier professionnel.
En cinquième lieu, avant, le créancier qui n’accomplissait pas son devoir de mise en garde ou ne prouvait pas l’accomplissement de ce dernier, engageait sa responsabilité envers la caution et cela se soldait par l’allocation de dommages-intérêts. Désormais, le créancier est déchu de son droit contre la caution à hauteur du préjudice subi par celle-ci. La sanction de la déchéance n’est pas celle de la responsabilité. Celui qui est déchu de son droit contre la caution n’engage pas sa responsabilité ni n’est condamnée au versement de dommages-intérêts de sorte que la compensation ne peut jouer. La caution est alors protégée par une autre technique juridique selon laquelle la caution poursuivie pourra toujours invoquer le manquement de mise en garde du créancier qui sera privé de son droit de poursuivre la caution pour un montant correspondant au préjudice subi. Comme par le passé, ce préjudice sera celui de la perte de chance de n’avoir pas souscrit le cautionnement si le devoir de mise en garde avait été correctement mis en œuvre. Ce manquement au devoir de mise en garde sera l’un des moyens de défense privilégiés des cautions à l’égard des créanciers.
§2. Le soutien abusif de crédit
Le soutien abusif de crédit est une faute assez classique que l’on peut reprocher à un banquier même si aujourd’hui l’action en responsabilité sur ce fondement est plus délicat à mettre en œuvre. Dans le soutien abusif de crédit, il est reproché au banquier d’avoir accordé un crédit à une entreprise dont il ne peut ignorer les difficultés et la situation irrémédiablement compromise. Plusieurs arrêts sanctionnaient ce soutien abusif de crédit car cet octroi de crédits massif à des entreprises rencontrant des difficultés consistait à leur conférer une apparence de solvabilité jusqu’au jour où la banque arrêtait son soutien.
Dans les années 2000, ces actions en responsabilité étaient systématiquement engagées contre les banquiers dès lors qu’une entreprise importante déposait le bilan. Ainsi, la réforme de 2005 introduit l’art.L.650-1 dans le Code de la consommation afin de limiter les actions en responsabilité pour soutien abusif de crédit. Ce texte pose le principe de l’absence de responsabilité d’un établissement de crédit qui consent un crédit à une entreprise faisant l’objet d’une procédure collective.
Ce principe de non-responsabilité est assorti de 3 tempéraments. D’abord, il est évincé en cas de fraude. En effet, la fraude avec une volonté de nuire du créancier de nuire au débiteur est un comportement sanctionnable pénalement. Ensuite, il est écarté en cas d’immixtion de la banque. En effet, la banque ne doit pas se comporter comme le chef d’entreprise lui-même. Enfin, ce principe de non-responsabilité est évincé en cas de prise de garantie disproportionnée par rapport au montant du concours. Si ces conditions sont réunies, l’établissement de crédit engage sa responsabilité. Cependant, la JP, interprétant cet article, exige la preuve que le crédit consenti à l’entreprise en difficulté était fautif. Concrètement, le demandeur doit prouver que la banque connaissait la situation irrémédiablement compromise de l’entreprise ou que le débiteur principal avait eu un comportement gravement répréhensible.
Hormis ces cas, il n’est plus possible d’engager une action en responsabilité contre une banque pour soutien abusif de crédit. C’est souvent le manquement au devoir de mise en garde qui est invoqué dans ce cas de figure.
§3. La rupture abusive de crédit
Dans la rupture abusive de crédit, la loi reproche au banquier d’avoir rompu brutalement un crédit. Il faut alors distinguer deux cas de figure. En premier lieu, si une entreprise ou un particulier dispose d’un crédit à durée indéterminée, la banque est libre de le rompre à tout moment à la condition de respecter un préavis de 60 jours (Code monétaire et financier). Néanmoins, elle est dispensée de préavis en cas de comportement gravement répréhensible du client ou de situation irrémédiablement compromise de ce dernier. Ce délai est destiné à permettre à celui qui est privé de concours de trouver un financement auprès d’un autre établissement de crédit.
Si le crédit est à durée déterminée, il doit être respecté jusqu’à son terme mais il sera possible d’y mettre fin prématurément à condition de prouver la négligence grave du bénéficiaire du crédit ou sa situation irrémédiablement compromise.
Cette faute de la banque est commise envers le débiteur principal mais la caution peut s’en prévaloir compte tenu du caractère accessoire de son engagement. Comme on applique le droit de la responsabilité, la banque sera condamnée à des dommages-intérêts venant compenser le montant de la dette principale. Par conséquent, la caution pourra bénéficier de la réduction de ses fonds.
§4. Le devoir de mise en garde contre la portée de l’assurance-groupe
Lorsque l’on souscrit un crédit immobilier, la banque demande de souscrire une assurance qui prend en charge les échéances du crédit s’il arrive au souscripteur un problème (maladie, accident…). Ces assurances sont souscrites dans l’intérêt des deux parties. Comme dans toute assurance, il existe des clauses peu compréhensibles qui précisent les conditions de l’assurance et les cas dans lesquels l’assurance ne jouera pas (clauses d’exclusion d’assurance).
C’est à l’occasion de l’examen d’une clause d’exclusion d’assurance que la JP a consacré le principe selon lequel l’établissement de crédit a le devoir d’éclairer la caution et l’emprunteur sur la portée de l’assurance qu’il fait souscrire. En l’espèce, un agriculteur avait souscrit une assurance dont les conditions générales prévoyaient que l’assurance ne jouait qu’en cas d’invalidité empêchant l’exercice d’une activité salariale. L’agriculteur qui avait deux jambes coupées lors d’un accident considérait qu’il ne pouvait pas travailler et a invoqué le bénéfice de l’assurance. Mais la Cour de cassation avait considéré que l’assurance ne pouvait pas jouer car l’agriculteur pouvait travailler dans un bureau. L’agriculteur a donc chercher à engager la responsabilité de la banque pour ne l’avoir pas alerté du risque d’un tel accident.
Ass., Plén, 2 mars 2007 : la Cour, siégeant en assemblée plénière, considère que celui qui fait souscrire une assurance-groupe a le devoir d’éclairer l’emprunteur sur la portée exacte de l’assurance. L’attendu de principe énonce que « le banquier, qui propose à son client auquel il consent un prêt, d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit à l'effet de garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, la remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation ». Concrètement, la banque doit mettre en avant les cas d’exclusion d’assurance. Si la banque ne rapporte pas la preuve qu’elle a bien exercé ce devoir d’éclairer, elle engage sa responsabilité pour le préjudice de perte de chance de souscrire une assurance adaptée aux besoins de l’emprunteur.
SECTION III : Le non-respect de l’obligation légale d’information
Deux manquements seront sanctionnés. Depuis 30 ans, les bénéficiaires de cautionnement sont tenus à des obligations d’information envers les cautions dans deux cas de figure. D’une part, l’obligation annuelle d’information qui tend à préciser à la caution chaque année l’étendue, le terme de son engagement ainsi que sa possibilité d’y mettre fin. D’autre part, l’obligation d’information en cas de défaillance du débiteur principal, ce qui laisse craindre une poursuite très rapide de la caution.
Avant la réforme de 2021, ces obligations d’information étaient prévues dans différents textes et codes (code civil, code de la consommation, code monétaire et financier, etc.). La réforme de 2021 a été l’occasion d’une rationalisation avec trois dispositions (art.2302, art. 2303 et art. 2304 c.civ) qui fixent le régime de l’obligation d’information.
§1. L’information annuelle relative à la portée de l’engagement
Selon l’art.2302 c.civ, chaque année, il faut informer la caution avant le 31 mars de la portée de son engagement et de la faculté de mettre fin à son engagement. Cette obligation pèse sur tous les professionnels, en particulier les banques qui adressent chaque année environ 20 millions de lettres aux cautions.
L’obligation d’information et la preuve de son exécution sont source d’un contentieux très important. En effet, la preuve de l’exécution de cette obligation est difficile à rapporter. Il est possible d’imposer l’envoi de lettre RAR pour prouver que la caution a reçu une lettre recommandée. Mais la réception de la lettre ne prouve en rien que la lettre respecte les exigences légales. On s’accorde pour considérer que la preuve de l’exécution de ce devoir est correctement rapportée si le banquier prouve, par photocopie, l’envoi de la lettre à la caution. En outre, la banque doit produire un constat d’huissier qui a procédé à des sondages lors de l’envoi des informations annuelles pour s’assurer que les noms des cautions figurent sur les listes. Ainsi, les créanciers pourront rapporter la preuve de l’exécution correcte de leur obligation.
Si le créancier professionnel ne respecte pas ou ne prouve pas l’exécution de cette obligation d’information, la sanction réside dans la déchéance du droit de percevoir les intérêts et pénalités échus depuis la date de la précédente information jusqu’à celle de la communication de la nouvelle information.
§2. L’information des cautions relatives à la défaillance du débiteur principal
Cette obligation d’information est visée à l’art.2303 c.civ, aux termes duquel « le créancier professionnel est tenu d'informer toute caution personne physique de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement, à peine de déchéance de la garantie des intérêts et pénalités échus entre la date de cet incident et celle à laquelle elle en a été informée ». Elle vise à permettre à la caution de préserver ses intérêts voire d’agir auprès du débiteur principal en cas de défaillance de ce dernier et d’anticiper sa poursuite prochaine. Une caution poursuivie dispose d’une pluralité de moyens de défense (validité, mise en garde, proportionnalité, cause d’extinction du cautionnement, procédure collective, manquement au bénéfice de subrogation, obligation d’information, etc.).
CHAPITRE III : LES RECOURS DE LA CAUTION CONTRE LE DÉBITEUR PRINCIPAL
La caution n’est pas un débiteur principal et, à ce titre, ne doit pas supporter la charge définitive de la dette.
SECTION I : Les recours de la caution contre le débiteur principal
§1. Le recours de la caution avant paiement contre le débiteur principal
Depuis la réforme de 2021, la caution dispose d’une prérogative avant paiement. En effet, elle peut prendre une mesure conservatoire (art. L.511-1 CPCE). Autrement dit, elle peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement. Elle peut aussi procéder à la déclaration de sa créance dans une procédure collective ouverte au sujet du débiteur principal.
§2. Les recours de la caution après paiement contre le débiteur principal
A. Le recours subrogatoire
La caution dispose d’un recours subrogatoire prévu par l’art.2309 c.civ, aux termes duquel « la caution qui a payé tout ou partie de la dette est subrogée dans les droits qu'avait le créancier contre le débiteur ». La caution bénéficie de ce recours car elle remplit les conditions posées par l’art.1346 c.civ, aux termes duquel « la subrogation a lieu par le seul effet de la loi au profit de celui qui, y ayant un intérêt légitime, paie dès lors que son paiement libère envers le créancier celui sur qui doit peser la charge définitive de tout ou partie de la dette ». En effet, elle est tenue avec le débiteur principal d’une dette qu’elle a intérêt à l’acquitter.
Grace à ce recours subrogatoire, la caution est en droit de réclamer au débiteur principal le paiement des sommes qu’elle a payées au créancier et peut bénéficier des sûretés et droits préférentiels qu’avait pu bénéficier le créancier. La caution peut seulement réclamer le montant des sommes dues par le débiteur principal au créancier.
B. Le recours personnel
Le recours personnel est consacré à l’art. 2308 c.civ aux termes duquel « la caution qui a payé tout ou partie de la dette a un recours personnel contre le débiteur tant pour les sommes qu'elle a payées que pour les intérêts et les frais ». Il est différent du recours subrogatoire et a moins intérêt dans la mesure où la caution exerce une action personnelle, ce dont il résulte qu’elle ne peut pas profiter des sûretés et des droits préférentiels qu’avait pu se ménager le créancier. À l’égard du débiteur principal, la caution sera un créancier chirographaire. Néanmoins, l’assiette de ce recours est plus étendue que celle du recours subrogatoire car la caution peut réclamer toutes les sommes payées ainsi que les intérêts et les frais.
SECTION II : Les recours de la caution contre les cofidéjusseurs (cautions solidaires)
C’est l’hypothèse où il existe une pluralité de cautions au profit du même créancier en garantie de la même dette. Lorsqu’un créancier bénéficie d’un cautionnement solidaire, il est autorisé à poursuivre en totalité l’une des cautions solidaires. Cette caution solidaire qui a payé le créancier dispose d’un recours contre les autres cautions. Ces recours sont prévus à l’art.2312 c.civ, aux termes duquel « en cas de pluralité de cautions, celle qui a payé a un recours personnel ET un recours subrogatoire contre les autres chacune pour sa part ». Dans les rapports entre cautions, on retrouve les mêmes règles applicables aux rapports entre la caution et le débiteur principal. En particulier, la caution solidaire dispose d’un recours personnel et subrogatoire. Encore une fois, l’assiette du recours personnel est plus étendue que celle du recours subrogatoire car la caution peut réclamer toutes les sommes payées ainsi que les intérêts et les frais. L’inconvénient est que la caution qui s’est déchargée des sommes doit supporter le risque d’insolvabilité des autres cautions. Les cautions solidaires peuvent ne pas être tenues de la même manière à l’égard du créancier. En effet, certaines peuvent garantir la totalité de la dette tandis que d’autres ont fixé une limite au montant à leur engagement. Dans ce cas, il faut faire une règle de trois.
TITRE III : LES ALTERNATIVES AU CAUTIONNEMENT
La poursuite d’une caution peut être une course d’obstacles pour le créancier, surtout avec le renforcement du principe du caractère accessoire du cautionnement. En effet, la caution peut se prévaloir de tous les moyens de défense que le débiteur principal aurait pu opposer lui-même au créancier (nullité, prescription). Ce phénomène a pris de l’ampleur dans les années 1970. Avant, le cautionnement avait été conçu dans le seul intérêt du créancier de sorte que les cautions n’avaient pas de moyens de défense significatifs. À l’époque, les procédures collectives n’existaient pas. Dans les manuels de droits personnels, il n’y avait que le cautionnement. À partir de 1975, le droit des sûretés personnelles s’est enrichi par le biais d’une réflexion menée par les banques et les cautions précisément au moment où les attaques contre le cautionnement ont commencé, à savoir la mise en œuvre du formalisme, du principe de proportionnalité et des procédures collectives.
Les créanciers ont alors recherché des alternatives leur permettant d’obtenir des garanties personnelles plus efficaces que le cautionnement. La recherche a été assez fructueuse et s’est engagée dans plusieurs directions. Les créanciers ont recherché si dans le Code civil, il n’y avait pas des techniques qui, sans être qualifiées de sûretés, procuraient des prérogatives similaires. Par exemple, la promesse de porte-fort et la délégation de créance permettent à un créancier d’avoir l’équivalent d’un cautionnement. Ces alternatives n’ont pas eu un grand succès car leur régime est incertain et ne correspond pas à la tradition juridique française.
Deux mécanismes ont eu du succès. D’une part, la lettre d’intention qui s’applique dans le cas où une société mère veut favoriser l’obtention du crédit par sa filiale. Cette lettre d’intention est sanctionnée par la responsabilité contractuelle. D’autre part, on a utilisé la garantie autonome dans les relations d’affaires internationales.
La lettre d’intention et la garantie autonome se sont développées dans les années 80 et la réforme de 2006 les a consacrées aux art. 2321 et 2322 c.civ au rang de sûretés personnelles.
CHAPITRE I : LA GARANTIE AUTONOME
Appelées aussi garanties indépendantes ou garanties à première demande, les garanties autonomes sont à l’origine une création de la pratique bancaire internationale. Elle a été introduite en 2006 par le législateur dans le Code civil à l’art.2321 aux termes duquel «la garantie autonome est l'engagement par lequel le garant s'oblige, en considération d'une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues. Le garant n'est pas tenu en cas d'abus ou de fraude manifestes du bénéficiaire ou de collusion de celui-ci avec le donneur d'ordre. Le garant ne peut opposer aucune exception tenant à l'obligation garantie. Sauf convention contraire, cette sûreté ne suit pas l'obligation garantie.»
Pour comprendre le fonctionnement et l’originalité de la garantie autonome, il faut revenir à ses origines. La garantie autonome trouve son origine dans la pratique bancaire internationale apparue dans les années 1970 avant d’être intégrée dans le Code civil en 2006, moyennant quelques adaptations.
SECTION I : La garantie indépendante internationale
La garantie indépendante internationale a servi de modèle pour l’introduction de cette sûreté en droit français. Dès le départ, comme son nom l’indique, la spécificité de cette garantie indépendante est d’être une sûreté qui n’est pas accessoire. Le garant prend un engagement personnel et non pas un engagement à payer la dette d’un tiers.
La garantie internationale s’est développée à propos de contrats internationaux. À la base, on a un contrat international mettant en présence un vendeur (exportateur) et un acheteur (importateur). Ces contrats généralement significatifs par leur montant ou leur durée peuvent concerner la construction d’un barrage ou d’une centrale photovoltaïque. Ils sont passés entre des grandes entreprises de travaux publics et des clients dans des pays en voie de développement. Or, un contrat international comporte des risques spécifiques contre lesquels les deux parties entendent se protéger. Dans les relations internationales, les cocontractants ne se connaissent pas forcément et ne se font pas nécessairement confiance. Chacun supporte un risque. Pour l’acheteur, le risque est de devoir payer alors qu’il n’a pas encore reçu la marchandise ou que les travaux ne sont pas conformes ou ne sont pas rendus dans les délais. Pour le vendeur, le risque est d’accomplir sa prestation sans être payé et de supporter les risques d’insolvabilité de son client.
Des risques tiennent également à l’externalité du contrat tels que les risques de coup d’État, les risques climatiques, les risques économiques qui peuvent modifier le mode d’exécution de ces conventions. Pour les parties, ce sont des contrats à haut risque qui font intervenir leurs banques. Leurs banques jouent un rôle essentiel dans la mesure où chacun a besoin de sa banque pour lui octroyer des avances. Les banques se font confiance entre elles-mêmes et ne peuvent se permettre de ne pas respecter leurs signatures même si cela va à l’encontre de l’intérêt de leurs clients.
De plus, elles ont l’intérêt d’être toujours solvables. C’est la raison pour laquelle la pratique a imaginé des mécanismes protégeant les deux parties au contrat grâce au concours de leurs banques respectives. La première pratique est connue sous le nom de crédit-document qui est un mécanisme qui protège les intérêts du vendeur et des entreprises exportatrices. Il s’agit de s’assurer que les vendeurs et les exportateurs auront l’assurance d’être payés dès lors qu’ils auront correctement exécuté leurs obligations. Ils sont payés dès la production par la banque d’un certain nombre de documents venant attester la bonne exécution du contrat international.
La pratique s’est développée pour protéger les intérêts de l’acheteur, de l’importateur (celui qui a commandé la construction d’une usine, barrage hydroélectrique). En présence d’une telle opération, il faut un appel d’offres à destination de la dizaine d’entreprises dans le monde susceptibles d’être intéressées par le marché. L’acheteur potentiel veut être protégé contre trois risques. D’abord, il veut s’assurer que les entreprises qui soumissionnent à cet appel d’offres le fassent sérieusement par des offres fermes (garantie de soumission). Ensuite, une fois le contrat signé, il faut verser un acompte de 5% du montant du marché. L’acheteur souhaite se protéger pour avoir la certitude de la restitution de son acompte si la convention venait à être annulée (garantie de restitution d’acompte). Enfin, l’acheteur (bénéficiaire de la garantie) veut avoir la certitude que le contrat sera correctement exécuté et ce, dans les délais (garantie de bonne fin).
Avant la découverte de la garantie autonome, une pratique s’était développée consistant pour les exportateurs (constructeurs) à déposer 5% du montant du marché sur un compte de la banque de l’importateur. Il suffisait alors à l’importateur qui estimait que les conditions de l’appel en garantie étaient réunies de s’adresser à sa banque et de demander le versement à son profit des sommes inscrites sur ce compte et correspondant à 5% du montant marché. Cette garantie était efficace car la banque effectuait le virement demandé.
Mais cette pratique présentait un inconvénient pour les entreprises exportatrices. En effet, elles ont plusieurs marchés. Or, l’immobilisation de 5% du montant de chaque marché dans les banques représentait des sommes considérables. Ces garanties n’étaient mises en œuvre que dans un nombre très réduits de cas. C’est la raison pour laquelle les exportateurs ont été à l’origine de la garantie autonome destinée à remplacer la pratique du dépôt d’espèce. L’acheteur devient le bénéficiaire de la garantie et le vendeur devient le donneur d’ordre. Il faut ajouter la banque du bénéficiaire (banque garante) et la banque du donneur d’ordre (banque contre garantie). L’opération est à 4 parties.
La banque du bénéficiaire (banque garante) s’engage envers le bénéficiaire à lui payer une somme dont le montant est prévu et correspond globalement à 5% du montant du marché. Cet engagement de la banque est formalisé par une formule. La banque garante demande à la banque du donneur d’ordre de prendre une garantie du même type à son égard. Deux engagements sont pris par la banque garante au profit du bénéficiaire et par la banque du donneur d’ordre.
Les deux banques prennent des engagements personnels et autonomes, c’est-à-dire complètement détachés de l’exécution du contrat de base. Autrement dit, à la différence du cautionnement, les deux banques prennent des engagements indépendants qui ne sont pas accessoires et qui ne sont pas liés au contrat de base. Ces banques ne garantissent pas du tout les sommes qui pourraient être dues mais s’engagent uniquement à payer les sommes prévues et à première demande soit par le bénéficiaire ou par la banque garante.
Le mécanisme ainsi conçu est très protecteur du bénéficiaire et lui assure une protection équivalente à celle qui pourrait résulter de la pratique antérieure. En effet, si le bénéficiaire considère que les conditions de mise en jeu de la garantie de soumission, de restitution d’acompte ou de bonne fin sont réunies, il lui suffit d’appeler directement sa banque garante qui s’est engagée envers lui et lui demander le paiement de la somme prévue. La banque garante ne peut pas s’opposer à ce paiement et doit le faire immédiatement. La banque garante pourra s’adresser à la banque contre-garante qui ne pourra pas s’opposer à la demande de la banque garante ni lui opposer des exceptions. La banque contre-garante disposera d’un recours contre le donneur d’ordre, entreprise qui lui avait demandé de garantir cet engagement. Cette garantie est souvent une condition pour prendre part à l’appel d’offres. Les entreprises n’ont plus à immobiliser des acomptes auprès des banques grâce à des engagements pris par des banques qui respectent toujours leurs demandes.
Cette pratique a été institutionnalisée dans les années 1975 et s’est traduite par la rédaction d’un document contenant des règles et usances des garanties autonomes établi par la Chambre de commerce internationale qui codifie les pratiques internationales aux lesquelles les juges, les arbitres et les parties pourront se référer.
Les garanties autonomes se caractérisent par leur indépendance vis-à-vis du contrat de base en ce sens qu’elles ne se préoccupent pas de l’exécution du contrat de base.
Si l’indépendance est l’essence de la garantie, un tempérament a été introduit à l’occasion d’une crise politique internationale majeure entre l’Iran et les pays occidentaux au moment où la République d’Iran a succédé à l’empire dirigé par le shah d’Iran. C’était la 3e grande puissance industrielle qui faisait intervenir beaucoup d’entreprises. Par le changement de régime brutal, une crise diplomatique s’est déclarée de sorte que les puissances occidentales ont gelé tous les avoirs iraniens dans les banques occidentales. À cette annonce, la République islamique a appelé à première demande toutes les garanties émises au profit de l’Iran ou d’entreprises iraniennes. Si on avait appliqué, à la lettre, la garantie autonome, le montant de ces garanties auraient dû être versé à l’Iran sans discussion.
Les banques se sont concertées et ont refusé les appels de garantie de l’Iran au motif que l’appel de garantie avait une connotation politique en réponse au blocage des avoirs iraniens en se fondant dans la fraude et de l’abus manifeste. L’appel manifestement abusif ou frauduleux doit être évident pour tout le monde. Toutes les juridictions dans tous les pays ont accepté ce tempérament. La Cour de cassation a fait droit à ce tempérament. La même situation s’est produite en Lybie.
La différence entre le garant autonome et la caution est que le garant paie le bénéficiaire avant éventuellement de discuter tandis que dans le cautionnement, la caution peut discuter avant de payer. C’est ce qui a fait le succès de la garantie autonome dans les relations internationales et qui est devenue systématique dans les grands contrats et ne donnent lieu quasiment à aucun contentieux car toutes les parties y ont trouvé leur intérêt. Cela évite l’immobilisation de sommes importantes.
En cas de difficulté, il est possible de proroger la durée de validité de la garantie. La garantie est indépendante du contrat de base. Ainsi, les parties peuvent parallèlement opposer des exceptions au contrat de base telles que la nullité. La mise en œuvre de ces exceptions serait compliquée car elle nécessiterait l’application des règles internationales.
La garantie autonome a vocation à remplacer la pratique du dépôt d’argent dans les comptes de la banque du bénéficiaire. Ce modèle a été transposé en droit français et l’idée a été dans les années 1980 de voir les prémices de la garantie pendant lesquelles l’efficacité du cautionnement a été remise en question en raison des JP très protectrices de la caution, qui se sont alors développées. L’une des faiblesses du cautionnement, appréhendé du point de vue du créancier, consistait dans le caractère accessoire du cautionnement puisqu’en vertu de celui-ci, la caution pouvait trouver de nombreux moyens de défense. Les créanciers se sont demandé si la garantie autonome, sûreté dépourvue d’accessoire donc plus efficace, ne pouvait pas remplacer le cautionnement en guise de substitut.
SECTION II : Les garanties du droit interne
Dans les relations internes, l’opération se présente plus simplement car on demande un garant à première demande au lieu de solliciter une caution qui est une opération à trois personnes. Par exemple, une banque se porte garante à première demande du créancier. La banque du débiteur s’engage à payer le créancier, à première demande, une somme donnée. Dans les premières conventions apparues, les créanciers se sont contentés de reprendre les modèles de cautionnement et remplacer le mot « caution » par le mot « garant à première demande ». On a trouvé les formules suivantes : « Je m’engage à payer à première demande les sommes dues par le débiteur principal au créancier ». Il est évident qu’il ne pouvait s’agir d’une garantie à première demande car si X s’engage à payer les sommes dues, il faut commencer par se demander si les sommes sont bien dues en examinant l’exécution du contrat principal. Dès lors, ce n’est plus une garantie autonome mais un cautionnement. C’est la raison pour laquelle les juridictions ont requalifié ce type d’engagement en cautionnement.
Pour qu’une garantie soit véritablement une garantie autonome dans les relations internes, il faut qu’une personne s’engage à payer une somme donnée, sans pouvoir opposer d’exception à un bénéficiaire donné avec une durée de validité précisée. Le créancier pourra appeler cette garantie dans le délai imposé. Mais, il y a une faille puisque l’on applique à la garantie autonome les mêmes principes que le modèle présenté, et on retient la même réserve de la fraude ou de l’appel manifestement frauduleux. Ils sont rarement réunis puisqu’il faut que ce soit une évidence.
Il est difficile d’obtenir ce type de garantie. En effet, lorsqu’une banque s’engage à payer à première demande, si la garantie est appelée par le bénéficiaire, le donneur d’ordre (débiteur) va devoir la rembourser. Si c’est un dirigeant d’entreprise qui, au lieu de se porter caution, se porte garant à première demande, il se prive de beaucoup de protection tandis que si X s’engage pour un locataire, au lieu de dire qu’il s’engage à payer les loyers qui restent dus, la garantie doit par exemple indiquer que le garant à première demande va s’engager à payer une somme de X montant au profit du bénéficiaire. On a une possibilité pratique de rendre la souscription de la garantie autonome acceptable en ayant recours à la garantie glissante, réduite au fur et à mesure de l’exécution du contrat principal. Cela s’analyse en un tempérament du caractère indépendant de la garantie.
Dans quels cas la garantie autonome se développe dans les relations internes ? Le cas le plus fréquent est la garantie de passif qui intervient lorsqu’une entreprise est cédée pour un prix donné, fixé en tenant compte de certains éléments tels que la valeur du stock, la situation comptable, la description de l’entreprise. L’acheteur paie, au vu de ces éléments, le prix au vendeur, ce qui prend souvent la forme d’une cession de parts, d’une transmission d’actions pour un prix donné. À la suite de cette transmission, il peut survenir des événements totalement préjudiciables à l’acquéreur et dont il n’avait pas connaissance. Par exemple, un stock surévalué, un contrôle fiscal, une toiture pleine d’amiante, un sol plein de déchets toxiques, etc. L’acheteur va devoir payer des sommes supplémentaires non-envisagées.
Pour se prémunir contre ces risques, il est usuel de faire souscrire au vendeur une garantie de passif par laquelle il s’engage à rembourser l’acheteur d’une partie du prix si un événement préjudiciable intervient dans les 3 ans de la vente.
Le risque est que le vendeur encaisse le prix, organise son insolvabilité et, 3 ans après la vente, le jour où l’acheteur demande l’application de la garantie de passif, le vendeur devienne insolvable. Pour se protéger dans une telle situation, il est fréquent aujourd’hui qu’une garantie à première demande souscrite le plus souvent par une banque, garantisse cette garantie de passif (garantie de la garantie de passif). Dans un tel cas, cela est facile à mettre en place puisque l’on fixe le montant maximum de la garantie de passif (par exemple, 200.000 €) et on demande à la banque du vendeur de souscrire une garantie autonome au profit de l’acquéreur de l’entreprise. La banque protégera ses intérêts en prenant par exemple une hypothèque sur les biens du vendeur ou en imposant que la somme soit bloquée sur ses comptes pour qu’il n’y ait aucun problème si la garantie est appelée.
Deux règles traduisent une spécificité de la garantie autonome dans les relations internes. En premier lieu, dans un souci de protection évident, la garantie à première demande ne peut intervenir que dans les relations professionnelles d’affaires, à l’exclusion du droit de la consommation et des particuliers. Il faut que les personnes concernées soient parfaitement averties du risque inhérent à la garantie autonome.
En second lieu, en méconnaissant la nature de la garantie autonome, le droit assimile son régime à celui du cautionnement lorsque s’ouvre une procédure collective pour les mêmes raisons. En effet, si un dirigeant se porte garant à première demande, il sera traité comme une caution, ce dont il résulte qu’il ne pourra pas être poursuivi dans le cadre des procédures de redressement et de sauvegarde qui visent à favoriser les dépôts de bilan le plus tôt et éviter qu’ils conduisent à la mise en œuvre systématique de la garantie par les créanciers.
Au moment où cette garantie de substitution a été imaginée, on lui prédisait un bel avenir pensant qu’elle remplacerait en grande partie le cautionnement mais, il n’en a rien été. Cela est compréhensible pour deux raisons. D’une part, il n’est pas facile de rédiger une garantie à première demande parce qu’on ne s’engage pas à payer les sommes dues (il faut trouver le cas où des garants acceptent de garantir ce type de sûreté). D’autre part, le domaine est réduit dans un souci de protection des garants, d’où des applications résiduelles.
CHAPITRE II : LA LETTRE D’INTENTION
Comme la garantie autonome, la lettre d’intention a d’abord été une pratique contractuelle qui a été intégrée dans le Code civil à l’occasion de la réforme du 23 mars 2006. L’art. 2322 c.civ énonce que « la lettre d’intention est l’engagement de faire ou de ne pas faire, ayant pour objet le soutien apporté à un débiteur dans l’exécution de son obligation envers son créancier ». La lettre d’intention s’est développée dans une pratique clairement identifiée de sorte que son domaine est assez restreint. C’est l’hypothèse, en droit des sociétés, où une société-mère a une filiale qui a besoin de crédit. Or, comme elle n’est pas très connue à l’étranger, la banque locale peut hésiter à octroyer un crédit surtout s’il est important par rapport à la surface financière de la filiale.
Dans les années 60, une pratique s’est développée dans les relations d’affaires, par laquelle le PDG de la société-mère écrit une lettre à l’intention de banquiers éventuels de la filiale, sans formule type en disant que la filiale fait partie du groupe dont il est le PDG et ajoute une formule affirmant qu’en cas de difficultés, la société-mère ferait tout son possible pour payer le créancier à la place de la filiale. Parce qu’il n’y a pas de formule type, les lettres sont très variées et les formulations diverses. Elles profitent de la richesse du vocabulaire.
Pendant longtemps, les relations étaient sérieuses et il y avait un respect de la parole donnée mais désormais on voit tous les moyens de contester un contrat au moment où il est signé. Dans les années 80 et 90, on a vu émerger en contentieux toutes ces lettres et les juges ont été invités à tirer les conséquences juridiques de ces engagements. Il a fallu les qualifier, ce qui a permis de faire une classification en distinguant quatre cas.
En premier lieu, les lettres ne peuvent pas être qualifiées d’engagements juridiques. Par exemple, le dirigeant de la société- mère demande à un correspondant de faire bon accueil au dirigeant de la filiale venant le voir. En deuxième lieu, dans la lettre, on trouve la formule « la société-mère, en cas de difficultés, s’engage à payer les sommes dues par la filiale ». La lettre est alors requalifiée immédiatement en cautionnement.
En troisième lieu, la lettre est rédigée de manière plus subtile à travers une formule selon laquelle « la société-mère fera tout le nécessaire pour résoudre la difficulté » ou « tout son possible pour résoudre le problème ». Ces engagements juridiques n’étant pas le cautionnement, il faut en déduire que celui qui les a souscrits engage sa responsabilité contractuelle envers le bénéficiaire et sera condamné au versement de dommages-intérêts d’où le terme de « garantie indemnitaire ». Pour mesurer dans quels cas la responsabilité est engagée et quel est son régime, on fait appel à la distinction entre les obligations de résultat et de moyen ayant des régimes différents. La première obligation entraine le paiement sauf à prouver la force majeure, tandis que dans la seconde il suffit de prouver que X a fait tout son possible. Encore faut-il pouvoir identifier lorsque la lettre vise une obligation de moyen ou de résultat. Il faut se référer à l’interprétation du juge qui tient compte de la rédaction et de la philosophie de la lettre. Dans les deux cas, le bénéficiaire de la lettre va pouvoir obtenir des dommages-intérêts du signataire qui n’a pas respecté ses engagements. Par exemple, s’engager à « faire tout le nécessaire » est une obligation de résultat tandis que s’engager à « faire tout son possible » constitue une obligation de moyen.
En quatrième lieu, jusqu’à la réforme de 2006, il existait un débat pour savoir si la lettre est une garantie ou une sûreté à part entière (seulement quand elle est requalifiable en cautionnement). La réforme tranche le débat en décidant expressément dans le Code civil que la lettre d’intention est une sûreté au même titre que la garantie autonome. Elle appartient à la catégorie des garanties indemnitaires tout comme la promesse de porte-fort.
PARTIE II : LES SÛRETÉS RÉELLES
Il ressort de l’art.2223 c.civ que la sûreté réelle est une « affectation d’un bien ou ensemble de biens, présents ou futurs, au paiement préférentiel ou exclusif du créancier ». D’une part, la sûreté réelle est un droit préférentiel, c’est-à-dire un droit réel consenti au créancier sur un bien du débiteur. Par exemple, le gage ou l’hypothèque. D’autre part, elle est un droit exclusif car elle consiste en le transfert de propriété d’un bien du patrimoine du débiteur au profit du créancier. Par exemple, la fiducie.
Si un tiers intervient, il va aussi pouvoir affecter un de ses biens au profit du créancier. C’est la sûreté réelle pour autrui. Le droit français est assez riche et comporte beaucoup de sûretés réelles car il fait le choix d’avoir une catégorie de sûreté par type de bien. D’abord, le bien meuble corporel (gage), ensuite le bien incorporel (nantissement), enfin le bien immeuble (hypothèque).
Il existe des sûretés qui peuvent avoir pour assiette tous les biens. En premier lieu, les privilèges mobiliers ou immobiliers (sûretés légales). En deuxième lieu, un droit de rétention, droit pour un créancier de retenir un bien tant qu’il n’a pas été payé par son débiteur. En troisième lieu, les transferts de propriété utilisés à des fins de garantie. Par exemple, la fiducie, la cession de créances à titre de garantie ou encore la réserve de propriété.
L’affectation est importante en ce sens qu’elle constitue une exigence commune à l’ensemble des sûretés réelles. Dans la définition, on vise à la fois l’affectation préférentielle et l’affectation exclusive. Cette distinction est essentielle car elle explique en grande partie l’évolution du droit français.
Pendant très longtemps, jusqu’en 1980, il n’existait que des sûretés réelles qui n’entrainaient qu’une affectation préférentielle. Le droit de préférence confère au créancier le droit de saisir le bien, le faire vendre et se payer sur le prix. Le partage sur le prix se fait entre différents créanciers pouvant avoir des droits de préférence sur le bien vendu, ce qui ne donne pas une certitude de recevoir son paiement. Ce sont des créanciers chirographaires. Le droit de préférence a une grande faiblesse en cas d’ouverture d’une procédure collective parce que dans la perspective de sauver des entreprises, notre droit sacrifie les intérêts de certains créanciers, même titulaires de sûretés. En effet, dans certaines hypothèses, les créanciers sont privés du droit de mettre en œuvre leur droit de préférence.
C’est la raison pour laquelle, à partir de 1980, les créanciers et le législateur ont développé ou reconnu des effets à des techniques d’affectation exclusives. Dans la technique du droit de rétention, le créancier ne devient pas propriétaire du bien mais en a la possession (contrôle, détention). Le droit de rétention est opposable à tous les autres créanciers de sorte que le créancier qui peut se prévaloir du droit de rétention a la quasi-certitude d’être payé en priorité aux autres créanciers. Dans l’utilisation du droit de propriété à des fins de garantie, le bien, assiette de la sûreté, se trouve dans le patrimoine du créancier. Dès lors, il n’est pas concerné par l’ouverture d’une procédure collective qui ne va permettre d’englober que les biens qui figurent dans le patrimoine du débiteur principal.
Cela conduit à un clivage essentiel aujourd’hui, permettant de mesurer l’attractivité des sûretés réelles. On oppose, d’une part, les sûretés qui ne confèrent qu’un droit préférentiel et qui sont d’une efficacité relative en cas de procédure collective et, d’autre part, les sûretés comportant une affectation exclusive au profit du créancier qui sont d’une efficacité quasi-absolue lorsque s’ouvre une procédure collective. Cela commande le choix des créanciers.
CHAPITRE PRÉLIMINAIRE : LES CARACTÈRES ESSENTIELS DES SÛRETÉS RÉELLES
Le premier caractère concerne l’affectation préférentielle ou exclusive. Le deuxième concerne le caractère accessoire de la sûreté réelle dans la mesure où toute sûreté réelle est attachée à une créance qu’elle garantit. La disparition de la créance principale justifiera la disparition de la sûreté réelle qui lui est attachée. La sûreté réelle fait naitre en principe un droit réel au profit du créancier. Elle confère un droit de préférence, caractéristique du droit réel, tout comme le droit de suite qui y est attaché.
Il est possible de dresser une classification de sûretés qui est importante quel que soit le système juridique dans lequel on est. En effet, chaque pays a un droit des biens qui lui est propre. Ces différences influent sur les sûretés ayant pour assiette ces biens. Mais, il y a toujours des distinctions fondamentales.
S’agissant de l’assiette de la garantie, la grande distinction est entre les meubles et les immeubles. Il est question de savoir quelle sûreté peut porter sur les meubles et quelle sûreté peut porter sur les immeubles. Ensuite, il faut aussi opérer une distinction entre les sûretés qui peuvent porter sur les biens corporels et celles qui peuvent porter sur des biens incorporels. On met à part ces sûretés dans la mesure où au regard du droit des biens, un bien incorporel a une spécificité commandant un régime propre. En outre, on distingue aussi les sûretés générales et les sûretés spéciales. La sûreté générale porte sur un ensemble de biens alors que la sûreté spéciale a pour assiette un bien donné. Enfin, on distingue les sûretés portant sur des biens présents et des sûretés portant sur des biens futurs.
S’agissant de la source de la sûreté réelle, elle peut être conventionnelle (cas le plus fréquent) ou légale dans le cas où le législateur confère de plein droit certaines sûretés à des créanciers en fonction de la qualité de leur créance. En outre, la sûreté peut avoir une source judiciaire. Dans la sûreté judiciaire, le juge autorise un créancier à prendre une sûreté sur un ou plusieurs bien(s) appartenant au débiteur.
S’agissant de la qualité du constituant, le plus souvent, le constituant est le débiteur principal. Cependant, en présence d’une sûreté réelle pour autrui, c’est un tiers qui affecte l’un de ses biens en garantie au profit du créancier. Il s’agit de l’ancien cautionnement « réel » que la réforme de 2021 avait maintenu la suppression. En 2021, le législateur avait maintenu la qualification de sûreté réelle pour autrui.
S’agissant du régime de la garantie, en abordant le régime des différentes sûretés réelles, il faut prendre en compte des éléments au stade de la formation, de la publicité et de la mise en œuvre de la garantie. Au stade de la formation, une distinction essentielle permet d’opposer les sûretés avec dépossession aux sûretés sans dépossession, l’évolution étant en faveur des secondes. En effet, dans la sûreté sans dépossession, le constituant peut conserver l’usage de son bien, ce qui est très utile. Dans ce cas, il y a publicité de la sûreté s’opérant sur un registre. S’agissant du régime, on peut opposer les sûretés soumises à publicité de celles qui sont occultes, résultant uniquement des rapports entre le créancier et le débiteur.
Des éléments de distinction apparaissent lors de la mise en œuvre de la sûreté et on recherche les prérogatives reconnues au créancier, très diverses, et pouvant être plus ou moins efficaces selon les hypothèses. Puisqu’on est en présence de droit réel, la plupart des sûretés confèrent à leur bénéficiaire un droit de préférence et un droit de suite permettant de saisir le bien s’il a été revendu au profit d’un tiers acquéreur. Certaines sûretés confèrent à leurs bénéficiaires un droit d’attribution en propriété qui peut être judiciaire (autorisation du juge à ce qu’un créancier se fasse attribuer la propriété d’un bien) ou conventionnel (stipulation d’un pacte commissoire). Certains créanciers vont bénéficier d’un droit de rétention qui est l’une des prérogatives du créancier. Cela renforcera considérablement la portée de la sûreté. Enfin, dans certains cas, le créancier aura un droit de propriété et sera alors dans une situation avantageuse car il a un droit exclusif.
Le pacte commissoire est la faculté de se faire attribuer conventionnellement le bien assiette de la garantie. Des remarques préliminaires méritent d’être faites. Le droit des sûretés réelles a fait l’objet de réformes profondes depuis 1980. Il faut retenir quelques dates. En premier lieu, en 1980 a été instituée l’opposabilité de la réserve de propriété, première consécration de l’utilisation du droit de propriété en droit français. En deuxième lieu, en 1981, on a la cession de créances à titre de garantie. En troisième lieu, en 2006 intervient la première grande réforme du droit des sûretés. C’est l’apparition du gage sans dépossession et le nantissement de créance est profondément restructuré. En quatrième lieu, en 2007, l’ordonnance du 19 février 2007 porte introduction de la fiducie. Enfin, en cinquième lieu, l’ordonnance du 15 septembre 2021 apporte des retouches aux sûretés existantes, simplifie le droit de l’hypothèque et crée la cession de créances à titre de garantie de droit commun. Le texte consacre également la sûreté sur la monnaie et supprime certaines sûretés obsolètes.
Au travers de ces réformes, le législateur français a privilégié une approche du droit des sûretés qui conduit à leur diversité. On a beaucoup de sûretés, de variantes et sous-distinctions. L’avantage est que, pour chaque bien, on peut trouver une sûreté adaptée. Mais cela a pour inconvénient la complexité. En effet, il existe une multitude de sûretés aux régimes différents.
Cette approche n’est pas celle retenue dans tous les systèmes juridiques puisque dans beaucoup de systèmes, on adopte une approche fonctionnelle du droit des sûretés. Dans ce cas, une seule sûreté peut porter sur différents types de biens. Aux États-Unis, il s’agit du « security interest » (sûreté unique) qui est une hypothèque, sûreté sans dépossession avec publicité, pouvant porter sur tous les biens même s’il existe des adaptations tenant naturellement compte de la spécificité de certains biens. Est-ce que le droit français devait opter pour cette approche fonctionnelle dans un souci d’uniformisation du droit, des relations juridiques ? Le Groupe Grimaldi, qui a toujours été respectueux de la tradition française, n’a pas voulu de rupture brutale dans notre système de garantie.
Les réformes du droit des sûretés réelles se sont toujours opérées en parallèle avec celles du droit des procédures collectives. Cela constitue un vrai souci dans la mesure où lorsqu’une sûreté réelle garantit un crédit à des entreprises, le sort de la sûreté, en cas d’ouverture d’une procédure collective, est essentiel pour en mesurer l’efficacité. Or, le droit des procédures collectives réserve un sort différent à deux catégories de sûretés.
Les sûretés conférant seulement un droit préférentiel sont en grande partie privées d’efficacité lorsque s’ouvre une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire. Il n’en va pas de même des sûretés conférant un droit de propriété ou de rétention. Pour compliquer cela, le législateur confère des privilèges spéciaux à certains créanciers qui continuent à contracter ou à financer une entreprise rencontrant des difficultés. Il en résulte une grande complexité d’autant que l’on n’a pas un chapitre dans notre droit des procédures collectives, permettant de savoir clairement quel est le sort de chaque sûreté dans chaque procédure collective et même chaque phase de la procédure collective. Il faut aller chercher dans le Code de commerce (partie procédures collectives) et recenser les différents articles visant les sûretés réelles et précisant leur régime dans les différents cas. Si l’on avait procédé à une réforme globale du droit des sûretés et procédures collectives, on aurait pu arriver à un droit plus simple et plus attractif.
Il est possible de procéder à plusieurs distinctions pour énumérer les sûretés. On peut opposer les sûretés réelles mobilières aux sûretés réelles immobilières, les sûretés conférant un droit de préférence aux sûretés conférant un droit à l’exclusivité, les sûretés tenant plus compte de l’histoire des sûretés ou non. Il y a donc des sûretés traditionnelles en droit français que sont le gage, l’hypothèque et le privilège, et d’autres sûretés apparues plus récemment comme la fiducie.
TITRE I : LES SÛRETÉS RÉELLES TRADITIONNELLES
CHAPITRE I : LE GAGE
Il ressort de l’art. 2333 c.civ que le gage est la « convention par laquelle le constituant accorde à un créancier le droit de se faire payer par préférence à ses autres créanciers, sur un bien mobilier ou un ensemble de biens mobiliers corporels, présents ou futurs ». La grande réforme du gage est intervenue en 2006. Auparavant, le gage avait un caractère réel et faisait partie de la catégorie des contrats réels. La caractéristique du contrat réel est que la remise du bien est une condition de formation du contrat. Cette règle a des conséquences importantes. En effet, le gage ne peut être qu’avec dépossession et ne peut pas porter sur des choses futures.
À l’occasion de la réforme, cette exigence a été abandonnée. Désormais, l’écrit est la seule condition de validité de la sûreté. Cet abandon du caractère réel du gage a ouvert des possibilités et a rendu possible l’admission de gages opposables sans dépossession. On distingue deux branches du gage. D’une part, le gage opposable avec dépossession et, d’autre part, le gage opposable sans dépossession.
SECTION I : Le gage opposable avec dépossession
Le gage opposable avec dépossession est l’héritier du gage venant du droit romain désigné sous le nom de « pignus ». C’est une sûreté tout à fait basique existant dans presque tous les systèmes juridiques. C’est le cas où une personne a un bien représentant X valeur et veut un prêt d’une autre personne qui veut une garantie. Elle prend en garantie la possession du bien du débiteur. C’est ainsi qu’ont fonctionné les usuriers octroyant des crédits à ceux ne pouvant plus en obtenir des banques. Si le débiteur ne remboursait pas son crédit, le créancier gardait le bien.
La réforme de 2006 a créé le gage sans dépossession et souhaite le promouvoir. Néanmoins, il a conservé celui avec dépossession car il a une efficacité très forte en raison du droit de rétention absolu qui est conféré au créancier bénéficiaire de cette sûreté. En présence d’une sûreté réelle, le schéma de présentation est presque toujours le même puisqu’il faut toujours voir les conditions de validité (bien, créance, forme exigée à peine de validité). Ensuite, le problème d’opposabilité de la sûreté qui n’est intéressante que si elle l’est aux tiers. Enfin, les questions de mise en œuvre de la sûreté en cas de défaillance du débiteur principal. Ici, on examine ce qu’il se passe quand la sûreté est constituée alors que la créance n’est pas encore exigible ou quand la défaillance est intervenue et que le créancier veut véritablement mettre en œuvre sa sûreté.
§1. Les règles de constitution
La perte du caractère réel du gage procède d’une simplification des règles de constitution. En effet, l’art. 2336 c.civ prévoit que « le gage est parfait par l’établissement d’un écrit comprenant la désignation de la dette garantie, la quantité des biens donnés en gage ainsi que leur espèce ou leur nature ». Le gage est désormais un contrat solennel, ce qui ne veut pas dire qu’il doit être souscrit par acte authentique. Il peut être constitué par voie électronique. La perte de son caractère réel autorise aujourd’hui la possibilité de constituer un gage portant sur un bien présent ou futur. Simplement, le bien gagé doit être déterminable pour respecter les exigences relatives à l’écrit.
Le bien peut porter sur une chose fongible ou de genre (corps certain) et les effets du gage diffèrent selon qu’il porte sur des biens certains ou fongibles. La monnaie étant le bien fongible par excellence, il y a désormais une sûreté sur la monnaie. Depuis la réforme 2021, le gage peut porter sur un meuble immobilisé par destination (art. 2334 c.civ), meuble ayant vocation à être intégré à des immeubles. Le législateur vise des cas particuliers en cherchant à favoriser le financement de l’énergie renouvelable avec le financement des panneaux photovoltaïques et éoliennes. Il souhaite favoriser un gage spécifique. Les voies d’exécution ont elles aussi été aménagées pour régler les problèmes de concours entre créanciers à la vente du bien.
Le constituant doit être le propriétaire du bien gagé. A contrario, le gage de la chose d’autrui peut être annulé à la demande du créancier qui ignorait que la chose n’appartenait pas au constituant. Le constituant n’est pas nécessairement le débiteur principal. Lorsque le constituant est un tiers, on est en présence d’une sûreté réelle pour autrui. S’agissant des créances garanties, l’art. 2333 c.civ précise qu’elles « peuvent être présentes ou futures, à la condition qu’elles soient déterminables ».
§2. L’opposabilité du gage
C’est la possession du gage ou son transfert qui assure l’opposabilité du gage au tiers. Dans ce premier cas, le constituant remet la possession de son bien au créancier qui la conserve. Des tempéraments sont prévus dans l’organisation de ce transfert de la possession. Par exemple, 50 tonnes de blé qu’il faut entreposer. Il existe des sociétés spécialisées pour posséder pour le compte d’autrui appelés « magasins généraux » ou conservateurs de biens pour le compte du créancier. Il existe des assouplissements dans la compréhension de la possession.
§3. Les effets du gage
A. Les droits du créancier avant l’échéance de la créance garantie
Par hypothèse, le créancier a la chose entre les mains (possession). Logiquement, il a, à sa charge, une obligation de conservation de la chose. Il répondra de sa faute s’il n’est pas en mesure de restituer convenablement le bien en sa possession (art.2344 c.civ). Par exemple, les denrées périssables.
L’art. 2341 c.civ édicte des règles spécifiques aux biens fongibles. En effet, le créancier doit les tenir séparés des choses de même nature qui lui appartiennent. Mais si la convention dispense le créancier de cette obligation, il acquiert la propriété des choses fongibles à charge de restituer la même quantité de choses équivalentes. Cela montre que le gage de chose fongible est spécial car le créancier devient propriétaire et n’a plus la simple possession. La portée du texte dépend de la conception que l’on peut avoir de la fongibilité de deux types. D’une part, la fongibilité naturelle et, d’autre part, la fongibilité conventionnelle. Dans la fongibilité conventionnelle, les parties sont d’accord pour considérer que deux choses sont parfaitement équivalentes entre elles.
La question de la fongibilité n’est pas évidente. Par exemple, des canards dans un marché pour les cannetons. La fongibilité est possible entre animaux de même espèce mais pas d’espèces différentes.
Le créancier a le droit de percevoir les fruits (art. 2345 c.civ) et les impute sur les intérêts ou le capital de la dette mais il a aussi une obligation de restitution. En effet, en tant que simple possesseur, il s’engage à lui restituer le bien en sa possession dès lors que le débiteur principal exécute son obligation. En vertu du principe d’indivisibilité du gage (art.2349 c.civ), l’obligation de restituer le bien n’intervient que lorsque le créancier a été désintéressé en totalité.
B. La mise en œuvre de la sûreté
La mise en œuvre du gage suppose que la créance garantie soit exigible et impayée. Si ces conditions sont réunies, le créancier bénéficiaire de la sûreté dispose d’un certain nombre de prérogatives, les unes plus intéressantes que les autres à mettre en œuvre.
1) Le droit de préférence
Comme tout titulaire de sûreté réelle ne conférant pas une exclusivité, le créancier dispose d’un droit de préférence pouvant s’exercer sur le prix de vente du bien gagé. À ce titre, on utilise les voies d’exécution et l’on procède à une saisie dans la mesure où notre droit répute non écrite la clause de voie parée, laquelle interdit le recours aux procédures d’exécution forcée.
Depuis la réforme de 2021, lorsque le gage est constitué en garantie d’une dette professionnelle, le créancier peut faire procéder à une vente publique du bien gagé par un notaire, un commissaire de justice, commissaire-priseur ou un courtier de marchandises assermenté 8 jours après une simple notification faite au débiteur ou le cas échéant au tiers titulaire du gage. Cette solution est empruntée à l’ancien gage commercial, supprimé par la réforme de 2021.
Le droit de préférence, en tant quel, implique un concours entre créanciers. Le nouvel art.2332-4 c.civ énonce que le droit de préférence conféré par le gage s’exerce au même rang que le privilège du bailleur d’immeuble. Le créancier est classé au 2e rang s’il ignorait l’existence de privilèges et au 5e s’il en avait connaissance. En cas de redressement judiciaire ou de procédure de sauvegarde, le droit de poursuite du créancier gagiste est suspendu pendant la période d’observation (art.L.622-21 c.com). Il est précisé à l’art. L.622-22 c.com qu’« en cas de vente d'un bien grevé d'une sûreté réelle spéciale ou d'une hypothèque légale, la quote-part du prix correspondant aux créances garanties par ces sûretés est versée en compte de dépôt à la Caisse des dépôts et consignations».
Après l’adoption du plan, les créanciers sont payés par ordre de préférence (art.L.622-8). Ces mêmes règles s’appliquent en cas de redressement judiciaire. En cas de liquidation, le bien est vendu et le créancier gagiste n’a pas la garantie de recevoir son paiement.
2) Le droit du créancier gagiste de se faire attribuer le bien en propriété
Le créancier gagiste a le droit de se faire attribuer le bien en propriété par la voie de l’attribution judiciaire ou la voie de l’attribution conventionnelle.
a) L’attribution judiciaire du bien en propriété
Le créancier bénéfice toujours de l’attribution judiciaire. Ce droit est confirmé par l’art.2347 c.civ aux termes duquel « le créancier peut aussi faire ordonner en justice que le bien lui demeurera en paiement ». L’évaluation de la valeur du bien peut nécessiter d’une expertise. Ainsi, lorsque la valeur du bien excède le montant de la dette garantie, la somme égale à la différence est versée au débiteur en vertu de la règle selon laquelle la mise en œuvre d’une sûreté ne doit pas être un facteur d’enrichissement du créancier. Autrement dit, le créancier ne peut pas recevoir une somme supérieure à celle qui lui est due. Néanmoins, cette prérogative ne peut pas être mise œuvre dans les procédures de sauvegarde et de redressement judicaires dès lors que le gage garantit une créance antérieure au jugement d’ouverture. En cas de procédure de liquidation, la faculté d’attribution présente un grand intérêt en ce qu’elle permet d’éviter le concours avec d’autres créanciers. En effet, la propriété accorde un droit exclusif au propriétaire.
b) L’attribution conventionnelle
La faculté de se faire attribuer conventionnellement la propriété du bien gagé est désignée sous le nom de pacte commissoire, clause par laquelle les parties confèrent au créancier le droit de se faire attribuer le bien gagé en propriété dès lors que la créance garantie est impayée.
Historiquement, ce pacte a été prohibé jusqu’à la réforme de 2006. En effet, le pacte commissoire était l’un des outils au service des usuriers. Des mesures avaient été mises en place pour lutter contre l’usure. Les usuriers sont des personnes qui profitaient de la misère générale et prêtaient à des taux élevés à des personnes qui ne pouvaient obtenir des prêts auprès des banques. Le prêt usuraire est un prêt qui dépend des taux de l’usure. L’usurier se faisait remettre des biens en valeur et, en cas de non-paiement, conservait le bien gagé à titre de propriété alors même que le bien était d’une valeur supérieure au montant qui leur était dû.
Pour lutter contre les usuriers, le législateur a interdit les prêts usuraires. De plus, le législateur a interdit le pacte commissoire. Jusqu’en 2006, de telles clauses étaient atteintes de nullité. En 2006, la réforme a aboli l’interdiction du pacte commissoire dans la mesure où les usuriers ont largement disparu depuis. Cependant, le législateur a introduit certaines garanties pour le débiteur principal en cas de mise en œuvre de la clause. D’abord, la valeur du bien doit être déterminée par un expert au jour du transfert sauf cotation officielle du bien en bourse, toute clause contraire étant réputée non écrite. Ensuite, lorsque cette valeur excède le montant de la dette garantie, la somme égale à la différence est versée au débiteur ou, s'il existe d'autres créanciers gagistes, est consignée (art.2348, al.3 c.civ). Enfin, il est prévu que le jugement qui ouvre toute procédure collective fait obstacle à la conclusion et à la réalisation d’un pacte commissoire.
3) Le droit de rétention
Le droit de rétention est aujourd’hui une sûreté en lui-même défini par l’art.2286 c.civ. Cependant, ce droit est également une prérogative reconnue à certains créanciers venant renforcer l’efficacité de la sûreté constituée. Dans sa conception originelle, le droit de rétention s’applique à des biens corporels dès lors que le créancier a la possession du bien assiette de la sûreté. Cela correspond parfaitement à l’hypothèse du gage opposable avec dépossession. L’art.2286 c.civ précise que « peut se prévaloir d'un droit de rétention sur la chose celui à qui la chose a été remise jusqu'au paiement de sa créance, celui dont la créance impayée résulte du contrat qui l'oblige à la livrer et celui dont la créance impayée est née à l'occasion de la détention de la chose ».
Le droit de rétention a une portée absolue, quels que soient les cas de figure. En présence d’une procédure collective, les titulaires du droit de rétention sont pris en compte en priorité. Le créancier qui a le bien en sa possession peut refuser de s’en dessaisir tant qu’il n’a pas été payé. À la rigueur, il peut lui être proposé un report sur un autre bien équivalent. En aucun cas, il ne peut être privé de cette prérogative. Le créancier doit conserver le bien et ne peut pas le vendre sinon il perdra le bénéfice du droit de rétention.
Puisque le gage opposable avec dépossession bénéfice d’un droit de rétention absolu, il a été conservé lors de la réforme de 2006 alors même que le législateur entendait promouvoir l'autre variété qui est le gage opposable sans dépossession. Ce type de gage conserve son intérêt notamment lorsqu’il s’agit de marchandises.
Cette sûreté est l’une des plus efficaces mais, par définition, elle suppose que le constituant abandonne la possession du bien gagé. Pour continuer à profiter du bien assiette de la sûreté, il doit choisir le gage opposable sans dépossession.
SECTION II : Les gages opposables sans dépossession
Avant la réforme de 2006, il existait des variétés de gages sans dépossession mais la réforme en a fait le modèle dans la mesure où cela peut correspondre à beaucoup de souhaits de la pratique. Ce gage est notamment utile lorsqu’une entreprise a un stock à offrir en garantie. En effet, l’entreprise entend conserver son stock et l’usage de son matériel nécessaire à la production. Lors de la réforme de 2006, le législateur avait pensé résoudre ce problème des stocks en créant le gage sur stock dans le Code de commerce mais la réforme de 2021 a supprimé cette sûreté spéciale car elle faisait double emploi avec le gage sans dépossession de droit commun.
Le régime de ce gage est assez proche de celui du gage avec dépossession mais il existe quelques différences importantes. On peut opposer le gage sans dépossession de droit commun et quelques gages sans dépossession spéciaux.
§1. Le gage sans dépossession de droit commun
A. Les règles de constitution
Comme dans le gage avec dépossession, il faut simplement un écrit à titre de validité de la garantie. Cet écrit peut être rédigé par voie électronique et doit comprendre les mêmes mentions que celles requises pour le gage avec dépossession.
Ce gage peut porter sur des biens meubles présents ou futurs, des choses fongibles et les stocks de marchandises. En particulier, le remplacement de l’exigence de dépossession rend possible la constitution de plusieurs gages successifs sur le même bien. Dans ce cas, comme en matière hypothécaire, les créanciers sont classés dans l’ordre de leur inscription. S’agissant des créances garanties, le gage peut être constitué en garantie de biens incorporels.
B. L’opposabilité
Comme en matière d’hypothèque, on utilise un registre. La réforme de 2021 a institué registre unique pour l’ensemble des sûretés mobilières fonctionnel depuis le 1er janvier 2023. C’est le greffe de tribunal de commerce dans le ressort duquel le débiteur est immatriculé au RCS qui est compétent.
Il existe une publicité spécifique pour le gage qui porte sur un véhicule automobile. Ce type de gage spécifique, inauguré en 1934 et précisé en 1953, opère sans dépossession. En effet, celui qui emprunte pour payer une voiture compte garder l’usage de la voiture. On considère que celui qui détient le récépissé créé par la préfecture est en possession du bien et peut exercer un droit de rétention.
La réforme de 2021 a intégré cette sûreté dans le droit commun du gage sans dépossession à l’art. 2338 c.civ aux termes duquel « le gage est publié par une inscription sur un registre spécial dont les modalités sont réglées par décret en Conseil d'État ». Comme auparavant, l’art.2352 c.civ prévoyait que « par la délivrance du reçu, le créancier gagiste sera réputé avoir conservé le bien remis en gage en sa possession ».
C. Les effets de la garantie
1) Les obligations du constituant
Le constituant conserve le bien entre ses mains. Dès lors, le risque pour le créancier est beaucoup plus important d’où des dispositions qui protègent le créancier. Le constituant aura des droits et des obligations. D’abord, il a l’obligation de conservation du bien. Le créancier peut se prévaloir de la déchéance du terme ou solliciter un complément de gage si le constituant ne satisfait pas cette obligation (art.2344, al.2 c.civ). De plus, le constituant conserve le droit d’aliéner les choses fongibles à charge toutefois de les remplacer par la même quantité de choses équivalentes.
2) Les prérogatives du créancier
Le créancier dispose de plusieurs prérogatives. En premier lieu, le créancier dispose d’un droit de préférence qui est le droit de poursuivre la vente du bien gagé (art.2346 c.civ). Le créancier a droit au paiement du prix en cas de pluralité de gages sur le même bien. En ce cas, il sera alors tenu compte de l’ordre des préférences. En deuxième lieu, le créancier bénéfice d’un droit de suite contre le tiers acquéreur si le constituant a aliéné le bien gagé. En effet, le tiers acquéreur ne peut pas être de bonne foi dans la mesure où le gage sans dépossession a fait l’objet d’une publication sur le registre. En troisième lieu, le créancier dispose d’un droit d’attribution judiciaire ou conventionnelle (art.2348 c.civ). En quatrième lieu, le créancier s’est vu reconnaitre un droit de rétention. En toute logique, le créancier bénéficiaire d’un gage opposable sans dépossession ne devrait pas bénéficier d’un droit de rétention puisque la rétention suppose une dépossession, même fictive. Cette solution avait été consacrée lors de la réforme de 2006. Mais rapidement, le législateur est intervenu pour rajouter un alinéa à l’art.2286 c.civ qui confère au créancier gagiste sans dépossession un droit de rétention.
Si le législateur n’était pas intervenu, aucun créancier n’aurait choisi ce type de garantie car sans droit de rétention, le gage est sans grande efficacité en cas de procédure collective. Pour promouvoir le gage sans dépossession, il était nécessaire de conférer un droit de rétention au créancier. Cependant, ce droit de rétention peut être qualifié de fictif par opposition au véritable droit reconnu au créancier gagiste avec dépossession. Lorsque s’ouvre une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, ce droit de rétention fictif est, en partie, dépourvu d’effet. Il ne joue pleinement qu’en présence d’un plan de cession ou en cas de liquidation judiciaire.
§2. Les gages sans dépossession spéciaux
A. Les dépôts en magasins généraux
Le régime des dépôts en magasins généraux est fixé par l’art. L. 522-1 et suivants c.com. Des titres sont émis et représentent les marchandises déposées. Le détention du titre équivaut à celle de la possession des marchandises, ce qui permet d’exercer le droit de rétention. Sur le même modèle, les reçus d’entreposage sont appliqués aux céréales vendus sur les marchés par voie numérique.
B. Le warrant agricole
Le warrant se définit comme un document censé représenter les marchandises qu’il désigne. Sa détention équivaut à la détention des marchandises. Son régime est fixé par l’art. L.342-1 et suivants c.rural. L’idée est de permettre à un agriculteur de constituer une sûreté sur ses récoltes ou ses animaux. Il existe aussi une variété de warrant pour le vin. Le registre rend opposable la sûreté et permet de reconnaitre un droit de rétention au titulaire du warrant. C’est une variété de gage avec dépossession avec rétention fictive.
CHAPITRE II : LE NANTISSEMENT DE BIENS INCORPORELS
Ce nantissement a toujours été une source de difficulté pour le droit français dans la mesure où il a mis longtemps à prendre en compte la spécificité des biens incorporels justifiant progressivement la mise en place d’un régime juridique particulier. Cette réflexion a été particulièrement importante pour les sûretés qui, précisément, portent sur les biens incorporels. En effet, notre droit des sûretés mobilières a été conçu pour les meubles corporels. En présence d’un bien incorporel, l’idée de possession mérite d’être adaptée voire remplacée. Aussi, il est indiscutable que les biens incorporels ont pris, dans les patrimoines, une place considérable. Les biens incorporels recouvrent les créances de toutes natures, les titres financiers, les actions et obligations, les parts d’assurance-vie, biens qui ont une valeur considérable et constituent le support naturel de sûretés.
Un droit commun du nantissement portant sur des biens incorporels a été reconstruit en 2006. Le législateur propose un droit commun constitué par le nantissement de créance et parallèlement, il prévoit des régimes spéciaux de nantissement. En cas de nantissement de bien corporel ne faisant pas l’objet d’une disposition spécifique, le régime de droit commun du gage avec dépossession trouve à s’appliquer à la sûreté.
SECTION I : Le nantissement de créance
Depuis la réforme de 2006 et toujours en 2021, on distingue le nantissement de créance de droit commun et le nantissement de compte, qui en est une variété.
§1. Le régime du nantissement de créance de droit commun
Le nantissement de créance de droit commun est une opération à trois personnes. En présence d’un nantissement de créance, on a le constituant, en même temps, l’emprunteur qui est lui-même créancier. Il a donc un débiteur et la créance qu’il a contre ce débiteur est désignée sous le nom de créance nantie. Le créancier du constituant se dénomme le créancier nanti. La créance qui unit le créancier nanti et le constituant est la créance garantie. Cette créance a une valeur bénéficiant au créancier nanti. Le législateur s’est largement inspiré d’un régime dérogatoire introduit en 1981 qui est le nantissement de créance professionnelle dit nantissement Dailly prévu dans le Code monétaire et financier.
A. L’assiette du nantissement
Le nantissement de créance peut avoir pour assiette des créances présentes et futures. Il peut porter sur une ou un ensemble de créances. Il suffit que ces créances soient déterminables pour que puissent être satisfaites les exigences relatives à l’écrit.
B. L’exigence d’un écrit
L’art.2356 c.civ prévoit que le nantissement de créance doit être conclu par écrit et que l’acte doit désigner les créances garanties et les créances nanties. Il est précisé que si les créances sont futures, l’acte doit permettre leur individualisation ou contenir des éléments permettant celle-ci tels que l’indication du débiteur, le lieu de paiement, le montant des créances et leur évaluation et s’il y a lieu leur échéance. Cet écrit est la seule formalité qui soit exigée. L’écrit doit comporter une date à partir de laquelle le nantissement sera opposable aux tiers. L’écrit précise également la durée de la garantie qui peut être à durée déterminée ou à durée indéterminée.
C. L’opposabilité de la garantie
La question de l’opposabilité est particulièrement importante s’agissant d’une opération à trois personnes. En effet, il faut rendre l’opération opposable à tous les tiers mais aussi à tous les débiteurs de la créance nantie. En effet, le nantissement est une convention conclue entre le créancier nanti d’une part, et le débiteur du constituant, d’autre part. Le débiteur de la créance nantie n’est pas partie à l’opération. Dès lors, il importe qu’il puisse être informé de l’opération qui concerne une créance dont il est le débiteur.
1) L’opposabilité aux tiers
L’art.2361c.civ prévoit que le nantissement prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers à la date de l’acte. En cas de contestation, la preuve de la date incombe au créancier nanti qui peut la rapporter par tous moyens.
2) L’opposabilité au débiteur du constituant
L’opposabilité s’opère par une notification (art. 2362 c.civ) du nantissement faite par le créancier nanti au débiteur de la créance nantie ou par l’intervention du débiteur à l’acte. À partir de cette notification, seul le créancier nanti reçoit valablement paiement. Cependant, cette notification est facultative. Si le créancier nanti ne notifie pas, le débiteur de la créance nantie est en droit d’ignorer le nantissement constitué et pourra payer son créancier (constituant) comme si de rien n’était.
D. La mise en œuvre de la garantie
Dans cette opération à trois personnes, on a, d’une part, la créance garantie qui est la créance principale qui unit le créancier nanti à son constituant et, d’autre part, la créance nantie qui unit le constituant au débiteur de la créance nantie. Tout se passerait bien si ces deux créances avaient la même date d’exigibilité mais cela est rarement le cas.
1) La créance nantie venant à échéance avant la créance garantie
C’est l’hypothèse où la créance nantie vient à échéance avant la créance garantie. Une sûreté ne peut être mise en œuvre que si la créance garantie est à la fois exigible et impayée. Or, il faut attendre l’échéance pour apprécier si le débiteur a exécuté son obligation vis-à-vis de son créancier. Si le débiteur de la créance nantie était autorisé à payer son créancier, la sûreté disparaitrait. Si on l’autorisait à payer le créancier nanti, on permettrait à ce dernier de mettre en œuvre sa sûreté sans savoir si son débiteur principal est ou non défaillant.
C’est la raison pour laquelle une solution de compromis est édictée à l’art. 2364 c.civ qui prévoit que les sommes dues par le débiteur de la créance nantie sont inscrites sur un compte spécialement affecté ouvert à cet effet et tenu par un établissement de crédit habilité à les recevoir. Le même article dispose que les sommes sont restituées au débiteur s’il exécute son obligation. En cas de défaillance du débiteur et 8 jours après une mise en demeure, le créancier affecte les fonds au remboursement de la créance dans la limite des sommes impayées.
Par exemple, le 1er mai le créancier se libère en faisant un virement sur un compte d’un établissement de crédit et on attend le 1er juillet pour voir si le constituant (débiteur du créancier nanti) a exécuté ou non son obligation. S’il exécute convenablement son obligation, il a vocation à recevoir les sommes qui figurent sur le compte ouvert au nom de l’établissement du crédit. S’il est défaillant le 8 juillet, le créancier nanti a vocation à recevoir les sommes inscrites sur les comptes bloqués. Cette opération ne nuit pas au débiteur de la créance nantie. En effet, l’art.2363-1 c.civ prévoit qu’il peut opposer toutes les exceptions nées de ses rapports avec le constituant avant que le nantissement ne lui soit devenu opposable.
2) La créance nantie venant à échéance après à la créance garantie
La créance garantie est à échéance du 1er mai et la créance nantie est à échéance du 1er juillet. Le 1er mai, on sait si le débiteur principal (constituant) est défaillant ou non. Si le 1er mai, il exécute correctement son obligation (il paie son créancier nanti), le créancier étant payé, la sûreté n’a plus lieu d’être. Ainsi, le 1er juillet le débiteur de la créance nantie se libérera valablement entre les mains de son créancier initial. Mais si le 1er mai, le débiteur principal est défaillant alors le créancier nanti est parfaitement en droit de mettre en œuvre sa sûreté.
En premier lieu, le créancier nanti peut attendre l’échéance de la créance nantie pour obtenir son paiement du débiteur dès lors qu’il aura préalablement notifié son nantissement. En second lieu, il peut se faire attribuer la créance soit judiciairement soit conventionnellement. En effet, depuis la réforme de 2006, le législateur a supprimé la prohibition du pacte commissoire. Auparavant, toutes les clauses permettant une attribution au créancier nanti étaient requalifiées de cession de créances par les juridictions. Aujourd’hui, le créancier nanti peut se faire attribuer conventionnellement les créances. Toutefois, cette prérogative est limitée en cas d’ouverture d’une procédure collective. Pour cela, l’efficacité de la sûreté peut être remise en cause et dans ce cas de figure, la question de la reconnaissance d’un droit de rétention au créancier nanti peut présenter tout son intérêt.
L’idée est de trouver un raisonnement qui permet de conférer une efficacité quasi absolue au nantissement de créance en cas d’ouverture de procédure collective en la personne du constituant au même titre qu’un créancier titulaire d’un gage avec dépossession. Le but est d’éviter qu’il entre en concours avec d’autres créanciers du constituant qui pourraient faire valoir des droits sur la créance nantie. Lors de la réforme de 2006, le législateur pensait avoir réglé le problème en énonçant qu’après notification le créancier a droit à son seul paiement. (art.2363 c.civ). Mais rapidement on s’est demandé si ce droit à recevoir seul le paiement garantissait au créancier une protection absolue. Le créancier était-il un cessionnaire de créances ? Était-il titulaire d’action directe ? Indirectement le législateur entendait-il attribuer au créancier nanti un droit de rétention portant sur cette créance nantie ? Était-il concevable ou opportun d’admettre qu’un droit de rétention puisse porter sur un bien incorporel et plus précisément sur une créance ?
Dans les années 1980, la reconnaissance d’un droit de rétention portant sur un bien incorporel était considéré comme inconcevable dans la mesure où le droit de rétention impliquait une dépossession et que le concept de dépossession pouvait difficilement s’appliquer à un meuble incorporel. Pourtant, en droit des biens, on a progressivement appliqué aux biens incorporels, tous les droits réels. Pourquoi ne pas avoir un droit de rétention sur une créance ? En toute évidence, tout droit réel portant sur un bien corporel ne peut pas avoir exactement le même contenu que celui qui porte sur un bien incorporel. Il faut en effet tenir compte de la spécificité de ce dernier bien. Il faut s’attacher à ce qui constitue l’essence du droit réel en cause. Le propriétaire doit avoir tous les attributs qui s’attachent à la propriété de la chose. Il doit en être de même pour la créance.
Le droit de rétention ne se caractérise pas nécessairement par le fait que le créancier ait la possession physique d’une chose mais plutôt par le fait que créancier ait la possibilité, en mettant en œuvre ce droit, d’empêcher le véritable titulaire de la créance d’en exercer les prérogatives. Dès lors, le créancier nanti doit disposer d’un pouvoir de blocage lui permettant d’interdire au constituant d’exercer toutes ses prérogatives de créancier envers le débiteur de la créance nantie. Or, ce pouvoir de blocage va résulter de la notification qui est intervenue. En effet, grâce à cette notification, le débiteur principal ne peut plus valablement payer le constituant (créancier initial) mais doit se libérer entre les mains du créancier nanti ou sur un compte bloqué.
Avant la réforme de 2021, il y avait eu des évolutions significatives laissant présager cette éventuelle reconnaissance d’un droit de rétention. Dans un arrêt de 2006, la Cour de cassation avait semblé admettre l’existence d’un droit de rétention au profit du créancier nanti. S’agissant du nantissement de compte de titres financiers, le législateur avait expressément conféré un droit de rétention au profit du créancier nanti. Or, aujourd’hui, il est admis que le droit de rétention peut avoir pour assiette des biens incorporels. Il était donc permis de généraliser la solution ainsi affirmée. De plus, un droit de rétention est aujourd’hui reconnu à un créancier qui n’avait aucune dépossession.
Ces différentes évolutions ont rendu possible la modification de l’art.2363 c.civ par la réforme du 15 septembre 2021 et le législateur a reconnu expressément un droit de rétention au créancier nanti sur créance.
Le texte a une importance pratique dans la mesure où il s’agit d’un droit de rétention effectif. En effet, le créancier nanti se trouve doté d’une sûreté d’une efficacité quasi absolue en cas d’ouverture d’une procédure collective au nom du constituant. C’est un facteur décisif d’attractivité du nantissement de créance.
§2. Le nantissement de compte
Le nantissement de compte est consacré par l’art. 2360 c.civ. Il permet à une personne d’offrir à son créancier comme sûreté le solde d’un compte bancaire non bloqué dont il est titulaire. La faiblesse de cette sûreté tient au fait qu’il s’agit d’un compte en cours de fonctionnement et le créancier ne peut avoir la certitude au moment de la constitution de sa sûreté qu’au jour où il la mettra en œuvre le solde du compte lui permettra d’être payé. L’art.2360 c.civ précise que « lorsque le nantissement porte sur un compte, la créance nantie s’entend du solde créditeur provisoire ou définitif au jour de la réalisation de la sûreté sous réserve de la régularisation des opérations en cours selon les modalités prévues par les procédures civiles d’exécution ». Concrètement, lorsque le créancier met en œuvre sa sûreté, on termine les opérations en cours initiées, ce qui permet de dégager un solde du compte. Si ce solde s’avère positif, le créancier bénéficiaire d’un nantissement peut appréhender ce solde.
Pour le reste, le nantissement de compte obéit au droit commun du nantissement de créance. La notification est faite à l’établissement qui tient le compte et le créancier disposera également d’un droit de rétention venant renforcer l’efficacité de la sûreté sur le compte bancaire.
SECTION III : Le nantissement sur des biens incorporels spéciaux
§1. Le nantissements de fonds (de commerce, artisanal, agricole)
Le nantissement de fonds est une création de la loi du 17 mars 1909 et il est aujourd’hui régi par l’art.L.142-1 c.com. Le nantissement de fonds de commerce est la sûreté idéale portant sur le fonds de commerce, ou du moins certains de ses éléments (enseigne, nom, droit au bail). Il est constitué par un acte authentique ou sous seing privé et, pour être opposable, doit faire l’objet d’une publicité au greffe du tribunal de commerce. Les créanciers ainsi identifiés doivent être informés de toutes opérations importantes qui vont porter sur le fonds notamment en cas de vente du fonds, lesquels disposent d’un droit d’opposition lorsque le prix n’est pas suffisant. Mais ce nantissement ne confère pas à son bénéficiaire un droit de rétention. De plus, certains fonds de commerce n’ont qu’une faible valeur.
La loi du 15 février 2022 crée le statut de l’entrepreneur individuel et crée un patrimoine professionnel d’affectation qui comprend l’actif et le passif liés à l’activité professionnelle. Ce patrimoine peut être transmis, vendu, apporté en société voire donné. Simplement, il n’est pas fait mention qu’il pouvait être nanti. Ce patrimoine, ayant une valeur, doit pouvoir être l’assiette d’une sûreté. Il reste à savoir quel type de sûreté est susceptible d’être constituée sur ce bien.
§2. Les sûretés sur le cinéma
Il s’agit de favoriser le financement des films qui requièrent beaucoup d’avances. Dans les années 30, on a mis en place une sûreté particulière qui permet de conférer à son titulaire un droit sur les recettes du film et ses dérivés. Il existe un registre sur lequel s’inscrivent tous ceux qui veulent avoir un droit sur ce film et il sera tenu compte de l’ordre de classement. Si des dettes sont impayées, les bénéficiaires des délégations de recettes pourront encaisser les recettes sur les films.
§3. Les sûretés judiciaires
Ce sont des mesures conservatoires qui peuvent être prises par les créanciers dans l’attente d’une décision définitive. Ce sont les sûretés judiciaires conservatoires qui peuvent porter notamment sur les meubles et qui font l’objet d’une publicité.
§4. Le nantissement de parts sociales
Le nantissement de parts sociales fixe un régime pour que les parts de SARL, de SC ou de SNC puissent être affectées en garantie. La réforme de 2021 applique au nantissement le régime du gage avec une publication de la sûreté. Le problème de cette sûreté est que la valeur des parts sociales est souvent très faible puisqu’il n’y a aucune cotation.
§5. Le nantissement de comptes de titres financiers
Les titres financiers correspondent aux valeurs mobilières, actions et obligations. Beaucoup de personnes disposent d’un portefeuille de titres financiers. Aujourd’hui, ils ont plus de valeur que le patrimoine immobilier. Il est intéressant pour une personne qui dispose d’un compte-titre de l’affecter en garantie au profit d’un créancier. Depuis 1996, le législateur a organisé, dans le Code monétaire et financier, un nantissement de titres financiers. Ce nantissement est facile à constituer et à mettre en œuvre. Il faut un écrit qui précise les parties, la créance garantie et les titres financiers assiette du gage. L’art.211-20 CMF précise que le nantissement d’un compte-titre est constitué tant entre les parties qu’à l’égard de la personne morale émettrice et des tiers par une déclaration signée par le titulaire du compte. Une notification est faite auprès du teneur du compte pour qu’il sache qu’un nantissement a été constitué sur le compte-titre d’une personne donnée, ce qui rend possible la constitution de plusieurs nantissements sur le titre financier.
Le législateur a rendu attractif cette sûreté. Dans l’intérêt du créancier, il est souvent prévu une clause d’arrosage, clause d’ajustement qui prévoit que si la valeur du portefeuille ne correspond plus au montant de la créance, alors le constituant s’engage à réalimenter le compte. Il est fait application du principe de subrogation réelle de sorte que les titres nouveaux qui remplacent les titres anciens sont de plein droit affectés à la garantie, de même que les dividendes perçus par le titre du compte. Quand la créance nantie est exigible, le créancier peut organiser la vente des titres et exercer un droit de rétention. Enfin, le créancier nanti a la faculté de se faire attribuer les titres financiers en propriété par voie judiciaire ou conventionnelle. Ainsi, en cas d’ouverture de procédure collective, il peut échapper à la concurrence des autres créanciers.
Le législateur reconnait une variante de ce nantissement en admettant le nantissement de titre inscrit sur la blockchain, technique qui repose sur l’addition de sciences. Il s’agit de permettre des transmissions d’actifs dans une communauté sans qu’il y ait de teneurs de registre ni d’autorité centrale. La blockchain repose sur des nœuds (ordinateurs puissants). Ainsi, toutes les 7 minutes, la communauté valide les opérations contre une rémunération en bitcoins (4). L’idée est de remplacer tous les tiers de confiance classiques (banques, notaires huissiers, etc.) pour que les personnes retrouvent une certaine liberté et puissent gérer elles-mêmes leurs opérations en toute indépendance et en toute transparence. La blockchain joue une fonction probatoire dans la mesure où des textes précisent que l’enregistrement de titres de sociétés non cotées sur une blockchain équivaut à une inscription sur un registre tenu manuellement.
Le législateur poursuit l'équivalent en indiquant qu'il était possible de transmettre et de nantir des titres de sociétés non cotées grâce à des inscriptions sur des registres d’enregistrement numérique partagés. La blockchain permet d’enregistrer des opérations l’une après l’autre. Cette technique de la blockchain donne naissance aux smart contracts, ordre donné de réaliser des opérations (codage appliqué au droit des contrats). On peut aussi créer des actifs numériques que sont les actifs numériques qui ressemblent à la monnaie (bitcoin), les actifs qui ressemblent à des titres financiers (les tokens) et enfin les NFT (non fungible token).
§6. Le nantissement d’assurance-vie
Des milliards sont investis dans des contrats d’assurance. C’est la raison pour laquelle a été créé un nantissement spécifique qui porte sur le contrat d’assurance-vie. L’art.L.132-10 c.assurances organise ce régime en tenant compte de la spécificité du droit de l’assurance-vie qui confère des prérogatives fondamentales à l’assuré.
CHAPITRE III : L’HYPOTHÈQUE
Comme le gage, l’hypothèque est un modèle de sûreté universelle. Tous les systèmes juridiques connaissent le mécanisme hypothécaire. Sûreté réelle par excellence, elle est simple à constituer et à mettre en œuvre. Dans le système américain, l’hypothèque est quasiment la seule sûreté qui peut s’appliquer à tout type de biens. Elle s’est imposée pour les immeubles car c’est une sûreté sans dépossession qui permet au constituant de conserver l’usage du bien. C’est également une sûreté qui confère une certaine sûreté juridique à tous les concernés grâce à la publicité de la sûreté au service des hypothèques. En France, la sécurité est encore renforcée dans la mesure où l’hypothèque suppose un acte authentique. La réforme de 2021 renforce encore l’intérêt pour l’hypothèque dans la mesure où des privilèges immobiliers ont été transformées en hypothèque. L’hypothèque est une sûreté qui peut être conventionnelle, légale et judiciaire. En France, l’hypothèque accompagne l’essentiel des crédits immobiliers.
L’hypothèque est définie par l’art.2385 c.civ comme l’affectation d’un immeuble en garantie d’une obligation sans dépossession de celui qui la constitue.
SECTION I : L’hypothèque immobilière conventionnelle
§1. Les caractéristiques essentielles de l’hypothèque
L’hypothèque est un droit réel de sorte que le créancier hypothécaire dispose d’un droit de préférence et d’un droit de suite. L’hypothèque a un caractère doublement indivisible puisqu’elle subsiste au profit du créancier tant que ce dernier n’a pas été payé de l’intégralité du montant de la somme garantie. D’une part, elle est indivisible nonobstant la division de la dette, et, d’autre part, elle est invisible, s’agissant des immeubles grevés, car le créancier peut choisir l’immeuble sur lequel exercer son droit dès lors qu’elle porte sur plusieurs immeubles. L’hypothèque est un droit accessoire qui se transmet avec la créance garantie. Elle est soumise à un principe de spécialité car elle ne peut porter que sur un ou plusieurs immeubles déterminés (spécialité quant à l’assiette) et ne peut garantir qu’une ou plusieurs créances spécifiées (spécialité quant à la créance garantie)
Le constituant peut garder la possession du bien et peut consentir plusieurs sûretés en fonction de la valeur vénale du bien. Pour le créancier, il a la garantie de pouvoir saisir le bien immeuble en raison de sa fixité (l’immeuble ne risque pas de disparaitre). Mais la mise en œuvre de la sûreté implique le plus souvent le recours à la procédure de saisie immobilière, voie d’exécution très réglementée et protectrice du propriétaire du logement. Lorsque l’hypothèque est consentie à une société qui en cours de procédure collective, elle ne confère pas à son bénéficiaire de droit de rétention. S’agissant du tiers, il est très facile de se renseigner sur la situation juridique d’un immeuble. En cas d’opération sur un immeuble, le notaire doit procéder à une levée d’état hypothécaire qui permet d’avertir le tiers et les créanciers hypothécaires.
§2. Les règles de constitution de l’hypothèque
A. L’assiette
L’art.2411 c.civ précise que l’hypothèque doit avoir pour assiette des biens spécialement désignés. L’acte doit aussi indiquer la nature et la situation de chacun des immeubles. On dit souvent que l’hypothèque porte sur des immeubles. En réalité, l’hypothèque a pour assiette des droits immobiliers présents ou futurs. L’art.2388 c.civ précise que l’hypothèque peut porter sur tous les droits réels immobiliers qui sont dans le commerce. Le plus souvent, elle porte sur le droit de propriété de l’immeuble. Mais elle peut fort bien porter sur un droit d’usufruit ou sur la nue-propriété. Il faut simplement que le droit puisse être vendu de manière autonome. C’est la raison pour laquelle l’hypothèque ne peut avoir pour assiette une servitude, qui est attachée au fonds dominant.
Il est possible d’étendre l’assiette d’hypothèque aux accessoires juridiques (servitudes). L’art.2390 c.civ précise que l’hypothèque s’étend aux intérêts et autres accessoires de la dette garantie. Elle s’étend aussi aux améliorations qui portent sur l’immeuble. L’hypothèse peut porter sur des biens présents ou futurs (art.2419 c.civ). Il faut respecter le principe de spécialité au stade de la constitution, rappelé par l’art. 2414 civ aux termes duquel, la constitution d’une hypothèque conventionnelle n’est valable que si le titre authentique constitutif de la créance déclare spécialement la nature et la situation de chacun des immeubles sur lesquels l’hypothèque est consentie.
Il existe des meubles dont le régime juridique est presque identique aux immeubles (bateaux, avions, péniches, etc.).
B. Les créances garanties
L’hypothèque est soumis au principe de spécialité. Il en résulte que l’hypothèque doit porter sur un bien déterminé et garantit une créance déterminée. Il s’agit de protéger le constituant en évitant qu’il s’engage par cet acte grave pour des créances futures dont le montant est indéterminé. L’art.2415 c.civ précise que « l’hypothèse peut être constituée pour une sûreté d’une ou plusieurs créances ou futures et, si elles sont futures, elles doivent être déterminables ».
On interdit ainsi l’hypothèque omnibus, consentie pour une durée indéterminée et pour des créances futures mais on autorise l’hypothèque pour autrui et l’art.2325, al.2 c.civ précise que le créancier n’a d’action que sur le bien affecté en garantie.
On a introduit l’hypothèque rechargeable dans notre droit prévue à l’art.2422 c.civ. L’art. 2416 c.civ dispose que « l'hypothèque constituée à des fins professionnelles par une personne physique ou morale peut être ultérieurement affectée à la garantie de créances professionnelles autres que celles mentionnées dans l'acte constitutif pourvu que celui-ci le prévoie expressément ».
En 2004, le ministre des Finances de l’époque, Nicolas Sarkozy, souhaitait développer le crédit à la consommation. Or, pour développer le crédit, il faut développer les garanties du crédit. L’idéal d’une sûreté est de permettre au propriétaire d’un crédit d’obtenir un crédit égal à la valeur de ce bien. Pour éviter de payer les droits d’enregistrement d’une hypothèque de deuxième rang, troisième rang… dès la première hypothèque, on stipule que l’hypothèque est rechargeable. Au lieu de payer les frais sur la valeur de l’hypothèque, on paie les frais sur la valeur totale de l’immeuble. Cela permet de consentir des hypothèques de rangs supérieurs pour obtenir des crédits supplémentaires. À chaque fois qu’un crédit est remboursé, son montant est déduit et l’hypothèque peut toujours être utilisée pour emprunter à nouveau.
Très vite, on s’est aperçu que cela encourage le crédit à la consommation qui s’est avéré dangereux après 2006. De plus, ce mécanisme a été délaissé par la pratique. Étant donné que l’idée était intéressante pour des montages financiers complexes, on l’a réservé aux professionnels. On a retenu l’idée de la recharge pour la fiducie. L’art.2417 c.civ prévoit qu’il faut préciser le capital de l’hypothèque à peine de nullité.
C. Les qualités requises du constituant
Le constituant doit avoir la qualité de propriétaire et la capacité et pouvoir d’aliéner.
1) La qualité de propriétaire
L’art.2411c.civ pose cette précision. Cela conduit à interdire l’hypothèque portant sur l’immeuble d’autrui (art.2410 c.civ) Cette règle peut poser un problème en cas d’hypothèque consentie sur un bien en indivision. Or, il est difficile de sortir de l’indivision. Lorsqu’elle prend fin, soit l’un des biens est attribué à l’un des indivisaires qui rachète sa part ou est vendu à un tiers et les indivisaires se partagent le prix. S’agissant de l’hypothèque on se demande s’il faut obtenir l’accord de tous les indivisaires. De plus, que se passe-t-il si le bien est acquis par un tiers ou attribué à un autre indivisaire ?
Notre droit sécurise ces opérations. L’art. 2412 c.civ précise que l’hypothèque d’un immeuble indivis conserve son effet quel que soit le résultat du partage si elle a été consentie par tous les indivisaires. Si elle n’a pas été consentie par tous les indivisaires, elle ne conserve son effet que dans la mesure où l’indivisaire qui l’a consenti est alloti du ou des immeubles indivis ou lorsque l’immeuble est licité à un tiers et si cet indivisaire est alloti du prix de la licitation.
2) La capacité d’aliéner
S’agissant des époux, ils doivent avoir le pouvoir d’aliéner. Dans un souci de protection de la résidence principale, il est précisé dans le régime primaire impératif (art.215, al.3 c.civ) que l’hypothèque portant sur le logement familial doit être consentie par les deux conjoints. C’est la même règle lorsque l’immeuble est un bien commun.
S’agissant des incapables, comme l’hypothèque est un acte grave, il faut avoir l’accord du tuteur du représentant.
D. Le caractère solennel de l’hypothèque
L’art.2409 c.civ énonce que l’hypothèque ne peut être consentie que par un acte notarié. En effet, l’hypothèque nécessite des conditions lourdes de publicité, il vaut mieux qu’un professionnel du droit spécialisé s’en charge. En outre, le constituant pourra bénéficier du conseil du notaire. C’est aussi intéressant pour le créancier car un acte notarié vaut titre exécutoire et dans le cadre de son devoir de conseil, le notaire se doit d’assurer l’efficacité des actes auxquels il prête son concours. Cet acte doit mentionner un certain nombre mentions dont la créance garantie, l’assiette, la cause de l’hypothèque, la mention que l’hypothèque est rechargeable, etc.
§3. L’inscription hypothécaire
L’inscription hypothécaire permet de rendre l’hypothèque opposable aux tiers. Il faut respecter les règles de la publicité foncière. Simplement, ces règles sont précisées. On commence par inscrire une hypothèque pour la rendre opposable puis on peut la réduire, l’ordonner mainlevée (la supprimer), l’éteindre ou la renouveler.
A. Le formalisme de l’inscription
Le droit hypothécaire ne fonctionne bien que s’il est relié par un cadastre performant. Des registres sont alimentés par des bordereaux à deux entrées, une par personne et une par surface immeuble. Il faut inscrire l’hypothèque en indiquant le capital et les intérêts. On inscrit dès que la créance garantie n’est pas éteinte et dès lors que le constituant est propriétaire du bien. Il y a un intérêt à publier le plus tôt possible car le classement des créanciers hypothécaires s’opère par la date de publicité. L’art.2422 c.civ prévoit l’arrêt du cours des inscriptions. Dans ce cas, l’hypothèque est constituée mais ne peut pas produire ses effets, notamment en cas de décès du constituant ou en cas de procédure collective.
B. La durée de l’inscription
Il faut indiquer la durée de l’inscription qui est en général calée sur la date d’exigibilité de la créance. Certaines contraintes empêchent les durées excessives. Lorsque l’hypothèque arrive à son terme, on parle de péremption. Mais il est alors possible de renouveler l’hypothèque et lui donner un durée nouvelle, ce qui permet de conserver le rang initial (art.2430 c.civ). Il peut y avoir des évènements comme la radiation qui intervient quand la créance garantie est éteinte, qui peut être volontaire par le créancier (mainlevée de l’hypothèque) ou judiciaire (juge saisi à la demande du constituant). L’inscription peut être réduite si la créance a été payée en partie, selon les mêmes modalités. Les hypothèques n’ont rang que du jour de leur inscription prise au fichier immobilier.
§4. Les effets de l’hypothèque
A. Les rapports entre le constituant et le créancier hypothécaire
1) Les effets antérieurs à l’exercice de l’action hypothécaire
Le constituant reste propriétaire et conserve tous les attributs d’un propriétaire de sorte que la constitution de la sûreté est parfaitement indolore pour lui. C’est ce qui fait son succès. Il peut accomplir tous les actes matériels et juridiques sur l’immeuble. Cependant, des tempéraments ont été posés dans l’intérêt du créancier qui résident dans l’obligation de préserver la valeur du bien hypothéqué. Des limitations tiennent à la possibilité pour le constituant de souscrire des baux de longue durée. Aussi, il existe une interdiction de renouvellement.
2) Les prérogatives du créancier en cas de non-paiement de sa créance exigible
a) La vente
Le créancier hypothécaire peut vendre le bien hypothéqué. Cette vente n’est pas toujours simple dans la mesure où elle doit en principe être nécessairement judiciaire. Il faut donc passer par la procédure de saisie immobilière, laquelle se dénoue devant le tribunal par une vente aux enchères qui implique nécessairement de recourir à des avocats. Ensuite, cette vente est confidentielle et ne permet pas toujours d’obtenir le meilleur prix de l’immeuble vendu. Cela constitue une des faiblesses de la procédure. Enfin, la clause de voie parée qui dispense le créancier d’avoir recours aux voies d’exécution.
b) L’attribution judiciaire
Le droit d’attribution judiciaire introduite lors de la réforme de 2006 est prévue à l’art.2451 c.civ. Cependant, l’attribution est refusée lorsqu’il s’agit de la résidence principale. De plus, la mise en œuvre d’une sûreté ne saurait être une cause d’enrichissement pour autrui d’où le recours à un expert pour l’évaluation. Lors de la réforme de 2006, on a également consacré le pacte commissoire et donc la faculté d’attribution conventionnelle du bien (art. 2352 c.civ) avec la même exigence d’évaluation du bien par expert. Néanmoins, il faut souligner l’absence du droit de rétention. Cette absence est tout à fait cohérent dans la mesure où par essence on est en présence d’une sûreté sans dépossession. Mais pour le gage avec dépossession, le législateur avait prévu le droit de rétention.
B. Le droit de préférence
Prévu à l’art. art.2350 c.civ, le droit de préférence est l’une des prérogatives du créancier hypothécaire. L’idée est que sur le bien vendu, le créancier hypothécaire se paie par préférence à d’autres créanciers. Lorsque le créancier est ainsi payé sur le prix, on considère que l’hypothèque a produit son effet légal et que le droit du créancier sur l’immeuble se reporte sur le prix. Le droit de préférence s’exerce sur le prix et sur l’indemnité d’assurance. Concrètement, ce droit s’exerce une fois que le bien a été vendu aux enchères et s’ouvre alors une procédure d’ordre conduite par un magistrat spécialisé en droit des sûretés, lequel examine tous les créanciers qui peuvent faire valoir sur le bien vendu et établit des bordereaux de colocation qui permettront à certains créanciers d’obtenir le prix de vente obtenu. L’art.2418 c.civ précise que les hypothèques légales et judicaires et conventionnelles n’ont rang qu’au jour de l’inscription prise au fichier immobilier.
C. Le droit de suite
Le droit de suite permet en théorie au créancier hypothécaire de suivre le bien en quelque main qu’il se trouve. Dès lors, si le bien est vendu, le créancier hypothécaire est en droit d’agir contre le tiers acquéreur. C’est une catastrophe pour le tiers acquéreur qui a déjà payé le prix et devra le payer une deuxième fois s’il veut le conserver ou devra accepter qu’il soit saisi par un créancier de son vendeur. Ce droit de suite est régi par l’art.2454 et suivants c.civ et prévoit qu’en cas d’aliénation d’immeuble, l’hypothèque le suit entre les mains du tiers acquéreur.
Néanmoins, le tiers acquéreur peut invoquer le bénéfice de discussion et de division et inviter le créancier à saisir d’autres biens s’il en existe. Mais la pratique notariale, suivie par le législateur, a toujours prévenu l’exercice potentiel de ce droit de suite par la technique de la purge, laquelle permet de vendre un bien hypothéqué libre au profit du tiers acquéreur qui n’aura plus à subir le risque d’une poursuite par le créancier. La purge fait intervenir le notaire en tant que personnage central. Dès lors que le notaire est invité à rédiger un acte transférant un bien, il a l’obligation de lever un état hypothécaire en interrogeant le registre immobilier, le service de la publicité foncière pour voir quels sont les créanciers inscrits et pour quels montants. Le notaire prépare sa vente avec le prix proposé par l’acquéreur. Si des fonds sont versés, le notaire les conserve sur les comptes de l’étude et jamais à l’acquéreur.
À partir de là, la procédure de purge peut alors se développer selon l’art.2461 et suivants c.civ. L’art.2462 c.civ énonce qu’« la simple publication au service chargé de la publicité foncière des titres translatifs de propriété ne purge pas les hypothèques établies sur l'immeuble. Le vendeur ne transmet à l'acquéreur que la propriété et les droits qu'il avait lui-même sur la chose vendue : il les transmet sous l'affectation des mêmes hypothèques dont la chose vendue était grevée ». La première hypothèse est celle d’un accord entre les créanciers inscrits. Le notaire qui reçoit le prix de l’acquéreur paie les créanciers en tenant compte de l’ordre des inscriptions. À défaut d’accord, il est fait application des art.2464 et suivants, lesquels exigent de notifier le créancier inscrit de la vente envisagée avec le prix proposé. Les créanciers ainsi avertis disposent alors d’une prérogative énoncée à l’art.2465 c.civ selon lequel tout créancier inscrit peut dans les 42 jours suivant la notification qui lui a été faite requérir la vente de l’immeuble aux enchères publiques pourvu qu’il surenchérisse d’un 1/10 sur le prix ou sur la valeur déclarée. Le but est d’éviter que la prérogative soit exercée systématiquement.
Il peut arriver que le créancier trouve que la valeur vénale est supérieure à la valeur indiquée. Dans ce cas, il peut demander la mise en enchères du bien en espérant avoir un prix supérieur. Il lui appartient de supporter le risque de se voir attribuer le bien s’il n’est pas acquis à l’issue de la vente. Si la vente intervient, les créanciers sont payés sur le prix de la vente selon l’ordre d’inscription. On parle de la purge amiable car le notaire prend contact avec les créanciers et vérifient s’il y a ou non accord. À défaut d’accord, le notaire prend contact avec les parties et leur demande d’ajuster le prix pour satisfaire les créanciers.
§5. La transmission et l’extinction de l’hypothèque
A. La transmission
1) La transmission à titre accessoire
Il y a transmission à titre accessoire lorsque la créance garantie est transmisse (art.2473 c.civ). Il existe un marché de créances hypothécaires car elles ont une valeur plus importante que pour les créances non garanties. Pour éviter toutes les fraudes, un formalisme s’applique à toutes les créances hypothécaires. La transmission hypothécaire permet de réaliser des opérations de titrisation. La titrisation est à l’origine de la crise des subprime. Aux É-U, des courtiers proposent à des personnes d’acquérir certains biens en leur promettant une revente à plus-value. Ces biens étaient vendues avec des hypothèques. Les banques bénéficiaires de l’hypothèque les transmettaient ensuite aux autres banques. La titrisation permettait de transformer un portefeuille de créance en produit financier. Tout s’est bien passé jusqu’à ce qu’il y ait un retournement du marché immobilier car les biens étaient revendus avec une moins-value. Les banques ne se faisaient plus confiance par crainte de l’insolvabilité. Cela a entrainé la faillite de la banque Lehmann Brothers qui n’a pas pu se relever.
2) La transmission à titre principal
La transmission hypothécaire à titre principal s’opère indépendamment de la créance qu’elle garantit. Les cessions de rang ou d’antériorité sont des conventions entre deux créanciers qui acceptent d’intervertir leur classement. Certains créanciers n’acceptent l’opération que s’ils ont le premier rang.
B. L’extinction
L’extinction de l’hypothèque par voie accessoire a lieu par l’extinction de l’obligation principale. L’hypothèque disparait. L’extinction de l’hypothèque par voie principale a lieu en cas de renonciation d’un créancier à son hypothèque sans pour autant renoncer à sa créance principale. L’hypothèque à durée indéterminée peut être résiliée et dans ce cas elle met fin à l’hypothèque pour l’avenir.
SECTION II : L’hypothèque légale et judiciaire
L’hypothèque légale existe lorsque le législateur confère de plein droit le bénéfice de cette sûreté à certains créanciers. À l’occasion de la réforme de 2021, son domaine a été étendu en raison de la transformation d’un certain nombre de privilèges immobiliers spéciaux en hypothèques légales. Avant la réforme, il était opéré une distinction entre certaines hypothèques légales et les privilèges immobiliers spéciaux. La différence tenait au régime de la publicité. Pour un souci d’implication, on les a fusionnées.
Le domaine est plus important que par le passé. Il faut distinguer les hypothèques légales générales et les hypothèques légales spéciales (art.2392.c.civ)
§1. Les hypothèques légales générales
L’art.2393 c.civ établit la liste des hypothèques légales générales. Beaucoup sont liées au droit de la famille. D’autres sont liées à la protection des majeurs et mineurs en tutelle. On a également l’hypothèque légale attachée aux jugements de condamnation (art.2401 c.civ). En cas de décision définitive, on bénéficie de plein droit d’une hypothèque sur les biens de celui qui est condamné. Cette hypothèque ne peut être inscrite que si la décision est définitive mais cela laisse au débiteur le temps d’organiser son insolvabilité, d’où la mise en place de l’hypothèque légale conservatoire.
§2. Les hypothèques légales spéciales
Le nombre des hypothèques légales spéciales a été augmenté par la réforme de 2021. L’art.2402 c.civ en dénombre 7.
A. La créance du prix de vente d’un immeuble
La créance du prix de vente d’un immeuble garantie, c’est l’hypothèque du vendeur d’immeuble qui garantit le prix de vente de l’immeuble. Avant, c’était le privilège du vendeur d’immeuble. C’est une hypothèque importante qui fait partie du dispositif de protection du vendeur au même titre que l’action résolutoire.
B. La créance du prêteur de deniers
L’hypothèque du prêteur de deniers garantit la créance pour celui qui a fourni des deniers pour l’acquisition d’un immeuble à condition d’une part, qu’elle soit authentiquement constatée par l’acte d’emprunt que la somme était destinée à cet emploi et, d’autre part, qu’il y ait une quittance du vendeur précisant que ce paiement a été fait avec des deniers empruntés. Elle est la première des sûretés françaises par son importance car elle s’applique toutes les fois qu’il y a un prêt pour l’acquisition d’un immeuble. Elle est dispensée des droits d’enregistrement d’hypothèque.
C. La créance du syndicat des copropriétaires
Par définition, cela concerne les copropriétaires. C’est pour protéger les intérêts de la copropriété qu’est instituée cette hypothèque. Elle est occulte (non publiée) et permet, en cas de vente d’un lot de copropriétés, au syndic d’affecter une partie du prix au règlement de la créance de copropriété impayée. Elle garantit les créances de toute nature des syndicats de copropriétaire.
D. La créance d'un héritier ou d'un copartageant
La créance d'un héritier ou d'un copartageant, par l'effet du partage, du rapport ou de la réduction est garantie sur les immeubles partagés, donnés ou légués.
E. Les créances sur une personne défunte et de son héritier
Les créances sur une personne défunte et les legs de sommes d'argent d'une part, les créances sur la personne de l'héritier d'autre part, sont respectivement garantis sur les immeubles successoraux et les immeubles personnels de l'héritier comme il est dit à l'article 878.
F. La créance de l'accédant à la propriété titulaire d'un contrat de location-accession
La créance de l'accédant à la propriété titulaire d'un contrat de location-accession régi par la loi n° 84-595 du 12 juillet 1984 définissant la location-accession à la propriété immobilière est garantie sur l'immeuble faisant l'objet du contrat, pour la garantie des droits qu'il tient de ce contrat ;
G. Les créances de l’Administration
Les créances de l'État, de la commune, de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou de la métropole de Lyon, selon le cas, nées de l'application de l'article L. 184-1, du chapitre Ier du titre Ier du livre V ou de l'article L. 521-3-2 du code de la construction et de l'habitation sont garanties sur les immeubles faisant l'objet des mesures prises en application de ces dispositions.
SECTION III : L’hypothèque judiciaire conservatoire
L’hypothèque judiciaire conservatoire a pour but de répondre à la faiblesse de l’hypothèque judiciaire. Elle est prévue à l’art.2408 c.civ qui renvoie au CPCE et notamment à son art.L.511-1. Si un créancier potentiel engage une action en justice en paiement contre son débiteur, le risque est que dans l’attente de la décision, le débiteur organise son insolvabilité ou que les créanciers peuvent inscrire des hypothèques sur le bien du débiteur. Pour protéger ses intérêts, le créancier a tout intérêt à solliciter le juge pour lui demander d’inscrire une hypothèque provisoire à condition de démontrer qu’il dispose d’une créance paraissant fondée en principe et de justifier de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement. Si ces deux conditions sont réunies, le juge autorise l’inscription d’une hypothèque provisoire. L’intérêt est que cette hypothèque provisoire prendra rang au jour de la décision. La procédure suit son cours et lorsque la décision définitive intervient et s’il s’agit d’une décision de condamnation, l’hypothèque définitive rétroagit au jour de l’inscription provisoire. Cela interdit au débiteur d’organiser son insolvabilité et permet de passer devant tous les créanciers qui se manifesteraient au cours de la procédure. Le contentieux de l’hypothèque est moindre par rapport à celui du cautionnement. Mais l’hypothèque est dépourvue du droit de rétention.
CHAPITRE IV : LE GAGE IMMOBILIER
Le gage immobilier se dénommait l’antichrèse. L’art.2379 c.civ fixe son régime et le définit comme l’affectation d’un immeuble en garantie d’une obligation avec dépossession de celui qui la constitue. À l’inverse de l’hypothèque sans dépossession, le gage immobilier est une sûreté avec dépossession. Comme le créancier a la possession de l’immeuble, il peut exercer le droit de rétention. Cependant, aucun constituant ne voudra constituer une telle sûreté sur son bien. L’art.2382 c.civ prévoit que le créancier peut sans en perdre la possession donner l’immeuble à bail soit à un tiers soit au débiteur lui-même. L’hypothèque concerne surtout des particuliers, ce qui n’a pas de conséquences pour les procédures collectives. Même sans droit de rétention, les créanciers s’en accommodaient.
CHAPITRE V : LE PRIVILÈGE
Le privilège est un modèle de sûreté vieux comme le monde et a toujours été une sûreté légale permettant d’avantager un certain nombre de créanciers en raison de la nature ou de l’utilité de leurs créances. À l’origine, les privilèges ont été créés pour protéger les intérêts de l’État. Ils permettent de garantir les impôts. Par extension, on a conféré des privilèges à des personnes dignes de protection. Par exemple, ceux qui concourent à la justice (avocats, notaires) ainsi que les salariés.
Les privilèges sont nombreux en raison de la pluralité des causes. Définis à l’art.2330 c.civ, les privilèges mobiliers sont accordés par la loi et peuvent être généraux ou spéciaux. Prévus et définis à l’art 2376 c.civ, les privilèges immobiliers sont accordés par la loi. Il n’y a pas de privilège judiciaire ni conventionnel. Ils sont tous généraux car les autres ont été transformés en hypothèques légales. Il résulte des art. 2330 et 2376 c.civ que les privilèges sont d’interprétation stricte, ce dont il résulte que leur bénéfice ne peut être étendu à un créancier autre.
Ces privilèges sont dits doublement généraux en ce sens qu’ils portent sur les meubles et les immeubles. Les créanciers doublement généraux sont ceux qui s’en sortent le mieux parmi tous les créanciers privilégiés. L’art.2331c.civ prévoit des privilèges généraux mobiliers que sont notamment les privilèges pour frais de justice, les privilèges garantissant les salaires dont certains sont des super privilèges (60 derniers jours, les congés payés). Les rémunérations garanties par le super privilège sont payées avant tous les autres créanciers. L’Association nationale pour la gestion du régime d’assurance des créances et des salariés (AGS) joue un rôle essentiel car dans les procédures collectives, elle avance les fonds dus aux salariés notamment les salaires garantis par le super privilège. À ce titre, elle se subroge dans les droits des salariés, intervient à la procédure pour réclamer le montant des sommes avancées.
Les privilèges « mammouth » regroupent 3 privilèges. En cas de procédure collective notamment de conciliation, de sauvegarde et de redressement, il existe des périodes d’observation qui imposent de continuer à traiter avec l’entreprise en difficulté voire de continuer à contracter avec elle. Pour toutes les créances nées pendant la période d'observation ou de sauvegarde, un privilège permettra aux apporteurs de trésorerie ou aux prêteurs d’avoir un privilège classé en bon rang si l’entreprise est défaillante. Par exemple, l’art. L.624-21 c.com permet de garantir la créance d’un agriculteur.
SECTION I : Les privilèges immobiliers généraux
Les privilèges immobiliers généraux portent sur la totalité des biens immobiliers du constituant. L’art.2376 c.civ fixe leur régime.
SECTION II : Les privilèges mobiliers
Les privilèges mobiliers peuvent être généraux ou spéciaux.
§1. Les privilèges mobiliers généraux
Les privilèges mobiliers généraux sont prévus à l’art. 2331 c.civ et suivants. La plupart sont doublement généraux mais certains sont prévus par des textes spéciaux du trésor public. L’art.2331 c.civ permet de classer les privilèges spéciaux que sont les privilèges du Trésor (CGI) et les privilèges des caisses de Sécurité sociale (Code de la sécurité sociale).
§2. Les privilèges mobiliers spéciaux
Les privilèges mobiliers spéciaux sont prévus à l’art.2332 c.civ. Ce sont les frais des conservation d’un meuble, le prix de vente d’un meuble, etc. Pour les classer, on se reporte à la section III et aux articles 2332-2 c.civ et suivants. En cas de procédure collective, les titulaires de privilèges comme les titulaires d’hypothèque sont un peu sacrifiés notamment pour les procédures qui visent à sauver les entreprises. Des règles de classement particulières s’appliquent à chaque type de procédure et dans chaque phase de procédure collective.
CHAPITRE VI : LE DROIT DE RÉTENTION
Ces chapitres traitent des sûretés dont l’efficacité est absolue lorsque s’ouvre une procédure collective que sont le droit de rétention et l’utilisation du droit de propriété à des fins de garanties. Dans le droit de rétention, le créancier n’est pas propriétaire alors que dans une sûreté qui repose sur le droit de propriété, le créancier est propriétaire et par suite échappe à la procédure collective ouverte sur le débiteur. La réforme précise que le titulaire du droit de rétention et de droit de propriété passe avant tout le monde.
Prévu à l’art. 2286 c.civ qui se situe dans le livre IV du Code civil portant sur les sûretés, il n’est point de doute que le droit de rétention est une sûreté. Les articles précédents traitent du droit de gage général du créancier (art.2284 c.civ) et des prérogatives du créancier chirographaire (art.2285 c.civ).
L’art. 2286 c.civ fixe une liste de 4 catégories de personnes qui peuvent bénéficier du droit de rétention. Il ressort de cet article que « peut se prévaloir d'un droit de rétention sur la chose celui à qui la chose a été remise jusqu'au paiement de sa créance ; celui dont la créance impayée résulte du contrat qui l'oblige à la livrer ; celui dont la créance impayée est née à l'occasion de la détention de la chose ; celui qui bénéficie d'un gage sans dépossession ».
Deux remarques peuvent être faites au sujet de cet article. En premier lieu, l’article dresse une liste sans définition mais limitative. En second lieu, le droit de rétention n’apparait pas comme une sûreté personnelle non plus comme une sûreté réelle. Les rédacteurs ont choisi de placer le droit de rétention dans la partie sur les sûretés car ils n’ont pas voulu trancher une controverse doctrinale sur la nature du droit de rétention.
Le droit de rétention est une prérogative reconnue à certains créanciers titulaires de sûretés. Ces cas sont visés par le 1° de l’art.2286. En outre, le droit de rétention est aussi un principe général car il profite à plusieurs catégories de créanciers précisément définis à l’art.2286 c.civ de sorte qu’il suffit de remplir certaines conditions pour pouvoir en bénéficier. À titre préalable, le droit de rétention est l’une des sûretés les plus primitives qui existent et est consacré dans tous les systèmes juridiques sauf à introduire une disposition pénale sanctionnant celui qui détient le bien d’autrui. Le droit de rétention jouit d’une efficacité redoutable car il donne un pouvoir de nuisance au créancier. Le législateur fait une complaisance rare au titulaire du droit de rétention car ce dernier s’en sort le mieux quelle que soit la procédure ou la phase.
SECTION I : L’assiette du droit de rétention
Il faut constater l’élargissement du domaine de l’assiette du droit de rétention pour des raisons d’opportunité. Au départ, le droit de rétention ne pouvait avoir pour assiette que des biens corporels. Désormais, son assiette s’est étendue aux biens incorporels et la réforme sur le nantissement de créance est une parfaite illustration. Il faut que la chose soit conservée par le détenteur. Dans les biens corporels, on dénombre ceux qui ont valeur vénale et une valeur de nuisance (droit de rétention sur des documents administratifs et comptables). Le droit de rétention suppose que le détenteur conserve le bien entre ses mains et ne s’en dessaisisse pas. Une limite tient à l’ordre public. Par exemple, un dentiste a posé une prothèse à un client et était impayé et a fait revenir le client pour enlever la prothèse et la conserver au titre de son droit de rétention.
SECTION II : Les créanciers bénéficiaires du droit de rétention
L’art.2286 c.civ prévoit 4 cas qui permettent de mesurer l’étendue exacte du droit de rétention. L’art.2286, 1° c.civ reconnait un droit de rétention à ceux qui peuvent se prévaloir d’une connexité conventionnelle (celui à qui a la chose a été remise jusqu’au paiement de la créance). L’art.2286, 2° c.civ reconnait aussi la connexité juridique à celui dont la créance impayée résulte du contrat qui l’oblige à le livrer la chose retenue. C’est le cas du commissaire aux comptes qui retient des documents comptables. Il existe aussi une connexité matérielle (les créances doivent naître à l’occasion de la détention de la chose). C’est le cas du garagiste qui retient le véhicule alors qu’il a une facture impayée. Enfin, il est conféré un droit de rétention au créancier gagiste sans dépossession. C’est une faveur du législateur pour sauver le gage sans dépossession mais cela va totalement à l’encontre du droit rétention puisqu’il n’y a ni possession véritable ni possession fictive.
SECTION III : L’exercice du droit de rétention en dehors d’une procédure collective
Le droit de rétention a une efficacité quasi absolue, il est opposable à tous, a un caractère indivisible. Le créancier peut conserver le bien et faire valoir son droit de rétention alors même qu’il a été payé en partie. Seul le paiement intégral est de nature à faire échec à l’exercice du droit de rétention. Aujourd’hui, on ne fait pas application au droit de rétention de principes qui pourraient en limiter la portée tels que le principe de proportionnalité et la théorie de l’abus du droit, la bonne foi du créancier qui se prévaut du droit de rétention ou la mauvaise foi de celui qui subit le droit de rétention.
Les créanciers qui sont titulaires du droit de rétention sont les grands gagnants lorsque s’ouvre une procédure collective. En effet, une série de dispositions protègent leurs intérêts. Ils doivent être payées en priorité, peuvent conserver le bien tant qu’ils n’ont pas été payés. Il existe des procédures de retrait contre paiement selon lesquelles s’il apparait que le bien retenu est nécessaire à l’activité de l’entreprise, par exception à la règle d’interdiction des paiements, l’administrateur peut payer le créancier rétenteur pour récupérer le bien. Il existe également une procédure de report du droit de rétention selon laquelle si le bien assiette du droit de rétention est utile à l’activité de l’entreprise, il est possible de le vendre mais dans ce cas le droit de rétention se reportera sur le prix par le jeu de la subrogation réelle.
Il existe une réserve à l’efficacité absolue du droit de rétention dans le cadre d’une procédure collective. Ainsi, le droit de rétention du créancier gagiste sans dépossession est réduit dans le cadre de la procédure de sauvegarde et de redressement. Cette sûreté est une forme de justice privée qui peut fort bien être supprimée car il apparait bien qu’il est invoqué par certains créanciers pour contourner des règles posées par ailleurs. Tout le droit de la procédure collective doit être profondément refondu et non pas simplement remanié comme ce fut le cas en 2021. Il serait tout à fait concevable de fixer un classement des créanciers en tenant compte de différents critères et en tenant compte de l’intérêt de la créance. Le droit français est complexe car il existe bien des classements au profit des titulaires de sûretés classiques mais d’un autre côté, le législateur lui-même ne cesse de développer des techniques de contournement grâce au droit de rétention et grâce à l’utilisation du droit de propriété à des fins de garantie. Officiellement, le créancier est très mal placé au classement, mais en utilisant le droit de rétention, il passe avant tout le monde, ce qui fausse complètement les règles de jeu.
TITRE II : LE DROIT DE PROPRIÉTÉ UTILISÉ À DES FINS DE GARANTIES
Cette utilisation du droit propriété à des fins de garantie n’a rien de naturel en droit français de sorte qu’on n’en parlait pas avant les années 1980. Tous ces mécanismes (fiducie, cession Dailly, etc.) sont étudiés dans d’autres matières (régime de l’obligation, droit des contrats spéciaux, etc.)
CHAPITRE I : LA CONSÉCRATION DU DROIT DE PROPRIÉTÉ UTILISÉ À DES FINS DE GARANTIE
Le droit romain consacrait la fiducie qui était définie comme un double transfert à titre de propriété car elle était facile à imaginer au même titre que le gage. Dans les deux cas, il est possible de transférer la propriété. Cependant, la fiducie n’a pas été reprise en 1804 dans le Code civil français. Contrairement au droit français, le droit allemand qui tire sa source dans le droit romain, a consacré la fiducie.
Le droit français a eu une hostilité absolue à l’égard de l’utilisation du droit de propriété motivée par différents arguments de droit et d’opportunité. Le premier argument tenait au caractère absolu et intemporel du droit de propriété. Le propriétaire dispose de toutes les prérogatives pouvant porter sur la propriété. Or, par définition, la propriété à titre de garantie est limitée dans le temps et le propriétaire temporaire doit conserver le bien. Le deuxième argument tient à l’interdiction du pacte commissoire, permettant à un créancier de se faire attribuer conventionnellement la propriété du bien afin de lutter contre l’usure. Le troisième argument tenait à l’existence d’une règle de numerus clausus des droits réels selon laquelle il fallait s’en tenir à la liste des sûretés telle que prévue dans le Code civil. Le quatrième argument tenait au fait que la fiducie ne présentait strictement aucun intérêt. En effet, avant les années 1975, le droit des procédures collectives n’interférait quasiment pas dans le droit des sûretés. La procédure collective résidait dans la faillite et la vente des biens pour désintéresser les créanciers sans aucun souci de sauver l’entreprise. Si dans une convention, les parties entendent utiliser la cession de créances à des fins de garantie ou de créer une fiducie, le juge l’annulait ou requalifiait la convention en nantissement. La Cour de cassation veillait elle-même au respect de cette tradition juridique française.
Dans les années 1980, le changement de regard est d’abord lié à des exigences pratiques fortes par l’avènement du droit des procédures collectives qui a eu pour conséquence le laminage de certaines sûretés traditionnelles dans les procédures collectives. Parmi les créanciers qui n’ont pas pu faire valoir leur droit, il y avait les fournisseurs et les banquiers. Ces créanciers ont commencé à faire du lobbying pour obtenir des techniques leur permettant de défendre au mieux leurs intérêts. Comme souvent, ils ont incité le législateur à aller regarder dans les autres systèmes juridiques notamment en Allemagne ou en Angleterre (trust).
Il y a eu un débat sur le crédit-entreprise ou crédit-fournisseur. Il ressortait de la tradition française une spécificité selon laquelle le vendeur fait crédit à son acheteur en lui offrant des délais de paiement. C’est un handicap pour les vendeurs car ils se privent de trésorerie au profit des acheteurs. On a donc voulu remplacer le crédit-fournisseur par le crédit-acheteur dans lequel, pour payer comptant le vendeur, c’est l’acheteur qui emprunte. C’est le système que pratique l’Allemagne. On a souligné et fait valoir qu’en Allemagne il existait des techniques juridiques inexistantes en France et qui favorisaient ce crédit-acheteur que sont l’utilisation du droit de propriété à des fins de garantie (cession de créance, réserve de propriété, transfert fiduciaire, etc.). Dans les rapports, ils concluaient qu’il suffisait de transposer en droit français les mécanismes bien connus du droit allemand pour que notre pratique change et que nos délais de paiement disparaissent et que l’on puisse mettre en place le crédit-acheteur que l’on souhaite. Sur ce terreau fertile arrivent quelques thèses importantes suscitées par le besoin.
La thèse de Witz consiste à dire qu’il est possible d’introduire la fiducie en droit français sans que ni le droit des biens ni le droit des sûretés n’en sortent complètement laminés. Dans la foulée, la thèse de Crocq démontre qu’il est possible d’utiliser le droit de propriété à des fins de garantie. Mais le grand débat théorique consistait à savoir si la propriété utilisée des fins de garantie est la même que la propriété classique. Il est apparu que l’obstacle théorique que l’on considérait infranchissable ne l’était plus. Les raisons qui justifiaient de l’hostilité n’existent plus de sorte que l’on pouvait finalement se lancer dans cette consécration.
À partir des années 1980, on aura des consécrations progressives que sont l’opposabilité de la réserve de propriété dans les procédure collectives (1980), la cession Dailly à titre de garantie (3 janvier 1981). Puis il y a eu plusieurs consécrations de la propriété à des fins de garantie dans les marchés financiers, la réforme de la fiducie (19 février 2007) puis la cession de créance à titre de garantie de droit commun, cession de sommes d’argent à titre de sûreté instituées par la réforme du 15 septembre 2021. Puis le crédit-bail a été progressivement conçu comme une technique de sûreté au profit du banquier qui peut être remplacé par le gage et le nantissement.
La propriété garantie est la meilleure des sûretés dans la mesure où dans le cadre des procédures collectives, les titulaires de propriété-sûreté sont à quelques exceptions près totalement protégés. Des mécanismes qui étaient hors du champ de la sûreté ont été consacrés comme sûretés.
CHAPITRE I : LA PROPRIÉTÉ RETENUE
La propriété retenue est l’hypothèse où un créancier conserve la propriété d’un bien tant que son débiteur n’a pas exécuté son obligation.
SECTION I : La réserve de propriét
Il ressort des art. 2309 et 2367 c.civ que la propriété d’un meuble comme celle d’un immeuble peut être tenue à titre de garantie. Dans la vente, le transfert de propriété s’opère par le seul échange des consentements. Lorsque les parties s’accordent sur la chose et sur le prix, la vente est parfaite et le transfert de propriété est opéré automatiquement au profit de l’acheteur. Dans ce système, c’est le vendeur qui supporte le risque du non-paiement. En effet, si l’acheteur devient insolvable, le vendeur est le grand perdant. Pour éviter ce problème, la réserve de propriété, clause introduite dans le contrat, prévoit que le transfert de propriété est retardé jusqu’au complet paiement du prix. Même si le bien a été livré, le créancier peut le récupérer puisqu’il est demeuré propriétaire. Cette clause a toujours été valable en droit français mais été déclarée inopposable à la procédure collective. En 1980, elle devient opposable à la procédure collective. Depuis, le champ d’application et l’efficacité de la réserve de propriété ont été renforcés. Concrètement, il suffit qu’elle figure dans les conditions générales du contrat pour permettre au vendeur de rester propriétaire du bien et de revendiquer le prix de revente du bien si l’acheteur a revendu le bien. Cette prérogative permet de paralyser le prix tant que le sous-acquéreur n’a pas payé le prix. De même, le vendeur peut exercer ce droit sur l’indemnité d’assurance touchée en cas de perte de bien.
Cependant, il n’est possible de revendiquer des biens que s’ils ne sont pas incorporés dans un autre bien. On ne peut pas obliger à démolir pour permettre à un vendeur de récupérer le bien vendu (art.2309 c.civ).
SECTION II : Le crédit-bail
C’est une garantie et non une sûreté. Fondamentalement, c’est une opération de crédit ayant une fonction de sûreté pour l’établissement de crédit prêteur. C’est l’hypothèse où un particulier désire acquérir un bien sans en avoir les moyens. Pour ce faire, il peut souscrire un prêt auprès d’une banque permettant d’acheter le bien et en garantie du prêt, il peut constituer un gage portant sur le bien acquis. Dans ce cas, l’emprunteur devient propriétaire. Ainsi, le client peut plutôt faire appel à l’établissement de crédit-bail (filiales des banques) et c’est cet établissement qui achète et devient propriétaire du bien acquis. Le crédit-bailleur loue ensuite le bien acquis à son client. En réalité, le loyer intègre le crédit consenti. L’intérêt est que le crédit-preneur a bien ce qu’il veut. Il se comporte comme s’il était en réalité le propriétaire. Il paie chaque mois et la durée de location dépend du bien. À l’expiration de la location, le crédit-preneur a une option pour acheter le bien à un prix résiduel. Très souvent, ce n’est pas le cas car l’intérêt du crédit-bail est de renouveler le bien en achetant un bien neuf. Mais il existe des variantes de crédit-bail sans option d’achat.
Le crédit-bail est une garantie car si le crédit-preneur est défaillant, le crédit-bailleur étant resté propriétaire, il a la possibilité de revendiquer le bien mis à la disposition du crédit-preneur de sorte qu’il n’a pas à subir les conséquences de la procédure collective. Dans toutes les hypothèses où le bien est utile à l’entreprise, les dispositions du droit des procédures collectives sont favorables à l’établissement de crédits-bails. En effet, il a la certitude d’être payé ou d’obtenir la restitution du bien assiette du crédit-bail. Le crédit-bail est un contrat d’adhésion par excellence et il a permis l’émergence de la notion de groupe de contrats. Si le contrat initial est annulé, cela entraine aussi l’annulation des autres contrats du groupe.
CHAPITRE II : LA PROPRIÉTÉ TRANSFÉRÉE
SECTION I : La cession de somme d’argent à titre de garantie
L’art.2374 c.civ prévoit que la propriété d’une somme d’argent en euros ou dans une autre monnaie peut être cédée à titre de garantie d’une ou plusieurs créances présentes ou futures. C’est une fausse sûreté nouvelle car il s’agit de consacrer une pratique antérieure et de valider une sûreté connue sous le nom de gage-espèces, gage qui portait sur la monnaie, bien fongible de sorte que le bénéficiaire de ce gage en était devenu propriétaire et avait l’obligation de la restituer si le débiteur exécutait son obligation. La réforme de 2021 a conféré une qualification qui soit plus conforme à la réalité juridique.
SECTION II : La cession de créance à titre de garantie
La cession de créance est l’opération par laquelle le titulaire de la créance la cède à une autre personne. Avant 1980, il était interdit de lui donner une fonction de garantie. L’idée était pour les banques d’acheter une créance en la revendant plus chère ou en recouvrant un montant supérieur au prix d’achat. Le créancier devient cessionnaire définitivement et, à partir de là, il peut poursuivre le débiteur car le cédant a disparu du schéma. Cela ne suppose pas l’accord du débiteur cédé mais simplement qu’il soit informé de l’opération, lequel peut opposer au cessionnaire les mêmes moyens de défense qu’il aurait pu opposer au créancier cédant.
§1. La cession Dailly
En 1981, la loi Dailly introduit en droit français la cession de créance à titre de garantie en la réservant aux rapports entre des entreprises et des banques. Par exemple, une entreprise a plusieurs débiteurs et des portefeuilles de créance. Elle transmet à sa banque un bordereau qui identifie les créances sur les débiteurs. Le débiteur emprunte 20 000 € et affecte en garantie toutes ses créances au lieu de les nantir. La réforme permet de céder ses créances au créancier. Le banquier en devient propriétaire. S’il ne fait rien, les débiteurs vont payer leur créancier initial. Dans la majorité des cas, le banquier notifie les débiteurs cédés et, à partir de la notification, les débiteurs informés ne peuvent valablement payer que la banque. Enfin, la banque peut demander l’acceptation de la cession par le débiteur. Si le débiteur (client) accepte la cession, il renonce à opposer au banquier cessionnaire toutes les exceptions qu’il était en droit d’opposer au créancier initial. Le succès est en grande partie liée à la portée reconnue à cette cession Dailly en cas d’ouverture d’une procédure collective. En effet, dans la mesure où le créancier est propriétaire, on a considéré avec raison que l’opération de cession n’était pas affectée par l’ouverture de la procédure collective du cédant. Puisque cette cession est à titre de garantie, elle est temporaire. Il s’en déduit que si le débiteur exécute son obligation envers le banquier, les créances ont vocation à être retransmises de plein droit au cédant.
§2. La cession de créance à titre de garantie de droit commun
À l’occasion de la réforme du 15 septembre 2021, le législateur énonce dans un nouvel art.2273 c.civ que la propriété d’une créance peut être cédée à titre de garantie. On étend le régime de la cession Dailly à toutes les créances et à toutes les parties sans utiliser le bordereau. On reprend le schéma de la cession de créance tout en prévoyant que la cession est temporaire. Si le créancier exécute son obligation, la créance cédée a vocation à retourner de plein droit dans son patrimoine.
§3. La différence entre la cession de créance à titre de garantie et le nantissement
Le mécanisme de la cession de créance à titre de garantie ressemble beaucoup au nantissement. En présence d’un nantissement, le créancier n’acquiert pas la propriété de la créance. C’est le débiteur qui conserve la propriété de la créance. Le constituant reste le propriétaire de la créance. Or, dans la cession à titre de garantie, le créancier cessionnaire devient titulaire de la créance.
S’agissant de leur efficacité, les deux opérations sont comparables mais leur efficacité ne résulte pas de la même technique. Ainsi, le nantissement confère un droit de rétention au créancier nanti. Dans la cession de la créance à titre de garantie, l’efficacité résulte du droit de propriété temporaire conféré au créancier.
SECTION III : La fiducie-sûreté
La fiducie-sûreté est une variété de la fiducie introduite lors la réforme du 19 février 2007. Jusqu’alors, le législateur était réservé car la fiducie pouvait avoir plusieurs fonctions (libéralité, sûreté et gestion). Or, la fiducie-libéralité pouvait être un instrument d’ingénierie patrimoniale pouvant mener à la fraude fiscale. Une opportunité a été saisie en 2007 et le législateur a consacré le fiducie répondant aux praticiens qui souhaitaient avoir un modèle comparable au trust ou à la fiducie allemande.
Il ressort de l’art.2011 c.civ que « la fiducie est l'opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires ».
La fiducie est une sûreté originale car elle peut porter sur tous types de biens. Les parties peuvent modifier librement le régime de la sûreté. Le constituant transfère en propriété des biens à un fiduciaire qui les inclut dans un patrimoine fiduciaire. Le fiduciaire gère ces biens conformément aux prévisions de la convention de fiducie. La spécificité de la fiducie-sûreté est que le fiduciaire s’engage à transférer les biens au créancier si le constituant est défaillant. Si le créancier peut être fiduciaire, l’opération ne comporte que deux personnes. Le contrat de fiducie fixe le régime.
Il peut y avoir une fiducie avec dépossession ou sans dépossession, rechargeable ou non rechargeable. L’intérêt majeur du régime apparait lorsque s’ouvre une procédure collective. Dans la mesure où le créancier est propriétaire, il ne subit pas les conséquences de la procédure collective. Néanmoins, lorsque s’ouvre une procédure collective de redressement ou de sauvegarde et en présence d’un bien utile à l’activité de l’entreprise, la fiducie sans dépossession est limitée.
Or, il est fait un usage très restreint de ce mécanisme. En effet, il existe beaucoup d’autres sûretés simples à constituer et qui sont parfaitement adaptées. En outre, l’organisation de la fiducie est assez complexe et onéreuse. C’est la raison pour laquelle elle n’est utilisée que lorsque le montage est complexe et que la sûreté doit porter sur de biens divers.